Sans bruit ni tapage

        Mémoire présenté au ministre lors de la création du Parc de conservation du mont Mégantic dont le thème est " de la terre aux étoiles" à cause de la présence de l'observatoire astronomique.

par "DuCk KcUd" de la cellule orageuse


le 11 juin 1993

Monsieur le ministre, je vous remercie de l'audience publique que vous m'accordez.

Mais aujourd'hui, ici , je viens comme un voleur...

Je viens pour voler le mont Mégantic... Comme représentant d'un club de vol libre, je viens comme un voleur...

et je me déclare disposé à voler le parc du mont-Mégantic... le joyau des Appalaches...

Ne craignez rien de mon discours ambigu; car notre club regroupe des pilotes de deltaplane pour qui la passion est de voler, mais voler simplement dans les airs comme des oiseaux.

Notre discipline qu'est le deltaplane souffre beaucoup de malentendus de la sorte qui nous assimilent quand ce n'est pas à des casse-cou, à des voleurs ou des cleptomanes juste à cause de la terminologie de vol libre. Pourtant nous sommes des techniciens raffinés que ce soit en météorologie ou en observation des vents et des nuages; nos connaissances vont de l'ornithologie au matériel le plus sophistiqué d'avionnerie, et j'en passe.

Je me propose donc de vous démontrer que nous pourrions être des utilisateurs appréciés dans un parc à la vision élargie de la terre aux étoiles.

Permettez d'abord que je souligne l'origine ancienne du massif du mont Mégantic. Il y a 300 millions d'années, les 2 plaques tectoniques de l'Amérique et de l'Afrique sont entrées en collision. Collision assez brutale car l'Afrique s'est cassée et a laissé un morceau enfoncé dans l'Amérique et qui est connu aujourd'hui comme la Floride. Toujours est-il que cet impact fut assez violent pour ratatiner toute la côte Est de l'Amérique, de la Floride jusqu'à la Gaspésie. Ainsi fut créée la chaîne de montagne des Appalaches.

La région de Mégantic est située dans un repli ou creux de ce ratatinement entre les montagnes frontalières au sud et celles de la région de l'Amiante au nord. Au centre de cette région relativement plus calme, l'énergie de l'impact tectonique a fait surgir un volcan. Ce que l'érosion a épargné est aujourd'hui le massif du mont Mégantic. Maintenant il y subsiste un cône effondré à l'Ouest, et du côté Est une immense caldeira ou anneau sur plus de 200 degrés.

C'est un phénomène unique au Québec de pouvoir observer les vestiges d'un volcan et qui ont l'air d'un volcan à cause de sa forme évidente de cratère. Mais cela n'est observable directement que par les airs, par avion ou satellite.

Il est merveilleux pour l'esprit humain de s'élever sur une montagne, de saisir d'un coup d'oeil et de comprendre la région qui l'entoure. En bas dans la vallée, on ne peut tout deviner et aussi bien intégrer le terrain.

De la même façon , en s'élevant au-dessus d'une montagne on peut voir des choses inimaginables même du sommet. Un vrai cratère volcanique! Imaginez ! C'est ce spectacle fantastique que nous observons sans bruit ni tapage depuis une dizaine d'années en volant en deltaplane au-dessus du mont Mégantic.

Peut-être qu'un point de vue terrestre dans le parc sera, un jour, découvert d'où l'on pourra apercevoir directement l'évidence du volcan que j'ai décrit.

Voyez-vous, M. le Ministre, bien que voleur, nous sommes aussi des observateurs attentifs de la nature. Et je pourrais aussi vous entretenir encore plus longtemps sur d'autres phénomènes invisibles, certains mystérieux, et qui sont encore plus cruciaux pour nos vols. Le mont Mégantic est propice aux vents. Bien qu'invisible, le vent y est omniprésent et a ponctué par exemple son histoire d'une chapelle dédiée à calmer les ouragans...

Bon! Le temps s'envole si vite, ici, pour partager, avec votre attention, cette source, que dis-je, cette mine naturelle de phénomènes exaltants qu'est le massif du mont Mégantic.

Hélas , notre niche est bien fragile. Depuis une dizaine d'années, il n'existe qu'une seule aire de décollage pour nos ailes sur le bord du cratère de Mégantic. Ce site est situé près de la chapelle sur le mont St-Joseph.

Hélas, il ne sera plus possible de nous envoler de là en deltaplane si on clôture et si on plante des arbres comme il est prévu selon le plan directeur provisoire du parc du mont Mégantic. Depuis dix ans, sans bruit ni tapage, sans moteur, nous avons passé si inaperçus que les dessinateurs du belvédère projeté nous ont oubliés. Sûrement qu'un plan provisoire peut être ajusté pour une espèce de volatiles voleurs plus menacés que menaçants.

Notre club à but non lucratif ne veut le voler à personne le mont Mégantic. Nous désirons simplement pouvoir le voler encore comme les oiseaux qui y planent.

J'espère, M. le Ministre, que mon piaillement actuel attirera votre attention et permettra de réaménager le plan du belvédère du mont St-Joseph et de préserver un rare site d'envol pour deltaplane. Je pense qu'il y a place à contenter tous les utilisateurs de ce point de vue exceptionnel que cela soit pour simplement regarder ou même pour s'élancer entre la terre et les étoiles.

Enfin, le Club de Vol Libre de Thetford se tient à votre disposition et volera à votre service si notre présence ailée est permise au parc du mont Mégantic. Bien que d'un attrait spectaculaire pour le parc, notre présence se veut comme elle a été jusqu'ici : sans bruit ni tapage.

Si vous avez des questions , je me ferai un plaisir d'y répondre du mieux que je le peux.


Radarsat, Centre canadien de télédection, MER

Juin 1998 , 5 ans plus tard, la science évolue.

N'est-il qu'un volcan poétique, de bulles thermiques ?

        Les connaissances de la géologie du massif Mégantic ont évolué depuis 1993 et elles évoluent encore. De la controverse ancienne où on discutait d’inclure ou pas Mégantic dans les montérégiennes, on passe maintenant à la controverse sur la spéculation de processus volcanique expliquant l’orogénèse de ce massif.

        L’Astrolab, se basant sur de nouvelles données, particulièrement l’analyse des roches de surface et leurs datations plus précises, réfute actuellement la théorie volcanique. Il conclue à la théorie du frôlement, soit une intrusion magmatique qui ne se serait pas rendue à la surface. Cela concorderait avec la présence de granit, typiquement d’origine tellurique, et de syénite, dite plutonique, c’est-à-dire d’origine encore plus profonde. Comment donc ces deux types de roches se sont-ils retrouvés à la même altitude? Tout cela n’explique pas clairement avec autant d’évidence la forme du massif, l’aspect d’anneau ou de couronne, disons-le, de cratère. Comment se fait-il que, dans le seul cas de Mégantic, le processus souterrain aurait pris la ronde forme de caldeira de volcan ? La parfaite rondeur n’est pas du tout une caractéristique d’orogénèse tellurique s'insinuant dans les zébrures de la croute terrestre. Il serait plus logique d’en résulter des montagnes en forme de dômes .

        S’il est possible en 124 millions d’années que soit effacée par érosion une épaisseur apréciable de croûte terrestre recouvrant l’intrusion magmatique qui se serait freinée juste avant la surface, il est possible dans le même temps d’utiliser cette érosion pour faire disparaître la roche plus typiquement noire, friable et légère que l’on retrouve sur un volcan frais, actif. Avec la vigueur suggérée de cette érosion, toute la partie superficielle de l’ancien volcan aurait pu disparaitre n’en laissant que la racine. Effacer la preuve est un délicat processus scientifique...

        Enfin, on a suivi la trace géologique, d'Ouest en Est, d'une plume tectonique ou sorte de zone surchauffée dans le magma. C'est elle qui a formé à son passage au cours des dernières centaines de millions d'années les montérégiennes. Elle chauffe actuellement le fond de l'Altlantique au large de Boston. De cette plume résulte, à l'heure actuelle, des volcans actifs. Jadis, cette plume n'aurait-elle pas généré la même chose et à quoi ressemble bien le massif de Mégantic ?

        Les FLaQuistes n’ont pas eu besoin de monter aussi haut qu’une navette spatiale pour observer cette forme remarquable du massif, disparate dans son entourage et ne rappelant rien d’autre qu’un véritable cratère volcanique. Une simple maquette fascine tout autant sur cet aspect. Par ailleurs, l’hypothèse météoritique a été soulevée par RascarCapac qui est à la recherche d’une section écrasée de la station orbitale des Atlantes. Ce dernier préconise l’analyse en profondeur par des galeries souterraines secrètes. Ces secrets ne sont pas bienvenus pour une étude scientifique sereine. Nous laisserons donc la mascotte de la cellule orageuse piocher de son côté pendant que nous continuerons nos observations aériennes sans bruit ni tapage, propulsés par le volcan à convection thermique analysable par vent d’Est.

        Le FLaQ est assez dérouté par la micro-météorologie du massif Mégantic. La forme annulaire des crêtes l’obsède. Toutefois la spéculation volcanique est moins prédominante pour le vol libre que la conjecture de l’équerre de Lingwick : les vents tournent de façon surprenante autour de cette région. Si les astronomes s’intéressent principalement à la météorologie pour l’aspect clarté du ciel, l’expectative météorologique des libristes est imminemment vitale et se base sur une foule de subtilité. Le catapultage de MecFly pourrait avoir affaire à tout cet air chauffé et retenu dans le cratère ( pardon la profonde vallée courbe ) et éruptant de façon cyclique. Ce cycle, ce point « trigger », nous en cherchons la trace, le mécanisme et surtout comment l’utiliser. La couleur de la roche, le type de végétation, les tactiques de harcèlement de la mouche noire sur le décollage, les habitus des rapaces, l’arôme de nunatak ( encore une controverse... ), la foudre qui s’y manifeste... aucun détail fondamental ne sera négligé lors de la visite des FLaQuistes dans ce merveilleux terrain de jeux pour les ailes que sont notre esprit. Puisse-t-il être conservé avec toute sa magie, pendant que nous en sondons les mystères qui le constituent ! À suivre...


* retour au Volcan

* retour au Front de Libération aérienne du Québec