QUELQUES REMARQUES A PROPOS

DE LA MOBILISATION DES IMMIGRES CONTRE LA LOI QUI LES CRIMINALISE

 

 

Chacun a encore en mémoire les émeutes racistes de février 2000 à El Ejido près d'Alméria, en Andalousie : des hordes d'Espagnols se livrèrent à ce qui s'apparentait à un véritable pogrom, contre des immigrants marocains dont la surexploitation et les misérables conditions de vie constituaient la source de la prospérité d'une filière de production, précisément pour maintenir la domination sociale de fer nécessaire à la préservation de la profitabilité de cette filière dans la compétition capitaliste. Depuis, bien que moins violentes, les attaques racistes ont persisté. Les tentatives gouvernementales de diversifier l'immigration vers l'Amérique latine n'ont nullement tari le flot des clandestins d'Afrique, ni le racisme ordinaire. Une nouvelle législation de l'immigration particulièrement restrictive, satisfaisant politiquement ce racisme ordinaire a déclenché un mouvement de sans-papiers (on peut comparer avec des mouvements similaires en France), ponctué de manifestations, d'occupations d'églises et de grèves de la faim. Situation paradoxale dans un pays qui, comme beaucoup d'autres en Europe, se trouve, s'il veut maintenir le niveau de vie des autochtones nantis et moins nantis, dans l'obligation dans les décennies qui viennent d'ouvrir impérativement ses portes à une immigration peuplant de main-d’œuvre productive les secteurs de l'économie les plus exploiteurs de la force de travail.

 

Le texte qui suit a été écrit par un camarade espagnol qui replace tout ce qui se passe en Espagne dans ce secteur sensible de l'économie dans le contexte global du système économique (1).

 

Depuis l'explosion xénophobe du 8 février 2000, la question de l'immigration en Espagne est apparue au grand jour dans de petits conflits localisés, rapidement apaisés par l'administration (avec une combinaison de répression et petites concessions). Par ailleurs, des immigrants clandestins, qui risquent leur vie pour gagner la côte espagnole, meurent toujours dans les eaux de l'Estrecho (Gibraltar). Pratiquement chaque semaine, au moins un trouve la mort et, chaque mois, des dizaines. Une vraie tragédie vécue au milieu d'une très grande indifférence. De plus, l'exploitation médiatique du prétendu problème de

l'immigration illégale, bien que se parant toujours d'une approche apparemment humanitaire, s'opposant à la xénophobie ambiante (ce qui est politiquement correct), ne peut pas éviter une présentation de ce phénomène social en des termes et définitions caractéristiques d'une xénophobie mal dissimulée (dans les pages des journaux, on parle le plus souvent de montée de l'immigration, d'une foule d'immigrants sur la côte, de la vague de clandestins, etc.).

Or, au début du mois de janvier, la mort de douze travailleurs latino-américains (Equatoriens) dans un accident de la route (collision entre un bus d'immigrés qui allaient au boulot et un convoi) à Lorca, dans la région de Murcia, a intensifié le débat médiatique sur l'immigration mais, surtout, a déclenché une mobilisation des immigrés pour leurs droits (tout d'abord, des papiers).

Plus récemment, l'approbation par le gouvernement de la nouvelle loi d'immigration (en vigueur à partir du 22 janvier) a provoqué la réaction des immigrés (marches de nuit, occupations et grève de la faim dans les églises de Barcelone, Madrid, Murcia, etc.) de tous ceux qui n'ont pas la possibilité d'obtenir leur régularisation avec la nouvelle loi et sur qui pèse dorénavant la menace constante de l'expulsion. Une situation dramatique pour eux, étant donné que la plupart d'entre eux sont piégés (eux et, dans leur pays d'origine, leur famille) par l'endettement envers les maffias et usuriers qui leur ont prêté l'argent pour payer leur voyage en Espagne avec un visa de touriste (valable pendant trois mois, après, c'est l'illégalité).

En ce qui concerne la nouvelle loi, on peut dire qu'elle rend difficile, pour les nouveaux émigrés, l'obtention d'une autorisation, et, pour les immigrés prétendument illégaux, restreint les possibilités de régularisation au point de mettre en question leurs droits fondamentaux ; par exemple, elle condamne en fait les immigrés qui n'auront pas réussi à démontrer avec des papiers qu'ils habitaient et travaillaient depuis une certaine date en Espagne à devenir illégaux, etc., donc, menacés d'expulsion. (Naturellement, une analyse détaillée de la nouvelle loi contribuerait à une compréhension plus profonde des intentions du gouvernement et mettrait en lumière la politique d'immigration espagnole, mais ce n'est pas ici notre propos.) Il s'agit, donc, d'une loi qui vise à renforcer la répression de l'appareil d'Etat contre l'immigration, permettant d'éviter l'arrivée des nouveaux immigrés (en les décourageant), et à donner la possibilité de criminaliser les immigrés sans papiers (ceux qui dans le jargon d'Etat sont nommés illégaux).

Cette nouvelle loi a été rejetée par l'opposition politique (socialiste) et dénoncée par les organisations humanitaires. Mais cela correspond dans une large mesure à l'usage politique de l'immigration par les professionnels de la représentation politique, car tous (humanitaires inclus) réclament une régulation de l'immigration, c'est-à-dire la mise en place d'instruments légaux qui permettront un flux ordonné de l'immigration, etc.

Quoiqu'il en soit, le gouvernement a décidé en leur lieu et place d'imposer une loi difficile à mettre en uvre. De ce fait, au-dessus d'un nombre inconnu de personnes (de 30 000 à 100 000 (1), selon les calculs des journaux -- il n'y a pas, en fait, d'évaluations auxquelles on puisse faire confiance) est suspendu l'ordre d'expulsion. Cela veut dire que ces illégaux peuvent être arrêtés à tout moment par la police et être expulsés au moyen d'une procédure expéditive que prévoit la nouvelle loi. Mais cela ne concerne que les immigrés venant des pays avec lesquels le gouvernement espagnol a signé une convention d'extradition ; en ce qui concerne les autres, la seule possibilité est de les interner pendant quarante jours dans des centres d'accueil (en fait des camps de rétention). Une fois passée cette période de rétention , les immigrés, toujours illégaux, seront relâchés jusqu'à la prochaine arrestation ; et cela peut continuer longtemps.

Le gouvernement a dû battre en retraite

A cette illégalisation des personnes par le gouvernement, s'ajoute, dans le cas des immigrés occupant des locaux et engagés dans une grève de la faim, une nouvelle illégalité : celle se référant à leur rassemblement, car la loi leur dénie le droit de réunion et d'association. Et pourtant, l'action des immigrés représente une épreuve de force dirigée contre le gouvernement, qui a dû battre en retraite : le bureaucrate chargé des affaires des immigrés près du ministère de l'Intérieur a déclaré le jour même de l'approbation de la loi que, naturellement, cela ne veut pas dire que la police commencera à faire la chasse aux illégaux .

Drôle de situation: le gouvernement qui a fait voter une loi, profitant de sa majorité au Parlement, reconnaît qu'il ne l'appliquera pas. Les politologues disent que cette loi a été une concession à l'aile extrême droite du Partido popular, mais qu'il n'y a pas une vraie volonté de l'appliquer dans toute sa rigueur. Peut-être, mais cela n'expliquerait que très superficiellement cette situation absurde.

En fait, il y a d'autres raisons, se référant à la pression des entrepreneurs sur l'administration, qui rendraient compte plus précisément de l'incapacité à gérer la question de l'immigration par l'Etat et le système politique. C'est, plutôt, l'enjeu des nécessités d'une main-d’œuvre bon marché dans les campagnes (et pas seulement dans les campagnes, bien sûr) et le maintien d'un certain degré d'efficacité gouvernementale et de paix sociale (tout en évitant des explosions xénophobes, par exemple), ce qui oblige le gouvernement à chercher un difficile équilibre entre une politique répressive (qui envisagerait d'éviter les supposés effets déstabilisateurs sur le climat social national que l'arrivée d'étrangers provoquerait), et les nécessités du capital qui alimente et favorise ces déplacements.

Au moment où le gouvernement promulguait la loi, et alors que les immigrés déclenchaient leur mobilisation, les entrepreneurs demandaient au ministère de l'Intérieur la délivrance la plus large et la plus rapide des papiers aux immigrés, car les immigrés légaux n'étaient pas en nombre suffisant pour assurer les récoltes.

Depuis la mort des douze travailleurs équatoriens, les contrôles de l'administration sur l'emploi des immigrés illégaux se sont intensifiées et quelques entrepreneurs qui embauchaient des travailleurs sans papiers ont dû payer des amendes. Apparemment, ce n'est pas dans l'ordre des choses (le gouvernement légiférant contre les patrons), mais la réalité est bien autre.

L'existence d'une bourse du travail illégal favorise la compétitivité de la production agricole espagnole, surtout dans les exploitations les plus petites (on peut louer un travailleur pour 5 000 pesetas la journée de dix ou douze heures [200 francs], et encore moins quand il s'agit d'un sans-papiers désespéré). Mais même cela, à mon avis, n'est pas le plus important. L'arrière-plan de cette divergence apparente d'intérêts entre gouvernement et patronat, c'est le fait que pour l'entrepreneur le profit à court terme est ce qui compte et, en conséquence, dans la circonstance présente, payer le salaire légal (plus la Sécurité sociale) n'empêche pas les patrons d'obtenir des bénéfices économiques importants.

C'est pour cela, et parce que l'agriculture industrielle exige elle aussi une organisation du travail à flux tendus (just in time), que les patrons font pression sur le gouvernement pour régler une situation qui peut avoir des conséquences néfastes sur les récoltes. Par contre, pour le gouvernement, il s'agit d'éviter l'augmentation des charges sociales; c'est à dire d'éviter l'augmentation du nombre des salariés immigrés qui, à un moment donné, pourraient demander par exemple des allocations chômage, ou faire valoir des droits identiques à ceux des travailleurs espagnols.

Sous la rhétorique du culturel, l'exploitation du travail

Par ailleurs, une analyse approfondie de la réalité de l'immigration en Espagne fait totalement défaut. Selon les chiffres officiels (ministère du Travail et des Affaires sociales) il y avait en Espagne, à la fin de 2000, 607 057 immigrés recensés. Il faut y ajouter ceux qui n'ont pas de papiers, et dont le nombre est évidemment impossible à évaluer. Cela ne veut pas dire qu'il y ait une proportion identique à celle existant dans d'autres pays de l'Union européenne. Au contraire, il s'agit, en Espagne, d'un phénomène tout récent, concentré dans certaines régions, et qui présente différents niveaux d'entrée et d'intégration dans le procès du travail. Ce n'est pas la même chose pour les Latino-Américains (même parmi eux, il y a des différences) que pour les Maghrébins, les Centrafricains, les Pakistanais, les Européens de l'Est, etc.

Bien que le fait de l'immigration soit souvent présenté sous la rhétorique du culturel, ce qui apparaît, au fond de tout cela, c'est la question de l'exploitation du travail salarié et de la répartition de la richesse. Dans ce cas, en Espagne, il y a depuis quelque temps une sorte de réorganisation des couches salariées, au plus bas niveau desquelles on trouve celle des travailleurs immigrés, de plus en plus présents dans certains secteurs d'activité. Une compréhension de ce phénomène exige une approche capable de rendre compte des profondes transformations qui ont lieu dans le procès de reproduction sociale. Quelle part du PIB est-elle due à la surexploitation des hommes et femmes immigrés ?

Les maffias, de la drogue au trafic d'immigrants

Il semble qu'à la division internationale du travail corresponde une sorte de division (stratification) locale du travail. Comment expliquer qu'à Jaén (Andalousie), qui compte officiellement 20 000 chômeurs, on doive faire appel à la force de travail de 4000 temporaires marocains pour la récolte des olives ? Jusqu'à quel point la gestion des fonds transférés par l'Union européenne ne contribue-t-elle pas à créer un système clientéliste et une base sociale de travailleurs nationaux prêts à légitimer la politique xénophobe du gouvernement ?

Il y a aussi un fait non négligeable. La dérégulation des activités économiques a signifié aussi bien l'apparition de nouvelles professions prétendues illégales et l'essor d'autres activités traditionnellement hors la loi. C'est le cas des maffias et des activités liées au trafic de drogue et aux filières de l'immigration. Du fait de l'illégalité on tire un bénéfice. Tout comme le trafic de drogue, le trafic d'immigrants est devenu un secteur d'activité avec un fort taux d'accumulation, au point qu'il a attiré l'intérêt des maffias traditionnellement adonnées au trafic de la drogue.

A la fin de décembre 2000, la presse espagnole faisait état du démantèlement de 290 réseaux d'immigration illégale (dont 77 spécialisés dans l'exploitation sexuelle des femmes, une activité qui produit de très gros bénéfices) et de l'arrestation de 911 personnes. Si le maintien de zones d'illégalité est un élément nécessaire au développement capitaliste, l'exploitation des travailleurs immigrés par les trafiquants de force de travail illégal est une source d'accumulation primitive de capital, et dont le montant des profits est difficile à évaluer. Ils sont certainement bien plus importants que ceux procurés par l'activité de beaucoup d'entreprises. Ces profits sont recyclés dans le procès de circulation de l'économie légale et contribuent ainsi à la dynamisation de l'économie d'un secteur déterminé ou d'une région.

Or il semble que cela ne fait que commencer. Tant que l'Espagne aura un taux de croissance supérieur à 3 % par an, tant qu'une femme de ménage équatorienne (travaillant toutes les heures que ses maîtres l'exigent) touchera en un mois le revenu qu'elle gagnerait pendant un an dans son pays, tant que les Espagnols auront la possibilité de laisser tomber les offres de travail dans les campagnes, dans le bâtiment, etc., le marché de la force de travail aura un pouvoir d'attraction pour les travailleurs les plus pauvres venus d'ailleurs. En un certain sens, le discours néo-libéral dit vrai. Tant que les allocations sociales pour les Espagnols seront plus élevées que les salaires offerts dans les activités les moins payées, les travailleurs espagnols s'abstiendront de concurrencer les immigrés sur ces marchés du travail.

Changer cette situation au sens d'attirer l'attention des travailleurs espagnols sur ces emplois maintenant occupés par les immigrés, signifierait rompre l'actuel statu quo, étant donné que cela ne pourrait se faire qu'au moyen ou bien d'une augmentation des salaires (ce qui aurait comme conséquence une perte de compétitivité des produits espagnols), ou bien au moyen d'une réduction des avantages sociaux dont bénéficient les Espagnols. Mais alors la paix sociale, obtenue au moyen de la gestion monétaire de ce que j'appelais dans une lettre antérieure (1) cette sorte de Welfare caché qui règne en Espagne, menacerait de se briser.

Depuis l'intégration de l'Espagne à l'Union européenne, une tendance à la dérégulation du marché du travail s'est intensifiée dans les niveaux inférieurs des secteurs d'activité, traduite par une croissante précarisation et une perte des droits acquis pendant les luttes des années 1970. Comme résultat du procès de restructuration général du capital productif et des services dans les dernières années, les salaires et le coût général de la force de travail se sont réduits, alors qu'augmentaient le taux de profit et l'accumulation du capital, en même temps qu'on voyait une prolifération de petits entrepreneurs (par exemple dans l'agriculture industrielle).

Dans la même période, afin d'adoucir les conséquences de la restructuration/dérégulation, on prenait toute une série de mesures (subventions aux coopératives, à des activités économiques et de services d'assistance aux personnes âgées, offres d'emplois publics aux chômeurs, etc.). C'est cela qui explique le manque de main-d’œuvre espagnole dans les travaux les plus durs (les campagnes et le bâtiment, parmi d'autres).

Régulation des flux contre survie des peuples

Il va de soi, pourtant, que l'existence d'une main-d’œuvre complètement démunie (36 % des contrats des immigrés sont non conformes, selon l'inspection du travail et la Sécurité sociale) ou aux droits individuels restreints par la peur de la fin du contrat ou, pire encore, de l'expulsion, etc., a une fonction nécessaire dans le procès de production difficile à remplacer par d'autres moyens plus compétitifs .

Au moins, les patrons agricoles de la région de Murcia (tout comme, auparavant, ceux d'El Ejido) l'ont bien compris en exigeant de leur gouvernement une solution satisfaisant leurs demandes. C'est-à-dire des mesures politiques mettant à leur disposition suffisamment de force de travail dans des conditions compétitives pour continuer le procès de production sans les aléas des mobilisations des sans-papiers que l'on voit actuellement. Mais cela n'est pas si simple qu'il y paraît. La politique d'immigration n'est pas une simple question de gestion ou de légalité à laquelle on peut faire face avec mesures plus ou moins humanitaires.

De son côté, le gouvernement essaye de signer des accords avec les gouvernements des pays d'origine des immigrés pour pouvoir envisager une régulation des flux , comme on dit dans le jargon journalistique, un peu à la manière dont cela s'est fait dans les années de la reprise économique de l'immédiat après-guerre en Europe. Mais les circonstances sont différentes. Pour les technocrates et capitalistes (y compris les syndicats) la situation idéale serait de pouvoir compter sur une main-d'uvre temporaire pendant le temps nécessaire, puis de la renvoyer dans son pays d'origine. Ce serait la seule manière d'approcher le phénomène de l'immigration pour les professionnels de la politique; une vision technique et un usage à la carte de la force de travail.

En fait, au cours de l'été 2000, pendant la récolte des fruits, à Lleida (Catalogne), les patrons sont allés embaucher des femmes marocaines qui ont été renvoyées dans leur pays à la fin de la récolte. Mais pour la plupart des travailleurs qui viennent des pays ravagés par la guerre, par le saccage capitaliste et la misère causée par l'internationalisation du capital (surtout les Latino-Américains, les Sub-Sahariens, les Asiatiques, etc.), leur but est de rester sur place, d'y faire venir leur famille et de chercher à reconstruire leurs conditions de vie dans ce coin riche et tranquille qu'est l'Espagne (ou l'Europe). Une fois encore, la logique du capital (et de l'Etat) s'oppose aux besoins élémentaires de la survie des peuples, dans ce cas-ci des immigrés.

Dans tout ce que je viens de dire, en ce moment les travailleurs étrangers ne peuvent compter que sur eux-mêmes*. La seule chance qu'ils ont, c'est précisément l'apprentissage pratique de leur lutte, dans la mesure où leur action les rendra socialement visibles (c'est-à-dire conscients de leur force réelle) sur le lieu de travail, car les effets de leurs grèves sont immédiats.

Au fond de tout cela reste l'énorme déséquilibre existant entre la production et la répartition de la richesse tant au niveau mondial que social (entre les classes). Une polarisation qui découle du procès même de développement capitaliste. Ainsi, les contradictions, les mesures absurdes, racistes et xénophobes des Etats ne sont que le résultat de leur impossibilité de saisir et maîtriser la question de l'immigration, qui entraîne une problématique qui dépasse largement la conception technocratique du social.

C. G. V., Barcelone, 27 janvier 2001

* P. S. -- Ce vendredi soir, 26 janvier, une manifestation solidaire convoquée par l'assemblée papiers pour tous (soit, ceux qui occupent les églises) a réuni 2 000 à 3 000 personnes à Barcelone. La plupart -- à part les immigrés (notamment pakistanais) -- faisaient partie des mouvements de solidarité de l'église catholique, du syndicat CGT (anarcho-syndicaliste), jeunes gens, groupes et individus de la gauche extraparlementaire. Cet appel avait une certaine importance d'un point de vue symbolique, car une assistance nombreuse exerçait quelque pression sur le gouvernement (qui est débordé par l'action des immigrés). Mais la prétendue société civile (et notamment ses représentants légaux) était absente. En même temps se déroulent des pourparlers : le gouvernement autonome catalan a voulu jouer un rôle de médiation avec les immigrés, et a engagé des pourparlers avec leurs représentants.

Les techniciens du gouvernement on tenté des manœuvres visant à désamorcer le mouvement, mais elles ont échoué devant la résolution des occupants des églises. Par ailleurs, les syndicats et partis ne sont pas descendus dans la rue. La rentabilité politique de cette question est tout à fait négligeable.

De plus, s'engager dans une lutte dramatiquement réelle comme celle des immigrés en grève de la faim poserait des questions trop immédiates et trop compliquées -- naturellement, la solidarité avec la Bosnie c'est mieux, tout comme la solidarité avec n'importe qui.... pourvu que cela ne soit pas chez nous.

 


 (1) D'autres textes de ce camarade ont été publiés dans Echanges : nos 62 p. 37(déc. 1989), 63 p. 29 (mai 1990), 64 p. 1 (juin 1990), 67 p 199 (juin 1991), 68

p. 32 (sept. 1991), 70 p. 3 (mars 1992), 73 p. 13 (déc. 1992), 76 p. 48 (déc. 1993), 78 p. 38 (déc. 1994), 80 p.12 (déc. 1995), 82 p. 19 (déc. 1996), 84 p. 28 (sept. 1997), 88 p.55 (automne 1998).

(1) Le Monde du 25 janvier 2001 écrit même : Les chiffres, peu vérifiables, parlent de 120 000 à 160 000 illégaux. Et, le 13 février : Environ 250 000 sans-papiers se trouvent déjà sur le sol espagnol. La loi interdit en outre aux illégaux le droit d'association, de réunion, de manifestation ou de faire grève. (NDE.)

(1) Voir Echanges n88, L'horizon fragmenté. Quelques doutes et commentaires sur la gestion des tensions conflictuelles de classe (en particulier pp. 59-60).