"La dette publique, en d'autres termes l'aliénation de l’état qu'il
soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l'ère
capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre
réellement dans la possession collective des peuples modernes, c'est leur
dette publique." (K. Marx T. 1 p. 721 du Kapital, éd. Moscou)
INTRODUCTION
Dans ce texte, nous allons parler essentiellement de la dette publique
et des prêts internationaux, nous laisserons volontairement de coté les autres
formes de crédits. Nous verrons que le crédit international est sans conteste
celui qui étend la reproduction du Kapital total au monde entier sous la
forme du processus A-M-A' ( Argent, Marchandises, Argent) et nous en montrerons
les limites.
Le système de crédit est non seulement à la source de l'accumulation primitive,
mais il constitue la base de la transformation des sociétés capitalistes privées
en sociétés capitalistes par action, qui deviennent prédominante à la fin
du XIX éme siècle. Cette transformation loin d'avoir son origine dans la
sphère de circulation du Kapital, n'est que la résultante de la prépondérance
de l'extraction de la plus-value relative dans le mode de production du capitalisme
au stade de sa DOMINATION REELLE, autrement dit ,il s'agit du passage à la
production de masse et à la prédominance du capital fixe sur le capital variable.
Par ailleurs, si le système des prêts internationaux est l'instrument qui
permet l'extension des marchés bien au delà des lieux de production; il doit
se soumettre à certaines conditions s'il veut sauvegarder la continuité du
processus productif, c'est-à-dire, qu'existe réellement le capital contre
lequel il doit être échangé. Comme avec le crédit l'élément spéculatif domine
la tendance du "capitalisme de casino" est d'entraîner des dévalorisations
en chaîne du Kapital comme nous le démontrerons dans ce texte.
I) INTERMEDE CRITIQUE SUR LE
LANGAGE ECONOMIQUE
Quand on nous parle de la dette du tiers monde, il faut entendre
en langage marxiste la crise financière du capital de prêt, sa dévalorisation.
En effet il n'y a jamais eu "d'aide au tiers monde " Il y a en permanence
des capitaux qui cherchent à se valoriser ( l'argent devant rapporter de l'argent).
Le problème du kapital c'est l'accumulation de plus value et non l'accumulation
de dette, pour lui pas de frontière, pas d'état, pas de nation, mais seulement
des gestionnaires locaux qui doivent lui rendre des comptes.
Il ne faut donc pas confondre des définitions juridiques, dont l'origine
est le partage des zones d'influences de certains capitaux privés ou d'état
( exemple la zone franc) avec la problématique du Kapital total, qui est sa
reproduction élargie. Quand aides il y a, ce sont des aides " de la communauté
internationale et de son Etat de droits" pour relancer la valorisation du
Kapital total, c'est à dire une aide que le Kapital se fait à lui même ( problématique
que pose Rosa Luxemburg).
Le néo-colonialisme, n'est jamais que cette subordination des bourgeoisies
compradores du "tiers monde" "non alignés"... aux capitaux les plus puissants
à savoir le capital financier.
La "dette du tiers monde" de même que les "dettes publiques" ne sont que
le reflet de la crise de valorisation du kapital total. Le monétarisme et
le libéralisme cherchent à contrecarrer ce problème en faisant payer la facture
" des dettes" aux masses prolétariennes de tous les pays comme leur dette
personnelle. C'est pourquoi les statistiques et la presse aux ordres ramènent
toujours le montant de la dette publique par habitant, en France c'est mieux
c'est directement sur la feuille de paye que cette dette est prélevée sous
le nom de RDS (Remboursement de la dette sociale.)
Quand la presse, les économistes, les politiques... parlent d'aide humanitaire,
nous devons traduire cela par descente militaire camouflée sous le manteau
des droits de l'homme et de l’état de droit sa juridicialisation du monde,
exemple récent l'intervention en Albanie.
II) NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT
DU CREDIT INTERNATIONAL
L'investissement international a une longue histoire, nous pouvons
dire qu'il prend sa source à l'époque des premières croisades (1095-1192).
C'est à Genève, Venise et Amsterdam que le crédit international commence à
déployer son activité.
Dés le XVI éme siècle, des maisons d'investissements géraient de vastes
regroupements de capitaux. Au XVII éme siècle, la Bourse d'Amsterdam qui
avait ouvert ses portes en 1631, domine la finance internationale. Avec la
création de la Banque d'Angleterre en 1694 le centre financier va se déplacer
vers Londres. La puissance financière de l'Angleterre est confirmée par sa
suprématie maritime et sa victoire de la bataille de Trafalgar en 1805, et
celle de Waterloo pour la suprématie terrestre.
Marx fera état de cette saga financière en ces termes:
"avec les dettes publiques naquit le système de crédit international qui
cache souvent une des sources de l'accumulation primitive chez tel ou tel
peuple. C'est ainsi, par exemple, que les rapines et les violences vénitiennes
forment une des bases de la richesse en capital de la Hollande, à qui Venise
en décadence prêtait des sommes considérables. A son tour, la Hollande, déchue
vers la fin du XVII éme siècle de sa suprématie industrielle et commerciale,
se vit contrainte à faire valoir des capitaux énormes en les prêtant à l'étranger
et, de 1701 à 1776, spécialement à l'Angleterre, sa rivale victorieuse.
Et il en est de même à présent de l'Angleterre et des Etats Unis, maint
capital qui fait aujourd'hui son apparition aux états unis sans extraits de
naissance n'est que de sang d'enfants de fabrique capitalisé hier en Angleterre."
(LE KAPITAL TOME Ier chapitre 31 p 723 édit Moscou.)
En effet au milieu du XIX éme siècle, 43% de la richesse de l'Angleterre
était exportée aux Amériques, pendant que l'Europe continentale entrait en
révolution. En 1913, "l'Atelier du monde" c'est-à-dire l'Angleterre avait
autant investi à sa périphérie (Inde, Egypte, Amérique latine...) que dans
les pays développés.
Rosa Luxemburg dans son Tome 2 de "l'accumulation du capital » fait état
de cette fuite en avant du capital:
"Les contradictions de la phase impérialiste se manifestent très nettement
dans les contradictions du système des emprunts internationaux. Ces emprunts
sont indispensables à l'émancipation des jeunes Etats capitalistes ascendants
et en même temps ils constituent le moyen le plus sûr pour les vieux pays
capitalistes de tenir les jeunes pays en tutelle, de contrôler leurs finances
et d'exercer une pression sur leur politique étrangère, douanière et commerciale.
Ils sont le moyen le plus efficace d'ouvrir de nouvelles sphères d'investissement
au capital accumulé des vieux pays, mais aussi de créer à ceux-ci en même
temps des concurrences nouvelles, d'élargir brusquement le champ d'action
de l'accumulation capitaliste tout en le rétrécissant en même temps." (Rosa
Luxembourg " l'emprunt international, p. 93 éd. Maspéro.)
Rosa Luxemburg explique, comment, inévitablement les exportations de capitaux
dans les pays de la périphérie permettent, pendant un temps d'écouler la surproduction
des pays du centre tout en provoquant des crises et des krachs en bourse..
" L'exportation de capitaux anglais en Amérique était de la plus haute importance
dés les alentours de 1820, c'est elle qui fut la cause principale de la première
véritable crise industrielle et commerciale en 1825 " (L'emprunt international
p 93)
Rosa Luxemburg constate, qu'entre 1870 et 1875,des emprunts importants furent
contractés à Londres qui entraînèrent une croissance rapide des exportations
de marchandises anglaises dans les pays d'outre-mer. Malgré les faillites
périodiques de ces pays, le capital continua à y affluer en masse.
En 1870,les pays qui suivent avaient pratiquement suspendu le paiement des
intérêts de la dette:
La Turquie, l'Egypte, la Grèce, la Bolivie, Costa-Rica, l'Equateur, le Honduras,
le Mexique, le Paraguay, St-Domingue, le Pérou, l'Uruguay, le Venezuela. Ceci
n'altéra que partiellement, le capital anglais, dés 1880 les prêts internationaux
reprenaient leur expansion, mais avec cette fois la présence de capitaux français,
Allemands et Belges.
Les contours de la première guerre mondiale, qui devait saper la puissance
financière de l'empire britannique commençaient à se dessiner. Après la première
guerre mondiale, c'est sur la ville de New-york que ce concentre la finance
internationale, entre 1920 et 1929 la croissance des investissements passe
de 7 Mds de $ à 17 Mds de $. Ces investissements seront stoppés par le grand
Krach de 1929, et la crise qui allait suivre.
Après la seconde guerre mondiale, les Etats Unis impose le billet vert au
monde "libre", le système des prêts internationaux trouve un échappatoire
dans la "Reconstruction" le plan Marschall servira à promouvoir la consommation
des produits américains ( Comme ils l'avaient déjà fait Après la première
guerre mondiale) .En 1949, toutefois, les Etats-Unis subirent une dépression
qui eut des répercussions immédiates dans le monde entier. "La baisse de 5%
du produit national américain a provoqué un fléchissement de 30% des importations
américaines et pendant quelque temps, durant l'été de 1949,a menacé de réduire
à néant tous les progrès accomplis au cours de la première année du plan Marshall.
"Après la deuxième conflagration mondiale (constate PAUL MATTICK),il devint
manifeste que la guerre n'avait pu donner à l'accumulation du capital privé
déterminée par le marché qu'une impulsion insuffisante pour permettre une
réduction de la demande induite par L’état. Toute baisse un tant soit peu
importante des achats gouvernementaux déprimait en effet l'économie globale
à tel point que seule une reprise de ces achats était capable de relancer
l'activité." (Marx et Keynes p 172 édt gallimard 1972)
Dés les années 50 certains pays européens comme la France commencent de
nouveau à exporter du capital(2) pour se créer artificiellement un marché
solvable qui sera importateur de produits venant des pays prêteurs,(Le tiers
monde importe de plus en plus de produits manufacturés 30% en 1972, 40% en
1980.) en échange le plus souvent de matières premières ou de produits agricoles.
Ceci explique pourquoi dés le début des années 50 les investissements en capital
fixe décollent en France à 45.
Au cours des années 70, la relance par le crédit est toujours de mise, les
pays du tiers monde vont s'endetter le plus possible en pensant ainsi se doter
d'une accumulation primitive. Pour la grande majorité d'entre eux c'est l'échec,
écrasés par le poids d'une dette de 1200 Mds de $, ces pays ( ne disposent
plus d'eux mêmes).La reproduction élargie du Kapital est dans l'impasse le
système des prêts internationaux n'est plus compatible avec la "souveraineté
des états", le capital international est contraint de liquider le Keynésianisme
et ses artifices économiques (crédit et endettement croissant) et passe au
retournement monétariste de 1979.Comme Paul Mattick l'avait anticipé dans
son "Marx ou Keynes)
"On s'apercevra alors que les solutions keynésiennes étaient factices,
aptes à différer, mais non à faire disparaître définitivement les effet contradictoires
de l'accumulation du capital, tels que Marx les avait prédits" ( P200 éd.
Gallimard.)
III) LA TENTATIVE DE REPRODUCTION
ELARGIE PAR L'EXPLOSION DES PRETS INTERNATIONAUX
Après les années soixante, s'amorce un processus qui va entraîner
la modification de la composition de la "dette". Cette modification, consiste
à l'introduction croissante de prêts bancaires privés au "tiers monde". Ce
changement va intervenir au moment même ou le Kapital dans son ensemble subit
sa plus grande dépression depuis la dernière guerre mondiale. A l'origine
de la crise, on trouve l'accumulation d'énormes surplus financiers, qui vont
être employés par les groupes financiers et les banques.
L'expansion des places financières (notamment vers le "tiers monde" Panama,
Bhareim, Abu Dabi, Hong Kong, Singapour...) et la réorganisation du système
de financement international, correspond au besoin urgent de valorisation
d'un capital en jachère pour lequel on ne trouvait pas de débouchés rentables.
Par exemple: le stock des prêts bancaires internationaux (Transfrontiéres
et prêts en devises à des nationaux) représente 4% du PNB des pays de l'OCDE
en 1980, et 44% en 1991) The Economist du 19/09/93.
Comme nous pouvons le constater, c'est après le retournement monétariste
de 1979, que les marchés financiers internationaux vont submerger tous les
systèmes de contrôle et notamment ceux des Etats sur l'économie. Par le jeu
des spéculations par le crédit, les vieilles dettes vont engendrer de nouvelles
dettes... Au profit d'investisseurs comme le groupe d'assurance AXA qui obtient
des rendements supérieur de 200 à 400 points (Voir annexe)
Les rééchelonnements successifs, les possibilités de conversion, la titrisation
(1) (transformation de la dette en obligations), les éternelles "restructurations
et annulations de la dette", ne sont que de nouveaux pansements sur une jambe
de bois. La preuve en est, que ni le plan Backer (1985)(3), ni le plan Brady
(1989)(4) n'ont résolu la question.
A la fin de 1994, la "dette des PVD ( Pays en voie de développement)" c'est
à dire le manque à gagner des banques créancières et donc à ce niveau du Kapital
total était de 1900 MILLIARDS DE DOLLARS QUE NOUS POUVONS COMPARER A LA DETTE
DE 1982, 840 Mds de $.
Pour résoudre le problème de la valorisation du Kapital, la dite "dette",
les humanistes et tiers mondistes intéressés ou naïfs, exigent purement et
simplement que le Kapital fasse un beau feu de joie de la "dette". Si une
telle décision devait être prise par le G7 ou autre instance internationale
(FMI/Banque Mondiale) cette "annulation conduirait à augmenter la fiscalité
des pays riches, ou à créer de la monnaie centrale au profit des créanciers
privés. Le problème est exactement le même en ce qui concerne "les dettes
" des pays du nord.
Depuis le début des années 90, nous observons un développement de la régionalisation
boursière en direction des pays en développement PED. En 1994, la capitalisation
boursière est passée de 1000 Mds de $ en 1983 à 2000 Mds de $ en 1993. Le
développement de bourses de valeurs dans les PED correspond à une nouvelle
tentative de la part des capitalistes de valoriser leur capital.
Ici il nous faut citer Lénine:
"En d'autres termes, l'ancien capitalisme, le capitalisme de la libre concurrence,
avec ce régulateur absolument indispensable qu'était pour lui la Bourse, disparaît
à jamais. Un nouveau capitalisme lui succéde, qui comporte des éléments manifestes
de transition, une sorte de mélange entre libre concurrence et monopole.
" (L'IMPERIALISME STADE SUPREME DU CAPITALISME)
Nous voyons manifestement, que Lénine s'est trompé. La Bourse comme régulateur
revient en force. En effet, les flux de capitaux étrangers à destination des
marchés boursiers émergents sont la conséquence de la faiblesse des taux d'intérêts
du début des années 90 notamment aux USA, et de la baisse de la croissance
des pays de l'OCDE. Les investissements des pays industrialisés se sont tournés
vers des placements en obligations et actions à haut rendement.
Ce qui caractérise ces nouveaux flux de capitaux en direction des PED, c'est
comme nous l'avons déjà fait remarquer, la montée en puissance des capitaux
privés au détriment des capitaux publics, signalons tout de même que sur la
période de 1990 à 95, 70% des flux de capitaux étrangers privés se sont concentrés
sur 9 pays(Argentine, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Malaisie,
Mexique, Thaïlande.)
Ici nous ne pouvons pas manquer de citer , la description que faisait Schulze-Gaevernitz
de l"impérialisme britannique" que Lénine cite dans son "Impérialisme stade
suprême":
"Le revenu national de l'Angleterre a presque doublé de 1865 à 1898, tandis
que le revenu "provenant de l'étranger" a, dans le même temps augmenté de
neuf fois.
Si le "mérite" de l'impérialisme est d’habituer le Noir au travail" (on
ne saurait se passer de la contrainte...), le" danger" de l'impérialisme consiste
en ceci que "l'Europe se déchargera du travail manuel
-d'abord du travail de la terre et des mines, et puis du travail industriel
le plus grossier- sur les hommes de couleur, et s'en tiendra, en ce qui la
concerne, au rôle de rentier, préparant peut-être ainsi l'émancipation économique,
puis politique, des races de couleurs". (L'Impérialisme stade suprême de Lénine)
De la les conceptions d’état rentier, d’état Usurier, d’état créditeur,
le créditeur étant plus solidement lié au débiteur que le vendeur à l'acheteur.
Comme ces capitaux privés, sont des placements à risques, plus le risque est
grand, plus la rémunération du capital est forte. Par conséquent l'emprunteur
va devoir rogner sur la plus value qu'il accumule et la partager avec le prêteur.
Il y aura bien accumulation primitive, mais elle sera extrêmement lente et
à haut risque, en effet il faut aujourd'hui un coefficient d'intensité de
capital beaucoup plus élevé pour les pays émergents que l'était celui des
pays industriels à leur démarrage (5à 7% du PNB contre 20% aujourd'hui pour
les PED).
Le décollage tout comme l'atterrissage est soumis aux fluctuations boursières
la notion d'accumulation primitive dans le cadre national perd toute sa valeur,
la souveraineté nationale et tout le chapelet démocratique du "droit des peuples
à disposer d'eux mêmes " ne sont plus que les cocons d'un capital qui s'émancipe
au niveau planétaire (depuis l'adhésion de la plupart des pays de l'Est au
FMI) . Il n'y a plus de politique au sens bourgeois du terme, parce que la
mondialisation rend les gouvernements nationaux caducs, et incapables de
définir une politique économique. Ce sont les marchés financiers et les multinationales
qui décident.
IV) LES CRISES DU CREDIT INTERNATIONAL
Une des plaies qui ronge le capitalisme, c'est son incapacité intrinsèque
d'achever son circuit (Argent,Marchandise,Argent). C'est la domination grandissante
de l'élément spéculatif propre au système du crédit, qui engendre un capital
fictif, ou "une bulle spéculative " sans rapport avec le capital réel.
Cette incapacité périodique de valorisation du Kapital, entrave le processus
de reproduction élargie du Kapital total, c’est alors que la crise à proprement
parler du kapital éclate avec ses dévalorisations en chaîne. L’élément spéculatif
étant dominant une partie du capital composée de titres fictifs par rapport
à la plus value totale se trouve dévalorisée, il s'agit là d'un capital voulant
faire de l'argent avec de l'argent en spéculant sur l'avenir.
La dévalorisation financière à elle seule ne suffit pas à faire entrer le
Kapital dans une crise profonde, il faut que la dévalorisation s'étende au
monde matériel c'est-à-dire à l'industrie, c'est quand le capital constant
( besoin d'investissement) coûte plus qu'il ne va ajouter de plus value nouvelle,
que le processus d'accumulation/valorisation du Kapital se bloque et que le
grand marasme de la dévalorisation généralisé commence. Cette généralisation
est devenue effective des les années 80, avec la naissance des processus de
"Globalisation" des réseaux bancaires qui dominent actuellement grâce aux
nouvelles technologies. La question qui se pose par rapport à cette crise
est de savoir si nous sommes en présence d'une crise finale, ou si le Kapital
peut encore la contourner les éléments nous manquent pour pouvoir nous prononcer
dans un sens où un autre.
V) LA DEVALORISATION FINANCIERE
INTERNATIONALE
Le premier et sérieux coup de semonce de dévalorisation financière
fut l'effondrement, en 1985, des caisses d'épargnes américaines: 500 Mds de
$ de perte ( presque la moitié de la dette du tiers monde ). Deux ans après
c'est le Krach historique de 1987 ( 2000 Mds de $ partent en fumée).
Depuis nous avons assistés à:
Décembre 1993, c'est l'affaire Matalgesellschaft, une affaire allemande
importante qui perd un milliard quatre cent millions de dollars sur les marchés
à terme du pétrole aux Etats -Unis.
-La série noire de 1994, crise du francs CFA, le 12 janvier 94, les quatorze
pays de la zone franc sont contraints de procéder à une dévaluation de 50%
(voir annexe) .Le fonds d'investissement de Georges Soros perd 1 Mds de $
sur des opérations de change de dollars contre yens.
Le Krach du marché obligataire américain prend la relève. En juillet, Pannes
Weber verse 268 millions de dollars à la suite de pertes réalisées par des
Mutage Funds.
Fin 94, une nouvelle crise mexicaine fait trembler le monde de la finance,
cette crise est d'autant plus importante qu'elle est la:
"première crise d'envergure dans le nouveau monde des marchés financiers
globalisés" déclare M Candessus Directeur général du FMI.A la mi décembre
1994, le peso dévaluait de 40%. Pourtant le Mexique était un "bon élève du
FMI" il était passé d'une situation déficitaire à un excédent budgétaire en
93, avec une croissance de 3%. L'inflation de 160% en 1987 était descendue
à 7% en 1994.
Les conséquences ne tarderont pas, la Abonnis, 8éme banque du Mexique entre
en insolvabilité technique en mars 95. En Argentine, la Banco Extrader fait
faillite suite à la crise du peso, ainsi que la Banco Bases et Banco Multicredito.
Au Brésil: : la Banco Economico de Bahia est en faillite technique. Les
principales banques privées du Brésil ont mis en place un plan de 800 millions
de réaux pour garantir les dépôts de cette banque.
Décembre 94, le Comité d'Orange (Orange county), entité de droit public,
va perdre un milliard et demi de dollars.
L'année suivante, la première banque mutuelle de Tokyo ( COSMOS Crédit)
est en pleine déroute, elle risque de coûter au système bancaire japonais
130 Milliards de yens. Ensuite c'est la mise sous administration judiciaire
de la banque d'affaires BARINGS, (fondée en 1762), à la suite de pertes se
montant a 910 millions de livres selon le Financial Times.
1995-Crise en Europe de l'Est. Après avoir suspendu ses opérations, Banca
Baltija, première banque commerciale de Lettonie, est déclarée en faillite
en juin 1995.Le montant des pertes spéculatives s’élève à 400 millions de
$.Fermeture de quatre autres banques.
République tchèque: fermeture en octobre 1995 de Césars Bank suite à de
fortes pertes.
Afrique: liquidation de Meridian International Bank par la cour suprême
des Bahamas, l'ensemble des filiales du réseau africain du groupe Meridien-BIAO
ont connu des difficultés. Les conséquences les plus graves se sont produites
en Zambie où la faillite de Méridien BIAO Bank Zambia a entrainé une crise
de liquidités ébranlant le système bancaire zambien.
Afrique du Sud: mise sous tutelle en septembre 1995 de African Bank pour
problème de liquidités.
1996- Les pertes massives de la Daiwa Bank (une des plus grandes banque
japonaise) du fait d'une opération perdante sur les marchés obligataires.
La perte 2,6 Mds de $ (13,4 Mds de francs) de Sumitono (Sté de négoce japonaise)de
2,6 Milliards de dollars (13,4 milliards de francs environ)
En 1997, Les dirigeants de l’état français sont confrontés à l'affaire du
"trou" Crédit lyonnais, la presse titre déjà "6OOO Frs par famille" , le GAN
attend sa recapitalisation de 2O milliards alors qu'éclate l'affaire du Crédit
martiniquais plus de 1 milliard de perte.
Récemment c'est le scandale de la mine d'or de Bornéo qui fait la une de
la presse.L'histoire du gisement Bre X est simple? Cette société minière canadienne
"respectable" prétendit (preuve à l'appui) avoir découvert l'Eldorado d'une
mine d'or dans la jungle de Bornéo. Quand il apparut que tout n'était qu'un
montage et qu'il n'existait pas d'or, le cours des actions dégringola à quelques
cents (environ 10 centmes) après avoir grimpé à 123 FF.
C'est plus de 3O milliards de francs qui viennent d'être accaparés par les
spéculateurs. L'onde de choc va retomber sur les sicav or ; moins 8%. Le CIC
en attente de privatisation est le plus touché, il a investi jusqu'à 20%
de ses fonds dans des sociétés qui gravitaient autour de BreX.
EN CONCLUSION
Nous avons volontairement mis l'accent sur la question de" l'aide
et de la dette" des pays du tiers monde et remis le problème sur ses pieds
comme l'avait déjà fait en son temps P. Mattik:
"Considérée dans l'optique du capitalisme occidental, la politique Keynésienne
envers les pays sous- développés se consume en aide au développement, à grand
renfort de dons, de prêts et d'investissements. Bien que souvent tenus pour
une forme d'aide ,les investissements privés n'ont bien entendu rien à voir
avec une assistance quelconque aux nations étrangères; ils sont conçus uniquement
a des fins d'exploitation. Les prêts, eux aussi, qu'ils soient d'origine publique
ou privée, ne constituent pas une aide; portant intérêts, ils permettent dans
cette mesure de prendre part à l'exploitation de la production qu'ils ont
servi à financer." (Marx et keynes, éd. Gallimard p.283)
En effet la dette du tiers monde et plus largement l'endettement international
n'est qu'une créance que les capitalistes veulent éponger sur le dos des peuples,
pour maintenir coûte que coûte la rentabilité du Capital. La seule politique
qu'ils connaissent , qui est réaliste pour eux c'est la paupérisation du
salariat pour retrouver leurs marges .Ils n'ont qu'un mot à la bouche "
assainir ". Assainir le budget des Etats en réduisant les dépenses publiques,
tout en augmentant la pression fiscale. Cette situation se poursuivra tant
que les taux de croissances resteront inférieurs aux taux d'intérêt. Chaque
dévalorisation d'un capital à l'ouest au nord ,à l'est comme au sud retombera
sur le salariat ( exemple ici du francs CFA).La régionalisation boursière,
c'est l'usure à l'échelle de la planète, la "colonisation financière" du monde
on achète tout, l'entreprise publique et même le pays.
Gérard Bad, mai 1997
(1) La titrisation (ou securitization, en anglais)permet
la transformation d'avoirs financiers en "titres" négociables sur les marchés.
(2)
"L' endettement externe de l'Algérie est aussi le reflet de la confrontation
entre les pays en développement d'un coté, les banques et les entreprises
des pays développés de l'autre. Car il a bien fallu que les banques internationales
fournissent les financements recherchés par l'Algérie. Cet endettement encouragé:
il coïncide en effet avec la stratégie des pays développés pour accroître
les engagements de leurs banques, relancer la croissance de leurs exportations
en direction des pays en développement et récupérer la rente pétrolière que
se sont appropriée les pays exportateurs de pétrole après les deux chocs de
la décennie 1970. Dans cette perspective, les pays industrialisés ont favorisé
la demande de biens et services des pays en développement que leurs entreprises
ont satisfaite par une surfacturation des produits industriels (équipements
et demi-produits)qu'elles ont livré et installé. Ils ont également suscité
une demande de financement qu'ils ont fait payer cher en manipulant le dollar
et les taux d'intérêt internationaux, et qui a assuré aux banques internationales
la croissance maximale à long terme de leurs engagements. Résultat: la mondialisation
industrielle s'est traduite par un accroissement sensible de la part des
exportations dans le produit national des pays de l'OCDE; entre 1973 et 1983,
celle-ci est passée de 12% à 20% du produit national de ces pays." (Smaîl
Goumeziane "le mal algérien" édt Fayard)
(3)
LE PLAN BAKER: C'est à Séoul en Octobre 1985 que le secrétaire américain au
Trésor lance le plan qui portera son nom. Ce plan se résume à: une amélioration
de l'emploi, de la production et de l'efficacité par un recours accru au secteur
privé et un moindre engagement de l'Etat, mobilisation de l'épargne nationale
et encouragement de l'investissement rentable par une action sur l'offre,
telle que la réforme de la fiscalité et du marché du travail et le développement
des marchés de capitaux, stimulation des investissements directs étrangers
et des entrées de capitaux par des mesures de libéralisation des marché,
notamment des échanges commerciaux. Ceci avec le soutien du FMI et de la
Banque Mondiale.
(4)
LE PLAN BRADY: c'est quatre accords-cadres mis en place (Mexique, Costa-Rica,
Philippines et Venezuela)ou dominent les intérêts américains. En 1990 un accord
concernant le Maroc (intérêts français)des pays sur la liste d'attente (Brésil,
Argentine ...). Ce plan concerne que les pays à revenu intermédiaire lourdement
endettés auprès des banques commerciales, il consiste à utiliser les ressources
du FMI et de la Banque Mondiale tout en proposant aux débiteurs la possibilité
de racheter leur dette avec une décote qui tienne compte de celles pratiquées
sur le marché secondaire. Ou bien d'échanger leur dette contre de nouvelles
obligations avec des taux d'intérêts plus faibles.Nous constatons une sorte
de mutualisation des risques.(Pour plus d'informations voir le RAMSES 91
Page 237.
5)
La dette extérieure du Zaïre de Mobutu est de 9 milliards, c'est à dire l'équivalent
de sa fortune personelle, placée en occident.
ANNEXE 1 : LA DEVALUATION DU FRANC C.F.A
.
Si la forte dévalorisation de la monnaie des pays coloniaux et semi-coloniaux,
agit comme une protection contre la concurrence étrangère, celle-ci va en
revanche les contraindre à céder plus de marchandises à l'exportation aux
pays industrialisés. Un dirigeant sénégalais se plaignait qu'il fallait en
1970, 20 tonnes de café pour acheter un tracteur contre 4 tonnes en 1955.
L'excédent d'exportation ne suffisant pas à payer les intérêts de la dette
extérieure ils vont rapidement se trouver sous une dépendance encore plus
grande vis à vis du capital usurier. C'est ce qui fut programmé avec la dévaluation
du franc CFA du 12 janvier 94 qui entraîna les émeutes du 16 février à Dakar.(1)
Les performances économiques des pays africains de la zone francs étaient,
jusqu'au milieu des année 8O supérieures à leurs voisins anglophones ou lusophones.
A partir de 1986, la situation économique de ces pays va se dégrader rapidement,
chute des prix des matières premières ( cacao, café, coton...) La baisse du
dollar, plus les dévaluations compétitives de certains pays africains hors
de la zone franc vont provoquer une fuite des capitaux de la zone franc.
Le prix de toute marchandise étant déterminé sur le marché mondial par le
temps de travail socialement nécessaire à la reproduction de la force de travail
de tel ou tel secteur de production. Un pays en voie de développement ayant
un taux de productivité plus faible que son voisin, se voit contraint d'emprunter
de l'argent pour des travaux d'infrastructure (Ils se font en monnaies fortes,
dollar, mark, francs, sterling, yen.)
La dévaluation, décidée par les grands pays actionnaires doit leurs permettre
de se faire rembourser les arriérés qui s'élevaient en 93 à 35 Mds de FF.
La dévaluation permet de faire jouer la "compagnie d'assurance" l'A.I.D (
Association Internationale de Développement). Cette association est une filiale
de la Banque Mondiale, elle sert de guichet de financement pour les pays à
faibles revenu et offre des financements à des taux inférieurs au marché ainsi
que des dons. Avec la dévaluation, le revenu par tête étant divisé par deux
les pays de la zone franc deviennent éligibles aux prêts de l'A.I.D. Comme
le service de la dette, va se retrouver financé par "la communauté internationale
du fric), celle ci va mettre la main sur cette zone.
"La stratégie des marchés de capitaux émergents (MCE) s'inscrit dans une
logique de régionalisation. Il faut donc que l'intégration financière au plan
régional reste compatible avec le processus de libéralisation mondial des
services financiers mis en oeuvres dans le cadre du GATT. La crise du franc
CFA illustre bien cette problématique, la bourse d'Abidjan fonctionnant sur
une base nationale n'est pas parvenue à atteindre la taille critique. Pour
relancer la bourse d'Abidjan, il est prévu de promouvoir un marché financier
dans le cadre de l'UEMOA ( l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine)."
(Economie Financière N29 p 21]
Ce n'est donc pas un hasard si la dévaluation du francs CFA et la création
de l'UEMOA ont été annoncées le même jour.
(1)
Les émeutes de Dakar, ont fait six morts. A noter que depuis, une des priorité
de l'aide est la suivante: "La sécurité va devenir un sujet de préoccupation
essentiel et une tâche prioritaire. Elle passe d'abord par le dialogue politique
interne qu'il faudra aider à se maintenir ou à se remettre en place. Nous
devons appuyer l'établissement de l'Etat de droit et le renforcement du système
juridique. Le maintien de la sécurité publique passe aussi par l'aide à des
forces de sécurité intérieure, police, ou gendarmerie, efficaces et respectueuses
des droits de l'homme. Notre coopération est l'une des rares dans la communauté
internationale à intervenir dans ce domaine." (extrait de COURRIER DE LA
PLANETE N° 21 de février 94, déclaration de Severino JM un des artisans de
la dévaluation.)
ANNEXE 2 : LE CAS DE LA YOUGOSLAVIE
"Le pays commence à s'endetter au début des années 80 et les dernières
mesures d'ajustement font peu à peu baisser le niveau de vie de 40% ( dévaluations
successives). Puis en 89, le gouvernement cherche à se rapprocher de Washington
qui impose le démantèlement du modèle de gestion autonome particulier à la
Yougoslavie et qui a donné des résultats très valable dans les années 60 et
70. Il y a alors des réformes profondes: dévaluations et restrictions budgétaires,
privatisation des entreprises et liquidation de celles qui n'étaient pas
jugées compétitives, ouverture des frontières commerciales et libéralisation
du système de crédit. Tout un secteur économique est liquidé entraînant chômage
et baisse des revenus (80%). En même temps, le système de sécurité sociale
gratuite est démantelé. Toutes ces mesures sont imposées afin d'obtenir de
nouveaux prêts servant à rembourser les prêts précédents ! Enfin, est imposé
le gel des transferts du gouvernement central vers les républiques. Celle-ci,
riches ou pauvres, étaient obligées de trouver leur financement propre. La
"balkanisation" de l'union des Républiques Yougoslaves était devenu un fait."
( extrait de INFOSUDS N16 été 96)
ANNEXE 3 : ASIE DU SUD-EST : Quand les
« dragons » deviennent des « tigres de papier ».
Au moment
où nous nous apprêtions à éditer ce texte, nous apprenons par la presse
que tout le sud est asiatique est entré dans la tourmente de la dévalorisation
internationale.
La Thaïlande, Ce bordel à touristes prend la tête du classement, sa monnaie
chute de plus de 30% par rapport au dollar. Le 5 août le gouvernement est
contraint de frapper à la porte du FMI et de la BRI afin d’obtenir un plan
de sauvetage de l’économie. Depuis le mois de juin, 58 des 91 compagnies
financières du pays sont fermées.
En quelques jours l’ensemble des pays du Sud Est asiatique étaient touchés.
La Birmanie est au bord de la banqueroute, le Kyat birman a plongé de 100%
par rapport au dollar, ceci malgré l’ouverture du pays aux investissements
étrangers. La Corée du Sud, qui a du en découdre avec sa classe ouvrière (
voir l’article de Echange N° 83) croule sous le poids de créances douteuses.
Aux Philippines : Le peso, attaqué par la spéculation, perd 14%, Hong Kong
perd 8% puis 5% en septembre
En Indonésie : La roupie s’est dévaluée de 18% face au dollar depuis le
début juillet.
Les ministres des Finances de l Asean, tentent avec l’appui du Japon de
créer un fonds monétaire régional pour prévenir une nouvelle crise sur les
changes. Cette crise vient de mettre l’ensemble du monde asiatique encore
plus sous la dépendance du FMI et de la Banque Mondiale, cette dernière vient
d’ailleurs de faire cette remarque édifiante dans un récent document : «
les crises financières qui viennent de frapper la région ont remis en question
la pérennité du miracle asiatique » . Toutes les prévisions de croissance
de ces pays sont maintenant à la baisse, ce qui veut dire que le salariat
va encore trinquer un peu plus, que l’usure généralisée propre à la domination
du système de crédit va poursuivre sa marche forcée de dévalorisation en dévalorisation
jusqu’au moment ou cette situation deviendra intolérable pour l’ensemble
du salariat et que le Kapital apparaîtra pour ce qu’il est : Le prédateur
de l’espèce humaine.
Publié dans Echanges n° 184, été 1997
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