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Chapitre 2: Parler

 

Théo ouvrit lentement les paupières. Il sentait une matière rêche et dure frotter contre sa joue, la torturant de mille et une écharde… pourquoi son oreiller était-il aussi dur ? Pourquoi avait-il mal au dos… pourquoi n’était-il pas allongé sur son lit ?
Il se redressa sur sa chaise, se rendant compte tout d’un coup qu’il s’était assoupi sur son bureau.
La chambre était sombre, dehors il faisait nuit noire, une nuit sans lune, sans étoiles.
Théo se leva et s’étira douloureusement. Quelle heure était-il ?
Il s’avança vers sa table de chevet et alluma la petite lampe bleue. La lumière lui transperça la pupille, il se frotta les yeux et attendit quelques secondes qu’ils s’habituent à la clarté de l’ampoule. A tâtons, il essaya de trouver sa montre mais rien. Il revint alors vers son bureau en s’aidant du bord de son lit. Quelle poisse ! Cette myopie lui pourrirait l’existence jusqu’à sa mort, et il paraît même que ça pourrait empirer ! Déjà qu’il ne voit pas grand chose à vingt centimètre de son nez, il ne voit pas comment ça pourrait être pire… ou alors il devient aveugle !
Il trouva ses lunettes et les chaussa, se disant par la même occasion qu’il lui faudrait en racheter. Elles étaient trop grandes et lui tombaient facilement du nez.
Tout autour de lui prit des traits simples et uniques, le monde se découvrit à ses yeux et il en était mieux ainsi. Il respira un grand coup, se demandant bien comment il avait bien pu s'endormir sur son bureau.
Tout paraissait silencieux dans la maison, aucun bruit de pas, ni de voix, … ni de coup sur le mur. Le calme complet.
Il aperçu alors sa montre sur la chaise près de sa fenêtre. Quatre heures du matin.
Et il ne se sentait plus le courage de se rendormir.
Encore un matin difficile, se dit-il en pensant à Emma. Dans quatre heures, la vieille gouvernante viendrait le réveiller et là, il grommellerait. Mais enfin.
Théo s’avança prudemment vers la porte et baissa lentement le bec de canne. Il la poussa et passa la tête par l’entre bâillement. Le couloir était noir, rien ne semblait vivre dans cette maison, il était seul à être encore debout. Tant mieux.


Le hall d’entrée était aussi ténébreux que les autres pièces et tandis qu’il descendait les marches de l’escalier, Théo s’imaginait les pires histoires de fantômes, d’horreur et de crimes qui pouvaient se dérouler en une telle atmosphère. Il essayait d’apercevoir les ombres que formait la lumière des allogènes de la rue à travers les grandes vitres. Celles qui restaient immobiles, celles qui se mouvaient et que l’on pouvait aisément confondre avec des créatures des bas-fonds de la nuit. Quel bonheur.
Il attendit quelques minutes au milieu du hall, les yeux fermés, les mains dans les poches, expirant et inspirant profondément afin de s’imprégner de la fraîcheur nocturne, un sourire aux lèvres. Puis il se mit à tourner sur lui-même, se sentant soudain libre et léger comme une plume… Aussi élevé dans le ciel de son esprit q’un oiseau près de la lune, réconfort des pauvres vagabonds et des perdus de ce monde.
La tête commença à luit tourner, il s’arrêta mais perdit l’équilibre et tomba par terre, sur le carrelage froid et dur du vestibule. Il se mit alors à rire, les yeux toujours clos…
Les larmes lui vinrent aux yeux. Des larmes qu’il n’aimait pas verser. Il se passa une main sur le visage et le leva vers le plafond pour les empêcher de couler.
Il voudrait tant… parler. Mais à qui ?
Emma écouterait sûrement. Mais pour dire quoi ? Des choses auxquelles elle ne connaîtrait certainement aucune solution.
Il agita la tête de droite à gauche et replongea dans l’apaisant silence de cette nuit qu’il voulait pour… seule amie.
Un jour, un enfant lui avait dit… : « Toi, tu as besoin de parler. Tu sais, si tu te mets à genoux et que tu murmures tous tes problèmes dans un trou du sol, il te suffira de le reboucher après et ils seront en sécurité. La terre le saura mais personne autour ne connaîtra ton secret. »
Parler à un trou ?
Mais il s’immobilisa soudain… quelqu’un venait d’éternuer dans la pièce à côté. Le salon ! Il y avait quelqu’un dans le salon qui l’espionner ? Ou peut-être…
Théo se releva et avança vers la porte entrouverte, il la poussa doucement et entra dans la pièce sombre.
Une silhouette était assise en travers du canapé, les pieds sur le dossier. Une main s’éloigna du visage et un trait de fumée sortit de la bouche… ce visage noir, cette silhouette noire… Théo la regardait sans un bruit. Il avança d’un pas mais bouscula le guéridon près de l’entrée et faillit faire tomber la lampe. Il la rattrapa de justesse, cependant le mal était fait, la silhouette s’était tournée vers lui et la lumière éclaira soudain la pièce. Théo se cacha les yeux.
- Qui est…, commença une voix qu’il lui sembla avoir déjà entendu, Ah ! C’est vous.
Théo baissa le bras mais garda les yeux étrécis.
- Joey ?
- Oui. Vous m’espionniez ?
Le jeune homme fit signe que non de la tête comme il en avait l’habitude. Maintenant, il distinguait un peu mieux Joey.
- Je suis descendu… Je vous ai entendu éternuer.
- Mm. Avouez que vous m’espionniez.
Théo n’eut pas de mal à voir le petit sourire malin que formaient ses lèvres.
- Non.
- Mais bien sûr.
- Pourquoi cherchez-vous à me provoquer ?
Joey prit l’air étonné et innocent dont il avait toujours eu le secret.
- Vous provoquer ?!!! Je n’oserais pas. Voous plutôt ! Vous, vous cherchez à me déstabiliser.
Théo s’indigna mais contint tout de même un petit rire de désolation. Il leva une main d’au revoir et lui lança en se retournant :
- Ok ! Je ne vois pas comment je peux bienn vous déstabiliser. Enfin ! Je suppose que ça ne vous dérangera pas plus que cela. Je vous laisse fumer votre clope, je vais dormir. Bonne nuit… Joey.
Il allait passer le seuil de la porte quand il entendit Joey se lever brusquement, presque courir vers lui et poser une main sur son épaule. Ce contact lui envoya une sorte de décharge électrique tout le long du bras et de la nuque. Un contact qu’il n’avait encore jamais eu avec personne, c’est pourquoi il se dégagea subitement et se recula. Joey avait aussitôt rabaissé sa main et restait immobile devant lui, ses yeux gris le regardaient de haut en bas et Théo se sentit tout d’un coup mal à l’aise, petit et fragile face à lui.
- Désolé de vous avoir fait peur, lui murmmura Joey d’une voix monocorde dont il ne distinguait pas la moindre vérité.
- Pourquoi avez-vous fait ça ?
- Pourquoi avez-vous eu peur ? Je n’ai faiit que poser ma main sur votre épaule pour vous empêcher de partir. C’est comme si j’avais commis un acte terrible.
- Non… C’est que… Je…, tentai non sans mall de dire Théo, mais les mots ne venaient pas. Comment lui expliquer qu’il n’avait pas vraiment l’habitude d’être toucher de la sorte, même une fraction de seconde.
- Vous êtes étrange, lui lança Joey en pleeine face.
En pleine face car c’était bien la première fois qu’on le lui certifiait, bien qu’il savait déjà qu’il ne ressemblait pas beaucoup aux autres jeunes hommes de son âge. Il leva les yeux vers Joey et le dévisagea à son tour, comme pour lui faire affront. « Ah oui ? Je suis bizarre ? Et bien j’en suis fier… » Enfin, à ceci près qu’il donnerait n’importe quoi pour avoir une vie semblable aux autres.
- Je… sais, se contenta-t-il de répondre.
Mais Joey paraissait rester sur sa fin.
- Vous savez ?!!! On l’impression que vous fuyez les gens comme la peste. Pourquoi avez-vous la trouille de parler ? Pourquoi à chaque fois que je veux discuter avec vous vous décidez de vous en allez ?
Théo se pouffa de rire. Joey était si convaincant maintenant, même si ses excuses ne touchaient personne, il semblait dire quelque chose qu’il ressentait véritablement. Et puis, ça le faisait rire parce qu’il était tout d’un coup indigné, les yeux baissés vers le sol, une main dans la poche et l’autre tenant ce qui restait de sa cigarette, parfois, il levait cette même main pour donner un geste à ses paroles. Théo trouvait cela assez touchant de le voir dire la vérité.
- Arrêtez, finit-il par lui répondre, reprenant un peu confiance en lui, on ne se connaît que depuis ce matin et on ne s’est vus que deux fois.
- Et ça fait deux fois que j’essaye de sympathiser avec vous.
- Sympathiser avec moi ? Je suis asociale, c’est vous-même qui venez de me le dire.
- Je veux juste parler.
- Pourquoi ?
- Parce que je veux parler !
- Quelle réponse !
- Que voulez-vous de plus ?
- C’est à moi de vous poser cette questionn.
- Ce que je veux ?
Théo recula encore un peu plus. Voyant que Joey le regardait bien en face, dans les yeux, il écarta son regard et le contourna pour aller vers la porte fenêtre du salon. Derrière les vitres on pouvait apercevoir la rue déserte, éclairée par quelques lampadaires vieux comme le monde. Il sentait la présence de Joey dans son dos mais ne voulu pas se retourner de peur de recroiser encore une fois son regard. Un regard des plus intense, un regard qu’il sentait pénétrer en lui et sonder son âme, son être, un regard magnifique c’est vrai mais… qui le gênait. Bien qu’il se surprit à vouloir le revoir.
Mais que faisait-il encore là ? Ne devait-il pas partir ? Ne devait-il pas dormir ? Quelque chose l’empêcher de s’en aller. Il avait froid tout d’un coup, ces membres tremblaient légèrement. Qu’attendait Joey pour parler ? Que ce soit lui-même qui recommence cette ridicule conversation ? Non, il n’en avait pas le courage. Mais qu’attends-t-il ?

 

Joey avait toujours les yeux fixés sur Théo. Le jeune homme lui tournait le dos et semblait regarder dehors, mais était-ce vraiment cela ? Qui peut dire ce qui trotte dans cette petite tête se dit Joey. Il l’avait touché, il l’avait arrêté et Théo avait eu peur. Mais peur de quoi ? Qu’il lui saute dessus ? Même si l’envie était tentante… Joey aimait le regarder dans les yeux, ses yeux de jade flamboyant, cette intense tristesse, cette douce mélancolie, ce refus des autres, mais aussi ce malaise de ne pas pouvoir engager une conversation simple avec quelqu’un. Sûrement l’œuvre de sa mère. Elle avait bien oublié son prénom cette après-midi non ? Elle qui l’avait mise au monde. Elle qui l’avait vu grandir pour devenir ce jeune homme au teint blanc, à l’âme si tourmentée. Joey ne le connaissait que depuis quelques heures et déjà il sentait le désir de lui apprendre un peu ce qu’est le monde. A seize ans, on a bien le droit à un peu d’ « amour » non ? Bien sûr, juste ça, pas plus. Juste lui faire un peu entrevoir ce que peut-être le désir… si toutefois il aime les hommes. Peut-être ne se pose-t-il même pas la question se demanda Joey. Et si c’est le cas, Joey sentait qu’il allait bien s’amuser. « Résiste-moi très longtemps… Le désir et le plaisir n’en sera que plus fort, mon cœur ». Il se décida donc à engager leur première discussion :
- Comment vous appelez-vous ?
Théo ne se retourna pas, mais il écarta la tête de côté.
- Ca ne vous servirait à rien de le savoir. Je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler quelqu’un d’intéressant.
Joey écarquilla les yeux. Il avait dit cela avec tant de… chagrin…
- Je sais ce que vous pensez, marmonna-t-il, essayant de trouver un point d’entente, vous pensez que je suis comme les autres hommes que votre mère ramène dans son lit. Je vais être franc avec vous. Je suis un prostitué de luxe…
Joey s’assit sur le canapé écrasa sa clope dans le cendrier près de lui. Théo se retourna lentement et éleva les yeux vers lui. Joey perdit pendant une seconde le court de sa phrase, toujours aussi éberlué par le beauté des yeux émeraudes du jeune homme, un regard à moitié caché derrière ses lunettes et quelques mèches de cheveux ébène ce qui le rendait encore plus désirable.
- … Je suis un prostitué de luxe et mes victimes habituelles sont les gens de la haute société, femmes de tous âges, hommes de tous grades… pourvu que je sois bien payé. Je donne du plaisir à ceux qui ont besoin de se sentir encore aimés ; j’use du charme et de la beauté, sans me vanter, que je possède. Je ne fais cela que pour l’argent. Vous pensez que je ne vaux pas mieux que les autres… vous avez raison. Je ne suis pas non plus très intéressant dans le fond. Je ne fais que jouer la comédie. Je mens pour gagner ma vie et je suis fier de ce que je fais. Mais je n’ai qui ne sorte de l’ordinaire, je ne suis qu’une homme à l’origine. Et vous aussi.
Joey se tu et le regarda, Théo ne bougeait pas, il ne semblait même pas réagir à ses paroles.
- Alors, je m’appelle Joey. Et… vous ?
Il attendit patiemment que Théo cogite ce qu’il venait de dire. Et pour la première fois, il se rendit compte que ce n’était pas une supercherie, qu’il avait toujours pensé les mots qu’il venait de prononcer. Une vague de fraîcheur envahit ses pensées, comme si quelque chose s’effondrait en lui et qu’il se sentait tout d’un coup mieux mais aussi un peu honteux de s’être ainsi exposé.
- Théo.
Joey sortit brusquement de sa torpeur prit conscience que Théo venait de lui dire enfin comment il se nommait. (Même si il le savait déjà)
- Théo, répéta machinalement Joey. Théo. C’est… original pour un prénom.
Le jeune homme sourit, découvrant un peu ses dents blanches.
- Ce n’est pas nouveau.
- Alors, Théo, puis-je poser quelques questions ?
- Vous ne faîtes que ça depuis tout à l’heure, pourquoi avoir besoin de mon avis ?
Joey sourit à son tour, Théo lui rendit encore une fois son sourire.
L’atmosphère se détendait un peu et Joey décida de tenter le tout pour le tout.
- Qu’aimez-vous faire ?
- Faire ?
- Vos loisirs… Vos passe-temps… Vous suivez des études ? Comment occupez-vous vos journées ? Vous devez bien avoir de quoi ne pas vous ennuyer non ?
- Ca vous semble si évident !
- Vous êtes jeunes…, seize ans tout au plus, vous devez sûrement avoir des passions auxquelles vous rattacher…
- Et vous, quel âge avez-vous ?
- …
Joey ne savait pas quoi faire, cette fois-ci, c’est Théo qui jouait avec lui, qui le déstabilisait…
- Je suis des études à Henri IV, je voudrais devenir journaliste. Mais ce n’est qu’un prétexte pour exercer le métier d’écrivain en parallèle.
- Ecrivain ? Vous écrivez quoi ?
- A vous maintenant… Quel âge avez-vous ?
Théo gardait ce petit sourire en coin, un air moqueur mais ce n’était pas son genre. Joey savait qu’il était un peu plus en confiance mais qu’il restait quand même sur ses gardes.
- J’ai vingt-six ans. Je vis dans le quartier du Marais. Dans un minable appartement de trois mètres sur quatre. Mais avec l’argent que je vais récolter ici, je vais pouvoir m’acheter un studio peut-être. Mais journaliste dans un journal, un établissement ou comme reporter ?
- Reporter sans frontières. Vous habitez dans le Marais ? Je n’y suis jamais allé ! Il paraît que c’est un quartier sans tabous…
- C’est un quartier où la communauté homosexuelle se rend. Là-bas, on oubli tous les maux que l’on peut nous faire subir. La tolérance est le mot d’ordre et tout est normal, pas comme certains pensent. Vous devriez y aller un jour, vous vous y sentiriez libéré.
Joey, après avoir dit ces mots, attendait une réponse, la réponse qu’il attendait. Est-ce que oui ou non Théo préférait les hommes ? Mais il ne répondit rien et se contenta de s’asseoir à l’autre bout du canapé, les yeux perdus dans le vide. En tout cas, il était assez lucide pour rester éloigné de lui.
Joey soupira et sortit son paquet de cigarettes. Il l’ouvrit, en tira une et la tendit à Théo. Ce dernier regarda d’un air étonné la clope et fit signe que non. Joey haussa les épaules et la mit à ses lèvres. Il sortit son briquet et l’alluma. Il sentait le regard de Théo posé sur lui lorsqu’il tira une latte. C’était si bon de le sentir d’ailleurs.
- Vous ne fumez pas ? demanda-t-il plus pour continuer de parler que pour poser une question très importante.
- Non.
- Vous avez déjà essayé ?
- Non plus.
Joey ri. Puis il se tourna vers lui et lui murmura avec un regard malin.
- Et bien ne comptait pas sur moi pour vous faire goûter votre première fois.
Théo soupira presque de soulagement.
- Pourquoi fumez-vous alors ?
- On commence pour voir ce que cela fait, pour se sentir un homme, puis on continu pour impressionner les copains et on se dit qu’il faudrait que l’on arrête mais au bout d’un temps… On devient accroc et cette drogue vous fait un bien fou dans les moments les plus terribles. Ou alors c’est une habitude. Mais une habitude qui vous tue malheureusement. Alors même si moi je n’ai pas eu la sagesse de me dire qu’une clope fumée vaut pour une minute de ma vie gâchée, je ne veux pas emporter d’autres personnes avec moi dans la tombe.
- En gros, vous me demandez de ne…
- … pas fumer. Mais je ne suis pas votre mère non plus.
Silence.
Un silence presque pesant.
Soudain, Joey leva son bras et le posa de tout son long sur le dossier du canapé de sorte que sa main arrive derrière la tête de Théo. Celui-ci se raidit un peu.
Il s’affala un peu plus au fond du divan et croisa les bras. De là où il était, Joey pouvait presque entendre les battements de son cœur.

 

Théo se recroquevilla au fond du divan, son cœur battait la chamade. Il sentait les doigts de Joey derrière sa tête même si ceux-ci ne la touchaient pas.
Non, je t’en prie, pas ça, supplia-t-il au fond de son cœur. Il avait aimé cette façon de parler pendant un temps, de Joey, de lui… C’était comme si il pouvait se confier un peu pour la première fois à quelqu’un, discuter avec quelqu’un qui voulait le connaître un peu et il avait redouté que ça ne finisse comme ça. Non, il avait peur. Peur que cette main le touche. Peur qu’il fasse une bêtise. Pourquoi tout foutre en l’air alors que jusque là ça allait bien ? Et même si lui en avait envie… que ces doigts lui caressent les cheveux… il avait quand même peur. Je t’en prie Joey, continua-t-il de se dire, ne fais pas ça. Pas maintenant. Jamais. Pas le droit. Ne veux pas.
Joey recula sa main et la reposa sur le divan. Théo le regarda. Ses yeux étaient baissés vers sa clope, sans aucune expression.
Théo ne savait plus quoi penser. Il n’avait plus qu’une envie. C’était de monter se cacher dans sa chambre comme un pauvre enfant perdu et honteux de lui-même. Et fait que cette fois-ci, il ne l’en empêche pas.
- Je suis désolé, bredouilla-t-il alors, je vais monter. Je dois… dormir un peu.
Il se leva et se dirigea pratiquement en courant vers la sortie.
- Théo ! Cria soudain Joey derrière lui.
Théo s’arrêta et soupira. Il respira un bon coup.
- Oui ?
- Alors…, marmonna lentement Joey, à demain… je pense.
Et là, Théo ne pu contenir un petit sourire. Il se sentait à la fois soulagé mais aussi heureux que Joey… ne lui en veuille pas de le fuir.
- Oui, à tout à l’heure plutôt.
Il entendit Joey rire un peu et s’en alla vers les escaliers qu’il monta quatre à quatre.

 

Joey ne savait pas bien pourquoi il n’avait pas été jusqu’au bout.
Certes, il avait senti que Théo avait peur, qu’il tremblait… mais il y avait quand même de grandes chances pour qu’il ne le rejette pas tout de suite, qu’il le laisse frôler ses cheveux de jais soyeux, peut-être même sa peau douce et tentante, son visage… Alors pourquoi n’avait-il pas été jusqu’au bout comme c’était sa stratégie d’attaque depuis toujours ?
Il se laissa glisser du canapé et s’assit à califourchon par terre en tirant une nouvelle sur sa clope à demi consommer.
Il l’avait… un peu ému. Juste un peu quoi ! Pas de quoi en faire un plat ! Quand il s’était recroquevillé sur lui-même, renfermé en lui, quand il essayait de disparaître sous terre à tout prix… Il l’avait… ému.
Et il ne s’était plus sentit le courage de continuer, il avait eu peur de le faire fuir, ce qui d’ailleurs était arrivé et il n’avait rien fait. Et s’il avait continué le parcours de ses doigts… peut-être ne serait-il jamais parti…
Et s’il n’avait pas mis sa main derrière sa tête il ne serait sûrement jamais parti !
Mais non ! C’est ta stratégie ! C’est comme ça que tu les fais craquer… C’est comme ça que tu t’amuses…
Mais quel con ! Demain, il faudra qu’il retrouve sa confiance. Rien ne comptait plus pour lui maintenant que le faire craquer. Comme ça, se dit-il, il aura une nouvelle victoire à son palmarès mais… bon… c’est vrai dans un sens… il lui semblait ressentir de la compassion pour Théo.
Une étrange beauté nocturne et solitaire, difficile à amadouer…, mais aussi une extraordinaire intelligence… Joey l’aimait bien. Oui, c’est ça, il l’aimait bien. Et sans doute prendrait-il plus de temps et de plaisir qu’il n’en a jamais prit avec personne pour lui faire découvrir les secrets les plus infinis du corps et de l’esprit. Et il se dit alors, fait que ça marche !

Théo entra dans sa chambre et ferma la porte en trombes. Il s’y adossa et se laissa glisser par terre.
Il se prit la tête entre les mains. Essayant d’expulser l’image de son visage, la sensation de ses doigts derrière sa nuque. Mais comment ? Son cœur se sentait blessé par ce qu’il avait essayé de faire et c’était si ridicule.
Peut-être n’avait-il eu aucune intention derrière la tête… Et pourquoi se sentait-il s’y idiot ?
- Il faut que je me calme. Que je réfléchisse. Rien n’a faillit se passer tout à l’heure et rien ne se passera. J’ai réussi depuis longtemps à parler avec quelqu’un et rien de plus. Alors je dois me calmer. Je suis fatigué, je n’ai pas beaucoup dormi… Je suis crevé.
Ses yeux lui brûlaient. Sa tête le lançait.
Théo se leva avec difficulté et se dirigea vers son lit. Là, il s’affala dessus et s’endormi aussitôt, les lunettes lui tombant sur le nez.

A suivre...

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