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Le cénotaphe

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Moins de six semaines après la première réunion des anciens combattants de la région de Dieppe, la nouvelle Association des vétérans de Dieppe est prête à agir. Ses membres se réunissent le 6 novembre 1979 afin de concentrer leurs efforts sur la création d'un cénotaphe. Mais plusieurs questions demeurent sans réponses. Qui financera le projet ? Quels seront les coûts ? Comment atteindre le but alors que seulement 46 des quelque 125 anciens combattants habitant Dieppe assistent à la rencontre ? Les vétérans savent que ce sera des mois avant que leur projet ne voit le jour.


Une contribution de l'étranger


Si ce n'eut été de la visite fortuite d'un journaliste de Dieppe, en France, en 19
80, il est fort probable que le cénotaphe actuel aurait une allure bien différente.
Après son retour en France, Alain Gillette écrit un reportage sur la ville de Dieppe dans Les informations dieppoises, journal publié dans la ville portuaire de Dieppe. Dans son article, il fait aussi mention des plans pour un cénotaphe dans la communauté néo-brunswickoise. Il suggère que ce serait peut-être intéressant d'incorporer des galets des plages de Dieppe dans le dessin du monument que l'Association veut ériger pour commémorer le sacrifice des soldats canadiens et cimenter les liens naissants entre les deux Dieppes. L'idée d'Alain Gillette frappe une corde sensible dans les coeurs et les esprits des habitants de la région dieppoise. La suggestion de ramasser des galets et de les envoyer au Canada est reçue avec enthousiasme.

A l'automne de 1980, des écoliers de la région de Dieppe ~ Berneval, Ste-Marguerite-sur-Mer, Hautot-sur-Mer (Pourville), St-Martin-en-Campagne et Puys ~ reçoivent une journée de congé afin de ramasser des centaines de galets des plages locales. Ces cailloux sur lesquels tant de Canadiens ont versé leur sang ou ont perdu la vie dans la lutte contre l'oppression nazie viennent à représenter chaque soldat canadien tué au cours du raid du 19 août 1942. Des arrangements sont conclus avec Air Canada qui accepte de les transporter au Canada sans frais.

Le maire Clarence Cormier reçoit une lettre le 31 décembre 1980 expliquant le geste des enfants. Les galets arrivent à Montréal au début de 1981. Monsieur Cormier va chercher la précieuse cargaison à l'aéroport de Montréal et l'amène à Dieppe.

Cette contribution des enfants de l'autre côté de l'Atlantique donne un renouveau de vigueur aux efforts des anciens combattants. En janvier, des membres de l'Association rencontrent Jean Gaudet, directeur des services de loisirs et communautaires de la ville de Dieppe afin de discuter du projet de cénotaphe.


La conception du cénotaphe


En février, Nelson Monuments, une entreprise privée, Gordon Brown, un dessinateur industriel, et Don Gould, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale et maçon de métier, soumettent des croquis pour le cénotaphe. Tous incorporent les galets ramassés par les écoliers français.

Les coûts de construction du monument sont un facteur majeur dans la décision pour l'octroi du contrat. On craint que la soumission venant de l'extérieur puisse faire grimper les dépenses à plus de 30,000 $.

Après des changements mineurs, le feu vert est donné à la proposition soumise par Donald Gould de Dieppe. Le croquis représente une scène du raid canadien contre le port de Dieppe le 19 août 1942. On accorde un contrat de 8,950 $ à Donald Gould. Les travaux deviennent la responsabilité d'Alfred Melanson, nommé président du Comité du cénotaphe.

Il faut maintenant générer les revenus pour défrayer la construction. L'Association décide de vendre des insignes représentant chacune une brique du cénotaphe. Wilfred Gauvin dirige cette levée de fonds avec l'objectif de vendre 4,000 badges à 3.00 $ l'unité. Si le but de 12,000 $ est atteint, les fonds seront suffisants pour assurer la construction. Des avis annonçant cette campagne sont publiés dans les bulletins d'église, des lettres sont envoyées et des anciens combattants font du porte-à-porte.

En avril, un nouveau partenaire se joint au projet. Le Club des Lions de Dieppe accepte de parrainer le cénotaphe et organise d'autres activités de levée de fonds.

Il ne reste maintenant plus qu'à décider de l'emplacement du monument. Les anciens combattants préfèrent un site en recul de la rue. Le lieu idéal est un terrain municipal face à l'avenue Acadie, près de l'Hôtel de Ville. La municipalité consent.

La cérémonie de la levée de la première pelletée de terre se déroule en soirée du 8 mai 1981, le 36e anniversaire de la fin des combats en Europe. Le Consul général de France à Moncton, M. Éric Lem, remet alors officiellement les galets à la Ville de Dieppe et le croquis du cénotaphe est dévoilé par le maire Clarence Cormier et le président de l'Association des vétérans de Dieppe, M. Ben Gallant. La cérémonie est suivie d'une réception au club des Lions. La construction débute dans les jours qui suivent mais ce sera six mois avant que les anciens combattants et le public ne voient le résultat final.


Le dévoilement

Le dévoilement du cénotaphe a lieu le 8 novembre 1981. Au nombre des invités spéciaux, on remarque le Brigadier-général Owen Lockyer, le Colonel J. D. Murray, commandant le la base des forces armées de Moncton, M. Phil Howlet, un ancien combattant fait prisonnier lors du raid de Dieppe, M. Bill Malenfant, député provincial, M. Éric Lem, Consul général de France, le maire Clarence Cormier, Mgr Donat Chiasson, archevêque de Moncton, le révérend Hamilton, le rabbin Lefkowitz, le père Doucet, le conseiller Ben Gallant ainsi que messieurs Fred Melanson et Roger Thériault, représentant le Club des Lions.

Le clairon entame 'La sonnerie aux morts' et on observe une minute de silence à la mémoire des camarades tombés au champ d'honneur avant que la cérémonie ne débute. Des couronnes sont déposées dont celle de Mme Philomène LeBlanc, Mère de la Croix d'Argent, qui a perdu son fils Honoré Émile 'mort le 31 décembre 1943 en Italie'. La cérémonie se termine avec le 'God Save the Queen'. L'Association des vétérans de Dieppe, rejointe par d'autres associations militaires de Moncton et de Riverview et des membres des services de police et de pompiers de la Ville de Dieppe, défile au son de la fanfare des cadets.

Plus de 700 personnes assistent à la cérémonie.


Le cénotaphe


Le cénotaphe commémore les camarades tombés au cours de la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la Guerre de Corée ainsi que les Gardiens de la paix. Le monument repose sur une base de granit et mesure 14 pieds et 9 pouces (4,5m) de large, 10 pieds et 8 pouces (3,25m) de haut et 20 pouces (50cm) d'épais. Il est composé de 21 rangées de 40 briques. Dix groupes de galets, offerts par les enfants de la région de Dieppe, en France, sont intégrés dans la brique afin de représenter les morts dans chacune des 10 unités canadiennes qui participent du raid du 19 août 1942. Au centre du mémorial, un soldat stylisé, coiffé d'un casque authentique d'époque et brandissant un fusil Lee-Enfield .303, l'arme standard du fantassin canadien de la Seconde Guerre mondiale, court vers les falaises de Dieppe. Un char Churchill entre en scène par la gauche et un navire vogue en mer. Un avion stylisé, représentant l'Aviation royale du Canada, vole dans un ciel gris-blanc transpercé de tirs antiaériens. Le sol est brun et des formations rocheuses représentent la plage. La bordure noire du Cénotaphe rappelle les lettres bordées de noire que recevaient les familles les informant de la mort au combat d'un être cher.

Même si le cénotaphe illustre le thème du raid de Dieppe, l'inscription sur le socle de granit, ajoutée en 2002, commémore tous les Canadiens qui ont servi leur pays en temps de guerre et en tant que Gardiens de la Paix : 1914-1918, 1939-1945, 1950-1953 et Gardien de la Paix / Peacekeeping.

Une plaque honorant les 15 résidents de Dieppe morts pendant leur service pour le Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale est ajoutée plus tard. (Pour voir noms et détails, visitez http://ca.oocities.com/dieppe-vets@rogers.com/lasonnerieauxmorts.htm et cliquez sur Français, en haut de page.)

Sur la face arrière du monument figurent les noms des anciens combattants décédés de Dieppe avec l'inscription : 'A la mémoire des camarades défunts de l'Association des vétérans militaires de Dieppe, N.B.'. La date du dévoilement, le nom de Don Gould et fils pour le design et la construction du cénotaphe, le Club des Lions et les citoyens de Dieppe pour avoir érigé le cénotaphe sont aussi inscrits là. En bas, deux coquelicots encadrent la phrase éternelle 'Lest We Forget / Nous nous souviendrons d'eux'.

Des dalles de marbre noir sont ajoutées en 2001 chaque bout du cénotaphe. Une croix blanche et l'Étoile de David rappellent les cimetières de guerre portant les noms des Canadiens morts pour la patrie. On y voit aussi l'écusson de l'Association des vétérans de Dieppe avec l'inscription, en français d'un bout et en anglais de l'autre, 'A la mémoire de ceux qui, partis de Dieppe, ont versé leur sang et des vétérans qui ont combattu pour notre liberté'.


Un sentiment de fierté


Le cénotaphe est devenu un symbole de fierté pour l'Association des vétérans de Dieppe, pour les citoyens de Dieppe et pour de nombreux anciens combattants au Canada et ailleurs. Il est un point de ralliement pour les cérémonies du souvenir, les plus importantes étant l'anniversaire du Raid de Dieppe, le dimanche le plus près du 19 août, et le Jour du Souvenir, le 11 novembre.

Pour la première fois, un cénotaphe est érigé uniquement par les membres d'une association d'anciens combattants. C'est le seul mémorial au Canada à parler si éloquemment du raid contre le port de Dieppe, une opération militaire très controversée dans les annales de la Seconde Guerre mondiale.

Pour les anciens combattants, la participation des enfants de France à la collecte des galets des plages de la région de Dieppe revêt un sens spécial et constitue un cadeau unique. Dans leur lettre aux vétérans, les enfants écrivent : 'Pour la fin de toutes les guerres, pour l'amitié entre les enfants'.

Ce premier projet de l'Association des vétérans de Dieppe fixe l'organisation sur une base solide et entraîne la mise sur pied d'une structure permanente et le recrutement de nouveaux membres.

A l'automne de 1983, l'avocate Brigitte Robichaud prépare la requête pour la Charte de l'Association qui est signée par Benjamin Gallant, Amédée Cormier, Marcel Cormier et Thomas LeBlanc. La Charte est accordée par le ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick, M. Fernand Dubé, le 20 septembre 1983. L'Association est officiellement incorporée sous le nom de 'Association des vétérans de Dieppe Inc. et 'Dieppe Military Veterans' Association'.

L'Association est maintenant prête à relever de nouveaux défis.