La chasse aux adverbes

Nombreux sont les adverbes qui peuvent être éliminés en remplaçant le verbe concerné par un autre plus précis. Les seuls adverbes à conserver seraient ceux dont on ne saurait se passer, à savoir ceux qui modifient la manière et l'essence d'un verbe vers quelque action si précise qu'il n'existe aucun terme pour l'exprimer, sinon un verbe x adjoint à un adverbe y.

Autrement, l'adverbe abusif a pour effet d'alourdir le texte par un effet de ralentissement du rythme de lecture, sans pour autant contribuer au sens profond. Aussi, les adverbes manifestes, ceux qui qualifient une action x et qu'on reconnaît à la particule “ ment ”, peuvent devenir l'objet de discrimination et suffire à eux seuls à ce qu'un texte z soit rejeté.

Considérez enfin, à titre d'exemple, le texte suivant :

Je craignais franchement qu'elle ne se rembrunît dans l'appartement. Il n'en fut absolument rien. Complètement emplie d'énergie et d'esprit de décision, elle voulut instantanément remettre les meubles en place une fois pour toutes. Deux heures y passèrent et le résultat de tant d'efforts ne fut manifestement pas heureux.

Bien entendu, le passage cité ci-dessus a été trafiqué pour illustrer la non-nécessité des adverbes de manière. Voici la version réelle du passage, telle que publiée :

Je craignais qu'elle ne se rembrunît dans l'appartement. Il n'en fut rien. Emplie d'énergie et d'esprit de décision, elle voulut remettre les meubles en place une fois pour toutes. Deux heures y passèrent et le résultat de tant d'efforts ne fut pas heureux.
André Langevin, Poussière sur la ville, Saint-Laurent, Pierre Tisseyre, 1953, p. 37.

(2007)