Je n'aime pas le mot "grimace". Il est laid.


Louis de Funès par Sam Levin

Louis de Funès a accordé des dizaines d'interviews au cours de sa carrière. On a dit que cet homme timide et hypersensible les avait en horreur. Pourtant, il pouvait se confier avec une franchise et une générosité exemplaires s'il se sentait en confiance. Voici quelques-uns de ses propos les plus mémorables.

L'AMOUR ET L'AMITIÉ

Je vis par l'amour et pour l'amour. Je m'estime chanceux d'avoir l'amour de ma femme et de mes deux enfants et de pouvoir respirer et vivre de cet amour. Je me demande comment font les gens qui vivent sans amour. Ceux que j'aime sont mon inspiration quotidienne pour me dépasser et réussir humblement dans ce que j'ai entrepris. (date inconnue)

C'est beau l'amitié, mais je n'ai pas beaucoup d'amis. Je travaille si fort que que j'ai besoin de me retrouver souvent avec les miens. Le métier est si accaparant et il devient peu à peu essentiel, alors que pour moi, l'essentiel demeure ma vie familiale, ma femme et mes enfants. J'ai beaucoup d'amis comme ça, mais très peu de grands amis. J'ai de grands amours plutôt: ma femme, mes enfants et le public. (date inconnue)

L'ARGENT

Il en faut, c'est indispensable. Mais je mène un train de vie assez humble et j'ai la même maison depuis 20 ans. Je roule dans une petite voiture qui ne consomme pas beaucoup d'essence. Je n'aurai jamais le temps de dépenser tout l'argent que j'ai gagné au cinéma. Je n'aurais pas le temps de vivre alors.
(date inconnue)


Obsédé par l'or et l'argent
dans La Folie des grandeurs de Gérard Oury

LA BÊTISE

Ce qui m'amuse à reproduire, c'est la bêtise, j'aime la bêtise, le non sen-sens de la bêtise. N'importe qu'elle bêtise? Non, vous avez raison. La bêtise n'est pas drôle. Souvent, ce qui est drôle, c'est la bêtise autoritaire. En ce moment, par exemple, je joue le rôle d'un général. Je me régale! (Le Point, 1973)

BOURVIL

Bourvil, c'était un diamant bleu, une force comique pleine de tendresse et d'humour pour laquelle je ne pouvais avoir qu'estime et admiration. Nous nous stimulions mutuellement, et je constate chaque jour à quel point il me manque.
(France Soir, 1973)


Avec Bourvil dans La Grande Vadrouille

Je suis prêt à descendre dans la rue
pour demander qu'on préserve la nature.

L'ÉCOLOGISTE

Cette année (1970), j'ai arrêté tous les insecticides, herbicides et autres engrais chimiques. Je fais moi-même mon engrais avec des algues. Le résultat est formidable. Depuis cinq ans, je n'avais pas vu un coccinelle dans mon jardin. Or cette année, il y en a des milliers. Chose très rare aussi, j'ai j'ai revu un scarabée. Les insectes reviennent. Les oiseaux vont revenir. Les hommes politiques ne font que des discours dans ce monde gonflé comme un beignet. Le parti qui défendra la nature sera celui de demain qui recrutera le plus de membres. Je suis prêt à descendre dans la rue pour demander qu'on la préserve. (septembre 1970)

LA JALOUSIE

Mon pire défaut, c'est la jalousie, j'entends cette jalousie maladive qui vous tord l'estomac. Maintenant, j'ai réussi à la dominer un peu. Mais autrefois, c'était atroce. Je me souviens qu'un jour un de mes amis jouait dans une pièce qui marchait et moi dans une pièce qui ne marchait pas. Eh bien, j'éprouvais à son égard un sentiment d'une épouventable laideur. D'année en année, je suis parvenu à réduire la durée de cette jalousie: deux jours, puis un, et maintenant c'est une question de minutes. Quand je sens venir l'attaque, je lui tords le cou, mais je suis encore parfaitement capable de mimer cela. (vers 1966)

JEANNE DE FUNÈS

Ma femme ne ressemble en rien aux femmes de vedettes. Elle vit cachée. On la voit rarement parce qu'elle n'aime pas sortir dans des endroits à la mode. Elle déteste qu'on vienne nous regarder sous le nez pour voir à quoi nous ressemblons. Non, elle vit chez elle, elle mène son existence de femme d'intérieur. En ce moment, elle fait la cuisine et le ménage, car nous sommes sans domestique. Il est de plus en plus difficile d'en trouver. Comme les bons scénarios! (date inconnue)

Je me demande comment elle a pu faire pour me supporter pendant tant d'années, moi et mes sautes d'humeur. C'est par sa douceur qu'elle a réussi à me rendre calme. Je suis vraiment heureux de l'avoir rencontrée. Pas une seule fois, je me suis reproché de l'avoir épousée. (idem)

Ce qui me comble le plus, c'est de pouvoir lui offrir tout ce qu'une femme peut désirer. Je trouve que rien n'est trop beau pour elle. Et pourtant, elle a un défaut. Ou une qualité. Ça dépend des gens. Elle serait plutôt économe que dépensière. Elle déteste le gaspillage. (idem)

Si je m'absente plus de 48 heures, hop, un fleuriste de mon quartier lui apporte, de ma part, une rose rouge. Chaque matin! Jeanne aime les roses rouges, c'est sa fleur préférée. Nous avons tant de points communs tous les deux. Par exemple, nous détestons la foule. Nous en avons peur. Les gens sont si méchants. Ils n'y peuvent rien, c'est dans la nature humaine. J'en ai suffisemment souffert pour qu'aujourd'hui je puisse vivre caché avec ceux que j'aime. (idem)


Avec Claude Gensac
dans Le Gendarme se marie

 

MENSONGES

Avec le temps, je suis devenu un faux-jeton. J'ai appris à ne pas toujours dire ce que je pense. C'est dommage, mais que voulez-vous que j'y fasse? Avant d'être célèbre, je ne mentais jamais! Maintenant, cela m'arrive. (date inconnue)

LA MORT

La mort, c'est bête et affreux. Je ne sais si c'est à cause de mes origines espagnoles et latines, mais je suis obsédé par l'idée de la mort. Je ne l'accepterai jamais. Nous sommes pleins de capacités et de puissance, nous rêvons de réaliser des grandes et petites choses, et subitement tout s'arrête. Il faut croire croire en la vie après la mort pour comprendre le sens de la vie. Mais je crois plutôt à mon passage sur terre. (date inconnue)

OURY (GÉRARD)

Pour moi, Gérard a été beaucoup plus pour moi que Pagnol ou Giono pour Fernandel. Parce que lui, en plus, il me dirige un peu, comme mes parents le feraient. Parce que je suis un peu un garnement, gentil, mais quand même un galopin qui se laisserait facilement avoir par un beau petit contrat. Vous comprenez? Alors Gérard m'interdit, par exemple, de tourner des films n'importe comment. (Le Point, 1973)


Avec Henri Guybet dans
Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury

SES PARENTS

Je n'ai jamais su ce que mon père était venu faire en France. Mon père et ma mère étaient tous les deux espagnols. De très bonne famille. Mon père était avocat à Madrid et puis ils sont venus à Paris... Il était un peu fantasque, mon père. Il était plus grand que moi, blond avec des yeux bleus, il avait beaucoup d'humour, l'humour andalou, je ne sais pas si vous connaissez ça? L'humour andalou ressemble un peu à l'humour anglais: un humour à froid, avec trois mots, mais des mots qui sont comme des hachettes. Et c'était très drôle. (Le Point, 1973)

Ma mère était encore plus drôle. Quand on dit que moi, je fais des grimaces, mais je suis un marbre à côté de ma mère, un marbre! Parfois, il y avait des séances terribles en famille, quand mon carnet scolaire n'était pas bon, par exemple, qu'est-ce que je prenais! Elle me courait après dans tout l'appartement... Vous savez, c'est ma mère qui a été mon professeur de comédie, sans s'en douter. Je le dis toujours. Ce que je fais en scène, on peut dire que pour les deux tiers à peu près, c'est ce que faisait ma mère. Mais, finalement, elle s'apercevait que sa colère était comique et soudain elle en riait... Je me souviens d'un jour, dans la chambre, où il s'est passé quelque chose de très insolite. Au milieu d'une scène, elle a failli éclater de rire et puis elle a réalisé qu'elle était si en colère après moi qu'elle ne pouvait pas se permettre de rire. Mais il y a eu une seconde très drôle. (idem)

Ma mère, elle était très bonne et très intelligente. Elle était simplement un peu "soupe au lait". (idem)

LE PÈRE ET LE GRAND-PÈRE

[Je veux] m'arranger pour que mes enfants ne connaissent pas ces difficultés qui font qu'un homme - et ce fut mon cas - ressente sa première grande joie à trente ans, parce qu'il peut avoir le gaz chez lui. C'est bien le gaz! Mais il y a d'autres joies sur cette terre. (septembre 1970)

Je suis grand-père. Oui, mon fils Daniel, issu d'un premier mariage, a deux enfants. Il se débrouille bien, il travaille dans la publicité. J'avais 22 ans lorsque je me suis marié pour la première fois. J'étais jeune, impulsif. Ce n'était pas une bêtise, mais ça c'est tout de même terminé par un divorce. (date inconnue)

LE PERSONNAGE COMIQUE

J'ai parfois très peur de ressembler à ce de Funès que je vois à l'écran lorsque j'assiste à la première d'un de mes films. J'ai la crainte d'être vil, par exemple. Et c'est vrai qu'il m'est arrivé de me comporter dans la vie tel qu'on m'aperçoit dans mes films. De faire des ronds de jambes... (septembre 1970)


Avec Michel Galabru
Le Gendarme se marie

LE PUBLIC

Le public, pour un acteur, c'est la force du sang qui coule dans ses veines, c'est tout. Sans l'amour du public, aussi bien faire autre chose! (date inconnue)

Oui, j'aime le fait d'être connu et aimé de beaucoup de gens. Au départ, cela m'effrayait un peu. Je sentais que l'on empiétait sur mon terrain, mais maintenant, je l'accepte comme un hommage, comme une sorte de passion. Et c'est merveilleux. (date inconnue)

TICS ET GRIMACES

Je ne suis pas dupe, dit-il. Si je ne me renouvelle pas, le public attrapera une indigestion de de Funès. J'ai déjà mis un frein à certains de mes tics et à mes grimaces. Demain, eh bien! je me transformerai du tout au tout. J'ai la tête pleine de projets... (septembre 1970)

J'en ai fait des kilos [de grimaces] dans ma carrière, c'est vrai. Mais il n'empêche que ces grimaces n'ont jamais été tout à fait gratuites. C'était un moyen comme un autre de caricaturer des défauts; les miens et ceux des autres. (septembre 1970)

Je n'aime pas le mot grimace. Il est laid. (Le Point, 1973)

Vous ne vous êtes jamais mis devant une glace pour vous voir? Du tout, du tout, du tout. Je fais des expressions qui viennent d'ici. (LdF pose sa main à hauteur de son diaphragme.) C'est où, "ici"? C'est le plexus solaire? C'est ça, c'est l'intérieur. Si ça part de l'intérieur de là, votre regard sera juste. Tandis que si on compose le regard avec l'intérieur vide, il n'y a pas de regard. C'est Michel Vitold qui m'a appris ça quand je j'ai voulu être comédien et qu'il me faisait travailler. (idem)

 

SA TIMIDITÉ

Bien sûr, mon nom fait trembler les assureurs lorsque je signe un contrat : je vaux une fortune. Pourtant, je n'ai guère changé. Je suis resté timide comme à mes débuts. À la moindre occasion, je rougis, je transpire et je bafouille. Je suis pris d'une irrésistible envie de fuir. Au fond, je suis un triste et je crois que si je réussis dans le comique, c'est justement parce que je fais tout pour me sortir de cette tristesse. Et si je suis agressif, c'est uniquement par timidité. Oui, je suis un monstre de timidité. (date inconnue)

Souvent, c'est [Jeanne] qui décrochait le téléphone pour me trouver un emploi. (...) Sans elle, il y a bien longtemps qu'on entendrait plus parler de Louis de Funès! (vers 1970)

LE TRAVAIL

Le mot "travail"? Ce que ça représente pour moi? C'est très simple, je ne vis que pour lui. Le matin, je me lève vers 6 heures et demie pour répondre à mon courrier, régler les affaires courantes, examiner les propositions qui me sont faites. Je suis au courant de tout, rien ne m'échappe. À midi, durant le déjeuner, on discute métier en famille. L'après-midi, bien souvent, je répète. Le soir, je joue et lorsque je me couche, je me livre à une autocritique. Je suis comme ça et rien ne me changera. (vers 1970)

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