1994 - Senna disparaît à Imola.
Le ciel est d'une pureté immaculée. Le joli mois de mai
est venu dans la nuit. La veille, un homme est mort. Le débutant
autrichien Roland Ratzenberger a fracassé sa monoplace sur un
mur du circuit d'Imola. Il a été tué sur le coup.
Ayrton Senna, qui vient d'arrêter pour la
soixante-cinquième fois sa monoplace sur l'emplacement de la
pole position, ne peut pas oublier les images de cette mort en direct.
Quelques semaines plus tôt, lors du premier Grand Prix de la
saison, le Brésilien avait été l'un des rares
à aller saluer le nouveau venu. Il lui avait souhaité la
bienvenue dans le cercle tres fermé des pilotes de Formule 1.
Avant de prendre le départ de cette troisième course de
la saison, Senna a glissé un drapeau autrichien dans sa poche.
Sa motivation se cache dans cet hommâge qu'il espère
rendre à l'infortuné pilote toute à l'heure,
pendant le tour d'honneur, en brandissant le drapeau rouge et blanc de
l'Autriche. Puis Senna se replonge dans la concentration. Après
quelques tours de chauffe, il a arrêté sa Williams sur la
grille. Ce perfectionniste n'est pas tranquille. Ce galop d'essai n'a
pas répondu à toutes ses interrogations. Le comportement
de sa monoplace ne le satisfait pas. Il reste assis dans le cockpit de
sa machine, mais, pour une fois, il a enlevé son casque. Les
yeux clos, il cherche quelques instants de paix.
Un coup de trompe retentit et le sort de sa torpeur. Les gestes sont
familiers. Senna ajuste ses boules-quies dans ses oreilles, enfile sa
cagoule, remet son casque et assure le serrage de son harnais.
Maintenant , il fait corps avec sa Williams-Renault. Un peu avant 14h,
le peloton est lâché pour le tour de formation. Et c'est
le départ... dans la confusion ! Au milieu du peloton, une
voiture a calé, ce qui provoque un accrochage
spéctaculaire. La piste jonchée de débris impose
l'intervention de la voiture de sécurité.
Senna, quelques secondes avant l'accident - ©ayrton-senna.com
Dans le sillage de la Williams, Michael Schumacher a nettement vu la
monoplace du Brésilien talonner violemment sur les imperfections
de la piste italienne ; après avoir coupé la ligne, la
monoplace du Brésilien quitte la trajectoire idéale.
Instinctivement, Senna baisse la tête et cherche la raison de la
défaillance de son tableau de bord. Il a déjà
freiné. Tres fort. En moins de 80m, sa monoplace perd pres de
100 km/h malgré le survol d'une portion d'herbe et de
poussière. Le régime moteur est complétement
retombé. Derrière la visière de son casque, Senna
voit le mur vers lequel il fonce. Son pied droit quitte la
pédale de frein pour écraser à nouveau
l'accélérateur pendant deux dixièmes de seconde.
En perdition, Senna n'a pas cessé de se battre avec son volant.
Plus tard, l'enquête accusera une rupture de la colonne de
direction. La Williams-Renault n° 2 percute le mur extérieur
de Tamburello à plus de 200 km/h moins de treize secondes
après avoir franchi la ligne de chronométrage. C'est un
élément de suspension qui blesse mortellement Senna
à la tête en traversant la coque de son casque à
hauteur du front. Quand l'épave désarticulée
s'arrête au bord de la piste, on aperçoit nettement le
beau casque jaune bouger, puis s'immobiliser, pour toujours. La mort
emporte l'un des plus grands pilotes de tous les temps. Il est 14h18
à Imola, et le ciel est toujours aussi radieux.