Et même si nous ne sommes pas tous des Rimbaud

Nous ne sommes pas (tous) des Rimbaud.

Il faut accepter consentir à ce que nos premiers textes, nos premiers livres, ne soient pas aussi parachevés que nos derniers, mais qu'ils témoignent, chacun malgré tout, du stade où l'on est rendu.

Qu'on ne se retienne pas d'écrire prétendant qu'on n'a rien (de bon) à dire, parce qu'on est trop jeune, et qu'on écrira plus tard, passé le stade de la quarantaine, quand on aura du vécu. Pour moi, il sera peut-être alors trop tard — désenchantement, obligations terre-à-terre, décès… De toute manière, j'ai la conviction que si nous ne nous adonnons pas à l'écriture dans la dizaine ou la vingtaine — le plus tôt le mieux —, les probabilités d'y verser plus tard sont très faibles.

Comme rappelle Jacques Forest, professeur en comportement organisationnel à l'École des sciences de la gestion de l'UQÀM :

« J'ai connu quelqu'un qui disait tout le temps qu'il écrirait des livres une fois à la retraite. Il ne l'a jamais fait. Je crois qu'une personne se leurre de penser qu'une fois à la retraite, elle fera ce qu'elle a vraiment envie de faire, si elle n'a pas investi l'énergie nécessaire pour y arriver durant sa vie active. »
Paroles rapportées par Ariane Gagné, « Connaissez-vous le flow ? », in : L'itinéraire, Montréal, vol. 14, nº 19, 1er octobre 2007.

J'évoque Rimbaud. Je ne suis pas spécialiste de Rimbaud. J'ai même eu de la difficulté avec Rimbaud. J'ai quand même lu Rimbaud, et je dois admettre que bien qu'il ait écrit jeune et peu, il a introduit / produit quelque chose d'unique. « Mouvement », in : Illuminations, par exemple… Cela me dépasse.

Si l'on s'arrête à exiger vouloir de nous-mêmes l'équivalent du génie rimbaldien, en si bas âge surtout, nous n'écrirons peut-être jamais. Il faut écrire un premier livre pour en écrire un second, et accepter que le premier constitue un repère échelon de notre évolution, pour que nous puissions faire un pas devant, un pas plus haut, et passer au stade suivant.

Mieux vaut faire ses “ erreurs ” jeune et apprendre par ses erreurs, que d'attendre d'être “ vieux ” et certain de ne pas en faire… et n'oser rien de peur d'en faire… ou n'être plus intéressé. Tout humain ne naît pas écrivain, mais quiconque s'y met et y travaille surtout peut le devenir. À chacun sa passion.

(2003-2007)