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La place du “ je ”

Je dois admettre que, lorsque je voyage par autobus ou par métro, il y a certaines… libertés que je n'accorde pas. Celle, à titre d'exemple, qui admet qu'on lise par-dessus mon épaule. Je déteste cela. Lorsque je sens le regard d'un voisin de banc tourné en direction de mon carnet, je change d'alphabet, j'écris en runes, en araméen. Cela semble mystifier les gens, dans la mesure où je les amène à croire que je connais des langues étrangères — de vieilles langues d'ailleurs — cependant que je ne suis, en réalité, familier qu'avec les phonèmes (ou signes phonétiques) de ces langues. Enfin, je ne le fais pas tout à fait pour impressionner, mais plutôt pour garder mes propos bruts pour moi.

Pourquoi n'aimé-je pas qu'on lise ce que j'écris ?  Peut-être parce qu'il y a là un je qui dit « je », et que ce je dit et dévoile ce que je pense, ce qui revient à dire qu'en un sens j'écris d'abord pour moi. Puis, lorsqu'un texte est dévoilé dans une forme plus ou moins achevée (ou parfaite), même si le je persiste, ce je n'est plus moi.

Quand donc survient ce clivage, ce détachement ?  Je ne saurais l'expliquer tout à fait. Il demeure qu'on pourrait croire à une forme de pudeur dans mon exposition publique de l'écriture, ce qui, sans être paradoxal, m'anène à me questionner davantage sur la place (ou l'espace) que je concède au je dans ma propre vie, comme dans l'écriture.

(2003)

 

 

©  Yann Ropers, 2003-2008

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