ÉTOUFFANT MOIS
D'AOUT A BARCELONE CHRONIQUE DE LA
REPRESSION DES IMMIGRES ET COMMENTAIRES |
Toute personne qui connaît
Barcelone en août sait ce qu'est la chaleur suffocante d'un temps moite ;
mais cette année, à l'étouffement (a) estival s'est ajoutée celui du honteux
épisode de la répression policière des sans-papiers. Le 6 août 2001, la
police a délogé près de 200 Africains sud-sahariens (de jeunes hommes
exclusivement, originaires du Nigeria, de Sierra Leone, etc.) qui s'étaient
installés dans un coin de la place de Catalogne depuis plusieurs mois. Ils
survivaient là au milieu de l'indifférence générale des touristes et des
passants, grâce à l'aide sporadique de quelques personnes et organisations
humanitaires. Et conservaient l'espoir de régulariser leur situation,
d'obtenir ces sacrés papiers et de trouver du travail. Il y avait eu une situation
identique en 2000 à la même époque, qui s'était finalement résolue par
l'embauche des immigrés (eux aussi d'Afrique sud-saharienne) pendant la cueillette
des fruits à Lerida. Mais cette fois-ci ce devait être différent.
L'évacuation de la place de Catalogne du mois d'août dernier doit être
interprétée comme une application par la force de la loi actuelle sur les
étrangers (b). La mobilisation massive des immigrés aux mois de janvier et
février obligea le ministère de l'Intérieur à adoucir l'application de la loi
qui venait d'être approuvée, l'obligeant à revoir les dossiers de 30 000
immigrés environ et augmenter les délais pour leur régularisation. L'Etat
devait donc faire une démonstration de force contre la pression exercée par
les immigrés installés sur la place de Catalogne. Les différentes instances
administratives (délégation du gouvernement espagnol, gouvernement autonome
et municipalité) tentèrent de se repasser la patate chaude, dans une
polémique aussi sotte que misérable. Personne ne voulait se rendre
responsable de la situation. Ce fut finalement la police municipale qui, le
6, expulsa les immigrés de la place ; mais sans les arrêter. Commença alors leur errance
d'une place de Barcelone à l'autre pendant que les représentants politiques
officiels cherchaient à se débarrasser du problème, sans apporter aucune
solution à une situation toujours plus dramatique. Dans la foulée, une
centaine de Maghrébins les rejoignirent. Une loi municipale interdisant de
stationner dans la ville trop longtemps au même endroit, 400 hommes environ
se voyaient contraints d'aller d'une place à une autre, tout en cherchant à
négocier avec l'administration une sortie dans la dignité. On peut porter un premier
jugement sur la faible répercussion qu'eut la mobilisation des immigrés
lorsqu'ils sollicitèrent la solidarité de la dite société civile. A part la
CGT, EUIA (c) et quelques associations humanitaires qui formèrent un groupe
de soutien, aucune autre organisation ne participa activement à la
mobilisation ; et quand les syndicats dits majoritaires (UGT, CCOO) (d), SOS
Racismo, etc., qui accueillirent dans leurs locaux à un moment donné les
sans-papiers expulsés le 16 août de la place André-Malraux, y participèrent,
ce fut pour négocier des conditions qui laissaient les immigrés à la merci de
l'administration. Alors qu'un accord provisoire
semblait en passe d'être atteint (accueil dans des centres de la Croix-Rouge,
garantie de ne pas avoir à donner son identité à la police, etc.), le 16, un
fort déploiement policier sur la place André-Malraux s'empare par surprise
d'un peu plus d'une centaine d'immigrés se trouvant à ce moment-là sur la
place ; ils sont arrêtés et emmenés au centre d'internement de la Verneda en
vue d'une prochaine expulsion. Et malgré les dénonciations du traitement
vexatoire des détenus qui affluent, les expulsions commencent immédiatement. Entre-temps, la police avait
cherché à identifier, lors d'entretiens menés dans le but de discerner les
formes dialectales des régions dont ils se prétendaient originaires, les
sans-papiers demandeurs du statut de réfugié politique parce que provenant
d'un pays en guerre (la Sierra Leone). Pire encore, au même moment, le
gouvernement espagnol annonçait qu'il était parvenu à un accord avec le
gouvernement du Nigeria, en vertu duquel ce dernier accueillerait les
immigrés expulsés. Quiconque possède la moindre idée du caractère du
gouvernement nigérian saura imaginer les conséquences que cette abjecte
transaction déguisée en accord diplomatique peut avoir pour la vie des
expulsés. Certains de ceux qui avaient
pu échapper à la rafle policière trouvèrent refuge dans les locaux de la
plate-forme de soutien. Mais l'accord passé préalablement avec la Generalitat
(e) et l'hôtel de ville pour leur hébergement dans des centres de Caritas (f)
et de la Croix-Rouge n'était en fait qu'une duperie. Le 28 août, 19 immigrés
parmi ceux qui avaient été détenus étaient expulsés ; et la menace d'expulsion
est en instance pour le reste, puisque la loi sur les étrangers prévoit une
procédure d'urgence afin d'accélérer le processus d'expulsion des
sans-papiers. La première semaine de septembre, d'autres continuaient à
déambuler dans les rues. Pendant toute la durée du
conflit, alors que les immigrés occupaient les places de Barcelone, les
appels à manifester attirèrent à peine deux petites centaines de personnes.
Quoique certains invoquent la période des vacances en guise de pauvre excuse,
la réalité c'est que les organisations politiques et syndicales
institutionnelles, qui prétendent représenter la société civile, faisaient la
sourde oreille. Et quand la persistance du conflit obligea partis et
syndicats à faire quelque chose, ils appelèrent à une manifestation (le 19
août) où vinrent plusieurs milliers de personnes, et constituèrent une
plate-forme de médiation pour sauver la face et éviter que s'étende la
mobilisation, comme cela s'était passé en janvier au moment de l'occupation
des églises. C'est ainsi qu'on put voir deux plates-formes de soutien aux
immigrés : l'une formée des organisations institutionnelles et des ONG (SOS
Racismo, CCOO, etc.), et l'autre composée de la CGT, EUiA et de personnes
isolées. L'usage politique de la question des immigrés par ces deux
plates-formes a sans aucun doute provoqué l'extinction du mouvement. Le
rassemblement de quelque 400 personnes devant la délégation du gouvernement
espagnol à Barcelone l'a bien montré. Cependant, même si ce jeu des intérêts
politiques des partis, syndicats et organisations humanitaires a tenu son
rôle dans l'affaiblissement du conflit, une chose est sûre : face à
l'immigration, à la revendication élémentaire de papiers, personne, hormis la
police et le gouvernement, ne sait quoi faire. L'immigration apparaît alors
comme un problème politique qui prend de l'ampleur, contre lequel il n'y a
rien à faire, et qui échappe aux appareils de médiation et de gestion de la
politique ; non seulement de la politique institutionnelle, mais aussi de la
politique soi-disant alternative. Sinon, comment expliquer l'absence du
mouvement antiglobalisation, son incapacité à apporter une réponse, fût-elle
symbolique, au problème concret de l'immigration qui est précisément une des
conséquences directes et des plus dramatiques de l'extension de la domination
capitaliste à l'échelle mondiale? En réaction à la mobilisation
de janvier et à une pression migratoire croissante (1), le gouvernement se
devait de faire un geste pour intimider les immigrés en appliquant la loi sur
les étrangers et en les expulsant rapidement. Ce fut une décision ferme et
calculée du gouvernement qui voulait ainsi faire un exemple, et qui explique
le refus opposé à l'offre publique de la Unió de Pagesos de fournir du
travail aux immigrés à condition que le gouvernement régularise leur
situation. Une décision mûrement réfléchie par le gouvernement de passer à
l'action à un moment (en août) où il prévoyait peu de réaction, et contre des
immigrés qui avaient converti la place de Catalogne en un moyen de manifester
leur présence dans une ville exportatrice de son image de centre d'attraction
touristique et culturel (2). Cette fois-ci, contrairement à
ce qui s'était passé en janvier lorsque le gouvernement dut faire certaines
concessions (suspension des expulsions et réexamen des dossiers), on ne prit
pas la décision d'occuper les églises ; tout comme disparut le mot d'ordre
d'alors : des papiers pour tous que la CGT et les organisations radicales
avaient soutenu. Ceci s'explique sans doute par la volonté d'arriver à une
unité des organisations de soutien et par le souci de la CGT de modérer son
langage à chaque fois qu'elle cherche à être reconnue à la table des
négociations comme troisième force syndicale. Toutefois, l'unité entre les
organisation politiques, syndicales et non-gouvernementales a eu pour effet
d'isoler les radicaux et de faire disparaître le conflit de la rue, ainsi que
nous avons pu le constater par le petit nombre des participants au
rassemblement du 2 septembre. Comme en janvier, la
politisation du drame des immigrés par les organisations de soutien servit à
affaiblir le mouvement par le truchement des institutions de représentation
de la soi-disant société civile. Les quelques résultats positifs obtenus dans
ce cas-là ne le furent pas grâce à la médiation institutionnelle, mais grâce
à l'ampleur de la mobilisation et la capacité réelle de pression des immigrés
qui mettaient en danger la récolte des serres de la région de Valence. On peut dire sans s'aventurer
beaucoup, à la lumière des événements d'août, qu'il y avait un intérêt
général, y compris de la part des organisations de soutien, à résoudre la
question sans la laisser s'étendre, afin qu'une mobilisation comme celle de
janvier ne se répète pas. C'est ce que montre la faible mobilisation de la
soi-disant société civile et de ses représentants de la gauche
institutionnelle durant tout le mois d'août. D'autre part, il ne faut pas
oublier qu'il existe un large consensus autour de la nécessité d'un
traitement répressif de l'immigration, qui se matérialise sous la forme d'une
régulation des flux migratoires. Une bonne partie de l'opposition à
l'actuelle loi sur les étrangers obéit fondamentalement au jeu de la
représentation politique ; en effet, depuis la droite gouvernementale jusqu'à
la dite opposition de gauche et les organisations humanitaires, tous sont
d'accord sur ce fait : il faut réguler l'entrée des immigrés. Réguler l'immigration Dans la mesure où le flux
migratoire (du Sud au Nord) est une conséquence de l'accumulation
transnationale du capital, il apparaît comme un phénomène tout aussi
inévitable que le capital lui-même ; autrement dit, sans une remise en
question du modèle de reproduction sociale capitaliste, de notre mode de vie,
les mouvements migratoires sont finalement un phénomène politiquement
inabordable. Et il en est ainsi parce que l'actuel degré de concentration et
la rapidité du cycle de reproduction du capital à l'échelle mondiale ont
atteint un tel niveau de développement qu'ils sont sans rapport avec les
formes politiques (Etat-nation, démocratie parlementaire, droit de
citoyenneté) héritées du passé. Le cycle d'accumulation du
capital et la forme politique prise par ce dernier en tant que rapport social
n'évoluent pas au même rythme. D'où il s'ensuit que le contenu profondément
politique de l'actuel phénomène migratoire dépasse la Politique. Les rapports
sociaux de production à l'échelle mondiale font du mouvement migratoire un
phénomène politique qui se situe en dehors des possibilités politiques.
C'est-à-dire que les instruments de gestion sociale du capital qui
constituent la sphère de la politique sont incapables de faire face aux
conséquences engendrées par la propre évolution historique du capital : la
migration généralisée. On ne peut pas tout simplement
écarter l'usage politique et opportuniste que les institutions politiques,
syndicales et non gouvernementales peuvent faire de la question de
l'immigration comme étant une conséquence de la dégénérescence qui les
caractérise, de leur corruption et de leur dépendance de l'Etat ; il faut au
contraire l'entendre surtout comme l'expression des limites historiques de
leur fonction au sein du système de représentation et de gestion capitaliste.
C'est pourquoi devant le fait de l'immigration, contre lequel il n'existe
aucune parade, et de ses implications économiques, sociales et culturelles,
toutes les institutions de l'Etat (y compris les dites ONG qui vivent des
fonds politiques) partagent un même point de vue technico-administratif : mettre
en place des mécanismes tendant à réguler l'immigration. C'est ainsi que dans le même
temps où le gouvernement, de service, invoquant le principe de la légalité,
réprimera et expulsera les sans-papiers, les organisations patronales
ouvriront des bureaux de placement dans les pays d'origine des immigrés, de
façon à ce qu'ils viennent avec un contrat de travail et un billet de retour.
Comme l'ont fait les patrons agricoles de Lerida, en 2000 avec des femmes du
Maroc et en 2001 avec des travailleurs colombiens (3). On instrumentalise
alors l'immigration comme simple force de travail sans aucune considération
pour la situation personnelle des immigrés. Le concept de régulation n'est
applicable qu'en termes d'exclusivité (pour les autochtones) et d'exclusion
(pour les immigrés). En dépit de toutes les contorsions qu'on voudra bien
faire subir aux mots, la xénophobie et le racisme n'en sont pas moins
implicites à la proposition de régulation, sous le vernis technique de la
gestion de la force de travail. Ce qui se cache derrière tout
cela, c'est en définitive le droit pour chacun de circuler et de s'installer
librement. Paradoxalement, alors qu'on défend la libre circulation des
capitaux et des marchandises, la marchandise force de travail, elle, souffre
les pires restrictions. Au reste, de même que
l'hypocrisie est inséparable de la morale bourgeoise dont nous tirons notre
dignité, l'incongruité devient l'expression pratique du capital
transnational. Il s'ensuit que la superstition de l'identité liée à l'Etat-nation,
dans l'actuelle convulsion des Etats nationaux, survit dans la citoyenneté,
catégorie qui exclue les immigrés. En réalité, l'immigration est
une interpellation directe et sans appel à notre identité de citoyens et aux
catégories formant notre ordre économique, social, politique et symbolique.
Ce n'est qu'en assumant totalement ce qu'implique cette constatation qu'on
commencera à construire les bases d'une réelle solidarité avec les immigrés.
Il faut aussi tenir compte de ce que nous sommes face à un phénomène
relativement récent et encore peu important (3 % de la population espagnole
est immigrée) pour qu'émergent les conditions d'une éventuelle réelle
communauté d'intérêts avec les fractions de la population précarisée et
exclue des pays riches. C'est d'ailleurs pourquoi
l'actuelle solidarité revêt les formes de l'humanisme et de l'assistanat ; et
il en est ainsi parce que, en réalité, nous ne partageons pas avec les
immigrés ces conditions d'existence matérielle minimales à partir desquelles
se créent des intérêts communs. Voilà pourquoi il est difficile de mettre en
place une intervention commune et pourquoi aussi jusqu'à maintenant
l'assistanat a pris la place de l'autocritique. La solidarité réelle n'est
possible qu'entre égaux, le reste est charité, aide ou assistance qui, si
elles ne sont pas à négliger dans certaines circonstances, sont insuffisantes
dans la mesure où elles éludent la question réelle et immédiate de notre
exclusivité (droit de citoyenneté) sur le territoire administré par nos
représentants dans l'Etat, démocratiquement élus. En fait, derrière la
solidarité de l'assistanat, se cachent non seulement une réelle impuissance
devant la politique xénophobe des Etats, mais encore l'ambiguïté de notre
attitude en tant que citoyen de ces mêmes Etats. Le Pacte citoyen L'impact de l'immigration sur
le statu quo social dans les pays riches nous oblige à remettre en question
notre condition de citoyens. Le pacte social des Etats nationaux capitalistes
qui a suivi la deuxième guerre mondiale posa les bases d'une relative
distribution de la richesse dans le bloc capitaliste, garantissant ainsi le
rôle du gouvernement et atténuant le conflit social, de classe. Situation qui
s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui, en dépit de la liquidation, sous
différentes formes, de l'Etat-providence. En fait, nous sommes passés d'un
pacte social formel, explicite, consenti entre le capital et le travail des
grandes concentrations industrielles à un pacte tacite, diffus, entre les
citoyens et l'Etat reposant sur des méthodes de contention de la
paupérisation des salariés, précarisés, de façon qu'ils restent gouvernables
dans certaines limites acceptables. Dans ce contexte, l'immigration a un
impact déstabilisant sur la forme citoyenne actuelle du pacte social. C'est pourquoi, pour poser les
bases d'une réelle solidarité entre immigrés et autochtones, ces derniers
doivent liquider leur identité de citoyen, c'est-à-dire détruire le pacte
social citoyen. En fin de compte,
l'immigration opère une double déstructuration. Pour les immigrés eux-mêmes,
dans la mesure où ils sont confrontés à un intense processus de
sécularisation à travers une prolétarisation massive, et pour nous-mêmes en
ce qu'elle détruit le dogme du totalitarisme démocratique du marché. La fraction
humaniste du capital incarnée par la social-démocratie tardive le met en
évidence à sa manière : un nouveau pacte social est nécessaire qui
corresponde à la nouvelle phase transnationale de l'accumulation capitaliste.
La question à éclaircir est celle des termes de ce pacte et de sa viabilité
pratique. Mais, les alternatives proposées par la social-démocratie reposent
sur deux vieux préjugés : d'une part, la prise en compte strictement
instrumentale de l'immigration, simple force de travail ; et de l'autre, la
conception technique du capital qui en fait une entité simple, susceptible
d'être abordée en termes de gestion comptable (taxe Tobin), et non un rapport
social. C'est en évitant de tomber dans ces deux pièges que nous serons
capables de dépasser les discours démagogiques sur l'immigration menace
supposée (4) d'appauvrissement pour la population autochtone, alors que nous
sommes face à une possibilité réelle de transformation de l'ordre social
capitaliste. La pleine reconnaissance de
l'immigré comme sujet social (politique), condition préalable à toute
intervention sur des bases solidaires réelles, exige la rupture du pacte
citoyen que nous avons forgé au cours de ces dernières années. Et cela, c'est
nous qui devons le faire, en affirmant précisément quelque chose d'aussi
élémentaire que le principe universel d'être dans le monde des hommes et des
femmes libres, au-dessus de la convention juridique qui nous fait citoyens.
Nous commencerions au moins, en partant de cette perspective, à aborder l'immigration
non comme un simple problème sociologique et médiatique, mais comme une
possibilité réelle d'intervenir dans le conflit entre le capital et
l'humanité prolétarisée. C. V. - Barcelone, septembre 2001 (a) Bochornoso agosto
barcelonés : crónica y comentarios acerca de la represión de los immigrantes.
L'auteur joue dans le titre de cet article traduit de l'espagnol, et quelques
lignes plus bas, sur l'ambiguïté de l'adjectif : bochornoso , et du nom :
bochorno , dont le sens exprime la moiteur de l'air, mais aussi la honte. Je
crois que : étouffant rend approximativement ce double sens d'étouffement
physique et moral. [NdT.] (b) La nouvelle loi sur l'immigration
fut définitivement adoptée par les parlementaires espagnols le 14 décembre
2000 [NdT]. Voir Echanges n 96 (printemps 2001) : Espagne : Quelques
remarques à propos de la mobilisation des immigrés contre la loi qui les
criminalise. (c) CGT : Confederación
General del Trabajo Confédération générale du travail ; syndicat créé à la
fin des années 1980 par des exclus de l'ancienne CNT (Confederación Nacional
del Trabajo) anarcho-syndicaliste. EUiA : Esquerra Unida i Alternativa,
Gauche unie et alternative ; coalition de communistes catalans. [NdT.] (d) UGT : Unión General de
Trabajadores Union générale des travailleurs; syndicat lié aux socialistes
espagnols ; CCOO : Comisiones obreras
Commissions ouvrières ; syndicat lié aux communistes espagnols. [NdT.] (e) Siège du gouvernement
autonome de Catalogne. NdT.] (f) Association caritative.
[NdT.] (1) Coïncidant
avec l'épisode de Barcelone, mais sans relation directe avec celui-ci, une
centaine d'immigrés maghrébins de la localité de Las Pedroñeras, dans la
province de Cuenca, entreprirent une marche de quatre jours sur la capitale
de la province pour réclamer la régularisation dont ils ont besoin pour
pouvoir accéder à un travail. En outre, toujours au mois d'août, le trafic
des pateras entre le Maroc et la côte andalouse se poursuivait avec pour
résultat plusieurs dizaines de morts. (2) La vente de Barcelone comme ville de la culture-spectacle et
du futurisme a amené les planificateurs d'événements à inventer le Forum 2004,
durant lequel Barcelone devrait devenir pendant quelques jours une sorte de
foire et de centre de débat des cultures du monde, une espèce d'oecuménisme
médiatique. Mais la frivolité cynique du projet, en flagrante contradiction
avec la pratique répressive et xénophobe de l'administration, et l'hostilité
qu'une telle mascarade pourrait susciter, surtout après ce qui s'est passé à
Gênes, a incité son principal responsable à démissionner. (3) Pour la récolte de cette
année, les entrepreneurs agricoles de Lerida ont embauché 400 travailleurs
colombiens qui, à la fin de leur contrat, retourneront dans leur pays. Ils
gagnent 700 pesetas de l'heure [environ 4,20 euros (NdT)] dont on retire 25 %
pour compenser les frais d'hébergement. Quoique très bas, ce salaire
représente 6 fois plus que ce qu'ils gagneraient dans leur pays. Par
ailleurs, seuls 1 800 chômeurs sur les 25 000 auxquels le Departament de
Treball de Catalogneavait envoyé un courrier leur proposant du travail pour
la période des récoltes se montrèrent intéressés (El Periódico de Cataluña,
22 mai 2001). (4) Il n'est pas rare de
rencontrer, dans un même journal, sur une page le compte rendu de la mort
d'immigrés qui ont pris le risque de traverser le détroit de Gibraltar et,
sur la page suivante, des déclarations des associations patronales ou
d'analystes économiques parlant d'une immigration nécessaire pour compenser
la baisse de la croissance naturelle de la population... etc. Bien sûr, le
taux d'exploitation de la force de travail immigrée est d'une nécessité
extrême pour nos entreprises... Ici encore l'immigration fournit la preuve de
la nature contradictoire du modèle de reproduction sociale basé sur le
salariat.
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