“ Le
suffrage est universel, égal et secret ” (suite 2 et fin)
Consultez le tableau 2 et poursuivre la lecture.
La sous-représentation de
Libreville n’est pas admissible. C’est à partir de la cohésion qui se fait dans
le cadre de l’intégration urbaine que l’unité de la nation gabonaise se
consolide. Le combat de la démocratie dans notre pays se gagne dans la bataille
de Libreville, la capitale. Peu importe le nombre de Députés retenu pour la
représentation du peuple dans l’organe législatif, ce qu’il faut c’est une
meilleure répartition de la représentativité du corps électoral, autrement dit,
un découpage de circonscriptions électorales tenant compte de l’impératif de
l’égalité des citoyens. La nouvelle loi électorale doit déterminer un quota
moyen de représentativité par élu. Comme nous l’indiquons plus haut, le
nombre actuel de 120 députés donne un quota moyen de 4.000 électeurs inscrits
par député. En conséquence, aucune circonscription électorale ne doit exister
avec moins de 4.000 électeurs. C’est une question de bon sens ! Qui donc aurait peur de l’électeur gabonais
pour lui refuser ce simple droit de bon sens ?
En conséquence de tout ceci, un
recensement fiable du corps électoral s’impose d’urgence et en toute priorité.
Afin que, en prévision des prochaines échéances électorales qui devront marquer
un pas dans le processus de démocratisation de notre pays, un découpage des
circonscriptions électorales sur la base constitutionnelle d’un homme, un
vote puisse être établi. On ne peut pas ne pas effectuer cette correction
indispensable afin de respecter le principe fondamental de l’égalité des
citoyens dans toute démocratie moderne. Encore une fois, ceux-là même qui
n’ont cessé de réviser à leur gré, quand bon leur semble, la Constitution pour
asseoir leurs intérêts égoïstes, en appellent à cette même Constitution pour
bloquer le processus démocratique. Non, devant l’impératif de paix civile
et politique dans notre pays, on ne doit pas se fixer à une date mécanique pour
empêcher une réforme indispensable comme celle du Code électoral qui s’impose
en ce moment.
Un Code électoral assurant
l’expression véritable de la volonté populaire est seul à même de garantir
aujourd’hui une vraie paix civile dans notre pays. Une représentation du peuple
et un gouvernement qui seraient l’émanation réelle de la souveraineté populaire
qui se serait librement exprimée dans la transparence sont aujourd’hui l’unique
possibilité pour apporter à la direction de notre pays la confiance du peuple,
qui lui est indispensable et nécessaire pour faire face aux défis du moment.
Le Code électoral mis en place par
la loi n°7/96 est inadapté et inadéquat avec les exigences de démocratie de la
société politique à l’heure actuelle. On connaît comment son application a conduit entre autres
à un record d’abstentions (80 à 70 % à Libreville pour les municipales),
faisant de notre pays un État sans citoyen et des représentants sans réelle
légitimité populaire.
Mieux, la loi n° 22/96 du 15 avril
1996 portant fixation et répartition des sièges de députés par province,
département et commune doit être purement et simplement abrogée.
Aujourd’hui, l’importance du vote
des citoyens doit être au centre des débats, et un sujet de mobilisation
générale de la part de tous les patriotes démocrates, quelle que soit leur
allégeance partisane. Il y va de la qualité de notre démocratie et de la paix
ou non qui peut en découler. Le problème du Code électoral juste, respectant
l’égalité des citoyens, doit être une préoccupation majeure de nos responsables
politiques. Un découpage de circonscriptions électorales sur la base du
principe d’égalité de tous les citoyens s’impose de toute urgence.
Au lieu de se focaliser sur la
succession et mobiliser les troupes de militants de la politique du ventre pour
l’échéance électorale de l’an 2001, et faire courir au pays entier le risque
réel d’un dérapage suite à des élections discutables faites dans la débrouille,
la magouille, et le désordre organisé comme par le passé, il faut revoir à fond
la Constitution pour l’adapter aux exigences actuelles de démocratie ; il
faut refaire le code électoral, le recensement de la population, le découpage
des circonscriptions ; et mettre en place une commission électorale de
consensus indépendante. Voilà l’impératif du moment autour duquel doivent se
mobiliser toutes les forces vives et patriotiques de la nation. L’avenir du
processus de démocratisation en cours dans notre pays est dans l’acceptation
par toute la classe politique du libéralisme politique. Celui-ci implique
naturellement l’imposition de règles qui l’habilitent. Il s’agit d’une mise en
place délibérée qui engage l’avenir.
Les dirigeants actuels doivent
comprendre qu’il n’est pas sain et raisonnable que l’institution élective soit
tout simplement “ plaquée ” sur notre culture de gouvernement, y
devenant une parodie sans substance. Elle le devient là où une tyrannie viole
les règles de la démocratie pluraliste, de la liberté de candidature et de
choix. On ne peut être citoyen au sens fort, démocratique de cette notion, si
l’on prétend empêcher d’autres de l’être au même titre. L’aspiration à faire
valoir notre droit à la citoyenneté implique essentiellement le respect du
droit d’autrui à cette même qualité. Qu’un seul homme soit privé de ce droit,
cela revient à le dénier à tous. Il s’ensuit que les citoyens sont - en tant
que citoyens - égaux par principe, devant la loi, la société, le pouvoir. C’est
en cela que chacun est souverain et tous constituent la souveraineté populaire,
qui est la source de tout pouvoir démocratique. Chaque citoyen élu, détenteur
d’une parcelle de cette souveraineté du peuple, doit pouvoir parler au nom
d’une représentation égale à son vis-à-vis dans les fonctions électives qu’il
assume.
Pour pallier à la situation
actuelle, qui est source de possibles violences politiques dans le future
proche si elle est maintenue, il est plus que souhaitable qu’un organisme
neutre, doté de pouvoirs réels et de moyens appropriés, soit mis en place dans
l’immédiat afin de s’atteler à cette tâche. On s’assurera ainsi de pouvoir
épargner à notre pays les conséquences d’une dérive vers la violence politique
pour fait d’élections mal tournées. Il ne faut plus, pour la paix civile dans
notre pays, que les futures élections pour la représentation du peuple aux
instances dirigeantes soient une fois de plus perverties, et que le processus
électoral se révèle encore comme un simple instrument dans les mains de ceux
qui sont au pouvoir pour s’y maintenir. Car, chaque fois que la politique
politicienne triomphe, c’est le règne de l’injustice et la possible révolte de
ceux qui n’acceptent plus cette injustice.
La condition fondamentale de la
démocratie dans les États modernes est le droit de la masse des citoyens à
prendre part périodiquement à des élections honnêtes, à parité de
représentativité égale. L’exigence de ce principe et son respect ont constitué
une révolution politique de première importance sur tous les continents, et
particulièrement en Afrique, avec la victoire de l’ANC en Afrique du Sud,
contre le régime inique d’apartheid. Refuser l’application de ce principe dans
notre pays, c’est imposer à notre peuple une sorte de discrimination de
certains citoyens au bénéfice d’autres, c’est l’apartheid. Pire, c’est une
violence politique que subit notre peuple : toute forme de contrôle social
qui barre une aspiration, impose des opinions ou des comportements, perturbe
une trajectoire sociale ou un cadre de vie est violence, qu’elle soit ressentie
douloureusement ou non par le sujet ; la pression sur les individus qui
produit une différence négative entre leurs possibilités d’accomplissement et
leurs réalisations réelles est une violence ; mais il y a encore
davantage, les irrésistibles sollicitations qui exacerbent des désirs
artificiels et contradictoires, morcellent le sentiment d’identité personnelle,
ce qu’on pourrait appeler les violences de la séduction. Or, toute violence
appelle tôt ou tard une réaction violente, ne fût-ce que sous la forme
défensive. La violence inassouvie intériorisée cherche et finit par trouver à
un moment donné une victime de rechange. A la créature qui excitait sa fureur,
elle en substitue une autre qui n’a parfois aucun titre particulier à s’attirer
les foudres du violent, sinon qu’elle passe à sa portée. Toute communauté en
proie à la violence ou accablée par quelque désastre auquel elle est incapable
de remédier se jette volontiers dans une chasse aveugle au bouc émissaire.
Instinctivement, on cherche à un moment donné un remède immédiat et violent à
la violence insupportable. Les hommes veulent toujours se convaincre que leurs
maux relèvent d’un responsable unique dont il sera facile de se débarrasser.
Il est absolument important que les
politiciens au pouvoir cessent d’imposer les violences insidieuses au peuple,
afin d’épargner à notre nation ces formes de violences collectives qui se
déchaînent spontanément dans toute communauté humaine qui ne supporte plus, à
un moment donné, ces violences politiques longtemps endurées.
Quand le Secrétaire Général du
Parti Démocratique Gabonais croit refuser que la loi n°7/96 soit réformée, en
prétextant le respect de la Constitution en son article 35 alinéa 5, nous
répondons qu’il n’est ni sérieux, ni raisonnable d’hypothéquer le destin d’un
peuple, et d’exposer les individus à un risque réel de violence, pour une
affaire de calendrier. Gouverner c’est prévoir. Puisque la Constitution d’une
république, comme de tout État appelé à durer, a pour but de mettre ensemble
les intérêts des citoyens, et comme ces intérêts, de même que ces citoyens
changent à leur tour inexorablement, il importe d’assurer la rénovation et
l’ajustement de la Constitution quand l’obligation s’impose, par un retour au
principe qui a établit le fonctionnement à l’origine. Il s’agit dans le cas
présent de rétablir le principe fondamental de l’égalité des citoyens : un
homme, un vote ; et de le rendre applicable dans les faits.
Aujourd’hui, il faut admettre que, “ la première et l’indispensable
réforme à entreprendre réside bel et bien dans l’abrogation ou la suspension de
l’alinéa 5 de l’article 35, et de reformer, dans la foulée, les articles 17 et
84 qui semblent poser problème à la Cour constitutionnelle ”, comme
l’écrit avec pertinence William Oyonne dans son billet Mémorandum
(l’Union du 19 février 2000.)
Dans les États modernes, l’exigence
d’être reconnus comme citoyens n’est plus comprise comme une exigence de
gouverner directement, mais comme l’exigence de la possibilité d’obliger
toujours ceux qui exercent le pouvoir à rendre finalement des comptes à ceux
sur qui ce pouvoir s’exerce. C’est, au fond, une exigence de moyen politique
pratique de remplacer la domination et son corollaire, la soumission, à une
organisation de l’autorité partagée.
L’exigence de parler pour soi,
d’être entendu, est de faire en sorte que ce qui se dit trouve une traduction
concrète dans le tissu de la vie commune et porte la voix de la démocratie à
travers les âges. Cette voix a toujours été défiée et souvent, elle a été
systématiquement étouffée. Aujourd’hui, il n’est jamais apparu plus
clairement à quel point il est difficile de continuer à l’étouffer. L’espoir
pour la démocratie est que, aussi longtemps qu’il y aura des êtres humains,
jamais ils ne soient réduits au silence.
“ Le suffrage est universel, égal et
secret ” Art. 4 (alinéa 1) de la
Constitution.
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