D'Attaque

        De tous les objets volants projetés humainement dans les airs, la flèche décochée par un arc est le plus remarquable par la sûreté de sa mise en vol. La flèche inspire toujours mes décollages de deltaplane. Ma course agressive cherche à propulser l'appareil avec l'énergie suffisante pour atteindre une vitesse supérieure à la vitesse de décrochage. En bas de cette vitesse, l'appareil est dangereux car peu ou pas maniable et il aura tendance à tomber imprévisiblement alors que mon but est plutôt de le faire voler avec contrôle. J'assiste occasionnellement à des décollages avec décrochage pendant la mise en vol. Ce genre d'imprévu est généralement dû à un manque de concentration sur la technique de décollage. Je veux essayer d'en clarifier deux aspects qu’il est préférable de toujours exécuter de façon impeccable. Ce sont la génération de la vitesse et l'application de celle-ci selon l'angle d'attaque idéal.
Premier pas sur la meringue

        Un sprint de décollage se fait en quelques pas mais avec un poids important à supporter bien qu'il décroisse à mesure que l'aile se porte elle-même. Cependant il faudra à cette aile encore plus de vitesse pour supporter le pilote qui doit continuer de lui injecter de l'énergie. Et il lui en faudra encore plus pour qu'elle devienne manoeuvrable et qu'elle obéisse dans la turbulence qui rôde près du sol. Il faut un humain passablement en santé pour exécuter le sprint de 18 mph nécessaire à un décollage par vent nul. C'est heureusement plus facile sur un terrain descendant. C'est même réalisable en tractant une aile, pourvu qu'elle présente le bon angle d'attaque car une aile aime filer encore plus vite. Autrement, si cet angle est trop élevé, la trainée peut freiner aisément le plus musclé du jarret. Avec un peu de coeur et l'angle approprié, il est possible de décoller sécuritairement. Et s'il y a un vent de face, disons X mph, alors il sera nécessaire de courir à X mph de moins. Mais on n'a jamais trop de réserve de ces mph car ils sont le gage de la manoeuvrabilité dans le moment encore vulnérable proche du sol.

        Le problème dans cette course est de fournir un effort assez athlétique tout en maintenant délicatement l'angle d'attaque approprié. Même si l'on a soin de bien sentir et tracter la sangle du harnai qui est accrochée ( j'espère...) autour du point d'équilibre de l'aile, il reste que, supportant l'aile par les montants, nous lui infligeons une torsion vers le haut. C'est justement ici qu'origine le problème qui tend à gaspiller le décollage : ce torque, qui relève le nez de l'appareil, le ralentit alors qu'il est impérieux de quitter rapidement la zone dangereuse près du sol. C'est justement ce problème que ne rencontre pas la flèche quand la corde de l'arc l'entraîne exactement dans la direction voulue de la course. Et c'est à elle que je pense en maîtrisant de mes doigts les montants pour maintenir l'angle d'attaque idéal en attendant que la transition s'achève et que les sensations de vol adviennent.

        Si vous observez bien un delta décoller et que son nez fléchit en fin de course, c'est souvent parce que l'aile a éprouvé un décrochage lors de la mise en charge. Cela passe inaperçu ou correct pour un oeil inexpérimenté. Mais c'est le signe d'un manque de contrôle et d'une marge de manoeuvre amincie. De tout attribuer les sparages des décollages d'après-midi au chaos inhérent à la convection thermique est une attitude simpliste inconséquente. Mauvaise lecture de vent, mauvaise course et mauvais angle d'attaque sont plutôt à corriger avant de flairer dans ces conditions des plus exigeantes.

        Enfin, l'exagération guette tous nos efforts les plus louables. Si on abaisse trop l'angle d'attaque, les pieds peuvent accrocher la barre de contrôle ou l'appareil peut s'appesantir car sa trajectoire rapide peut devenir plus inclinée que le terrain de course. Devançant le pilote, elle voudra piquer, voir " noser " sur l'aire de décollage. Cela m'est déjà arrivé juste avant le bout du décollage comme si une porte de garage se refermait devant moi. C'est très gênant mais cela aurait fait plus de dégâts juste un pied plus loin...

        L'art consiste donc à contrôler cet angle d'attaque du bout des doigts et cela dans une course qui est d'attaque. Un bon équilibre de brutalité et de finesse. Se tenir en forme et pratiquer le sprint est un atout non négligeable. Bien comprendre pourquoi et comment maintenir le " bon " angle d'attaque en est un autre. En passant, j'établis cet angle d'après la distance entre la barre de contrôle et mes jambes au départ. L'application de ces deux atouts permettra de rivaliser la sûreté de la flèche, symbole de la poursuite du but lointain comme l'oiseau est symbole de la poursuite de la liberté. À l'attaque.


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