ðH geocities.com /davidpavoncuellar/manque.htm geocities.com/davidpavoncuellar/manque.htm .delayed x ú¬ÕJ ÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÿÈ à®£ eÕ OK text/html pXtá eÕ ÿÿÿÿ b‰.H Wed, 14 Dec 2005 17:31:39 GMT ¥ Mozilla/4.5 (compatible; HTTrack 3.0x; Windows 98) en, * ÷¬ÕJ eÕ
Ce qui manque dans le deuil et pour le
desir :
de l’objet d’amour de freud à l’objet a de lacan
David Pavón Cuéllar
Version d’un article publié dans la Revista da Faculdade
de Letras da Universidade do
Porto, II, N°18, Porto, 2001, pp.
189-208.
«Le secret de la vie est dans les tombes closes.»
Leconte de Lisle, 1886
« L’objet de la psychanalyse — à suivre
Lacan — n’est pas l’homme; c’est ce qui lui manque, — non pas manque absolu,
mais manque d’un objet »[1].
L’objet de la psychanalyse n’est alors que l’objet qui lui manque à l’homme. Si
l’on juge d’après tel critère, dans le présent article nous traiterons
directement de l’objet de la psychanalyse. Pour cela, nous examinerons et
comparerons plusieurs conceptualisations, élaborées dans le champ de la théorie
freudienne, de cet objet qui manque, particulièrement dans la mesure où il
intervient, où il entre en jeu en
manquant, dans le deuil et pour le désir.
Entre les conceptualisations de l’objet de la
psychanalyse, nous allons nous concentrer sur celles de l'objet d'amour de
Freud, Abraham et Lagache, de l'objet interne de Klein, de l’objet d’amour et
de haine de Ferenczi, de l'objet transitionnel de Winnicott, des éléments bêta
et alpha de Bion et de l'objet (petit) a de
Lacan. Nous constaterons que chacune de ces conceptualisations suppose une
distinction ou indistinction particulière entre l'objet — désiré ou
perdu — et le sujet — qui le désire ou qui est en deuil à cause de sa
perte —, ainsi qu'indirectement, entre l'amour et la haine, entre le
manque et l'excès, et aussi, mais sur un plan différent qui implique les
contraires logiques précédents, entre la distinction dans la normalité du deuil
et l’indistinction dans la pathologie de la mélancolie. Selon qu'elles prennent
pour point de départ la distinction — vers l’indistinction — ou
l’indistinction — vers la distinction —, nous situerons chaque
conceptualisation dans une des deux tendances de la théorie freudienne que nous
aurons discernées : une centrée sur l'identification, une autre sur la
différentiation; la première conditionnant l'objectivité et le manque par
l'amour, la deuxième conditionnant l'amour et l'objectivité par le manque;
l'une qui se déroule dans l'impossibilité du manque dans le deuil et qui
aboutit au renversement dont part l'autre tendance, laquelle se déroule dans la
nécessité du manque pour le désir, seule possibilité face à l'impossibilité du
manque dans le deuil, dans le deuil normal, ainsi que dans la pathologie
mélancolique.
1. Point de départ dans le
deuil freudien : manque et excès, objet et sujet, amour et haine.
Pour entreprendre notre
exploration dans la région de la théorie freudienne qui concerne notre sujet,
commençons, tout simplement, par noter qu’il y a deuil puisqu'il y a manque, absence indue ou indésirable, ou
tout simplement déplorable. Ce qui est ainsi absent dans le deuil, d'après le
Freud de 1915, c'est un objet, un « objet aimé » (geliebtes Objekt)[2]
ou « libidinal »[3],
objet pour notre libido ou
« capacité d'amour » (Liebesfähigkeit)[4].
Nous avons donc trois éléments cardinaux impliqués dans le
deuil : le manque, l'objet et l'amour. Au premier abord, nous pourrions,
avec le même Freud de 1915, lier ces éléments par une double relation de
causalité : en premier lieu, ce qui
manque est un objet parce qu'il est aimé[5];
ensuite, l'objet manque parce qu'il est
aimé[6].
En effet, l'objet manque; il fait défaut; il devrait être ici — présent —
lorsqu'il n'est pas ici — lorsqu'il est absent —, parce qu'il est un objet
aimé, un objet qui devrait être ici — un objet dont la présence et
désirable —, de même qu'il est un objet, objet pour un sujet, parce qu'il
est quelque chose d'aimé, d'aimé par un amant. L'amour apparaît de cette
manière, en son sens le plus large et banal, comme la condition sine qua non, non seulement du manque
d'objet, mais aussi de l'objectivité
en soi, pour ainsi dire, comme la qualité de ce qui est objectal, ce qui se
rapporte en psychanalyse à un objet visé par un sujet.
Cette acception freudienne de l'amour dans le deuil, la
seule que nous ayons besoin d'envisager pour le moment, a été admise dans Passagèreté, où l'on peut lire :
« Nous possédons une certaine mesure de capacité d'amour, nommée libido,
qui, dans les débuts du développement, s'était tournée vers le moi propre. Plus
tard, mais à vrai dire très précocement, elle se détourne du moi et se tourne
vers les objets qu'ainsi (wendet es sich vom Ich ab und dem Objekten zu), d'une
certaine façon, nous prenons dedans notre moi (in unser Ich hineinnehmen). Que
les objets soient détruits ou qu'ils soient perdus pour nous, et notre capacité
d'amour (libido) redevient libre »[7].
Ce passage, tout en éclaircissant la signification de l'amour dans le deuil,
soulève deux questions obscures concernant le rapport entre l'amour et l'objet,
la première, et entre l'amour et le manque, la deuxième :
a) L'amour et l'objet.
Si l'objet, qui, pour être objet, doit être aimé, est pris dedans le moi du
sujet amant quand il est aimé, alors nous ne savons plus qu'est-ce que le monde
extérieur pour le sujet, étant donné que l'objet est, dès l'origine, assimilé à
l'extérieur. Le Freud de 1915, ne trouvant pas de solution vraiment
satisfaisante pour ce premier problème, se borne à distinguer deux moments
successifs dans la relation du moi au monde extérieur. Tout d'abord, sous
l'empire des pulsions du moi, « l'être vivant », qui « capte des
stimuli dans sa substance nerveuse », met au compte d'un « monde
extérieur » les stimuli « auxquels il peut se soustraire par une
action musculaire », tandis qu'il situe dans le « monde
intérieur » les stimuli « contre lesquels une telle action demeure
inutile »[8]. De
cette façon se constitue ce que Freud appelle un « signe caractéristique
de la réalité»[9]. Plus
tard, avec l'avènement des pulsions d'objet, « le moi-sujet coïncide avec
ce qui est empreint de plaisir, le monde extérieur avec ce qui est
indifférent » ou « empreint de déplaisir ». Nous remarquons,
donc, un changement « du moi-réel initial, qui a différencié intérieur et
extérieur selon un bon critère objectif, en un moi-plaisir purifié, qui place
le caractère de plaisir au-dessus de tout autre », qui « aime »
tout ce qui est « source de plaisir » et qui
« l’introjecte » au moi, de même qu'il « expulse hors de lui ce
qui, dans son intérieur propre, lui devient occasion de déplaisir»[10].
Ainsi, l'externe, l'objet, coïncide avec le haï, tandis que l'interne, le
sujet, coïncide avec l'aimé[11].
Néanmoins, l'objet « se révèle-t-il plus tard source de plaisir, il est
alors aimé, mais également incorporé au moi»[12].
En tant qu'identification narcissique, cette incorporation, signale Freud,
constitue « un mode de l'amour qui est compatible avec la suppression de
l'existence séparée de l'objet, et qui peut donc être qualifié
d'ambivalent », puisqu'il mêle la haine à l'amour[13].
La haine ne détermine donc pas uniquement ce qui est l'objet, ce qui est
dehors, mais intervient aussi dans la détermination de ce qui est le sujet, ce
qui est dedans. En conséquence, la haine, qui « en tant que relation à
l'objet, est plus ancienne que l'amour»[14],
la haine, et non l'amour, représente, à ce point de vue — qui n'est pas le seul
de Freud —, le facteur le plus déterminant pour l'institution de l'objet,
du monde extérieur. Nous savons, donc, ce que cet objet, ce monde extérieur,
est pour le sujet : c'est le haï. De son côté, le sujet, le monde
intérieur, est ce qui hait, mais également ce qui aime, l'amant, et en outre,
ce qui est aimé et haï, ce qui a été incorporé, introjecté, dévoré, identifié
d'une façon narcissique avec le sujet, c'est-à-dire, un objet. En tant
qu'objet, le sujet est l'objet aimé et haï, tandis que l'objet, comme tel, est
l'objet seulement haï. Or, dans l'état de deuil, où le propre de l'objet est
d'être aimé, cette vision n'est plus valable, puisqu'il n'y a plus aucun signe
distinctif de l'objet ou du sujet qui nous permette de les discriminer :
le premier, aussi bien que le second, se caractériserait par être l'aimé et le
haï.
b) L'amour et le
manque. Si l'objet, qui, pour manquer, doit être aimé, est pris dedans le
moi du sujet amant quand il est aimé, alors nous ne savons plus qu'est ce que
le manque pour le sujet, étant donné que l'objet demeure à l'intérieur du sujet
amant pendant qu'il est aimé par lui. Le Freud de 1915, ne trouvant pas non
plus une solution vraiment satisfaisante pour ce deuxième problème, se borne
cette fois à distinguer le deuil normal et les situations pathologiques,
notamment la mélancolie. Tel que le contraste que Sénèque fait ressortir — dans
sa Consolation à Marcia — entre
une douleur temporaire, « raisonnable et humaine », comme celle de
Livie, et une autre douleur permanente, comme celle d'Octavie, « sorte de
plaisir pervers » qui rendrait Marcia « aussi lasse de vivre
qu'incapable de mourir»[15],
tel que ce contraste, la distinction de Freud, tout d'abord, n'est rien d'autre
qu'une simple démarcation —avec de fâcheuses visées normatives — entre
l'objet aimé qui demeure à l'intérieur du sujet amant, ou la pathologie
regrettable et même blâmable d'Octavie — qui ne veut, dans sa mélancolie, rien
savoir de ce qu'elle a toujours dedans —, et l'objet — aimé ? — qui
ne demeure pas à l'intérieur du sujet — amant ? —, ou la normalité
souhaitable et même louable de Livie — qui veut tout savoir de ce qu'elle n'a
plus dedans, une fois le deuil accompli. Effectivement, selon Freud
— ainsi que selon K. Abraham —, dans le deuil, ainsi que dans la
mélancolie, il y aurait une « réaction à la perte réelle de l'objet
d'amour », mais la mélancolie, contrairement au deuil, supposerait, au
lieu d'un « investissement d'objet », une « identification
narcissique » avec l'objet et la corrélative ambivalence de sentiments
envers lui : « Ce conflit d'ambivalence (...) n'est pas à négliger
parmi les présupposés de la mélancolie. Si l'amour pour l'objet (...) s'est
réfugié dans l'identification narcissique, la haine exerce son activité sur cet
objet substitutif (...). L'auto-tourment de la mélancolie, indubitablement
riche en jouissance, signifie (...) la satisfaction de tendances sadiques et de
haine qui concernent un objet et ont, sur cette voie, subi un retournement sur
la personne propre »[16].
Autrement dit, le moi du sujet mélancolique est identifié avec l'objet absent,
objet de son amour et de sa haine, lequel, en étant identifié à lui, demeure à
l’intérieur de lui pendant qu'il est aimé et haï par lui, par lui en tant que
surmoi, d'après le Freud de la deuxième topique[17].
Au contraire, le moi du sujet en deuil normal n'est pas identifié avec l'objet
absent, objet de son amour et seulement de son amour, lequel, en n'étant pas
identifié à lui, ne demeure pas à l’intérieur de lui pendant qu'il est aimé.
Toutefois, lorsqu'il décrit le deuil normal, Freud affirme que l'objet demeure
à l'intérieur du sujet pendant que la libido, que la capacité d'amour, continue
d’être rattachée à lui : « l'examen de réalité a montré que l'objet
aimé n'existe plus, et édicte dès lors l'exigence de retirer toute libido de
ses connexions avec cet objet (...) Mais la tâche assignée par la réalité ne
peut être aussitôt accomplie. En fait, elle est exécutée en détail (...), et
pendant cela l'existence de l'objet perdu est continuée psychiquement. Chacun
des souvenirs et des attentes, pris un à un, dans lesquels la libido était
rattachée à l'objet, est positionné, surinvesti, et sur chacun est effectué le
détachement de la libido »[18].
Pendant cette activité, qui est qualifiée par Freud comme
« extraordinairement douloureuse », le sujet aime, il aime dans la
mesure où sa libido reste rattachée à l'objet; et il souffre, il souffre dans
la mesure où sa libido se détache de l'objet auquel elle est rattachée; quant à
l'objet, il demeure à l'intérieur du sujet dans la mesure où la libido du sujet
est rattachée à lui. En effet, l'objet, dans le deuil normal, de même que dans
la mélancolie, demeure à l'intérieur du sujet pendant qu'il est aimé par lui.
Nous voyons immédiatement que le manque, défini comme l'absence d'un objet
aimé, un objet dont la présence est souhaitable, ce manque est tout simplement
impossible dans la théorie freudienne ; il est impossible étant donné que ce
qui est aimé ne peut pas être absent s'il est aimé. Pendant le deuil normal, de
même que dans la pathologie mélancolique, l'objet aimé est présent ; il ne
manque pas parce qu'il est présent. Or, lorsque le deuil s'accomplit et que
l'objet est enfin absent, il ne manque pas non plus, car son absence démontre
qu'il n'est plus aimé, que la libido n'est plus rattachée à lui ; que l'objet,
existant grâce à l'amour et à la haine, n'existe plus, n'existe plus à
l'intérieur du sujet, c'est-à-dire — en revenant au problème concernant le
rapport entre l'amour et l'objet —, l'objet n'existe plus en tant que sujet, en
tant qu'objet aimé et haï, objet incorporé, introjecté, dévoré, identifié d'une
façon narcissique avec le sujet. C’est alors la seconde mort, l’irrévocable, après
ou en dessous de ce
« deuil-oubli » — de Franz Hellens — qui « pèse plus
que la pierre et le plomb »[19].
Les deux questions que nous venons d'aborder nous obligent à
reformuler la double relation de causalité, par laquelle nous avons lié
précédemment les trois éléments cardinaux impliqués dans le deuil. En premier
lieu, ce qui manque est un objet, une
extériorité, parce qu'il est aimé, aimé et non pas amant, et parce qu'il est
aussi haï, expulsé avec haine du sujet; mais ce qui manque est aussi le sujet,
une intériorité, parce qu'il est, en tant qu'aimé et haï, dévoré par le propre
sujet, dévoré avec haine et amour, incorporé à son intérieur, identifié à lui.
Ensuite, l'objet ne peut pas manquer, ne
peut pas être un objet absent dont la présence est désirable, parce qu'il est
aimé, parce que ce qui est aimé ne peut pas être absent, étant présent par
l'amour, par la libido qui se rattache à lui; mais l'objet ne peut pas manquer,
en outre — ce que nous n'avons pas encore fait remarquer —, parce qu'il est aussi haï, parce que la
présence de ce qui est haï ne peut pas être désirable. Dans une telle
reformulation, nous assistons à une dissolution presque totale des éléments
cardinaux impliqués dans le deuil. En fait, nous voyons chacun de ces éléments
se confondre avec son contraire logique : dans le conflit d'ambivalence,
l'amour se confond avec la haine, l'aimé avec le haï; par suite de
l'identification, l'objet se confond avec le sujet, l'aimé avec l'amant; après
l'alliance naturelle de l'identification et l'ambivalence, le manque dans le
deuil, l'absence de l'objet aimé, de l'objet qui devrait être présent, se
confond avec une sorte d'excès dans la mélancolie, avec une présence d'un sujet
haï, d'un sujet qui devrait être absent.
2. Klein, Abraham et Lagache : de la distinction à
l’indistinction des contraires logiques.
Ce qui résulte du
rapprochement, rapprochement jusqu'à la confusion, des éléments antithétiques
dans les couples amour-haine, objet-sujet et manque-excès, c'est évidemment la
mise en question la plus radicale de la distinction de Freud entre le deuil et
la mélancolie, entre une douleur temporaire — comme celle de Livie — et
une douleur permanente — comme celle d'Octavie —, entre la normalité et la
pathologie, entre l'amour d'objet et l'identification narcissique, entre la
pureté de l'amour génital et l'ambivalence prégénitale. Dans cette mise en
question, qui traverse l'histoire de la psychanalyse, nous pouvons mettre en
relief trois moments décisifs :
a) 1924. Quatre
ans avant le Trauer
und Melancholie
de Freud, Abraham avait déjà traité la question de la mélancolie. C’est lui, en
fait, qui découvre la fonction de la
haine dans ce cadre[20].
Il explique alors la « dépression mélancolique » comme une
« disposition hostile excessive de la libido », une
« disposition a la haine paralysant la capacité d’aimer »[21],
voire un « mouvement sadique »[22]
qui se retourne sur le sujet, suscitant « la dépression, l’angoisse, la
culpabilité »; bref, « le masochisme »[23].
Plus tard, dans une lettre qu’il écrit à Freud après la lecture de Deuil et mélancolie, Abraham, en plus de
corroborer ces idées, tente d’élucider la culpabilité du mélancolique en lui
attribuant une « tendance cannibale » de « signification
ambivalente », comme « preuve d’amour et de destruction », laquelle,
« inhérente à l’identification mélancolique », répéterait la
situation où « l’enfant voudrait s’incorporer un objet d’amour, en un
mot : le dévorer »[24].
En 1924, juste après avoir précisé que « la mélancolie est une forme
archaïque du deuil », K. Abraham reconnaît que « le travail de deuil
du sujet normal s'effectue également sous la forme archaïque », de
tendance cannibale, « dans les couches psychiques profondes »[25].
Seule la séparation spatiale entre la profondeur et la surface maintient ici
l'éloignement, dont dépend la distinction entre le deuil et la mélancolie,
entre l'objet aimé qui manque — qui est absent et devrait être présent —
et le sujet haï qui est en excès — qui est présent et devrait être absent.
Ainsi, dans le deuil, l'objet aimé, absent, qui manque en surface, cet objet a
été dévoré, incorporé au sujet, il est donc identifié en profondeur avec le
propre sujet amant en deuil, sujet mélancolique masochiste, sujet en tant
qu'objet haï, objet excédent, objet présent en tant que sujet. Cette façon de
concevoir le deuil s'accorde parfaitement avec le sens « relatif »
que revêt, d'après Abraham, le « dépassement des types d'organisation
primitifs », ce qui suppose la conservation, dans l'étape ultime de
développement du caractère, dans la normalité et dans la pureté de l'amour
objectal-génital-postambivalent, de
l'ambivalence des sentiments et de l'identification narcissique du sujet avec
l'objet[26].
b) 1934. La position dépressive de M. Klein
« est fondée » sur la position
schizo-paranoïde « et il en dérive du point de vue génétique »[27].
De cette manière, « l’implacable sévérité du surmoi chez le
mélancolique », propre déjà de la position dépressive, s’explique par la
« fondation » du surmoi dans « la persécution par des mauvais
objets », des « objets incorporés » dans la position
schizo-paranoïde[28].
Dans la transition entre les deux positions, « d’une relation à un objet
partiel, on passe à la relation à un objet total », d’une relation à des
bons et des mauvais objets en passe à une relation ambivalente à un objet
total. On arrive ainsi à la situation « que l’on appelle perte de
l’objet », qui « ne peut être ressenti comme une perte totale avant
que l’objet ne soit aimé comme un objet total »[29].
Le sujet se situe dans cette situation, propre à la position dépressive,
pendant le sevrage et « chaque fois qu'il éprouve la perte d'une personne
aimée », quand « il existe un état de dépression, que ce soit dans
les cas normaux, névrotiques, maniaco-dépressifs, ou dans les cas mixtes ».
Dans tous ces cas, une perte de l'objet, de la mère ou de la personne aimée,
provoque nécessairement l'identification du sujet avec lui, avec lui en tant
qu'objet « complet », objet de haine et d'amour[30].
En raison de cette identification, dans le deuil normal le sujet est « malade »;
il « passe par un état maniaco-dépressif atténué et passager (...),
répétant ainsi, bien qu'en circonstances et avec des manifestations
différentes, les processus que l'enfant traverse normalement au cours de sa
première enfance ». Pour le sujet en deuil normal, il n'y a pas seulement
perte de la personne aimée. Les « bons objets intériorisés (c'est-à-dire,
en dernière analyse, les parents aimés) », eux aussi
« succombent » et « sont détruits ». En conséquence, le sujet
« ne se contente pas » de placer à l'intérieur de soi l'objet qu'il
vient de perdre, mais il « réinstalle » aussi ses « bons objets
intériorisés ». En fait, « la douleur ressentie au cours du lent
processus par lequel la réalité est mise à l'épreuve, dans le travail de deuil,
semble donc provenir en partie de la nécessité de renouer, certes, des liens
avec le monde extérieur et de revivre ainsi, sans cesse, la perte éprouvée,
mais aussi, et grâce à cela, de reconstruire anxieusement le monde intérieur
que l'on sent menacé de déchéance et d'effondrement»[31].
Il n'y a ici, dans la maladie temporaire de la normalité, de même que dans
l'infirmité permanente de la pathologie, aucune séparation qui maintienne
l'éloignement entre l'amour et la haine, entre l'objet et le sujet, entre le
manque et l'excès : l'objet perdu est un objet complet, aimé et haï, aussi
manquant qu'excessif, mais qui constitue également, dans le deuil non moins que
dans la mélancolie, et toujours en vertu de l'intériorisation, le monde
intérieur du sujet. Il résulte de ceci que le deuil normal, comme une
impossibilité insurmontable, s'assimile à la mélancolie pathologique, en tant
que seule possibilité face à l'impossibilité de la normalité.
c) 1956. En 1938,
D. Lagache avait déjà utilisé le cas Marie pour illustrer un concept
intermédiaire entre le deuil normal et la mélancolie pathologique, celui du Deuil mélancolique, une « forme
pathologique du deuil » qui « emprunterait ses symptômes aux tableaux
du deuil et de la mélancolie »[32].
En 1956, afin de compléter sa réflexion sur ce qu'il désigne alors Deuil pathologique, Lagache se sert du
même cas en se centrant, cette fois, « sur la problématique personnelle et
interpersonnelle, en d'autres termes, sur l'analyse du moi et des relations
d'objet » et en concevant le problème du deuil « comme un problème
moral plus que comme un problème libidinal»[33].
De ce point de vue, dans Marie, une femme de 44 ans qui présentait un état
dépressif après la mort accidentelle de son fils, il n'y avait ni deuil normal,
ni mélancolie psychotique, ni régression narcissique, ni identification du moi
à l'objet aimé et perdu, mais une « réaction psychologique morbide »,
ainsi qu'une « régression anaclitique », non sur le moi, mais sur
« l'objet archaïque, la mère préœdipienne », avec une identification
inverse de celle supposée par Freud : « s'il y avait conflit du
surmoi avec le moi, ce n'était pas avec le moi identifié au mort et transformé
en cadavre vivant, c'était avec le moi en tant qu'il cherchait à se dégager du
mort, autrement dit, du surmoi maternel, à vivre pour son propre compte, et à
substituer au fils perdu un autre objet ». Curieusement, l'identification
à l'objet aimé et perdu, au fils mort, « apparaît comme le moyen de
résoudre le conflit avec le surmoi maternel projeté sur le mort»[34].
De cette façon, la normalité, en plus de se confondre avec la pathologie, se
fonde sur elle : la situation véritablement pathologique, la projection et
le conflit qu’elle suscite, est préalable à l'introjection qui manifeste la
pathologie, laquelle, de son côté, tend à résoudre la situation pathologique.
La confusion du sujet — Marie — avec l'objet — le fils et la mère de
Marie —, objet aimé et haï, manquant et excessif, pourrait atteindre ici
le plus haut degré si le moi n'était pas immunisé relativement, jusqu'à un certain point, contre les projections et
introjections qui façonnent le surmoi.
L'immunisation relative du moi contre ce qui façonne le
surmoi, tient, dans la pensée de Lagache, à ce qu'il appelle plus tard
« l'autonomie relative du moi », laquelle, « limitée par une
hétéronomie qui correspond à l'autonomie relative » du ça et du surmoi,
serait prédominante dans la seconde partie de l'histoire d'une
« personnologie psychanalytique » qui irait, à contre-courant de la
tendance que nous observons du Freud de 1915, à Lagache lui-même, en passant
par Abraham et Klein — mais suivant à peu près le même courant qu'une deuxième
tendance freudienne que nous aborderons plus loin —, de la « mise en
question de l'autonomie du moi », avec un modèle « plus
naturaliste », à la « thèse de l'autonomie relative du moi »,
avec un modèle « plus personnaliste », propre de « l'orientation
égologique »[35].
Dans le deuxième modèle, le « rôle des relations intersubjectives dans la
structuration de la personnalité » détermine la relativité de l'autonomie
du moi, une relativité qui est vraiment radicale chez Lagache, comme on peut
constater dans le passage suivant : « Avant d'exister en lui-même,
par lui-même et pour lui-même, l'enfant existe pour et par autrui; il est déjà
un pôle d'attentes, de projets, d'attributs. Ce qui est vrai avant la
conception restera vrai dans la vie et même après la vie. (...) Avec la
conception, l'enfant commence à exister en soi. (...) Au cours de l'existence
prénatale, l'être pour autrui se modifie et s'enrichit par 'l'incarnation', et
il n'est pas absurde de supposer que, vers le milieu de la gestation, les
premières manifestations d'activité du fœtus sont les rudiments d'une existence
autonome »[36].
Dans la compréhension par Lagache d'une relativité aussi
radicale, compréhension préparée incontestablement par le courant que suivent
Abraham et Klein, il ne reste presque rien de ce qui est relativisé, à savoir,
l'autonomie du moi et sa consécutive immunisation contre ce qui façonne le surmoi.
Dans une telle compréhension, comme le remarque ironiquement J. Lacan, résonne
déjà, grâce à Lagache et malgré Lagache, la promotion lacanienne du discours de
l'Autre, du Verbe par lequel tout est façonné, tout est relativisé :
« Si Daniel Lagache lui-même n'y faisait pas résonner ma promotion du
Verbe — note Lacan —, serait-il aussi sûr que sa si jolie référence à
l'incarnation saisirait son auditoire, quand il dit 'qu'au cours de l'existence
prénatale, l'être pour autrui se modifie et s'enrichit par l'incarnation'? Oui,
'l'être pour autrui', il ne dit pas l'être en soi, et il continue 'vers le
milieu de la gestation'. N'est-ce pas que, par 'ses premières manifestations
d'activité, le fœtus’... commence à faire parler de lui ? Oui, qu'on en parle,
voilà qui définit ce que Daniel Lagache appelle ici 'ces premiers moments d'une
existence' (nous dirions ex-sistence), et de façon d'autant plus frappante
qu'il la qualifie d'autonome »[37].
3. Renversement du manque-à-être lacanien : de
l’indistinction à la distinction.
Si l'on juge dans Lagache,
conformément au critère de Lacan, l’être du sujet, après le « ravalement
du sujet au moi », au « moi autonome » comme « sphère libre
de conflits »[38],
nous n’aurons qu’un être manquant — voilé par le moi —, un être qui
manque au sujet. Ce manque sera la seule consistance de l’être du sujet, la
seule essence de la subjectivité du moi, telle qu'elle est et telle qu'elle est déjà relativisée par Lagache, comme une
immunisation relative du moi contre les projections et les introjections qui
façonnent le surmoi. Cette essence du sujet sera plutôt une ex-sistence dans le Verbe, où le sujet
manque le cœur ou l’essence de son être, où « l'être du sujet est la
suture d'un manque » qui « ne le supporte que d'être ce qui manque au
signifiant pour être l'Un du sujet »[39].
Au lieu de l’immunisation relative du moi de Lagache contre
les projections et les introjections qui façonnent le surmoi, ce que nous
trouvons chez Lacan c’est une relativité absolue qui neutralise toute
immunisation contre les projections qui façonnent l’essence de l’autre du moi
au niveau imaginaire, produisant une image d’être pour le sujet, et contre les
introjections qui façonnent l’ex-sistence du sujet au niveau symbolique,
produisant un manque-à-être en lui dans le Verbe[40].
Dans la dimension de la « fondation de manque » de l'être du sujet[41],
l'autonomie de cet être, la situation de l'être
en soi et pour autrui de Lagache, est celle de l'être pour autrui qui se manque en soi, voire le sujet désirant
qui manque autant d’un être subjectif, d’un je,
qui ne soit pas la suture d’un manque — qui ne soit pas seulement
symbolique et qui n’ait pas été introjecté —, comme d’un être objectivé,
un autre du moi, qui ne soit pas seulement imaginaire — qui n’ait pas été
que l’effet d’une projection.
A ce qu'il semble, dans la conception de Lacan, le sujet,
grâce à son désir, à son manque-à-être, ne se confond pas avec l'objet, avec ce
qui lui manque, avec l'être-qui-manque.
Il ne se confond pas, en effet, malgré la mise en question de tout ce qui,
selon Freud, se fonde sur la non-confusion de l'objet et du sujet, une mise en
question encore plus radicale que celle d’Abraham et même que celle de Klein
et, naturellement, que celle de Lagache. En d'autres termes, revenant au début
— au Freud de 1915 —, le sujet qui désire ne se confond pas avec l'objet
désiré, en général, pour la même raison que le sujet amant en deuil ne se
confond pas avec l'objet aimé, dont il fait deuil, à savoir, pour la seule
raison que l'objet est ce qui manque, l'aimé,
tandis que le sujet, l'amant, est celui à qui manque l'objet. Nous sommes
ainsi, à nouveau, dans le point de départ. Néanmoins, pour retourner à ce point
de départ, il y a eu de Freud à Lacan, pareillement que du Freud que nous avons
déjà évoqué à celui que nous aborderons dans les pages suivantes, un
renversement subtil, mais drastique, auquel aboutissent, en se résolvant, tous
les modes freudiens de confusion entre l'objet et le sujet, et plus tard entre
l'amour et la haine ou entre le manque et l'excès, que nous avons entrevu
jusqu'ici : au lieu d'un objet qui
manque au sujet parce qu'il est aimé par lui — en dernière analyse parce
qu'il est désiré par lui —, nous
avons maintenant un objet qui est désiré par le sujet — en fin de compte
aimé par lui — parce qu'il lui
manque. Il s'agit là, au moyen de l'apport socratique de la « fonction
de manque comme constitutive de la relation d'amour»[42],
d'une double subordination, d'abord de l'objet et du sujet à l'amour et au
désir, ensuite de l'amour et du désir au manque et au deuil, une double
subordination complémentaire et indissociable de la double subordination
contraire, suggérée par le sens commun. Ainsi, le sujet existe parce qu'il
désire et il désire parce qu'il se manque, tandis que l'objet existe parce
qu'il est désiré par le sujet et il est désiré par lui parce qu'il lui manque.
Le manque d'objet se révèle comme « le ressort même de la relation du
sujet au monde »[43],
une relation par laquelle existe un moi-sujet et un objet-monde. Le sujet
existe donc parce qu'il se manque, parce qu'il ex-siste, parce qu'il est hors
de soi comme objet de désir, objet qui lui manque, être qui lui manque. De
cette manière, le manque d'objet représente le manque d'être auquel se rapporte
l'être du sujet par le désir, « manque d'être par quoi l'être
existe », manque en fonction duquel « l'être arrive à un sentiment de
soi par rapport à l'être »[44].
Nous montrerons, dans la section suivante, avec laquelle
nous mettrons un point final à cette réflexion, qu'une telle considération du
manque, comme phénomène fondamental, dont tout émane, directement l'amour et le
désir autant qu'indirectement l'objet et le sujet, on la trouve déjà
suffisamment développée dans une deuxième tendance de la théorie freudienne.
Cette deuxième tendance, en allant de l'objet de haine et d'amour de Ferenczi à
l'objet (petit) a de Lacan, à travers
l’objet d’amour de Freud, l'objet transitionnel de Winnicott, et les éléments
alpha et bêta de Bion — des objets qui sont ce qu'ils sont dès l’instant où ils
sont ce qui manque au sujet —, présuppose le renversement auquel nous a menés
de confusion en confusion — à partir d'une distinction donnée — la première
tendance. En nous conduisant à ce renversement, la première tendance nous a
conduit aussi, dans un mouvement inverse — de résolution en résolution des
confusions données — qui est compris dans le concept lacanien de
manque-à-être et qui a été à notre avis erronément simplifié et généralisé par
Lagache, à une certaine distinction de l'objet et le sujet — et conséquemment
de l'amour et la haine et du manque et l'excès. Cette distinction était déjà
présupposée au point de départ dans la première tendance. Pourtant, cette fois,
elle n’apparaîtra, en tant que projection, que comme le complément nécessaire
d’une indistinction inévitable en tant qu'introjection — laquelle sera
systématisée, de même que la distinction, dans les objets d'amour et de haine,
transitionnel et (petit) a.
4. Ferenczi, Freud, Winnicott, Bion et Lacan : distinction et
indistinction dans l'objet d'amour, l'objet transitionnel et l'objet (petit) a.
Autant que nous sachions, S.
Ferenczi est le premier freudien qui part de l’indistinction, comme ce qui est
donné à l’origine, pour passer ensuite la distinction, comme ce qui doit être
élucidé. Ce mouvement de la confusion de la première enfance à la distinction
qui sépare le sujet de l’objet, ou passage du « monisme » au
« dualisme » — d’après ses propres termes —, est expliqué
par la projection : « Lorsque l’enfant exclut les ‘objets’ de la
masse de ces perceptions, jusqu’alors unitaire, comme formant un monde
extérieur, et que, pour la première fois, il y oppose le moi qui lui appartient
plus directement; lorsque pour la première fois il distingue le perçu objectif
(Empfindung) du vécu subjectif (Gefühl), il effectue en réalité sa première
opération projective, la ‘projection primitive’ » — qui ne sera pas
essentiellement différente de celle qui fonctionnera plus tard sur le mode
paranoïaque. La projection primitive sera donc une opération de distinction
dans l’indistinction. Résistant à cette opération, il y aura toutefois
« une plus ou moins grande partie du monde extérieur », qui ne se
laissera pas « expulser si facilement du moi », et qui persistera
« à s’imposer, comme par défi : aime-moi ou hais moi ». En
cédant à se défi, le moi « réabsorbe une partie du monde extérieur et y
étend son intérêt ». C’est de cette manière que « se constitue la
première introjection, ‘l’introjection primitive’ »[45],
laquelle apparaît donc comme une sorte de nouvelle indistinction, suscitée par
la haine et l’amour, dans la distinction antérieure, inhérente à la projection.
Nous avons, chez Ferenczi, premièrement le monisme de
l’indistinction originaire, ensuite une projection primitive qui produit le
dualisme de la distinction entre le sujet et les objets, finalement
l’introjection primitive qui produit une nouvelle indistinction entre le sujet
et ses objets aimés ou haïs. Nous devons bien comprendre que cette
introjection, telle qu’elle est définie par Ferenczi, n’est pas exactement
l’incorporation de Freud et Abraham. Comme l’indique Maria Törok, tandis que
l’incorporation, propre du deuil et de la mélancolie, n’est que
« l’installation » de l’objet « à l’intérieur de soi »,
après sa perte et à cause de « l’introjection manquée », celle-ci, au
contraire, qui n’est qu’empêchée par la perte d’objet, en plus de
« l’inclusion de l’objet dans le Moi », constitue un
« élargissement » de ce Moi et une « extension des intérêts
auto-érotiques »[46].
Alors que l’incorporation n’inclut que les objets dans le moi, l’introjection
inclut en outre les relations à ces objets — voire le monde en tant que
tel, en tant que susceptible d’être connu. Par l’introjection — nous dit
Ferenczi — « le névrosé cherche à inclure dans sa sphère d’intérêts
une part aussi grande que possible du monde extérieur »[47].
Ce qu’il inclut, en fait, c’est le monde, le seul monde, le sien, qui n’est
pour lui que parce qu’il est inclus en lui — par l’amour et par la haine
qu’il lui porte.
Selon Ferenczi, après l’indistinction originaire, la
distinction de l’objet sera instituée par la projection et destituée ensuite
par l’amour et par la haine. Par contre, chez Freud, six ans plus tard, nous
savons déjà qu’après la distinction originaire du « moi-réel initial, qui
avait différencié intérieur et extérieur selon un bon critère objectif »,
il y aura l’indistinction d’un « moi-plaisir purifié », lequel,
d’abord, « introjecte » en lui tout ce qui est aimé ou « source
de plaisir » et « expulse » hors de lui tout ce qui est haï ou
« occasion de déplaisir »[48],
pour « incorporer » ensuite ce qui avait été expulsé[49],
en tant qu’aimé et haï en même temps, dans « un mode de l'amour qui est
compatible avec la suppression de l'existence séparée de l'objet, et qui peut
donc être qualifié d'ambivalent »[50].
À la racine du processus précédent, au niveau de la
projection de Ferenczi, une des idées implicites les plus centrales dans la
pensée de Freud sera plus tard celle de l'institution
et la destitution de l'objet et du sujet par l'amour, par l'amour pour ce qui
manque, l'amour qui éprouve le sujet pour l'objet qui lui manque, l'amour du
moi pour ce qui lui manque. Dans toute sa complexité, cette idée, la
première qui systématise dans un objet l’indistinction et la distinction des
contraires logiques dans la théorie freudienne, concerne donc deux lignes
nouées de réflexion. La première, primordiale et inusitée — dévoilée
seulement à la fin de la vie de Freud —, touchant l'institution de l'objet
et du sujet par l'amour — ou la différenciation —, sur laquelle est
centrée la tendance de la théorie freudienne qui part de l’indistinction vers
une distinction complémentaire de l’indistinction. Ensuite une deuxième ligne
secondaire et classique de réflexion — déjà explorée auparavant —,
relative à la destitution de l'objet et du sujet — ou
l'identification —, sur laquelle est centré le mouvement théorique qui va
de l'évidence de la distinction vers la nouveauté d'une indistinction excluant
la distinction :
a) L'institution de
l'objet et du sujet par l'amour. La naissance ne suffit pas à détacher la
mère de l’enfant, l’objet du sujet :
la naissance n’est absolument pas vécue subjectivement comme séparation d’avec la
mère, car celle-ci est, en tant qu’objet, complètement inconnue du foetus
entièrement narcissique »[51].
Dans sa relation au sein maternel, l'enfant, « au début », ne le
« différencie » pas de son « propre corps ». Seulement
après, et « parce qu'il s'aperçoit que ce sein lui manque souvent »,
il « le sépare de son corps, le situe au 'dehors' et le considère dès lors
comme un 'objet', un objet chargé d'une partie de l'investissement narcissique
primitif»[52].
Ainsi, l'objet est ce qu'il est, ce qui n'est pas le sujet, parce qu'il manque
au sujet, ce qui revient à dire que l'objet est ce qu'il est parce qu'il est
absent et doit être présent, ou bien parce qu'il doit être présent lorsqu'il
est absent, bref parce qu'il est aimé, aimé comme s'il était le moi, sans être
le moi. C'est de cette manière que l'objet n'est ce qu'il est, en tant que
projection du sujet, que parce qu'il est chargé d'une partie de
l'investissement narcissique primitif. En d'autres termes, l'enfant a l'objet, l'aime, après avoir été l'objet, après s'être aimé dans
l'objet : « Avoir et être chez l'enfant. L'enfant aime bien exprimer
la relation d'objet par l'identification : je suis l'objet. L'avoir est la
relation ultérieure, retombe dans l'être après la perte d'objet. Modèle :
sein. Le sein est un morceau de moi, je suis le sein. Plus tard
seulement : je l'ai, c'est-à-dire je ne le suis pas »[53].
Toutefois, nous pourrions énoncer aussi, en révélant tout ce qu'il y a ici de
paradoxal, que le sujet n'est plus
l'objet seulement dès l'instant où il ne l'a
plus, dès l'instant où l'objet lui manque, où il l'aime, où il l'aime car il était lui-même, car il l'était et il ne
l'est plus.
b) La destitution de
l'objet et du sujet par l'amour. L'identification, en tant que « la
plus précoce (früheste) et la plus originelle (ursprünglichste)»[54]
« forme de la liaison à l'autre »[55],
est un mécanisme qui relève d'une logique de l'être et qui est possible avant tout choix d'objet qui relève, s'il
n'est pas narcissique, seulement d'une logique de l'avoir[56].
Cependant, nous ne devons pas oublier que cette logique de l'avoir dérive
génétiquement de la logique de l'être, tout comme la projection dérive de
l'introjection. En conséquence, tout choix d'objet comporte par essence et à
l'origine un ingrédient narcissique, par le fait même que tout sujet surgit
d'une complexe confluence d'identifications. En plus de l'identification
« primaire » au père et à la mère et d'autres identifications
« qui se sont effectuées à l'âge précoce » et dont les effets seront
« généraux et durables »[57],
chaque individu « est une partie constitutive de nombreuses masses, lié de
nombreux côtés par identification (...), chaque individu a ainsi part à de
nombreuses âmes de masse, celle de sa race, de la classe, de la communauté de
croyance, de l'appartenance à un État, etc., et peut en plus de cela s'élever
jusqu'à une parcelle (Stückchen) d'autonomie et d'originalité (Selbständigkeit
und Originalität)»[58].
En vertu de ces identifications et de sa logique de l'être, le sujet est donc
presque exclusivement ce qu'il aime, les objets qu'il aime, un objet, l'objet
comme sujet. Il n'est sujet, dans sa parcelle d'autonomie et d'originalité, que
parce qu'il aime en plus de s'aimer; que parce qu'il aime, en plus de ce qu'il
est, ce qu'il n'est pas. Si le sujet est ce
qu'il est, un sujet, c'est parce qu'il a quelque
chose qu'il n'est pas, l'objet, l'objet qui lui manque, l'objet qui manque au
sujet, l'objet qui n'est pas le sujet, l'objet qui lui manque au moi, le
morceau qui lui manque au moi, le morceau que le moi a projeté à l'extérieur.
Si nous revenons sur les deux moments successifs de la
relation du moi au monde extérieur, distingués par le Freud de 1915, nous
pourrons parler, contrairement à ce qu'on attendrait, en premier lieu, pour la
période de différenciation qui est sous l'empire des pulsions du moi, d'une
institution de l'objet et du sujet par l'amour du moi pour ce qui lui manque,
le même amour qui exécute après, sous l'empire des pulsions d'objet, la
destitution, moyennant l'identification, l'introjection ou l'incorporation, du
même objet et du même sujet auxquels il les avait institués. Dans ce cas, il y
aura quatre phases parfaitement discernables[59].
Premièrement, dans une logique de l'être, avant l'amour, avant toute forme de
liaison à l'autre, avant tout autre, c'est une confusion ou identification
totale du sujet avec l'objet, de l'enfant avec le sein de sa mère. Ensuite,
d'où part le Freud de 1915, dans une logique de l'avoir, c'est la
non-confusion, la projection, l'émergence de l'autre, c'est la condition de
toute forme de liaison à l'autre, c'est une différenciation de l'enfant amant
et du sein aimé qui lui manque, un objet qui montre ainsi, en manquant au
sujet, qu'il n'est pas le sujet — que le sujet ne l’a pas
invariablement —, qu’il est par contre ce qui a ou n'a pas le sujet,
c'est-à-dire une chose à laquelle le sujet peut se soustraire par une action
musculaire. Après cela, au point de confusion où arrivent Abraham, Klein et
Lagache, de nouveau, dans une logique de l'être, c'est la forme la plus précoce
et originelle de liaison à l'autre, c'est l'introjection, l'incorporation,
l'identification du sujet seulement à ce qu'il aime, à ce qui lui manque, à ce
qui lui fait plaisir. Finalement, là où Lagache aurait voulu arriver, de
nouveau dans une logique de l'avoir, c'est l'amour proprement dit, l'amour non
narcissique, l'amour du sujet, dans sa parcelle d'autonomie et d'originalité,
pour ce qu'il n'est pas, ce qui lui manque, ce qui peut lui manquer encore. Si
la deuxième et la troisième phase embrassent tout le mouvement de la
distinction à l’indistinction — d'un état intermédiaire à un autre —,
tel qu’il se manifeste dans la mélancolie selon Freud et aussi dans le deuil
selon Abraham, Klein et Lagache — soit dans la profondeur pour Abraham ou dans
la position dépressive pour Klein ou dans le deuil mélancolique pour
Lagache —, l'ensemble des quatre phases décrit nettement le mouvement de
l’indistinction à la distinction — d'un état originaire à un état final —,
lequel inclut ainsi le mouvement inverse, dans une sorte d'inclusion
complémentaire de la réciproque.
Synthèse accomplie, intemporelle, de l'enchaînement décrit,
l'objet transitionnel de Winnicott, à
mi-chemin entre le sujet amant que je
suis et l'objet aimé que j'ai,
remplit matériellement, substantiellement, le hiatus essentiel, immatériel,
entre la confusion — destitution par identification — et la non-confusion
— institution par différenciation — de l'objet et du sujet, ainsi que des
autres contraires logiques qui se déduisent de ceux-ci. Ce remplissage
franchit, de cette façon, la séparation spatiale, entre la profondeur et la
surface, qui maintenait, d'après Abraham, l'éloignement dont dépend la
distinction entre la confusion de la mélancolie et la non-confusion du
deuil : si Abraham voulait découvrir la profondeur à partir de la surface,
Winnicott veut redécouvrir la surface à partir de la profondeur. Pour ce qui
est du rapport entre cet objet transitionnel et l'objet interne de Klein,
Winnicott nous indique lui-même que le premier « n'est pas » le
second, mais que tout en étant une « possession » il « n'est pas
non plus un objet externe »[60] :
Winnicott part de Klein, de l'objet interne, extérieur intériorisé déjà
confondu avec le sujet, pour arriver, avec son objet transitionnel, intérieur
extériorisé pas encore complètement séparé du sujet, à l'objet externe, qui ne
se confond plus avec le sujet. Quant à Lagache, l'objet transitionnel
concrétise la transition abstraite, reproduite par l'évolution théorique du
naturalisme au personnalisme, entre l'hétéronomie et l'autonomie du sujet;
cependant, la transition n'est plus de la relativité à l'autonomie relative ni
des projections et introjections qui façonnent le Surmoi à l'immunisation du
moi contre ces projections et introjections, mais du relatif à l'absolutisation
du relatif et de l'introjection à la projection de l'introjecté.
L'objet transitionnel, représentant « l'état
intermédiaire entre l'incapacité du petit enfant à reconnaître et à accepter la
réalité et la capacité qu'il acquerra progressivement de le faire », est
situé par Winnicott « entre le subjectif et ce qui est perçu
objectivement », entre le pouce sucé et l'ours en peluche de l'enfant,
« entre l'érotisme oral et la véritable relation d'objet, entre l'activité
créatrice primaire et la projection de ce qui a déjà été introjecté »,
entre « l'illusion » du nourrisson qui pense que le sein de sa mère
« est une partie à lui » et le « désillusionnement » du
sevrage. En fait, l'objet transitionnel répond à la « frustration »
propre du sevrage et prend la place du sein ou de « l'objet de la première
relation », en même temps qu'il « précède l'établissement de
l'épreuve de réalité » et la « perception objective »[61].
En ce sens, l’objet transitionnel décèle une transition encore plus radicale
que celle, envisagée par Winnicott, entre le subjectif et l’objectif. La
transition n’est pas exactement entre le subjectif et l’objectif, mais plutôt
entre l’indistinction et la distinction du subjectif et de l’objectif, ou bien
entre la Chose et l’objet, entre la confusion chosique et la non-confusion du
subjectif et de l’objectif.
La transition entre la confusion et la non-confusion, ou
entre l’indistinction et la distinction de l’objet et du sujet, a été bien
comprise par W. R. Bion, qui remarque une « priorité chronologique »
des éléments bêta sur les éléments alpha. Avant toute
objectivation ou subjectivation, les élément bêta, comme la présence ou
l’absence du sein maternel, en tant que « choses » ou « choses
en soi » qui « ne peuvent pas être perçus comme objectives ou
subjectives », seraient la « première matrice » de ce qui est
pensé ou perçu par le sujet. Par contre, les éléments alpha, en tant que
« chose pour nous » ou « traits élémentaires » de la pensée
qui « imprégneraient » tous les « processus mentaux »,
seraient le résultat de la fonction alpha, une fonction de distinction entre
l’objectif et le subjectif, ainsi qu’entre le conscient et l’inconscient[62].
Si nous essayons de concevoir l’objet transitionnel de
Winnicott dans la perspective de Bion, nous pourrions dire qu’il est un élément transitionnel alpha-beta, un
premier élément où on constate déjà la distinction ou non-confusion
— entre le subjectif et l’objectif — produite par la fonction alpha,
c’est-à-dire, un premier élément où commence
à manquer l’indistinction ou la confusion qui est propre de l’élément bêta.
C’est ainsi que l'objet transitionnel, en tant que transition de la confusion à
la non-confusion, occupe le lieu, « oublié » par Winnicott, d'après
Lacan, d'un manque, manque d'une confusion, comme celle de l'objet interne
kleinien ou de l'objet introjecté par le sujet mélancolique freudien; manque de
l'objet aimé, qui se confond par identification avec le sujet amant; manque du
sein, qui intègre dans une totalité indifférenciée — en les
amalgamant — la mère-objet et le
sujet-enfant. Mais, en plus du manque d'une confusion antérieure, d'un
sujet-objet, il y a ici le manque d'une non-confusion postérieure, d'un sujet
et d'un objet, d'un moi et d'un non-moi, d'un aimé et d'un haï, d'un manque et
d'un excès. Dans ce lieu qui occupe l'objet transitionnel, dans ce lieu de
transition, dans ce no man's land, où
tout manque, ce qui n'est pas encore autant que ce qui a cessé d'être, le sein
de la mère et l'être de l'enfant autant que la totalité mère-enfant, dans ce
lieu où tout manque, Lacan, échappant à l'impossibilité du manque de ce qui est
aimé et haï — l'aimé qui ne peut pas être absent et le haï qui ne doit pas être
présent —, nous montre que ce qui
manque à l'origine, ce qui fait tout manquer, ce n'est pas la mère aimée et haïe, l'objet total — qui correspond
à la position dépressive de Klein —, mais un morceau aimé ou haï de la mère, l'objet partiel — tel
qu'il a été reconnu par Abraham et incorporé par Klein à sa position
paranoïde-schizoïde —, « le sein, le phallus ou la merde », que,
dans ce lieu où il le situe, Lacan appelle objet (petit) a[63].
Conçu à partir de l'objet
transitionnel de Winnicott[64],
l'objet (petit) a de Lacan,
« l'objet du désir »[65],
« l'objet de la psychanalyse » comme « science
structuraliste », comme « refus du sujet », cet objet (petit) a est « ce qui manque à
l'homme »[66], ce
qui manque de son être au sujet, et auquel se rapporte l'être du sujet par le
désir : « l'objet a, du
désir (...) c'est cet objet qui soutient le rapport du sujet à ce qu'il n'est
pas », à ce qu'il n'a pas été pour l'autre, à ce qu'il manque pour être la
totalité avec sa mère, « à ce qu'il n'est pas en tant qu'il n'est pas le
phallus »[67], en
tant qu'il n'est pas tout, en tant
qu'il n'est pas aussi l'objet, en
tant qu'il n'est qu'un simple sujet, un non-objet, « un objet négatif»[68],
un sujet seulement désirant et pas désiré, un sujet qui manque-à-être, qui
désire être, qui désire l'être de l'objet désiré, l'être de ce qui lui manque,
de ce qu'il n'est pas, du phallus, de « ce qu'il a été pour l'Autre dans
son érection de vivant»[69].
A ce niveau, avec « l'identification de l'enfant au phallus » — à
l'objet désiré par sa mère —, « la question qui se pose est être ou ne pas être, to be or not to be the
phallus »[70],
être ou ne pas être ce qui manque à la mère qui manque, être ou ne pas être un
avec la mère, objet — phallus — avec le sujet — mère —, sujet —
enfant — avec l'objet — sein — ; un avec l'autre, l'autre de l'objet a, dans un totalité indifférenciée.
Évidemment, l'homme, pour exister comme sujet, pour
ex-sister, pour vivre, pour ne pas mourir, doit choisir, avec son père, ne pas être avec le sein de sa mère, ne pas
être avec l'objet, ne pas être l'objet, ne pas être le phallus de sa mère,
bref, ne pas être, manquer d'être. C'est le
« père » — le Dieu d'Abélard — qui « châtie pour
corriger », qui « blesse pour sauver la vie, non pour l'enlever»[71].
En effet, c'est la castration, le manque symbolique — sanctionné par la loi et
provoqué par le père réel — du phallus, d'un objet imaginaire avec lequel
s'identifie l'enfant; mais c'est également la privation, le manque réel —
suscité par un père imaginaire — de l'être, d'un objet symbolique, de ce
que l'enfant est symboliquement en tant que phallus; et finalement, c'est aussi
la frustration, le manque imaginaire — dont est responsable la mère
symbolique — d'un objet réel, le sein de la mère, le corps de la mère avec
lequel l'enfant serait un et tout et
par rapport auquel il pourrait au moins être, être un objet, être
symboliquement, être le phallus imaginaire de sa mère, être ce qui manque à ce
qui manque[72]. En
somme, le sujet est ce qu'il est, non-totalité désirant la totalité, non-objet
désirant l'objet, et non-être désirant l'être, du moment que l'objet a, soit réalisé comme corps de la mère ou imaginé comme phallus ou symbolisé comme
être, lui manque.
Même dans la non-confusion avec le sujet, l'objet a pour le désir, à l'égal de l'objet
d'amour dans le deuil, n'est pas simplement absent. En plus d'être absent, il doit être présent; il est l'objet qui manque au sujet — qui est désiré
par le sujet. En outre, l’objet a ne
manque pas seulement, mais il est la cause du manque de tout ce qui manque
— de même, il n’est pas exactement désiré, mais il est cause de tout désir[73].
Cependant, à l'origine, dans la confusion d'origine, comme l'objet aimé et haï
par le mélancolique de Freud et par n'importe quel sujet en deuil pour Abraham
et Klein, l'objet a, tout en devant
être absent, est présent; il est le sujet, il est identifié avec le sujet qui
le projette. L’objet a est,
certainement, le sujet aimé qui manque au sujet amant, le sujet qui lui manque
en tant qu'objet désiré, mais il est, de plus, ce qui lui manque en tant que
lui même, en tant que sujet amant, un autre sujet qui le désire à lui, le sujet
amant, en tant qu'objet aimé, en tant que ce qui lui manque : « Ce a, objet de l'identification, n'est
aussi a objet de l'amour que pour
autant qu'il est ce qu'il est, ce a, ce
qui fait de lui l'amant (...), ce qui l'arrache métaphoriquement, cet amant,
pour le faire, à se proposer comme aimable, (...) en le faisant sujet du
manque, donc ce par quoi il se constitue proprement dans l'amour (...), à
savoir (...) qu'on aime, qu'on est amant avec ce qu'on n'a pas »[74].
Ce que j'aime, cet aimé dont je suis en deuil, c'est donc
l'objet désiré en tant que sujet désirant, le désiré qui me désire comme si
j'étais — et je le suis en lui manquant — l'objet qui nous manque, le
désiré par rapport auquel je semble être enfin ce désiré que je désire en lui,
le désiré qui me manque dans l'amour puisqu'il est aussi le désirant auquel je
manque dans le désir : « Pousser un peu plus loin ce que Freud nous
dit du deuil en tant qu'identification à l'objet perdu. Ce n'est pas la définition
suffisante du deuil. Nous ne sommes en deuil que de quelqu'un dont nous pouvons
dire : 'j'étais son manque' (...) Ce que nous donnons dans l'amour, c'est
essentiellement ce que nous n'avons pas et, quand ce que nous n'avons pas nous
revient, il y a régression assurément et, en même temps, révélation de ce en
quoi nous avons manqué à la personne pour représenter son manque »[75].
Lisons La Rochefoucauld : « Il n'y a point de
passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans l'amour...»[76].
Cette réflexion peut nous mener très loin. Ce que je désire, c'est mon être,
mon être qui manque, mais d'autre part, ce que j'aime c'est ce qui me désire
parce que je lui manque, parce que je suis l'être qui lui manque, qui me
manque. J'aime l'autre quand je m'aime en tant qu'autre, j'aime ce qui se
confond avec moi-amant en tant que lui-aimé, ce qui semble me donner ce que je
désire en désirant en moi ce que je désire en lui. Au-delà d’Abraham, Klein et
Lagache, c'est ici, au pôle de l'identification, dans le deuil et dans l'amour,
la confusion la plus absolue, celle du sujet avec l'objet a en tant que sujet désirant et non pas seulement en tant qu'objet
désiré, soit interne ou externe, partiel ou total : l'objet se confond
ainsi avec le sujet, au point de n'être plus un objet, mais un sujet, le sujet, le seul sujet qui existe au monde. Pourtant, ici, dans la confusion
la plus absolue, c'est aussi, en vertu de la projection, la non-confusion la
plus absolue, puisque le sujet ne se confond pas avec l'objet, mais seulement
avec soi-même, avec le sujet en tant que sujet, sujet et non pas objet, sujet
qui se manque quand il manque et qui s'aime quand il est aimé, sujet dont on
sait que c'est lui qui hait quand il est haï, puisque c'est lui qui excède
quand il s'excède.
Ce qui manque pour le désir, ce que Lacan a conceptualisé
comme objet (petit) a, et qui est
symbolisé comme être dans sa notion
de manque-à-être, apparaît dans sa
nécessité comme la seule possibilité de manque face à l'impossibilité de manque
dans le deuil : l'objet, ne pouvant pas manquer au sujet qui l'aime dans
le deuil, au sujet qui s'identifie avec lui, qui l'introjecte, doit
nécessairement manquer pour le désir. En effet, l’objet a est l’objet cause du désir, l’objet cause finale du désir, l’objet
qui manque au sujet qui le désire, mais aussi l’objet cause effective du désir,
l’objet du sujet qui le désire parce qu'il lui manque, parce qu'il est ce qu'il
a différencié de soi-même, ce qu'il a projeté hors de soi même. En d'autres
termes, dans l'extrême confusion de l'objet et du sujet, qui présuppose un
objet total, cet objet ne peut pas manquer, ne peut pas manquer en tant que
sujet, ou objet identifié entièrement avec le sujet; tandis que, dans la
non-confusion, ce sujet doit manquer en tant qu'objet cause du désir, objet
partiel, morceau de sujet différencié du sujet. Si nous décomposons cet énoncé,
nous arrivons d'une part, dans le deuil, à un sujet absent qui ne peut pas être
absent puisqu'il est aimé, puisqu'il doit être présent lorsqu'il est aimé —
affirmons d'une manière humoristique qu'il ne peut pas être absent lorsqu'il
est en deuil — ; et d'autre part, dans le désir, à un objet présent
— comme cause effective du désir — qui ne peut pas être présent
puisqu'il est désiré, puisqu'il doit être absent — comme cause finale du
désir — pour être désiré. Ainsi, comme double impossibilité ou double
nécessité — n'oublions pas que toute nécessité est l'envers logique d'une
impossibilité —, nous saisissons la complexité de la conceptualisation
lacanienne, laquelle, dans son mouvement de la confusion à la non-confusion, ou
de l'impossibilité à la nécessité de l'absence, englobe le mouvement inverse,
de la non-confusion à la confusion ou de l'impossibilité à la nécessité de la
présence : entre la simple découverte freudienne de l'objet qui ne peut
pas être absent parce qu'il est identique au sujet et le renversement théorique
socratique lacanien encore plus simple de l'objet qui doit être absent pour
être désiré, il y a, dans l'interstice auquel sont limitées les
conceptualisations d’Abraham, Klein et Lagache, d'un côté la banalité de
l'objet qui ne peut pas être absent comme sujet pour être l'objet, et de
l'autre côté le truisme opposé de l'objet qui doit être présent parce qu'il est
aimé. Dans ce double mouvement, nous voyons se reproduire, à partir de
l’alternance indistinction-distinction-indistinction de Ferenczi,
l'enchaînement logique être-avoir-être-avoir que nous avons deviné dans la
pensée de Freud, lequel, après sa synthèse dans l'objet transitionnel de
Winnicott et son éclaircissement grâce à la théorie de Bion, récupère avec
Lacan, avec son n'être pas sans avoir le
phallus, sa complexité interne, tout en conservant, comme objet (petit) a, le caractère synthétique, intemporel
et substantiel qui était propre à l'objet transitionnel.
Point de renversement, lieu de synthèse, confluence des deux
tendances que nous avons distinguées dans la théorie freudienne, l'objet
(petit) a de Lacan, au-delà de sa
symbolisation comme être, de sa réalisation comme sein maternel et de son
imaginarisation comme phallus, rend compte, dans sa consistance logique, d'un
cas limite où se déterminent réciproquement la confusion et la non-confusion
des contraires logiques mentionnés : dans ce cas, seulement dans ce cas,
ce qui est dans les tombes closes, ce
qui est impossible qui manque dans le deuil, l'objet absent qui devrait être
présent parce qu'il est aimé, aimé et haï, introjecté et excessif, cet objet
n'est rien de plus que le secret de la
vie, ce qui manque nécessairement pour la vie, pour le désir, l'objet qui
est objet — cause finale du désir — parce qu'il est désiré, objet qui
est désiré parce qu'il devrait être présent — au niveau de la cause
effective du désir —, objet qui devrait être présent tout simplement parce
qu'il est absent, absent du sujet, différencié de lui, projeté hors de lui.
[1] Lacan, J. 1966. « Réponses à des étudiants
en philosophie », in Autres écrits,
Paris, Seuil, 2001, p. 211.
[2] Freud, S. 1915. « Trauer und Melancholie », in Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1946, p. 430. Traduction française : « Deuil et Mélancolie », in Oeuvres complètes, Paris, PUF, 1988, p. 261.
[3] Freud, S. 1915. « Lettre sans numéro pour S. Ferenczi », in Freud, S. et S. Ferenczi, Correspondance (1914-1919), Paris, Calmann-Lévy, 1996, p. 58.
[4] Freud, S. 1915. « Vergänglichkeit », in Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1946, p. 360. Traduction française : « Passagèreté », dans Oeuvres complètes. Paris, PUF, 1988, p. 323.
[5] Nous traiterons cette relation assez minutieusement et en nous appuyant sur Freud dans la dernière section.
[6] Freud, S. 1915. « Trauer und Melancholie ». Op. Cit., p. 430-432. Traduction française : pp. 261-263.
[7] Freud, S. 1915. « Vergänglichkeit ». Op. Cit., p. 360. Traduction française : p. 323.
[8] Freud, S. 1915. « Triebe und Triebschicksale », dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1946, pp. 212-213. Traduction française : « Pulsions et destins de pulsions », dans Oeuvres complètes, Paris, PUF, 1988, pp. 165-166.
[9] Freud, S. 1915. « Metapsychologische ergänzung zur Traumlehre », dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1946, p. 424. Traduction française : « Complément métapsychologique à la doctrine du rêve, dans Oeuvres complètes, Paris, PUF, 1988, p. 256.
[10] Freud, S. 1915 « Triebe und Triebschicksale », Op. Cit., pp. 227-229. Traduction française : pp. 179-181.
[11] Sens commun... Rappelons seulement les définitions cartésiennes de l'amour et de la haine : « L'amour est une émotion de l'âme causée par le mouvement des esprits, qui l'incite à se joindre de volonté aux objets qui paraissent lui être convenables. Et la haine est une émotion causée par ces esprits, qui incite l'âme à vouloir être séparée des objets qui se présentent à elle comme nuisibles ». Descartes, R. (1649). « Les passions de l'âme », dans Oeuvres philosophiques. Paris, Garnier, 1989, pp. 1012-1013.
[12] Freud, S. 1915 « Triebe und Triebschicksale », Op. Cit., pp. 229-230. Traduction française : p. 181-182.
[13] Ibid., p. 231. Traduction française : p. 183.
[14] Ibid., p. 231. Traduction française : p. 184.
[15] Sénèque, « Consolation à Marcia », dans Consolations. Paris, Les Belles Lettres, 1967, pp. 15-17.
[16] « Trauer und Melancholie ». Op. Cit., pp. 437-438. Traduction française : p. 270.
[17] Dans la mélancolie, « l'objet auquel s'adresse la colère du sur-moi a été accueilli dans le moi par identification ». Freud, S. 1923. « Das Ich und Das Es », dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1940. Traduction française : « Le moi et le ça », dans Oeuvres complètes, Paris, PUF, 1988, p. 294.
[18] « Trauer und Melancholie », Op. Cit., p. 430. Traduction française : p. 263.
[19] Hellens, F. 1956. « L’oiseau dans la
tombe », in Poésie complète
(1905-1959), Paris, Albin Michel, 1959, p. 171.
[20] En réalité, cette idée d’Abraham et Freud
d’associer la haine à la douleur mélancolique n’est pas vraiment nouvelle. Nous
la trouvons déjà, bien que seulement pressentie, dans le célèbre Traité de Mélancolie de Bright, où nous
lisons, par exemple, que « lorsqu’il s’agit (...) d’un mal présent (...),
la haine et l’aversion provoquent l’accablement du coeur et la tristesse »
(Bright, T. 1586. Traité de mélancolie. E.
Cuvelier (trad.), Grenoble, Millon, 1996, XV, p. 108). Nous la retrouvons à
nouveau, une dizaine d’années plus tard, même dans une stance de
Malherbe :
« Mais d’être inconsolable, et dedans sa
mémoire
Enfermer
un ennui,
N’est-ce pas se haïr, pour acquérir la gloire
De
bien aimer autrui ?
(Malherbe, F. 1599. « Consolation à M. du
Perrier », in Poésies, Paris,
Janet et Cotelle, 1824, vol. II, p. 114.)
[21] Abraham, K. 1911. « Préliminaires à
l’investigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dépressive
et des états voisins », in Oeuvres complètes. I. Barande (trad.), Paris,
Payot, 1965, p. 217.
[22] Ibid.,
p. 218-219.
[23] Ibid., p.
217.
[24] Abraham, K. 1915. « Lettre du 31.03.1915 à
S. Freud », in S. Freud et K. Abraham, Correspondance (1907-1926), F.
Cambon et J.-P. Grossein (trad.), Paris, Gallimard, 1969, p. 221.
[25] Abraham, K. 1924. « Versuch einer Entwicklungsgeschichte der Libido auf Grund der Psychoanalyse Seelischer Störungen ». Traduction française : « Esquisse d'une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux », dans Oeuvres complètes, Paris, Payot, 1965, vol. II, p. 183.
[26] Abraham, K. 1924. « Psychoanalytische Studien zur Charakterbildung ». Traduction française : « Etude psychanalytique de la formation du caractère », dans Oeuvres complètes, Paris, Payot, 1965, vol. II, pp. 255-263.
[27] Klein, M. 1934. « Contribution à l’étude de
la psychogenèse des états maniaco-dépressifs », in Essais de Psychanalyse 1921-1945. M. Derrida (trad.), Paris, Payot, 1968, p. 326.
[28] Ibid., p. 317.
[29] Ibid., p.
313.
[30] Ibid., pp. 311-340.
[31] Klein, M. 1940. « Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs », dans Essais de Psychanalyse 1921-1945. Paris, Payot, 1968, pp. 341-369.
[32] Lagache, D. 1938. « Le travail de deuil », dans Oeuvres, PUF, Paris, 1977, vol. I, pp. 247-248.
[33] Lagache, D. 1956. « Deuil pathologique », dans Oeuvres, PUF, Paris, 1982, vol. IV, pp. 25-26.
[34] Ibid., pp. 26-27.
[35] Lagache, D. 1960. « La psychanalyse et la structure de la personnalité », dans Oeuvres, PUF, Paris, 1982, vol. IV, pp. 194-196.
[36] Ibid., p. 200.
[37] Lacan, J. 1960. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : 'Psychanalyse et structure de la personnalité' », dans Écrits. Paris, Seuil, 1999, pp. 130-131.
[38] Lacan, J. 1966. « Réponses à des étudiants en Philosophie », Op. cit., pp. 205-206.
[39] Lacan, J. 1966. « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 200.
[40] C’est ainsi que « le drame du sujet dans le verbe — nous dit Lacan —, c'est qu'il y fait l'épreuve de son manque-à-être (...) C’est parce qu'elle pare à ce moment de manque qu'une image vient à la position de supporter tout le prix du désir : projection, fonction de l'imaginaire. A l'opposé vient s'installer au cœur de l'être, pour en désigner le trou, un index : introjection, relation au symbolique » (Lacan, J. 1960. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : 'Psychanalyse et structure de la personnalité' », Op. Cit., p. 132).
[41] Lacan, J. 1966. « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse », Op. Cit., p. 201.
[42] Lacan, J. 1960-1961. « Le transfert », dans Le séminaire, livre VIII, Paris, Seuil, 1991, p. 140.
[43] Lacan, J. 1956-1957. « La relation d'objet », dans Le séminaire, livre IV, Paris, Seuil, 1994, p. 36.
[44] Lacan, J. 1954-1955. « Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse », dans Le séminaire, livre II, Paris, Seuil, 1978.
[45] Ferenczi, S. 1909. « Transfert et
introjection », in Oeuvres
complètes. J. Dupont (trad.), Paris,
Payot, 1968, vol. I, p. 101.
[46] Törok, M. 1968. « Maladie du deuil et
fantasme du cadavre exquis », in N. Abraham et M. Törok, L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion,
1987, p. 236.
[47] Ferenczi, S. 1909. « Transfert et
introjection », Op. cit., p.
100.
[48] Freud, S. 1915 « Triebe und Triebschicksale », Op. Cit., pp. 227-229. Traduction française : pp. 179-181.
[49] Freud, S. 1915 « Triebe und Triebschicksale », Op. Cit., pp. 229-230. Traduction française : p. 181-182.
[50] Ibid., p. 231. Traduction française : p. 183.
[51] Freud, S. 1926. « Hemmung, Symptom und
Angst », in Gesammelte Werke, Frankfurt,
S. Fischer Verlag, 1948, vol. XIV, p. 161. Traduction française de J. et R.
Doron : « Inhibition, symptôme et angoisse », in Oeuvres complètes. Paris, PUF, 1992, p.
247.
[52] Freud, S. 1938. « Abriss der Psychoanalyse ». Traduction française : « Abrégé de Psychanalyse », Paris, PUF, 1949, p.59.
[53] Freud, S. 1938. « Ergebnisse, Ideen, Probleme ». Traduction française : « Résultats, idées, problèmes », dans Résultats, idées, problèmes, Paris, PUF, 1985, vol. II, p.287.
[54] Freud, S. 1921. « Massenpsychologie und Ich-Analyse », dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1940, pp. 115-117. Traduction française : « Psychologie des foules et analyse du moi », dans Oeuvres complètes, Paris, PUF, 1991, pp. 42-44.
[55] Freud, S. 1933. « Neue Folge der Vorlesungen zur einführung in die Psychoanalyse », dans dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1944, p. 69. Traduction française : Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, Gallimard, Paris, 1984, p. 89.
[56] Freud, S. 1921. « Massenpsychologie und Ich-Analyse », Op. Cit., pp. 115-121. Traduction française : pp. 42-48.
[57] Freud, S. 1923. « Das Ich und Das Es », dans Gesammelte Werke, Frankfurt, S. Fischer Verlag, 1940, pp. 259. Traduction française : « Le moi et le ça », Op. cit., p. 275.
[58] Freud, S. 1921. « Massenpsychologie und Ich-Analyse », Op. Cit., p. 144. Traduction française : pp. 67-68.
[59] Bien entendu, plus qu'un enchaînement chronologique, ce que nous avons là c'est un enchaînement purement logique, justifié par des nécessités logiques : chaque phase est la condition de la subséquente et a sa condition dans l'antécédente.
[60] Winnicott, D. W. 1951. « Transitional Objects and Transitional Phenomena ». Traduction française : « Objets transitionnels et phénomènes transitionnels », dans De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969, p. 179. Voir aussi : 1971. Playing and Reality. Traduction française : Jeu et réalité : l'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1971, p. 19.
[61] Winnicott, D. W. 1951. « Transitional Objects and Transitional Phenomena ». Traduction française : « Objets transitionnels et phénomènes transitionnels », Op. Cit., pp. 170-181. Voir aussi : 1971. Playing and Reality. Traduction française : Jeu et realité : l'espace potentiel, Op. Cit., pp. 8-24.
[62] Bion, W. R. 1962. Learning from experience. Traduction française : Aux sources de l’expérience. F. Robert
(trad.), Paris, PUF, 1991, pp. 24-79.
[63] Lacan, J. 1960-1961. « Le transfert », Op. Cit., pp. 176-177.
[64] Lacan, J. 1969. « L'acte psychanalytique », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 379.
[65] Lacan, J. 1960. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : 'Psychanalyse et structure de la personnalité' », Op. Cit., p. 160.
[66] Lacan, J. 1966. « Réponse à des étudiants en Philosophie », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 211.
[67] Lacan, J. 1958-1959. « Le désir et son interprétation », dans Le séminaire, livre VI, inédit.
[68] Ibid., p. 22.
[69] Lacan, J. 1960. « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : 'Psychanalyse et structure de la personnalité' », Op. Cit., p. 160.
[70] Lacan, J. 1957-1958. « Les formations de l'inconscient », dans Le séminaire, livre V, Paris, Seuil, 1998, pp. 185-186.
[71] Abélard, P. 1134. « D'Abélard à Héloïse », dans Lamentations, Histoire de mes malheurs et correspondance avec Héloïse, Paris, Babel, 1992, p. 278.
[72] Lacan, J. 1956-1957. « La relation d'objet », Op. Cit., pp. 37-38, 55, 61, 66-67, 215-221.
[73] Du moment que l’objet a me manque, dès lors que ce « petit peu que je veux » — chanterait
Henri Michaux — n’est pas encore « apporté » par une vie qui ne
veut pas encore me tuer, alors « à cause de ce manque, j’aspire à
tant », je désire tout ce qui manque parce qu’un petit morceau lui manque,
j’aspire « à tant de choses, à presque l’infini... », et seulement
« à cause de ce peu qui manque » (Michaux, H. 1932. « Ma
vie », in Oeuvres complètes, Gallimard,
La Pléiade, Paris, 1998, p. 462).
[74] Lacan, J. 1962-1963. « L'angoisse », dans Le séminaire, livre X, inédit, p. 128.
[75] Lacan, J. 1962-1963. « L'angoisse », Op. Cit., p. 152.
[76] La Rochefoucauld. 1678. « Réflexion morale No. 262 », dans Maximes, Paris, Le livre de poche, 1991.