Le casse-croûte

Il y a ces jours où je me sens un peu déprimé. J'admets que c'est en partie en raison de mon travail gagne-pain (casse-croûte). Quand j'écris, par contre, j'ai l'impression d'accomplir quelque chose. Alors je me sens mieux. On peut dire, en ce sens, que j'ai d'assez bonnes habitudes, dans la mesure où je m'investis dans ce “ travail ”. Je m'investis dans l'écriture, ou encore : j'investis l'écriture.

Il y a quelques années, l'une de mes collègues de travail (casse-croûte) m'a dit : « Tu ne vas quand même pas rester ici le reste de ta vie ? »  J'ai répondu : « Pourquoi pas ? »  J'étais alors étudiant en maîtrise et j'amorçais la rédaction de mon mémoire. Aujourd'hui, je tiens des propos un peu plus… disons… réalistes. Mon casse-croûte, (pour) aussi peu reluisant soit-il, constitue l'un des moyens dont je dispose (que je me suis donné(s)) pour avoir cette liberté (d'écrire).

Aussi faut-il aimer ça, écrire, pour consentir à cette “ petite misère ”, pour ne pas dire “ pauvreté ”, alors que je pourrais gagner plus d'argent. Mais l'argent m'importe peu, pourvu que j'aie de quoi subsister. Je préfère exister. Ce que j'aime faire, je le fais déjà : j'écris. Peut-être serait-il plus juste de dire : je m'écris, autrement dit je (me) constitue une identité à travers l'expression de tout ce qui m'habite, et cela donne un sens à ma vie.

(2003)