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L'autre  : le “ je ” fantôme

J'en arrivais l'autre jour à de nouvelles préoccupations, de nouvelles révélations. Cette impression par exemple de sentir la présence de l'autre.

Qui est l'autre ?

Peut-être y verrait-on quelque signe de schizophrénie, mais je ne pense pas, car le clivage entre le réel et le non réel demeure pour moi distinct. Cela dit, l'autre, je le sens.

Je le sens lorsqu'il essaie de prendre parole, et que je lui refuse l'espace qu'il réclame. L'autre : instinctif, intuitif. Nous versons ici dans le pagisme, présumant que c'est cet autre qui se manifeste dans et par la création littéraire. Ça, je ne saurais l'expliquer. Je n'en ai même pas la certitude. C'est une question de foi, de fiance : engagement dans une démarche littéraire où une autre part de moi a aussi son mot à dire, où il n'en tient qu'à moi de l'écouter, de lui céder place.

Écrivant cela, je ne suis même plus certain s'il s'agit bien de / du moi qui dis / dit “ je ”. Parfois les révélations m'apparaissent si… bienvenues, si… impromptues, que j'ai l'impression qu'il s'agit là de la manifestation de quelque intelligence inconsciente, émotive pour ne pas dire émotionnelle, qui s'exprime à travers moi. En pleine (dé)possession, ce qui me rappelle ce qu'en écrivait Musset :

On n'écrit pas un mot que tout l'être ne vibre.
(Soit dit sans vanité, c'est ce que l'on ressent.)
On ne travaille pas — on écoute — on attend.
C'est comme un inconnu qui vous parle à voix basse.
Alfred de Musset, « La coupe et les lèvres », in : Spectacle dans un fauteuil, 1833.

Reconnaître une telle part ouvre à toute une dimension psychanalytique du littéraire, dont je n'ai à dire pour le moment que des impression. Je me complais néanmoins dans ce désordre, cette dualité souvent paradoxale, même si les paradoxes se révèlent toujours conciliables (d'où naît un nouveau paradoxe, mais… bon…)  Dans cette dualité, on peut voir quelque manifestation et révélation du fantôme “ littéraire ”… disons… qui nous habite(rait).

Par l'écriture, à travers l'écriture, j'apprends à connaître (et à reconnaître, et à renaître… en) cette autre part de moi, cette part qui pense et qui dit “ je ” pour révéler certaines choses que je ne pensais pas au départ, mais que je m'approprie pour en faire des vérités, mes vérités. Je suis, par conséquent, dépendant du “ je ” en tant que représentation ou image textuelle d'un état de pensée, dont je suis (au sens d'être et de suivre) le mouvement.

Ce mouvement du “ je ”, je m'y conforme, je l'épouse pour m'y fondre, si bien qu'en somme, malgré l'écart, la distance exigée par la forme, il y a proximité — nouveau paradoxe. Je peux aussi affirmer que ce “ je ”, je l'endosse, j'en assume la responsabilité. Je ne crains pas la confusion qui peut naître d'une telle… fusion, car j'ai foi en ce “ je ”, dans lequel je perçois (j'entends) une parole véritable, une voix résidente.

(2003-2007)

 

 

©  Yann Ropers, 2003-2008

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