Une femme qui n'écoute pas

Un jour j'ai vu une femme qui n'écoutait pas, le genre à qui il faut répéter plusieurs fois la même chose, et même alors nous ne savons pas si le message a bien été compris, bien entendu. Cette femme voulait se rendre à la Place Portobello. Elle avait entendu dire que deux bus passaient par là : “ la 44 ” et “ la 90 ”. Le chauffeur lui a expliqué, de plusieurs manières et à plusieurs reprises, que :

• La fin de semaine, il n'y a que “ la 45 ” qui traverse le pont et se rend à Brossard ;
• De là, il serait préférable de prendre “ la 49 ” plutôt que “ la 44 ” ou “ la 90 ”, cette dernière n'étant en service qu'aux heures de pointe.

La dame n'écoutait pas. Elle a quand même fini par monter à bord, bien qu'en état de fermeture. Sur-le-champ j'ai pensé aller lui dire (ou répéter) qu'il vaudrait mieux qu'elle prenne “ la 49 ”, mais je me suis ravisé, pensant : « Merde ! quand on est pas capable d'écouter, on mérite de se perdre ! »

De là j'en suis venu à réfléchir sur le texte littéraire, dans l'écriture comme dans la lecture. Pour s'y comprendre, il faut être à l'écoute, en état d'ouverture, sans quoi, comme cette femme, on risque de se perdre, de s'égarer — les repères n'étant pas toujours… évidents.

En ce qui concerne cette femme, cependant, compte tenu que les bus 44 et 49 partagent le même arrêt, peut-être qu'elle se rendra à destination malgré tout.

(2003)