A l'automne de 1980, des écoliers de la région de Dieppe ~
Berneval, Ste-Marguerite-sur-Mer, Hautot-sur-Mer (Pourville), St-Martin-en-Campagne et
Puys ~ reçoivent une journée de congé afin de ramasser des centaines de galets des
plages locales. Ces cailloux sur lesquels tant de Canadiens ont versé leur sang ou ont
perdu la vie dans la lutte contre l'oppression nazie viennent à représenter chaque
soldat canadien tué au cours du raid du 19 août 1942. Des arrangements sont conclus avec
Air Canada qui accepte de les transporter au Canada sans frais.
Le maire Clarence Cormier reçoit une lettre le 31 décembre 1980
expliquant le geste des enfants. Les galets arrivent à Montréal au début de 1981.
Monsieur Cormier va chercher la précieuse cargaison à l'aéroport de Montréal et
l'amène à Dieppe.
Cette contribution des enfants de l'autre côté de l'Atlantique donne un renouveau de
vigueur aux efforts des anciens combattants. En janvier, des membres de l'Association
rencontrent Jean Gaudet, directeur des services de loisirs et communautaires de la ville
de Dieppe afin de discuter du projet de cénotaphe.
La conception du cénotaphe
En février, Nelson Monuments, une entreprise privée, Gordon Brown, un dessinateur
industriel, et Don Gould, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale et maçon de métier,
soumettent des croquis pour le cénotaphe. Tous incorporent les galets ramassés par les
écoliers français.
Les coûts de construction du monument sont un facteur majeur
dans la décision pour l'octroi du contrat. On craint que la soumission venant de
l'extérieur puisse faire grimper les dépenses à plus de 30,000 $.
Après des changements mineurs, le feu vert est donné à la
proposition soumise par Donald Gould de Dieppe. Le croquis représente une scène du raid
canadien contre le port de Dieppe le 19 août 1942. On accorde un contrat de 8,950 $ à
Donald Gould. Les travaux deviennent la responsabilité d'Alfred Melanson, nommé
président du Comité du cénotaphe.
Il faut maintenant générer les revenus pour défrayer la
construction. L'Association décide de vendre des insignes représentant chacune une
brique du cénotaphe. Wilfred Gauvin dirige cette levée de fonds avec l'objectif de
vendre 4,000 badges à 3.00 $ l'unité. Si le but de 12,000 $ est atteint, les fonds
seront suffisants pour assurer la construction. Des avis annonçant cette campagne sont
publiés dans les bulletins d'église, des lettres sont envoyées et des anciens
combattants font du porte-à-porte.
En avril, un nouveau partenaire se joint au projet. Le Club des
Lions de Dieppe accepte de parrainer le cénotaphe et organise d'autres activités de
levée de fonds.
Il ne reste maintenant plus qu'à décider de l'emplacement du
monument. Les anciens combattants préfèrent un site en recul de la rue. Le lieu idéal
est un terrain municipal face à l'avenue Acadie, près de l'Hôtel de Ville. La
municipalité consent.
La cérémonie de la levée de la première pelletée de terre se déroule en soirée du 8
mai 1981, le 36e anniversaire de la fin des combats en Europe. Le Consul général de
France à Moncton, M. Éric Lem, remet alors officiellement les galets à la Ville de
Dieppe et le croquis du cénotaphe est dévoilé par le maire Clarence Cormier et le
président de l'Association des vétérans de Dieppe, M. Ben Gallant. La cérémonie est
suivie d'une réception au club des Lions. La construction débute dans les jours qui
suivent mais ce sera six mois avant que les anciens combattants et le public ne voient le
résultat final.
Le dévoilement
Le dévoilement du cénotaphe a lieu le 8 novembre 1981. Au
nombre des invités spéciaux, on remarque le Brigadier-général Owen Lockyer, le Colonel
J. D. Murray, commandant le la base des forces armées de Moncton, M. Phil Howlet, un
ancien combattant fait prisonnier lors du raid de Dieppe, M. Bill Malenfant, député
provincial, M. Éric Lem, Consul général de France, le maire Clarence Cormier, Mgr Donat
Chiasson, archevêque de Moncton, le révérend Hamilton, le rabbin Lefkowitz, le père
Doucet, le conseiller Ben Gallant ainsi que messieurs Fred Melanson et Roger Thériault,
représentant le Club des Lions.
Le clairon entame 'La sonnerie aux morts' et on observe une
minute de silence à la mémoire des camarades tombés au champ d'honneur avant que la
cérémonie ne débute. Des couronnes sont déposées dont celle de Mme Philomène
LeBlanc, Mère de la Croix d'Argent, qui a perdu son fils Honoré Émile 'mort le 31
décembre 1943 en Italie'. La cérémonie se termine avec le 'God Save the Queen'.
L'Association des vétérans de Dieppe, rejointe par d'autres associations militaires de
Moncton et de Riverview et des membres des services de police et de pompiers de la Ville
de Dieppe, défile au son de la fanfare des cadets.
Plus de 700 personnes assistent à la cérémonie.
Le cénotaphe
Le cénotaphe commémore les camarades tombés au cours de la Première Guerre mondiale,
la Seconde Guerre mondiale, la Guerre de Corée ainsi que les Gardiens de la paix. Le
monument repose sur une base de granit et mesure 14 pieds et 9 pouces (4,5m) de large, 10
pieds et 8 pouces (3,25m) de haut et 20 pouces (50cm) d'épais. Il est composé de 21
rangées de 40 briques. Dix groupes de galets, offerts par les enfants de la région de
Dieppe, en France, sont intégrés dans la brique afin de représenter les morts dans
chacune des 10 unités canadiennes qui participent du raid du 19 août 1942. Au centre du
mémorial, un soldat stylisé, coiffé d'un casque authentique d'époque et brandissant un
fusil Lee-Enfield .303, l'arme standard du fantassin canadien de la Seconde Guerre
mondiale, court vers les falaises de Dieppe. Un char Churchill entre en scène par la
gauche et un navire vogue en mer. Un avion stylisé, représentant l'Aviation royale du
Canada, vole dans un ciel gris-blanc transpercé de tirs antiaériens. Le sol est brun et
des formations rocheuses représentent la plage. La bordure noire du Cénotaphe rappelle
les lettres bordées de noire que recevaient les familles les informant de la mort au
combat d'un être cher.
Même si le cénotaphe illustre le thème du raid de
Dieppe, l'inscription sur le socle de granit, ajoutée en 2002, commémore tous les
Canadiens qui ont servi leur pays en temps de guerre et en tant que Gardiens de la Paix :
1914-1918, 1939-1945, 1950-1953 et Gardien de la Paix / Peacekeeping.
Une plaque honorant les 15 résidents de Dieppe
morts pendant leur service pour le Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale est
ajoutée plus tard. (Pour voir noms et détails, visitez http://ca.oocities.com/dieppe-vets@rogers.com/lasonnerieauxmorts.htm
et cliquez sur Français, en haut de page.)
Sur la face arrière du monument figurent les noms
des anciens combattants décédés de Dieppe avec l'inscription : 'A la mémoire des
camarades défunts de l'Association des vétérans militaires de Dieppe, N.B.'. La date du
dévoilement, le nom de Don Gould et fils pour le design et la construction du cénotaphe,
le Club des Lions et les citoyens de Dieppe pour avoir érigé le cénotaphe sont aussi
inscrits là. En bas, deux coquelicots encadrent la phrase éternelle 'Lest We Forget /
Nous nous souviendrons d'eux'.
Des dalles de marbre noir sont ajoutées en 2001
chaque bout du cénotaphe. Une croix blanche et l'Étoile de David rappellent les
cimetières de guerre portant les noms des Canadiens morts pour la patrie. On y voit aussi
l'écusson de l'Association des vétérans de Dieppe avec l'inscription, en français d'un
bout et en anglais de l'autre, 'A la mémoire de ceux qui, partis de Dieppe, ont versé
leur sang et des vétérans qui ont combattu pour notre liberté'.
Un sentiment de fierté
Le cénotaphe est devenu un symbole de fierté pour l'Association des vétérans de
Dieppe, pour les citoyens de Dieppe et pour de nombreux anciens combattants au Canada et
ailleurs. Il est un point de ralliement pour les cérémonies du souvenir, les plus
importantes étant l'anniversaire du Raid de Dieppe, le dimanche le plus près du 19
août, et le Jour du Souvenir, le 11 novembre.
Pour la première fois, un cénotaphe est érigé uniquement par
les membres d'une association d'anciens combattants. C'est le seul mémorial au Canada à
parler si éloquemment du raid contre le port de Dieppe, une opération militaire très
controversée dans les annales de la Seconde Guerre mondiale.
Pour les anciens combattants, la participation des enfants de
France à la collecte des galets des plages de la région de Dieppe revêt un sens
spécial et constitue un cadeau unique. Dans leur lettre aux vétérans, les enfants
écrivent : 'Pour la fin de toutes les guerres, pour l'amitié entre les enfants'.
Ce premier projet de l'Association des vétérans de Dieppe fixe
l'organisation sur une base solide et entraîne la mise sur pied d'une structure
permanente et le recrutement de nouveaux membres.
A l'automne de 1983, l'avocate Brigitte Robichaud prépare la
requête pour la Charte de l'Association qui est signée par Benjamin Gallant, Amédée
Cormier, Marcel Cormier et Thomas LeBlanc. La Charte est accordée par le ministre de la
Justice du Nouveau-Brunswick, M. Fernand Dubé, le 20 septembre 1983. L'Association est
officiellement incorporée sous le nom de 'Association des vétérans de Dieppe Inc. et
'Dieppe Military Veterans' Association'.
L'Association est maintenant prête à relever de nouveaux
défis.