DES TRAVAILLEURS DEVANT LES TRIBUNAUX RÉVOLUTIONNAIRES |
Cellatex :
quelques précisions On nous a demandé de préciser
des observations que nous avions faites sur cette grève et celles qui ont
suivi sur cette lancée (Echanges n° 94,p. 3). Elles concernent la comparaison
entre ce qu'annonçaient les prolétaires de Givet (menace de faire sauter
l'usine et toute une partie de la ville) et l'action des jeunes -- pour la
plupart chômeurs actuels ou potentiels -- des quartiers chauds ghettoïsés des
villes (dégradation ou destruction de leur environnement). La vie des travailleurs de Cellatex,
celle qui, pour beaucoup d'entre eux, durait depuis des années voire des
décennies, c'était l'usine, le travail qu'elle apportait, le logement des
cités appartenant à l'usine et qu'ils avaient récemment acquis, tout le
quotidien qui avait fait leurs heurs et malheurs. On peut épiloguer avec des
jugements moraux sur l'acceptation de cette vie qui leur était imposée et
dont ils n'étaient pas vraiment maîtres : c'était leur vie. Et cette vie
qu'ils avaient connue meilleure elle s'était peu à peu dégradée avec la
désindustrialisation de toute la région, avec toutes les résignations qu'on
leur avait imposées et qu'ils avaient acceptées pour en conserver quelques
lambeaux. La fermeture brutale de l'usine brisant définitivement tous ces
faibles espoirs et y substituant l'incertitude des lendemains les mettait
tout aussi brutalement en face de ce qui leur était abandonné et qu'ils se
dissimulaient jusqu'alors : leur misère, pas seulement dans leur situation
matérielle présente et celle qui pouvait se dessiner pour leur futur, mais
dans ce qu'avait été leur vie, de ce que le capital avait fait de leur vie. A cette inexorable logique
capitaliste qui leur était totalement étrangère et sur laquelle ils n'avaient
plus aucune prise, ils ne pouvaient opposer que leur propre logique. La fin
de l'usine qui avait été le centre organisateur de leur vie détruisait du
même coup tout cet environnement qui s'y rattachait : cette destruction, ils
pouvaient la parachever en supprimant tous les vestiges d'une existence qu'on
leur retirait. Comme ils en avaient les moyens, s'imposait à eux l'idée que
la seule issue, face à un monde non seulement étranger mais ennemi, était de
faire table rase de tout ce qu'on niait ainsi de toutes les réalisations de
leur vie. Cela dépassait la petite guerre quotidienne dans le travail qui
d'ailleurs n'avait plus lieu d'être, cela dépassait les rancœurs qui avaient
pu être accumulées au cours des tergiversations de tous les organes de
médiation, c'était, au plus profond d'eux-mêmes, sans qu'ils l'expriment
ainsi -- le rejet total de leur condition de prolétaire. Ce ne sont pas les jeunes des
banlieues urbaines qui se rebellent et détruisent aussi leur environnement :
ce sont les exclus du système capitaliste (même si ce sont pour leur grande majorité
des jeunes, ce sont d'abord des exclus -- prolétaires sans emploi parqués
dans ces réservoirs ghettos de main-d’œuvre de la banlieue des villes). Eux
aussi, sur un événement ponctuel, peuvent d'un coup, non pas prendre
conscience de ce quotidien qu'ils ne connaissent que trop mais exploser
violemment contre un système qui les réduit à n'être rien. La destruction de
l'environnement, c'est la destruction de ce qui représente la matérialisation
de ce quotidien. C'est ce qui fait la relation avec les prolétaires de
Cellatex et autres. Bien sûr il y a dans la
comparaison de ces deux éléments un décalage entre les intentions et la
réalité. Les Cellatex ne mettent guère leurs menaces à exécution (ou si peu)
; les jeunes des banlieues ne détruisent que des signes extérieurs de leur
vie. Mais d'une certaine façon, c'est la même réaction pour qu'on s'intéresse
à eux. On verra plus loin que les critiques ne manquent pas vers les Cellatex
y compris dans les milieux révolutionnaires ; on retrouve des arguments identiques
envers ce que font les jeunes des banlieues. On peut bien sûr souligner
qu'effectivement dans tous ces cas s'exerce un chantage qui n'apporte pas du
tout une transformation radicale de leur situation mais simplement un coup de
pouce réformiste avec quelques aménagements souvent d'ailleurs accompagnés
d'une répression. Il n'en reste pas moins que ces méthodes de lutte
ponctuelle et/ou récurrentes apparaissent comme une constante d'une violence
sociale de classe souvent dissimulée sous le quotidien, surgissant plus
souvent aujourd'hui et dont le corollaire (qui souligne aussi l'existence de
cette violence) est le développement parallèle d'appareils de contrôle :
arsenal répressif d'un côté, encadrements sociaux divers de l'autre. Ce qui est difficile à
admettre pour beaucoup c'est que toutes ces actions révélatrices d'une
violence sociale répondant à la violence sociale du système d'exploitation ne
se prêtent en aucune façon à un encadrement idéologique, qu'elles ne visent
souvent qu'à des buts immédiats sans qu'on puisse plaquer sur elles une
conscience tout court, pour ne pas parler bien sûr d'une conscience
révolutionnaire . Là n'est pourtant pas la question ; la véritable question,
c'est : que représentent ces actions dans le système capitaliste d'aujourd'hui
? C'est à cette question qu'essaient de répondre certaines critiques et qui
nous ramène aux commentaires divers à propos de Cellatex et autres. Une nouvelle forme de la lutte de classe ? Qui a remarqué que notre
titre, Une nouvelle forme de la lutte de classe ? , était une interrogation ?
A vrai dire, nous n'avons pas répondu à cette question mais seulement cherché
à établir la relation entre ce qu'était le capitalisme aujourd'hui et les
réponses que le prolétariat pouvait faire en regard des transformations dans
ses conditions d'exploitation. Comme nous l'avons souvent répété, la lutte de
classe c'est l'ensemble des résistances à cette exploitation, où qu'elle se
déroule et à tous les niveaux où elle se manifeste, sans qu'il soit possible de
donner plus d'importance à l'une ou à l'autre de ces résistances : toutes ces
résistances font partie de la dialectique capital-travail et sont
déterminantes dans la dynamique du capitalisme ; nous n'en tirons donc aucune
conclusion ou jugement, essayant seulement de montrer en quoi elles se
relient à d'autres formes de lutte et ses incidences pour l'ensemble du
système de domination. Nous avions conclu que, pour
exemplaire qu'eut été une lutte de ce type et son retentissement dans le
prolétariat dans son ensemble, elle trouverait devant elle les contre-feux de
la répression : la mise en place de sécurités pour prévenir les menaces
d'utilisation de produits dangereux et les aménagements sociaux, politiques
et /ou syndicaux pour redonner leur lustre aux organismes de médiation qui,
en cette circonstance s'étaient révélés particulièrement inefficaces. C'est
l'inévitable conclusion de toute lutte qui déborde quelque peu les cadres
institutionnels : faute de s'étendre à un niveau quelconque, elle engendre un
réformisme ou un autre, une autre forme de répression qui remplace celle qui
s'était avérée inopérante. C'est aussi une partie de la dynamique du
capitalisme que nous venons d'évoquer. Il est intéressant de noter
les commentaires des divers groupes qui se situent à gauche de ce réformisme,
qui, tous, faute de pouvoir peu ou prou prétendre à une revendication
idéologique ou organisationnelle quelconque, y vont de leur couplet pour
louanger ou critiquer cette menace d'action directe violente dans une sorte
de canalisation vers leur idéologie ou leur organisation. Dans la lutte des
Cellatex, il n'apparaît aucune de ces influences et leur révolte s'exprime
dans le simple langage quotidien de prolétaires excédés du sort qu'on leur
réserve ; au contraire, ils avaient été de fidèles membres ou suiveurs des
syndicats traditionnels acceptant bon gré mal gré les solutions concoctées
par les différents acteurs de la médiation sociale ; même dans leur dernière
lutte, même s'ils auront des paroles dures et justes quant à ces médiations,
ce ne sera pas un rejet total de celles-ci ; ils laisseront quand même les
dirigeants syndicaux et politiques s'interposer pour leur apporter des
solutions. Un texte de L'Universaliste
(1) se présente comme une réaction à une certaine idéologie présente en de
nombreuses tendances du mouvement révolutionnaire et que l'on trouve tant
chez les marxistes que les anarchistes . L'auteur fustige -- et il n'est pas
le seul à le faire -- ce qu'il considère comme une exaltation de certaines
luttes sociales désespérées . On peut d'abord demander où cet auteur a bien
pu trouver cela dans Echanges (2). Parler d'une lutte, essayer de la
comprendre et de montrer l'écho qu'elle peut avoir chez les autres
travailleurs, cela n'a rien à voir avec une exaltation : c'est la lutte telle
qu'elle se déroule, qui peut n'être qu'un épisode, expression temporaire d'un
large courant plus ou moins souterrain. Nous tentions de relier ces
actions directes à d'autres manifestations d'un courant d'autonomie
s'exprimant particulièrement dans le rejet des médiations politiques et
sociales ; nous ajoutions que, dans la mesure où ces actions avaient été
circonscrites, elles contribuaient à la mise en place de mesures de contrôle
et de répression destinées à éviter qu'elle ne se reproduisent. D'une
certaine façon, L'Universaliste partage cette condamnation avec pas mal de
commentaires, même venus de points de vue opposés : dans le camp des
médiateurs qui s'évertuent à trouver les moyens de mettre de l'huile dans les
rouages de l'exploitation capitaliste, ce sont aussi des luttes d'un autre
âge ; dans le camp des révolutionnaires ou bien comme cet universaliste cela
se rattache à une idéologie périmée ou bien, comme le clame le CCI (3) c'est
un exemple à ne pas suivre car sabotage et terrorisme sont des méthodes
étrangères au mouvement ouvrier . Et de la même façon que L'Universaliste
renvoie dos à dos les tenants d'une idéologie présente en de nombreuses
tendances du mouvement révolutionnaire et que l'on trouve tant chez les marxistes
que les anarchistes , les donneurs de leçons du CCI en profitent pour se
référer, à grands renforts d'érudition historique, très approximativement au luddisme (4) et à une soit-disant résurgence de l'
anarcho-syndicalisme. Ils prennent ainsi pour du bon pain, les commentaires
de la presse bourgeoise ou les revendications de tel ou tel groupe, ce qui
leur permet de placer leur propre idéologie, sans voir la contradiction entre
la condamnation de ce qu'ont pu faire dans le passé ou font aujourd'hui dans
un contexte tout différent les travailleurs et leur prétention d'être partie
intégrante du mouvement ouvrier. Comme si la lutte de classe telle qu'elle se
déroule, telle que les prolétaires la mène, dans ses revendications et ses
formes n'était pas le mouvement ouvrier (on s'en voudrait de penser qu'ils ne
voient dans cette étiquette de mouvement ouvrier seulement l'ensemble des
organisations formelles qui s'en réclament). Nous ferons la critique de ces
revendications ou identifications d'une toute autre manière que le CCI ou
L'Universaliste, entre autres. La grande méfiance que les Cellatex montraient
pour toutes les institutions (et partant pour les idéologies impliquées dans
leur existence et action) n'empêche pas, effectivement, certaines oppositions
organisées de se présenter, indirectement comme porteurs de ce qui -- d'après
eux -- animait ces prolétaires. C'est pourtant ce que
développe un éditorial du Combat syndicaliste (n 214, septembre2000, organe
de la CNT- Vignoles). Tout en relevant justement, comme d'ailleurs le CCI,
l'utilisation par la presse bourgeoise de l'épouvantail d'une résurgence de
l'anarcho-syndicalisme ( Jurisprudence dangereuse , écrit le 21 juillet, au
lendemain de la signature de l'accord, le journal Le Monde, qui le même jour
dans son éditorial estime que la seule solution reste la formation des
salariés accompagnée d'une aide à la mobilité géographique !) les
anarcho-syndicalistes de la CNT doivent reconnaître que lesdits prolétaires
n'ont nullement été influencés par cette idéologie mais qu'ils ont levé bien
haut le flambeau de l'action directe . Bien sûr que ces travailleurs ont pris
conscience qu'ils ne doivent compter sur personne pour arranger leurs
affaires, qu'ils ne doivent pas déléguer leur lutte et qu'il faut frapper là
où ça fait mal au capital... (toutes choses très relatives dans ces luttes
car la conscience de ces règles de base n'est pas affirmée catégoriquement,
sinon dans certains termes de la lutte). Mais ils concluent en même temps
avec ce souhait : et si la seule forme efficace de lutte syndicale et
sociale, l'anarcho-syndicalisme, devenait l'expression concrète d'une réalité
qui se fait jour petit à petit dans les consciences ? Et s'exprimait par
l'adhésion à la CNT, qui se prête au jeu syndical fixé par le capital pour
assurer un bon fonctionnement du système d'exploitation ? Alternative Libertaire (n 89,
septembre 2000), autre tendance libertaire mais apôtre de l'autogestion,
slalome entre le ce n'est pas chez nous qu'il faut attendre une condamnation
et le conseil intéressé : C'est illégal...quitte à violer la propriété privée
pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et se réapproprier l'entre prise ? . Cela
s'est effectivement produit dans le passé en France (mais pas chez Lip -- lire plus loin) et ailleurs, par exemple en
Grande-Bretagne (voir ci-contre). Mais outre l'affirmation d'un principe
l'usine pourrait continuer à tourner sous forme de société coopérative de
production (sans d'ailleurs envisager le moins du monde dans ces cas
particuliers ce que signifierait en pratique une activité autogérée dans un
monde capitaliste hostile), c'est la résurgence d'un vieux débat que l'on
retrouve à tous les niveaux individuels ou collectifs, social ou économique d'un
comportement ou d'une unité économique et/ou sociale dans l'environnement
capitaliste mondial. On peut situer ce débat de plusieurs manière : §
est-ce que le principe d'autogestion appliqué le plus
honnêtement et le plus rigoureusement ne va pas reproduire tôt ou tard,
quelles que soient les intentions de départ, les structures du système qu'il
prétend rejeter ? §
comment résoudre les problèmes pratiques du
fonctionnement d'une entreprise (autogérée ou pas ces problèmes seront les
mêmes pour tous dans un monde capitaliste) qui se poseront inévitablement :
celui de l'accès aux crédits bancaires pour l'introduction de nouvelles
techniques, celui de la compétition commerciale, etc. ? (voir page 10). Dans le cas de Cellatex quelle
chance auraient eu les quelque 150 travailleurs de continuer à produire une
marchandise que les capitalistes avaient abandonnée parce que non profitable
? (en laissant de côté tous les problèmes techniques et ceux d'approvisionnement
et de vente ). Dans le cas de Forgeval ou de Bertrand Faure, sous-traitants
de trusts mondiaux, quel futur d'une autogestion dans une concurrence
asiatique offrant les mêmes produits au tiers (ou même moins) du prix de
production en France ? Quel sens de tenter une expérience qui inévitablement
irait au désastre sinon de démontrer aux tenants de l'autogestion que cela
n'a aucun avenir, même pas une valeur exemplaire ?) En organe conscient du Parti
communiste des ouvriers de France, La Forge (septembre 2000) se pose la
question des limites de telles actions, pour radicales qu'elles puissent
paraître : Où se situe la solidarité ?...Comment déjouer les plans de
division patronaux ? .Si la question peut paraître pertinente en regardant ce
qui se passe dans la réalité des luttes, pour La Forge et les militants du
Parti la tâche est autre : essayer de transformer (ce qui va de l'avant) en
conscience de classe, en conscience politique . Sans l'exprimer formellement
ainsi, c'est aussi dans cette voie -- guider les travailleurs vers leur
conscience -- que s'évertuent les exégètes du CCI , autre groupuscule
oeuvrant pour la révolution mais dans un registre différent. Dans son organe
Révolution internationale, les titres révèlent leur qualité de conseil es
prolétariat : Un exemple à ne pas suivre ... et au cas où on n'aurait pas
compris Sabotage et terrorisme, des méthodes étrangères au mouvement ouvrier
(voir note 3). L'argumentation développée par
le CCI va plus loin que ces titres et vaut son pesant de moutarde politique
des donneurs de leçons au prolétariat. Elle peut se diviser en deux
parties : §
d'un côté, après avoir constaté que ces luttes
traduisent d'abord un refus de se plier à la violence des attaques
anti-ouvrières de la bourgeoisie et à la logique capitaliste des plans de
licenciement (ce qui est exact),ils ajoutent aussitôt qu'elles ne constituent
nullement une force pour la classe ouvrière et sont au contraire
significatives des difficultés mêmes de cette reprise des luttes et notamment
des faiblesses actuelles de la classe ouvrière pour ce qui est de renouer
avec des méthodes de combat capables de créer un rapport de forces en sa
faveur . Nous laissons de côté le point de savoir si c'est le rapport de
forces qui créée les méthodes de lutte ou les méthodes de lutte qui créent le
rapport de force car le manichéisme du CCI s'accommode fort mal de la
dialectique capital-travail. Nous laissons aussi de côté le point déjà
développé précédemment que les Cellatex n'ont visé rien d'autre, à défaut de
ne pouvoir obtenir le maintien de l'usine en activité, qu'à obtenir plus
d'argent pour leur licenciement, qu'ils ont utilisé pour ce faire les armes
qu'ils avaient à leur disposition et que, partant de cette situation on peut
se laisser aller à ses élucubrations ; §
d'un autre côté, le CCI se livre précisément à
des élucubrations. Et si l'on s'y attache, c'est parce qu'ils partagent les
mêmes élucubrations avec bien d'autres et qu'ils les appliquent
systématiquement à toutes les luttes, où qu'elles se produisent. Pour
l'essentiel, il s'agit de dénoncer dans les luttes un complot capitaliste
contre le prolétariat. Pour Cellatex et autres, cette éternelle antienne
constitue le cadre d'une dénonciation de cette lutte qui correspond à une
nouvelle tentative de la bourgeoisie de couper la route à l'expression de la
solidarité ouvrière . En fait, la quasi-totalité de la page de Révolution
internationaliste consacrée à l'exemple à ne pas suivre développe une
argumentation spécieuse pour démontrer que la bourgeoisie elle-même, bien
loin de craindre de telles luttes ou d'y voir la moindre menace, les
encourage ouvertement . La médiatisation de ces méthodes
"exemplaires" ne vise et ne peut aboutir -- qu'à pourrir la
conscience de la classe ouvrière. De tous ces développements sur
les manipulations de la bourgeoisie qui détournent les prolétaires de la
seule voie qui constitue le véritable terrain de la lutte de classe , on
serait tenté de dire : n'en jetez plus . Curieusement cette chute sur les
conseils intéressés du CCI pour établir et créer un rapport de forces
susceptible de faire reculer la bourgeoisie (5) se termine par l'apologie des
luttes ouvrières dans la Pologne de 1980 (6) pourtant largement manipulées
par tout l'Occident, Etats-Unis en tête, et des tentatives ouvrières qui se
sont développées à l'échelle internationales au cours de la dernière décennie
(7). C'est depuis la création du
groupe Révolution internationale en 1968, groupe devenu plus tard le CCI, qu'a
été développée cette ligne directrice des tentatives ouvrières à l'échelle
mondiale et d'une bourgeoisie, épaulée par toutes les tendances politiques,
syndicales et même éventuellement ultra gauche autre que le CCI bien sûr,
qui, par de ténébreuses manipulations empêche les prolétaires d'entrer de
plus en plus nombreux dans le même combat . Depuis trois décennies le CCI
applique le même schéma sur les luttes dans lesquelles la main de la
bourgeoisie attire les travailleurs dans des guet-apens, ce qui l'érige en
guide éclairé d'une révolution toujours dans la coulisse mais toujours
prévenue de faire irruption sur la scène. (8) Une des récentes applications
de ce lit de Procuste à la lutte de classe fut effectuée à propos de la grève
du trust des messageries UPS aux Etats-Unis en août 1997 (9). Dans un tract
diffusé par Internationalism, organe de la branche fantôme américaine du CCI,
présenté comme une intervention révolutionnaire (10), on trouve exactement et
presque mot pour mot ce qui est développé à propos de Cellatex. Le dit tract
commence par reconnaître qu'il y a un militantisme croissant parmi les
travailleurs (aux Etats-Unis) pour ajouter tout de suite que, en l'absence
d'une compréhension claire de comment combattre sur un terrain prolétaire, les
travailleurs tombent sous le coup des manipulations de la bourgeoisie . Il
est également clair que la bourgeoisie voulait et a provoqué cette grève . De
même, dans ledit tract, les experts du CCI développent les tenants et
aboutissants de la manuvre, y ajoutant même pour faire bonne mesure que la
bourgeoisie dans les deux dernières années en France et en Belgique a poussé
les travailleurs dans des luttes prématurées () avant que la classe ouvrière
soit préparée à mener sa bataille sur son propre terrain . L'intégralité de
ce tract fut reproduit dans Discussion Bulletin avec une brève introduction
de F. G. (11) soulignant que si certains partagent le soupçon () que la grève
et le mouvement syndical en général, comme la politique et les élections,
sont bien coordonnées par la classe dominante , mais faisant en même temps
part des difficultés qu'il y a avec ce tract C'est qu' il infère des
événements une conspiration de la classe dominante, alors qu'il pense que
tous les dirigeants font tout juste ce qui correspond naturellement à leur
rôle dans la lutte de classe. Dans une réponse à ces
quelques lignes (12), Internationalism reprend cette même argumentation en la
généralisant : Derrière la scène, des arrangements sont faits et des
manipulations sont planifiées sans être pleinement révélées... Le
gouvernement, le business et les syndicats sont liés par des milliers de fils
d'interactions . Mais, curieusement la démonstration se déplace du terrain de
la lutte de classe d'une part sur celui des relations internationales entre
Etats et d'autre part sur celui du parlementarisme que D. B. serait supposé
défendre. Cette question incidente qui n'a pas grand chose à voir avec
l'objet central du débat devient alors, par l'intervention de correspondants
de D .B. le centre d'une autre discussion, qui ne présente pour nous aucun
intérêt et où d'ailleurs le débat s'enlise. Aufheben (13), dans un article
fort bien documenté sur les Etats-Unis Luttes ouvrières récentes aux
Etats-Unis en perspective avec en sous-titre surgissement d'un militantisme
social, intervient dans ce débat. Tout en reconnaissant que l'argumentation
d'Internationalism contient quelques éléments et réflexions pertinents,
Aufheben en critique la ligne essentielle, celle-là même dont D.B. avait osé
douter, celle-là même reprise à propos de Cellatex : ...Mais le CCI suggère
l'existence d'une grande conspiration entre le gouvernement, le patronat et
le syndicat pour posséder la classe ouvrière. Certainement tous trois forment
l'ennemi, mais ils ne travaillent pas toujours ensemble. Le CCI va si loin
qu'il affirme qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts entre UPS et le syndicat
des Teamsters en se basant sur l'hypothèse que les patrons d'UPS ont
délibérément provoqué la grève au cours des mois d'été alors que l'activité
économique était ralentie. Bien que ce soit indéniable, cela ne donne
aucunement des arguments pour dire qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts
entre les directions d'entreprise et les syndicats. Après tout il y a
conflits d'intérêts au sein de la bourgeoisie elle-même parce que les
impératifs du marché forcent les différents capitaux à entrer en concurrence
les uns avec les autres... . Nous pouvons faire nôtre ces critiques de la
grande conspiration du capital contre la classe ouvrière, mais nous voudrions
reprendre ce débat du point de vue des travailleurs eux-mêmes. Pour nous, la question est
simple : que doit faire un travailleur auquel est imposé une décision
hiérarchique qui modifie ses conditions d'exploitation ou qui ne peut plus
supporter ces conditions présentes transformées d'une façon plus ou moins
insidieuse ? L'entreprise n'a pas pris
cette décision à la légère : les impératifs du marché contraignent à modifier
les conditions d'exploitation ; une multitude de facteurs peuvent intervenir
rendant plus ou moins urgentes ces modifications qui peuvent toucher un point
particulier ou l'ensemble des conditions de travail, des restructurations
entraînant le licenciement de partie ou de tous les travailleurs (en ce cas,
la fermeture définitive du lieu d'exploitation). Il est évident que lorsqu'il
prend cette décision, l'employeur va tenter de mettre tous les atouts de son
côté pour parvenir à ses fins et, pour ce faire, chercher et trouver des
alliés parmi les médiateurs, les syndicats et, éventuellement les structures
politiques. Il peut effectivement choisir la période où il dévoilera ses
décisions de façon à ce que les réactions éventuelles des travailleurs
puissent être minimales ; tout comme, s'il voit pour des raisons
indépendantes de sa politique d'entreprise (par exemple l'inflation),
s'affirmer un mécontentement des travailleurs, il va prendre les devants pour
éluder précisément une situation qui échapperait à son contrôle ou à celui de
ses auxiliaires. Les conseilleurs du CCI ont parfaitement raison sur ce point
parce qu'il en est toujours ainsi dans les relations dialectiques
capital-travail, dans les déplacements du rapport de forces sur le lieu de
l'exploitation. Mais ils ont totalement tort car il ne s'agit nullement d'un
complot de l'employeur, simplement sa pratique quasi quotidienne dans
l'exploitation du travail, a stratégie constante pour le survie de
l'entreprise (et, au minimum la conservation du capital engagé et ses
promesses de profit) dans la jungle capitaliste, encore moins d'un complot de
l'ensemble du capital visant à briser un élan révolutionnaire du prolétariat.
Les travailleurs, bien ou mal
conseillés par les syndicats qui peuvent effectivement agir en sous-main avec
les directions d'entreprise (là n'est d'ailleurs pas réellement la question),
doivent-ils se laisser faire, même s'ils sont conscients de tout ce que nous
venons de dire ? (Conscients, ils le sont d'ailleurs bien plus que ne le
pensent les dénonciateurs de complots dans lesquels les travailleurs donneraient
tête baissée). Les réactions, et il y en a toujours, sont dictées par les
situations, par le rapport de force. Elles peuvent être individuelles ou
collectives. Individuelles, elles peuvent
être simplement de quitter l'entreprise (le turn over
fut, au temps où le taux de chômage était très bas, un des éléments simples
de la lutte de classe (voir ci-contre), elles peuvent être aussi dans des
actes personnels de défense à l'intérieur même de l'entreprise (toutes formes
de sabotage ou de tricherie incluant la reconquête du temps, du rythme, la
mise en panne de l'appareil de production, etc.). Cette dernière forme existe
toujours plus ou moins et suppose déjà une démarche collective, ne serait-ce
que dans la complicité tacite qui couvre éventuellement les entorses dont les
camarades de travail sont témoins, ce qui entraîne une réciprocité solidaire.
Collectives, ces résistances
peuvent se situer à tous niveaux depuis le niveau de base, prenant le relais
et coordonnant les réactions individuelles, jusqu'au niveau de la grève
générale. Là aussi, au niveau de base, elles peuvent prendre la forme
d'actions souterraines concertées ou d'actions ouvertes dans une section de
l'entreprise ou dans toute l'entreprise : contrairement à ce que développent
les argumentaires du complot patronal , ce sont en général les prolétaires
eux-mêmes qui choisissent le moment et les formes de leurs actions ; si
celles-ci leur sont d'une certaine manière, imposées par les conditions mêmes
de leur exploitation, les moyens et la tactique relèvent entièrement d'eux.
Comme nous l'avons déjà souligné, les actions de plus grande envergure à un
niveau plus global de l'entreprise, du trust, etc. sont d'une part unifiées
par les propres mesures patronales qui concernent la totalité des
travailleurs d'un secteur d'exploitation déterminé, d'autre part définies
dans leurs termes par les directions d'entreprise qui cherchent à mettre tous
les atouts de leur côté. Le dilemme est alors tout
simple : ou les travailleurs acceptent les mesures imposées, se reportant à
d'autres formes de lutte non ouvertes individuelles ou collectives, ou ils
engagent la lutte, c'est à dire, en général se mettent en grève, pas
forcément dans les meilleures conditions (les conditions sont pour une bonne
part imposées par les dirigeants), mais sans avoir d'autre choix. Nous ne parlons pas ici bien
sûr du cérémonial des grèves, actions diverses et/ou manifestations
organisées par les syndicats de telle façon qu'elles ne puissent avoir
d'autre sens que de faire croire qu'ils font quelque chose alors qu'ils ne le
font que pour déconnecter d'une manière ou d'une autre ce qu'eux-mêmes et/ou
les organes de pouvoir (économique et/ou politique) jugent comme une menace
potentielle pour le bon fonctionnement du système capitaliste. Ce que beaucoup de critiques
révolutionnaires de la lutte de classe et des luttes ne comprennent guère,
c'est qu'à partit du moment où un mouvement de lutte est déclenché, quelles
qu'en soient les circonstances, quelles qu'en soient les fonctions assignées
par ses promoteurs dissimulant plus ou moins leurs intentions, bien des
choses peuvent changer. Et l'action peut basculer dans des directions
totalement imprévues, y compris dans une généralisation à une échelle plus ou
moins importante, et même jusqu'à ouvrir des perspectives révolutionnaires.
Même une simple manifestation peut contenir ce potentiel d'imprévisible. Nous
ne pouvons entrer ici dans les détails de ce processus que de nombreux
exemples peuvent illustrer ; chacun peut les retrouver. Il est bien évident
que les forces répressives -- syndicats compris -- s'emploient et vont
s'employer à empêcher ce processus de naître et de se développer, le suivant
pas à pas, faisant contre mauvaise fortune bon cur, paraissant épouser ces
tendances vers l'autonomie des luttes pour mieux les étouffer, laissant
temporairement le champ aux forces de répression directe, la police et
l'armée, pour ramener le mouvement dans le droit chemin. S'engage alors, dans ce qui devient
une dynamique, une relation dialectique entre ces différentes forces actives
et répressives et le mouvement se développe -- et/ou stoppe -- suivant les
évolutions du rapport des forces : l'intervention des différents groupes
révolutionnaires dans ce processus n'a guère d'importance, tout au plus
peut-on leur reconnaître un certain rôle d'accélération ou de frein
accompagnant le mouvement en cours (dynamique ou déclin). Mais ce n'est même
pas sûr, étant donné le peu de prise qu'ils ont sur les conditions objectives
de la lutte (d'autant moins qu'ils se situent le plus souvent à l'extérieur
de celle-ci et n'ont aucune connaissance réelle de la situation). Même si
l'on reconnaît que le déclenchement de la lutte a été pour une bonne part
manipulé, les auteurs d'une telle manipulation deviennent tout autant
impuissants devant le développement de la dynamique de lutte. Comme les
généraux, ils mènent une bataille avec la connaissance des batailles d'hier
et se trouvent désarmés devant des tendances nouvelles, imprévues, qui ont
précisément intégré les données répressives mises en place par les pouvoirs
après ces dernières batailles. C'est dire que la théorie du
complot fait long feu devant le développement de l'autonomie de la lutte,
autonomie qui prend naissance dans le quotidien, ce quotidien précisément
négligé par ceux qui ne s'attachent qu'à ce qu'ils pensent être la voie
royale de la révolution sociale. H. S. octobre 2000 (2) On peut se reporter au
texte d'Echanges. Contrairement à ceux qui seraient tentés de voir dans ce
mouvement une certaine volonté ou tendance révolutionnaire (ce que critique
L'Universaliste), l'article d'Echanges développait simplement l'idée que ces
luttes marquent une évolution dans les rapports de classe en France et
[expriment] des tendances que l'on doit relier au développement de courants
autonomes et à l'affaiblissement des médiations politiques et syndicales
depuis vingt ans (n 94, p. 3). (3) Voir Révolution
internationale, n 00 (septembre 2000), p. 3. (4) Voir ci-contre, page 7. (5) Un bon exemple de la
maladie de l'intervention uniquement dictée par la logique propre de
l'organisation et de son idéologie est donné à la page 18 de la brochure Que
ne pas faire ? publiée par d'ex-membres du CCI (voir Echanges n 94, p. 68) :
...On en arriva ainsi à se donner des objectifs d'intervention tels que le
détournement de manifestations et de journées d'actions syndicales pour en
faire de véritables moments de la lutte de classe ... Il fallut quelques
années d'interventionnisme à tous crins et des tentatives ridiculement
infructueuses pour que cette fièvre se calme. Ainsi de ce meeting de rue
convoqué par des militants du CCI dans un village lorrain de métallurgistes
en grève où, armés de mégaphones fraîchement acquis, on s'adressa, le temps
d'un discours abrégé à une place... désespérément vide... (6) Il est pour le moins
étrange et paradoxal de voir le CCI se référer aux luttes en Pologne
(1970-1971 et 1981) comme à des modèles, alors qu'il est bien connu que ces
explosions ouvrières à l'échelle nationales furent largement contrôlées et
manipulées par les Etats-Unis et les pays occidentaux via les syndicats de
ces pays et l'Eglise catholique (voir à ce sujet les livres et brochures
publiées par ICO, Echanges ou Spartacus, et en anglais par Black and Red --
toujours disponibles). (7) Le moins qu'on puisse dire
est qu'on est plutôt dubitatif sur une montée des luttes ouvrières au cours
de la dernière décennie. S'il ne fait pas de doute qu'il y eut des luttes
importantes, on peut en tirer d'autres conclusions, comme nous le faisons
pour Cellatex, mais certainement pas y plaquer la ritournelle entendue depuis
des décennies après 1968 de cette montée des luttes , vision constamment
nécessaire pour entretenir l'activisme des militants de l'organisation et en
recruter d'autres. (8) La formation du CCI comme de
bien d'autres groupes dans la période immédiate post 1968 partait de l'idée
que 1968 ouvrait une période révolutionnaire dans laquelle oeuvrait un
prolétariat révolutionnaire. Nous ne pouvons nous étendre sur ce point mais,
dans la mesure où les prédictions ne se vérifiaient pas dans les faits,
l'existence même du groupe dépendait non pas d'une mise en cause de la
théorie fondatrice mais d'expliquer le pourquoi de cette situation. D'où la
construction de cette annexe théorique de la manipulation qui écartait une
remise en cause tout en redonnant une mission dénonciatrice au groupe. (9) Voir sur cette grève
Echanges n 85,septembre/décembre 19978, p. 3 (10) voir l'intégralité de ce
tract en anglais dans Discussion Bulletin n 86, nov/dec 1997, p. 24 : The
meaning of United Parcel Strike . (11) Frank Girard, éditeur de
Discussion Bulletin. (12) Le n 91 de Discussion
Bulletin (septembre-octobre 1998) reprend ce débat avec la réponse
d'Internationalism ( Does Ruling Class Conspire Against Workers ), une mise
au point de Frank Girard ( Conspiracy or Instinctive Response ? ) et
l'intervention de New Unionist (pages 17 à 22). Les derniers articles sur le
sujet sont dans Discussion Bulletin n 92 (novembre-décembre 1998). (13)
Aufheben, n 7, automne 1998. |
Luddisme (aussi désigné en
anglais par Luddites ). Contrairement à ce qu'indique Révolution
internationale cité ci-contre, Ned (et non John) Ludd fut le nom inventé d'un
leader imaginaire souvent désigné comme le général Ludd , par des tisserands
anglais afin d'échapper à la répression frappant toute personne soupçonnée
d'organiser cette forme de résistance qui consistait à briser les métiers
mécaniques. Le mouvement luddite, cependant, n'est nullement une réaction
désespérée d'ouvriers dressés contre des innovations techniques les privant
de leur travail, et n'avait pas du tout le caractère religieux que lui prête
le CCI. A cette époque (1811), bon nombre de tisserands sont encore des
ouvriers à domicile, utilisant des métiers appartenant à leurs patrons, qui
leur versent un salaire aux pièces aussi réduit que possible. Les
destructions de métiers s'organisent après le rejet par le Parlement d'un
projet de loi devant instituer un salaire minimum garanti. Elles avaient donc
à la fois un caractère social et politique. Bien loin d'être une flambée de
violence plus ou moins aveugle, le luddisme fut au contraire parfaitement
organisé, s'étendant sur plusieurs années dans plusieurs régions
industrielles d'Angleterre. Seuls les employeurs qui avaient réduits les
salaires virent leurs métiers détruits. Malgré une dure répression, le
luddisme fut assez efficace et les patrons finirent pas augmenter les
salaires. Ce mouvement peut être considéré
comme un précurseur des syndicats qui se développèrent une décennie plus
tard. Il est intéressant de constater que l'identification du luddisme au
sabotage en tant que principe d'action se retrouve tout autant dans
l'apologie du courant libertaire que dans la condamnation sans nuance du
courant marxiste (condamnation que reprend l'article du CCI) ; de plus, cette
identification correspond exactement à la condamnation qu'en faisait la
bourgeoisie en poursuivant les luddites comme terroristes . Dans un cas comme
dans l'autre, on ne trouve de référence historique valable. Voici comment
E.P.Thomson conclut une longue analyse du luddisme : Il commença (1811) dans
le comté de Nottingham sous la forme d'un "syndicat" d'action
directe, soutenu par toute la communauté ouvrière. Comme tel il était de
prime abord hors la loi et cette situation le conduisait dans une direction
plus insurrectionnelle. Au cours de l'hiver 1811-1812, il semble que des
"délégués", officiels ou non, voyagèrent dans certaines régions du
Nord. Dans le Yorkshire, le luddisme débuta en février 1812 sous une forme
plus ouvertement insurrectionnelle. D'un côté des revendications anciennes
des tisseurs firent tout exploser à l'exemple du comté de Nottingham. D'un
autre côté, de petits groupes de démocrates (...)virent dans le luddisme une
opportunité vers un développement général révolutionnaire... . On peut s'interroger sur les
raisons qui purent conduire Engels à la condamnation rapportée par le CCI :
méconnaissance de la situation réelle ou considérations politiques ? On peut consulter : The Making
of the English Working Class, par E.P. Thompson, Penguin Book (trad.
française : La Formation de la classe ouvrière, coéd. Seuil/Gallimard/EHESS, 1988, 791 p., 352 F) ; The
British People -1746-1946, par G.D.H. Cole ; Trevelyan English Social
History, a Survey of Six Centuries, Penguin Book). Lip, le mythe de l'autogestion Lip (1973-1974). Ce fut une
des plus grandes mystifications de l'après-1968, orchestrée par la CFDT autour
du thème de l'autogestion, destiné à dévier tout ce que les aspirations de
1968 avaient pu contenir. La mystification consista à
faire croire que dans l'usine occupée, les travailleurs avaient repris la
production de montres, principale activité de cette entreprise de Besançon
(Doubs). En réalité, en occupant l'usine, les travailleurs avaient mis la
main sur un stock de montres et sur du matériel presque terminé. Le trésor de
guerre des montres, bien planqué, fut vendu pour constituer un fonds de solidarité
qui permit aux Lip de poursuivre leur grève pendant près d'un an. La seule activité autogérée consista, pour une
cinquantaine d'ouvriers sur 1.300, à mettre les mouvements dans les boîtiers,
à faire la finition et à vendre les montres ainsi montées pour se payer. Le
mythe Lip a été depuis soigneusement entretenu à la fois par les apologistes
de l'autogestion et par ceux qui dénonçaient, non pas la mystification qu'ils
prenaient de même façon, mais ce qu'ils jugeaient la contre-révolution d'une
révolution qui n'avait jamais existé que sous la forme d'une idéologie de
détournement ; laquelle idéologie avait été d'ailleurs rapidement balayée par
les nécessités bien concrètes du capital. Le turn-over , hantise du patronat Le turn over , mobilité extrême des travailleurs passant
d'une entreprise à une autre pour y trouver de meilleurs salaires ou
conditions de travail, fut, à l'époque du plein emploi, une des hantises du
patronat. Cela correspondait à un stade du développement des techniques de
production dans lequel l'entreprise avait besoin d'un personnel stable et, vu
le plein emploi, avait des difficultés à retrouver des travailleurs à
exploiter dans les mêmes conditions. On pouvait le considérer comme une forme
de la lutte de classe. Plus que l'évolution des techniques de production et
notamment l'automatisation des tâches, l'énorme développement du chômage, en
partie conséquence de cette évolution a quelque peu relégué ce problème mais
les plaintes présentes des entreprises sur la difficulté de trouver une
main-d’œuvre adéquate pour répondre à une certaine timide reprise économique
montrent qu'il reste sous-jacent. Correspondance : une précision de Djemil Kemous Dans le numéro 95 d'Echanges (automne-hiver 2000)
figure sous la signature de H.S. une importante mise au point sur les
événements de Cellatex de l'été 2000 qui ont déclenché certaines réactions
dans le mouvement révolutionnaire. A cette occasion sont citées diverses
publications : Combat syndicaliste, Révolution internationale, etc...Est
également mentionné un texte attribué à l'Universaliste, intitulé Deux thèses
sur la violence révolutionnaire et pour un éventuel essor du mouvement
révolutionnaire , dans lequel j'écris notamment que les luttes de classe tout
comme plus généralement les critiques de l'ordre dominant, nécessaires à sa
remise en cause, sont notoirement insuffisantes (...) elles doivent s'accompagner
de tous les débats qui dégagent les perspectives d'une véritable alternative
sociale et de leur diffusion parmi le plus grand nombre , que ceci exige le
pluralisme, la coopération active de tous , enfin que ce n'est qu'à travers
ce travail fondamental qu'il sera possible de rompre l'isolement des
alternatifs, de combler le fossé existant entre la petite minorité de ceux
qui ont des perspectives et la grande majorité des sceptiques . Une précision
importante s'impose : contrairement à ce que laisse entendre H.S., ce texte
n'engage nullement le Rassemblement universaliste ; bien que je collabore à ce
bulletin, il n'est pas signé de l'Universaliste mais par moi-même. Djemil Kessous |