Distinction entre “ écrire ” et “ écriture ”

Écrire pour moi est un peu à l'image de faire l'amour (avec les mots), alors que l'écriture se rapproche davantage d'un mode de vie, de pensée, d'une relation avec soi-même — ce qui se passe à l'intérieur. En ce sens, l'écriture est vaste — elle ne se résume pas à l'acte d'écrire, pas plus qu'une relation de couple n'est que fornication, du moins pas comme je l'entends.

Écrire pour moi revient à expérimenter ou mettre en forme un rapport d'intimité, de proximité, avec échanges corporels, considérant le texte non seulement dans sa dimension structurelle (ou structurale), mais aussi en tant que corps habité par une entité pourvue d'une parole, d'une voix, parfois à l'état brut. Ce corps — je le dis ailleurs —, on peut voyager à travers lui ; du moins il invite au voyage.

Écrire est un acte, une manifestation de l'écriture qui traduit ces choses vagues dont les termes seuls, isolés, ne suffisent pas à tout dire : contentement, bonheur, joie, haine, révolte. Acte de fornication, échange dans une relation, contact au terme duquel nous demeurons marqués ou meurtris. Nous en gardons des traces, des empreintes : la coulée des sécrétions, les marques de morsures, les empreintes des doigts, les écorchures laissées par le passage des ongles écornés, les odeurs de la chimie sudorifique, les battements tout au centre.

(2003)