INDONÉSIE :
DU BON USAGE DE LA CRISE ASIATIQUE |
Comment le capital
international utilise la crise, en l'occurrence l'asiatique, pour s'implanter
plus solidement avec une rentabilité accrue ? L'exemple concerne l'Indonésie
dont on pourrait, à la lumière de ce que propagent les médias, considérer
qu'elle a sombré dans un chaos économique total, ravagée par des troubles
sociaux prenant le paravent d'affrontements ethniques et/ou religieux :
logiquement, les multinationales auraient dû fuir pour mettre à l'abri ce
qu'elles pouvaient sauver de la débâcle. En fait, une étude récente estime
qu'en octobre 2001 seulement une sur dix des 3 000 multinationales venues
profiter d'un néo-colonialisme était allée exploiter le travail sous d'autres
cieux depuis le début, il y a deux ou trois ans, de la crise asiatique. Encore plus qu'auparavant, et
à cause même des ravages humains de la crise, l'Indonésie offre à la fois les
coûts de production les plus bas du monde, un marché de 225 millions
d'habitants et la proximité de l'énorme marché de tout le Sud-Est asiatique,
de l'Inde aux Philippines. Beaucoup de ces firmes déjà établies ont profité
de la situation, non pour se retirer mais pour investir encore plus et
pousser autant que possible production et profits, malgré les risques -
calculés - d'une instabilité sociale et politique. Parmi les rapaces :
Renault-Nissan, Nike, General Electric, L'Oréal, Coca Cola. Pour s'adapter à
la mentalité indonésienne dans les relations de production, c'est-à-dire
jouer de la persuasion (éventuellement musclée et/ou assortie de chantage)
dans une situation de crise sociale, les dirigeants des firmes ont fait venir
des cadres indiens qui, bien sûr, sont payés 60 % de moins que leurs
homologues blancs. En raison de l'effondrement du
marché intérieur (auquel certaines firmes tentent de s'adapter, par exemple
en vendant leurs produits en unités plus petites), la plus grosse partie de
la production a été orientée vers l'exportation. D'autres firmes ont profité
des troubles et obtenu pour une bouchée de pain des usines clés en mains
abandonnées par des possédants trop frileux ou acculés à la faillite par
manque de surface financière. La crise provoque toujours une concentration du
capital, dans cette situation certainement au profit des multinationales,
lesquelles veillent soigneusement au grain. Par exemple, un sous-traitant de
Nike produit dans des conditions incomparables un tiers des chaussures
vendues par le trust à travers le monde. Il ne faut pas qu'il y ait rupture
de stock. La firme maintient à Djakarta un M. Nike, observateur et médiateur,
chargé d'intervenir lorsqu'une telle rupture menace. A la mi-juin 2001, une
menace de grève pour exiger une majoration du salaire minimum fut désamorcée
par ce zélé serviteur (on n'a pas les détails des méthodes utilisées). Tout ceci, c'est du court
terme. A plus long terme, les capitalistes sont confiants. Les troubles
actuels, pour autant qu'ils restent cantonnés dans un seul pays, se
tasseront, et les possibilités d'exploitation renouvelées autoriseront de
nouveaux profits. L'exemple des sociétés pétrolières mettant en coupe réglée
la partie occidentale de la Nouvelle-Guinée au prix d'affrontements avec les
populations locales est là pour prouver qu'elles espèrent que le temps
travaille pour elles. Même si une crise mondiale menaçait, le jeu en vaut la
chandelle car tout capitaliste pense toujours qu'il possède les moyens de
tout résoudre d'abord par la force. La conclusion de l'article auquel nous
nous référons (1) est bien précise sur ce point : A cause de ses troubles,
l'Indonésie ne représente pas un danger mais une opportunité. (1) Article extrait de Business Week, 24 septembre 2001 ; on y a ajouté seulement quelques commentaires.
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