La guerre de l'être

Le verbe “ être ” en est un parmi ceux dont on ne saurait se passer, ne serait-ce que pour sa fonction d'auxiliaire. Il figure néanmoins parmi les verbes dont il faut se méfier, car l'abus d'être tend à marquer une faiblesse sinon une facilité langagière, surtout lorsqu'il est employé pour introduire un attribut.

L'astuce pour contourner l'attribut consiste à rendre à la proposition une forme active, et à colorer cette proposition en mettant en scène ce qu'on veut montrer, plutôt que s'en tenir à la forme passive induite par l'être.

Par exemple, pour exprimer que x “ est ” grand, on peut dire qu'il a coutume de se heurter la tête sur les linteaux des entrées, ou de s'évacher de sa pleine longueur sur les sièges tant ses jambes ont l'allure de béquilles.

Cette manière de raconter permet de constituer un personnage coloré, en lui donnant une personnalité à travers des difficultés à vivre en raison de cette particularité physionomique. S'abstenir de dire que x “ est ” grand ne signifie pas que ce message ne fût pas compris. Mais au lieu de le dire, par la mise en scène, le lecteur aura davantage de latitude pour s'inventer le personnage x à la mesure qu'il désire, de le constituer dans son imaginaire, et de s'investir en lui comme étant sa propre création.

(2007)