DAVID : Ca fait au moins deux fois que l’on nous dit ça et c’est vraiment une surprise. Je ne vois aucun rapport entre nos chansons et celles des Bats (bien que je les apprécie), encore moins avec celles de Lloyd Cole qui ne m’a jamais intéressé (sauf peut-être une fois à l’âge de quatorze ans). Sans que notre musique y ressemble, je préfère, chez Flying Nun, les Chills ou le grand Chris Knox. En revanche, le parallèle avec les Go-Betweens me semble plus juste. Il y a des points communs et c’est de plus l’un des rares groupes "consensus" entre Marc et moi, bien qu’il les connaisse mieux. “Talulah“ est en tout cas conseillé et “16 lovers lane“ indispensable.
MARC : Dans l’ensemble, ce sont des groupes que nous aimons, même si je n’écoute que très occasionnellement les Bats et que je n’écoute plus Lloyd Cole depuis son dernier album avec les Commotions (quand j’étais jeune). Je préfère les Go-Betweens. Mais en fait, les groupes que j’écoute le plus (Smiths, Morrissey, Pavement, Wedding Present, Gamine ou les groupes de chez Sarah) ne nous sont jamais cités. Tant mieux, parce qu’on ne cherche ni à ressembler à un groupe ni à se creuser la tête pour éviter de ressembler à un groupe. On fait ce qu’on peut et ce qu’on veut. Mais vu l’importance et la quantité de musique que l’on écoute tous les jours, certains pourront toujours trouver quelques ressemblances (surtout en fonction de leurs goûts). Mais la question nous fait plaisir pour les références aux Go-Betweens.
2 : Faire de la pop classique avec violons et mélodies douces
amères est souvent considéré comme sans prétention
par la presse et une partie du public. Comment réagissez-vous à
cela ?
Qu’aimeriez vous leur dire ?
MARC : La presse et le public ? ? ?
De toute façon la presse évite de parler de nous.
Certains nous trouvent prétentieux et je pensais plutôt que
cela venait des cordes et du violon. En tout cas pour moi, le violon et
le piano ne sont vraiment pas nécessaires. Je dois même dire
que maintenant je préfère écouter une musique plus
simple (sans arrangements à la Divine Comedy ou autres, ça
me casse les couilles).
DAVID : J’adore Divine Comedy et Scott Walker encore plus. Les Smashing Pumpkins et Placebo me cassent les couilles.
MARC : Je préfère de loin Sebadoh, Pavement...
DAVID :Tu l’as déjà dit !
MARC : ... Number one cup ou alors la pop de chez Sarah (Heavenly, Field Mice Another Sunny Day ...).
DAVID : Décidément, tu te répètes !
MARC :Quant à nos prétentions, pour moi elles ne sont
ni dans l’expérimentation, ni dans la recherche d’un nouveau style
mais simplement dans la recherche de mélodies. Des chansons comme
I want you de Bob Dylan, Here comes the sun des Beatles, Sensitive des
Field Mice, Brassneck des Wedding Present, Range Life de Pavement, Dim
Crusade deJohn Cunningham ou Nothing succeeds to success de Moi seront
toujours meilleures comparées à toutes celles de Stereolab,
d’un groupe Trip-Hop ou de Divine Comedy. Je dis simplement au public et
à la presse : « Ecoutez nos chansons et dîtes nous si
vous y êtes sensibles ».
DAVID : D’accord pour les mélodies, pas d’accord pour l’expérimentation.
La forme adoptée sur notre dernière démo et déjà
ébauchée sur la précédente n’est qu’un aspect
d’Ego. J’irai même plus loin, ce n’est qu’un des aspects d’Ego en
studio. Le manque de moyens nous empêche de nous diversifier et une
démo doit être un minimum homogène quand il y a deux
songwriters.
Actuellement, Ego ne ressemble pas à votre définition
(pop classique...), il n’y a d’ailleurs jamais ressemblé sur scène
si l’on excepte trois concerts (dont le concert pour Les Belles promesses
à Marseille en Juin dernier) donnés à six musiciens
(avec piano et violon). Nous sommes un groupe Pop qui lutte contre son
propre classicisme ! Pour en revenir à la question - fort pertinente
-(trop fort ça, comme début de phrase), je dirai que la presse
- du moins celle que nous lisons - , a toujours défendu les groupes
modestes mais talentueux (BMX Bandits, TV Personalities, Peter Astor, Jazz
Butcher, Pastels etc...), tout en étant un temps soit peu condescendante
à leur égard. Cette situation est exaspérante mais,
pour avoir animé une émission de radio, je sais ce que c’est
de recevoir quinze disques excitants dans le mois, venant pour certains
de gens que je connais déjà pour leur savoir-faire et qu’il
est difficile de se passionner pour les petits ou pour les nouveaux s’ils
ne présentent pas un caractère bien trempé ou une
originalité flagrante. Ego a Jusqu'à présent été
bien gentil, je l’avoue mais je continue à croire que nos chansons
ont un public. Commençons déjà par séduire
celui-là, nous verrons ensuite quel est le problème de ces
tarlouzes de journalistes, incapables de ne serait ce que mentionner notre
talent qui est énorme. Presque autant que mon sexe.
3 : Votre dernière démo rend hommage à Luis Rego. Pouvez-vous nous parler de l’admiration que vous lui portez ?
MARC : Déjà, c’est très bien que vous ayez pensé à Luis Rego. Luis, on le connaît à travers les Charlots, les films plus ou moins bidons qu’il a faits et les films réussis aussi. Mais surtout, je l’ai connu au Tribunal des flagrants délires comme pauvre souffre douleur portugais (l’avocat le plus bas d’Inter) de Desproges que j’admire aussi (voire même plus). C’est un type qui mérite d’être plus connu et son interview dans Les Inrockuptibles l’avait encore confirmé. Il est très intéressant, connu, mais si peu en fait. C’est un peu comme nous, sauf que nous n’avons pas fait de mauvaises chansons faciles comme il a fait de mauvais films. La comparaison s’arrête là. Et l’important était de faire un ridicule jeu de mots sur la tranche de la cassette : TRIBUTE TO LUIS R.ego
DAVID : En plus, trop fort, Luis Rego aime XTC, comme moi. Et puis il y a un truc qui me paraît évident : c’est le côté à la fois minable et brillant de Luis. Au Tribunal des F.D., il était effectivement le souffre-douleur de Desproges ; nous, nous sommes les souffre-douleur de la presse musicale qui nous méprise (ce qui est toujours mieux que de se faire massacrer), alors que nous la respectons comme nous respectons Desproges et comme Luis Rego le respectait.
4 : Deux personnes écrivaient les textes chez les Go-Betweens, comme chez Ego, or ils ont eut des problèmes d’ego. Comment cela se passe-t-il chez Ego ?
MARC : Des problèmes d’ego dans Ego ? ? Vous rigolez ! Et pour simple précision, il n’y a pas eu de problème d’ego entre Foster et Mc Lennan. C’est avec le reste du groupe et le manque de succès que les problèmes sont arrivés et qu’ils se sont séparés. Quant à nous, il n’y en a d’abord pas eu, puis il y en a eu d’énormes, tellement énormes que le groupe s’est séparé. Et puis, les ego se sont reformés comme irrémédiablement aimantés. Même s’il y a toujours des problèmes d’ego dans Ego, Ego s’en sort bien et gère bien les différents ego d’Ego. (On ne pouvait pas faire mieux comme promo que de répéter 9 fois Ego - Non, 10 fois)
DAVID : La solution - la plus idiote mais la meilleure - nous l’avons trouvée depuis longtemps : 50% tout le temps, tout le temps, tout le temps. Même nombre de chansons chacun en studio , même nombre de chansons chacun en concert, à la radio, une réponse de chacun par question etc.. Ce n’est par contre que depuis peu que nous faisons attention à ne pas convoiter les mêmes filles : ça nous joue de vilains tours ce genre d’histoire. Nous sommes un groupe pair qui porte un nom de trois lettres.
5 : Vous rêvez certainement d’une question extraordinaire qui vous permettrez d’élaborer une réponse intelligente et pleine de bon sens. Alors, posez-vous là...
MARC : Pourquoi n’êtes vous pas impliqués politiquement alors que l’on sait que vous avez une réflexion poussée sur les problèmes économiques et sociaux (une autre politique, une influence freudo - marxienne indéniable, un positionnement axiologique quant à la subjectivité en matière de sciences sociales et une nouvelle approche épistémologique anti-poppérienne en sciences plus généralement) ?
DAVID : Hein ? Pourquoi ? ? ?