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Providence
Je vais commencer cette histoire sans savoir où elle me mènera. Je n’ai que pour seules idées deux personnages qui tomberont amoureux, deux caractères différents, mais aussi deux mondes opposés. Une histoire que l’on a déjà raconté peut-être, mais une histoire qui peut aussi tenir à cœur. Donc, je commence cette histoire sans en savoir la fin, elle vivra avec moi, au fil des lignes que j’écrirai, des mots qui me passeront par la tête, elle saura trouver son propre chemin… J’en suis sûre. Juste une chose, la vie réserve parfois des surprises et il faut savoir ouvrir l’œil !
Hier.
Je ne suis… capable de rien.
Je le sais maintenant.
Je ne suis capable de rien et je ne le serai jamais. Ils ont beau me dire le contraire, tous autant qu’ils sont, ils ne pourront jamais me le faire croire.
Je ne suis plus bon à rien. Peut-être qu’un jour j’ai su… Peut-être qu’un jour j’ai pu y arriver… Mais aujourd’hui… Cette feuille reste désespérément blanche. Et même si parfois quelques mots y sont tracés, si quelques traits y sont dessinés… Ils ne restent qu’à l’état de brouillons indéchiffrables et illisibles…comme mon âme.
-Que c’est beau…
Il n’y avait que ces simples mots pour définir l’étendue de verdure et de lumière éclatante qui se présentait devant mes yeux. Je n’arrivai pas à décrire en mon for intérieur ce que je ressentais. Et c’était bien ça le problème depuis plusieurs mois maintenant. Je n’arrivai plus à rien. Ni à écrire, ni à dessiner, ni à parler… même si au fond, je ne suis pas très bon à l’oral. Enfin, avant, j’avais un moyen de compensation quand même, je pouvais me vanter de savoir (plus ou moins) retranscrire mes idées sur n’importe quelle feuille de papier. Maintenant, au moment où je pensai ses foutus mots, je me sentais incapable de le faire…
Quelle ironie non ?
Le fameux enfant prodige, le tout jeune lycéen édités à ce jour dans plus de cinquante langue, ce même adolescent que j’étais à cet instant se retrouvait en train de pleurer comme une pauvre larve en ayant la détestable impression que le monde entier se foutait de lui.
Je ne suis, décidément, vraiment capable de rien !
Ce paysage était réellement magnifique. On m’avait souvent conseillé de me « rendre à l’ancienne gare… Tu sais Raphaël, celle qui est abandonnée depuis une vingtaine d’année… (Oui, je la connaissais bien), tu suis la voie ferrée pendant, allez, un bon kilomètre et tu te retrouveras sur un petit pont… Le paysage est incroyablement beau, il est presque, hum, comment te dire… Dis moi, toi qui manie si bien les mots… hum…(ensorcelant) C’est ça ! Ensorcelant ! Tu pourrais y rester des heures. »
Ensorcelant. Que j’aimais ce mot. Tous les sons, toutes les syllabes, toutes les significations qu’il pouvait prendre… Captivant, attrayant, prenant, intéressant, attachant…fascinant… Ce paysage n’était… pas vraiment ensorcelant comme on me l‘avait dit. Il n’était que beau, un beau paysage qui aurait pu offrir beaucoup d’idées à mon imagination en grève et à mes muses (qui, je crois bien, ont fini par me laisser sur le bord du trottoir).
J’esquissai un sourire, des larmes s’insinuèrent entre mes lèvres. J’en sentis leur goût salée, frustrant.
Pourquoi frustrant ?
Pourquoi plus rien ne pouvait me contenter ?
Pourquoi tout m’est frustrant aujourd’hui ?
C’est donc ça que l’on appelle… un coup de blues ?
Et pourquoi je me pose toutes ces questions à la con en fait ?
Et pourquoi suis-je en train de m’énerver ?
Et pourquoi est-ce que je parle tout seul ?
Qu’est-ce que ça peut bien faire. Je suis toujours tout seul.
« -Tu n’es pas normal Raphaël. Les adolescents normaux sortent, ils s’amusent, ils ne restent pas cloîtrés dans leur chambre à écrire… »
Je n’écris plus, je dors ! Je ne dessine plus, je joue à la console. C’est pas ça le propre d’un ado ? Je vois des gens aussi ! Oh, bien sûr, ce ne sont pas mes amis… Des amis, je n’en ai jamais trouvé ni le temps, ni l’utilité nécessaire. Je me sentais si bien tout seul dans mon monde, avec pour seule compagnie les amis que je m’étais inventé. Voilà ! Je me contentais du « propre de l’écrivain » ! Des personnages bien à moi, des situations toutes plus extravagantes les unes que les autres, un soupçon d’aventure, de suspens, de… poésie…, quelques minis scènes d’amour… le tour était joué ! Je me sentais heureux…
Heureux…
A chaque fois, il faut qu’un mot fasse un écho stupide dans ma tête !
J’étais vraiment heureux.
Et maintenant… Je n’ai plus goût à rien.
C’est bête à dire, mais, cette passion, cette patience que j’avais… je les ai toutes perdu. Alors, ou je les ai égaré je ne sais où (Il faut avouer que ma chambre n’est pas un modèle de propreté et d’ordre, l’image même de mon cerveau) et je peux espérer les retrouver ou bien, quelqu’un, quelque chose me les a arraché avec toute la méchanceté, toute la vilité dont il pouvait être capable juste dans le seul but de me faire sombrer dans un abîme de souffrance éternelles… Oh là !
Je m’accoudai au parapet, enfouissant mon visage rougi au creux de mes paumes.
Je n’ai plus la force de la chercher, la passion. Elle m’a définitivement quittée. Elle ne reviendra plus.
J’y est trop espéré et maintenant, elle ne veut plus de moi. Un divorce difficile à supporter, trop dur à vivre, trop… dur… de continuer…
Mes jambes cédèrent, je me retrouvai à genoux. La terre salissait mon jean mais je m’en moquais. Je n’étais plus à ça près. Tout m’était bine égal désormais. Je ne savais plus ce que j’allais faire, comment survivre ?
Comment pouvais y arriver sans… inspiration… sans passion…
Autant partir tout de suite.
Autant ne plus essayer de trouver une autre place dans ce monde.
J’ai à peine dix-huit ans. On me dit tous les jours que j’ai la vie devant moi. On me le rapace tellement que ces mots mêmes me dégoûtent atrocement !
Non, je ne veux plus écouter personne. Car que pourrait-on faire d’un pauvre écrivain raté ? Au fond, je n’aime faire que ça… Si seulement, j’avais pu connaître autre chose… ma vraie muse… Si seulement j’avais pu la rencontrer même quelques secondes alors, je ne serai pas là, en train de tenter de me soulever en pensant dangereusement que ce serait drôlement bien d’enjamber ce parapet et de m’écraser la tête la première contre cette belle verdure…
-Bonjour…
La voix était douce, petite et joyeuse… Une voix d’enfant. Lointaine, comme si on me parlait derrière une épaisse fenêtre de verre…
Je retournai d’un coup, surpris (j’avais oublié de le mentionner, j’ai sursauté !).
Je posai pour la première fois mes yeux sur Lui.
Il me regardait aussi, un grand sourire sur les lèvres, les mains dans les poches de son jean délavé. Il me fixait de ses yeux rieurs.
-Bon… bonjour, balbutiai-je difficilement..
Des yeux… Ses yeux… je ne voyais qu’eux… Comment pouvait-on avoir des yeux comme cela si… si grands ? Si beaux ? Je crois que, même si depuis quelques temps je n’arrivai plus à penser correctement, à ce moment précis un filet de bave m’aurait coulé de la bouche au menton, je ne l’aurai même pas remarqué !
-Que fais-tu par terre ? On va bientôt ne plus pouvoir te différencier du sol si tu continues…
Il souriait toujours, gentiment, non ! Magnifiquement (C’est moche !)… adorablement… (Toujours pas !)
Comme en réponse à mes pensées, Il rie doucement et tendit une main fine vers moi pour m’aider à me relever.
J’écarquillais les yeux (ayant enfin réussi à les détourner des siens).
-Viens, entendis-je.
Sans comprendre pourquoi, mes doigts furent irrésistiblement attirés vers les siens. Ils les entourèrent, les serrèrent sans abus et je me retrouvai sur mes pieds. Mes tremblements avaient disparus, ma tête ne me faisait plus mal, je ne pensai plus vraiment… Ou en tout cas, plus à ce que je m’apprêtai à faire…
Perdu, j’étais perdu.
Une pression me sorti de ma torpeur soudaine. Sa main venait de frôler ma joue.
-Tu as pleuré… Tes yeux sont tous rouges…<
-Qui es-…
Ma voix mourut aussi vite que la pensée de ma question avait germé. Que voulais-je dire ? Son regard est si beau. Je n’arrivai toujours pas à croire qu'un tel regard pouvait exister. Il sondait mon âme, Il la pénétrait complètement. Je me demandai s’Il arrivait a à lire en moi. Ca n’aurait pas été étonnant en fin de compte, rien ne semblait plus pouvoir m’atteindre et m’étonner.
-Quelle idée de pleurer, me gronda-t-Il geentiment.
Je voulais répliquer mais je n’arrivai toujours pas à parler, les mots ne sortaient pas… Sa main caressait toujours ma joue, douce et délicate, apaisante et réchauffante.
-Je voudrai te revoir, me dit-Il.
J’aurai voulu parler encore une fois mais ce fut un échec, je ne réussi qu’à faire un léger signe de la tête. J’acquiesçai presque aussitôt. Il souri de plus belle, mon cœur fit un bond dans ma poitrine.
-Alors tu veux bien ?
Lentement, je senti ma bouche se tendre en un tout petit sourire, une esquisse, si léger que je me demandai qui aurait pu le remarquer… à par Lui.
-Bien. Alors, c’est d’accord, demain… Je sserai là, à ce même endroit… Tu viendras ?
Un autre signe de la tête. Mais pourquoi n’arrivai-je pas à parler ? J’étais comme… comme…
Il s’approcha un peu plus de moi, je pouvais sentir son souffle chaud courir le long de mon visage, tellement plus réchauffant que mes larmes d’antan.
-Veux-tu que je dise quelque chose ?
Il me fixa encore plus intensément et murmura :
-Je vais te redonner le goût de vivre.
Il s’éloigna comme Il s’était approché, me regarda une dernière fois puis s’en alla.
Je Le regardai partir sans un geste. Avec un seul mot au bord des lèvres. Un seul, celui que j’avais réussi à retrouver au fond des abîmes de mon âme et qui s’échappa en un murmure imperceptible de ma bouche :
-Ensorcelant.
« -Sors de là ! Casse-toi ! Je ne veux plus jamais voir ta sale… »
Un autre verre ne lui fera sûrement pas de mal.
…
Et hop ! Ingurgité en moins de deux secondes le petit verre de vodka, vous avez vu ça les mecs ?
« -Non mais quel foutu dieu de merde m’a r’filé un p’tit merdeux pareil !!! Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça !!! Mieux vaut que j’me bousille les veines tout de… »
Encore un petit… Et après je vais aller danser un peu. Faut digérer tout ça non ? Hein les amis ?
« T’as qu’à mourir ! Ca m’f’ra du fric en plus pour bouffer ! Et ton père ! T’y as pensé à ton père ? »
Ce gros porc qui passe sa journée le cul coincé dans son fauteuil à siroter bière sur bière ? Ouais, j’y pense tous les jours. D’ailleurs j’ai toujours une pensée un peu plus forte quand il a sa ceinture à la main… Là oui, je ne peux vraiment pas faire autrement que d’y penser.
« Et ton pauvre frère ! Qui s’est démené toute sa pauvre vie à nous offrir de quoi grailler et toi ! »
Quoi moi ?
« Toi tu veux faire des putains d’études qui vont nous coûter la peau du cul ?!!! Dis le que tu veux tous nous tuer ! Maintenant que… »
… mon frère est mort…
« …et que… »
… tu ne peux plus te déplacer sans l’aide d’une infirmière…
« Dis le que tu veux nous abandonner ! »
Mais non maman…
« Casse-toi ! »
Maman, écoute moi je t’en prie…
« T’es plus mon fils ! Casse-toi de chez moi ! »
Je bu d’une traite mon énième verre de la soirée. Je me demandai presque si je pourrai encore me tenir debout après.
Et oui, je suis encore lucide… Enfin, je ne serai vraiment pas capable de dire combien de verres j’ai déjà bu mais bon. Je ne prend pas le volant alors je peux bien me le permettre non ? De toute façon j’ai pas de voiture alors pourquoi j’m’entête à me faire ma propre morale !
Pff ! Cette musique est assourdissante. C’est pas ma préférée. Mieux ne pas se plaindre non plus, quand ce sera au tour des slows je sais bien qu’un tas de mecs vont venir m’emmerder pour que je les danse dans leurs bras… Un autre soir, peut-être que ça m’aurait plus mais là… Je ne me sentais pas l’âme assez en paix pour forniquer dans tous les coins.
Si seulement je l’avais déjà fait un jour… Coincé comme je suis ! J’suis même encore puceau à 21 ans. C’est pas une honte mais bon, ça prouve bien que les homos sont pas des bêtes de sexes. Ou, en tout cas, pas plus que les hétéros.
Pas l’âme en paix hein… Elle aurait pu m’écouter au lieux de brailler comme une folle que j’étais indigne et égoïste. Pourquoi voudrai-je avoir un métier décent si ce n’est pour elle ? Pourquoi voudrai-je faire de vraies études si ce n’est pour elle ? Un bon métier, bien placé, bien payé… Les études ? C’est moi qui me les offre. Je pourrais me les payer ! Quelques petits boulots ! Plus ou moins de galère ne ferait de mal à personne si on sait ce qui nous attend au bout du chemin non ? Je peux y arriver. J’ai juste besoin d’une chose…
…Maman…
Juste besoin d’une seule petite chose…
Il n’y a que toi qui puisses me l’apporter.
Du soutien.
J’ai besoin de soutien. Un vrai soutien, une épaule, un peu de tendresse peut-être… non. Qu’est-ce que la tendresse.
Juste du soutien pour y arriver un peu mieux.
Sinon, et bien, je me débrouillerai.
Allez, un petit verre encore…
Que c’est drôle, ces petits confettis perdus sur le comptoir… Des rouges, des jaunes, des verts… Il y en a de toutes les couleurs… C’est beau ! On penserait presque c’est un jour de fête aujourd’hui. J’ai bien envie de faire la fête moi… Ca me changerait les idées qui sait, peut-être que c’est mon soir ce soir, je vais peut-être bien faire quelque chose d’inoubliable, peut-être que je vais rencontrer quelqu’un d’inoubliable… ou… peut-être que je vais tout simplement m’écrouler sur un trottoir et qu’une bande de petits vauriens va me dépouiller du moindre petits souvenirs qui me reste de ces foutus vingt et un ans passés à survivre du mieux que je pouvais.
Garde espoir ? C’est bien cela que l’on me dit ?
Mais qu’est-ce qu’on fait si l’on garde cet espoir et qu’il ne vient jamais ? Que peut-on faire alors ? Vous qui êtes si savants dîtes le moi, avec vos propres mots et pas avec ceux des gens déjà morts… Dîtes moi s’il me reste l’espoir que je trouve un jour quelqu’un d’assez fort pour …
Il faut que j’arrête de me lamenter.
Je ris doucement. De toute façon, même si je décidais de rire aux éclats personne ne m’entendrait. C’est bien pour cette raison que je venais ici tous les soirs. Au moins, dans cette endroit bruyant qui ne savait vivre que la nuit je pouvais passer inaperçu sans en ressentir les affres… Non ? C’est tellement plus réconfortant de n’intéresser personne lorsque personne ne s’intéresse pas à vous.
Ils préfèrent de loin ces confettis ! De simples bouts de papier qui ont pourtant le don inné de créer des sourires indélébiles sur le visage des gens.
Vraiment, là, il faut que j’arrête de me lamenter sur mon sort.
Ces corps qui bougent autour de moi me donnent le tournis. Peut-être devrai-je aller les rejoindre… Ca me fera une raison pour bouger mon cul, non ? Sinon je vais finir comme lui. A attendre que me bouffe soit prête et à gueuler dès que j’ai pas eu ma dose de bière de la soirée.
Comme lui.
Ce pauvre naze.
Même pas mon père d’ailleurs.
Alors pourquoi est-ce que je m’entêtai à l’appeler papa ?!!! Je sais que ce sale con bat ma mère jusqu’au sang s’il peut pas me mettre la main dessus avant… Je sais que si elle ne peut plus marcher aujourd’hui c’est A CAUSE de lui ! Et je sais justement que cet accident n’en était pas un. Le corps inerte de ma mère tombant lourdement dans les escaliers… Sa tête inconsciente heurtant bruyamment la rambarde avant de s’affaler… comme morte… en bas… Il aurait vraiment pas pu aller plus loin. A moins d’aller en enfer.
Mais elle avait survécu ! Et je sais que chaque jour, elle le regrette.
Quelque chose de chaud et de mouillé tomba sur ma main…
Je baissai les yeux, surpris, et me rendit compte que c’était une larme.
Idiot ! Tu pleures maintenant ? Et qu’est-ce que ça va t’apporter ?
Mais j’ai bien le droit de pleurer un peu non ?
Non ! Tu crois que tout s’arrange en versant quelques larmes ?
Ca n’a rien à voir…
Bien sûr que si !
Bien sûr que non !
Je fit un signe rapide au barman qui me remplit une fois de plus le verre. Sans demander mon reste j’englouti la liqueur brûlante et la suivit jusqu’au plus profonds de mes tripes. A cet instant, j’aurai tant voulu me retrouver en face de moi-même et me balançai le verre à la figure… Espérant qu’il se briserait en mille morceaux, comme mon âme, et me dévisagerai… comme mon âme.
J’ai jamais était capable d’exploits dans ma vie jusque là. J’ai jamais su comment me servir de mes dix doigts. Ecrire m’avait bien tenté mais bon… Encore fallait-il en avoir la patience… Dessiner n’était vraiment pas mon fort et à mon avis, ça ne valait pas mieux que les soleils des enfants en maternel. Non.
Le souvenir rapide d’un jeune gas au lycée m’effleura l’esprit. Un petit littéraire qui aurait déjà fait éditer deux ou trois de ses histoires.
Si seulement je pouvais comprendre… Un mec pareil n’a sûrement pas ce genre de problème ! Enfermé dans son cocon de confort il doit s’y sentir en sécurité ! Sachant d’ores et déjà ce qu’il fera de sa vie… Mais moi, j’en sais foutrement rien.
Tout est si sombre cette nuit. D’habitude il y a plus de lumière… Il y a plus de clarté. Pourtant, cette nuit, elle semble bien remplir son rôle. Je n’arrive plus à distinguer les formes qui se meuvent de ci de là… J’ai la tête qui tourne… Elle est de plus en plus lourde… Je me sens tomber, entouré d’un halo d’obscurité étrange…
Mon visage se penche légèrement vers le comptoir puis suit son cours comme dans une course folle, je vais m’évanouir…
Des secondes…
Des secondes interminables…
Et aucun choc. Rien. Je suis toujours conscient mais je me sentais flotter dans un océan de douceur… Pourquoi ? Mes yeux ne voulaient pas s’ouvrir…
-Lucas, tu peux les ouvrir.
La voix calme et apaisante me fit l’effet d’un anti-dé presseur surpuissant !
J’ouvris les yeux.
Il avait empêché ma tête de heurter le comptoir.
Sa main fine maintenait mon visage tandis que ses beaux yeux me souriaient tendrement. Un regard qui me transperça le cœur de la manière la plus inattendue et la plus douce qui soit.
Comment dire… Je ne pourrai le décrire…
-Je…
Ma gorge se noua, les mots y restèrent emprisonnés. Tout ce qui semblait encore rattaché à la réalité était ces doigts qui lentement redressaient mon visage sans s’en éloigner pour autant. Son autre main vint effleurer mon autre joue et sa voix claire tinta à mes oreilles :
-Veux-tu danser ? Tu le voulais tout à l’hheure, n’est-ce pas ?
Je me levai, ne cessant de plonger mes yeux dans les siens, ne voulant en aucun cas les en détourner… Comme s’il s’était s’agit d’un e question de vie ou de mort je ne voulais pas le perdre ne serait qu’une seconde de vue.
Ses doigts glissèrent dans ma main et il m’emporta au milieu d’une lente et langoureuse musique. Il noua ses bras autour de mon cou, je serai légèrement sa taille, je me laissai bercer par les notes tristes… irréelles d’une musique que je n’avais encore jamais entendu auparavant.
Les corps autour de nous n’existaient plus… Ou bien était-ce moi qui m’effaçait de ce monde. Je l’avais tant désiré quelques minutes plus tôt
-Non, me souffla-t-Il au creux de l’oreillle.
Son souffle m’offrit les frissons d’une chaleur qui m’avait toujours était refusée jusqu’à maintenant…
-Non, tu ne pars pas, tu ne vas nulle partt…
J’aurai aimé demander pourquoi…
Pourquoi je ne devais pas partir…
J’en avais tellement envie que je me sentis frustré de ne pas être enfin exaucé. N’était-il pas là pour cela ?
-Ne soit pas si pressé, continua-t-il… >
Du vent… non, une douce brise de fin de soirée… Sa voix avait le don de calmer tous mes maux.
-Tu es très perspicace tu sais.
Je l’entendis rire. Un rire qui, je le savais, était imperceptible pour tout autre oreiller. Mais les miennes l’entendaient, j’étais le seul dans cette pièce à avoir le privilège de l’entendre… Comment le savais-je ? Je m’en moquais bien en fait. Je voulais simplement l’entendre et m’y laisser couler comme je l’aurai fait pour n’importe qui… Si ce n’importe qui avait voulu de moi.
-Tu n’es pas seul… Lucas…
C’est moi ?
-Oui, tu es Lucas, et tu le seras tout le long de ta vie… Seulement, tu dois y croire…
Je sentis les larmes menacer une fois de plus mes yeux déjà rougis par l’alcool. Sa main frôla ma joue et les effaça en ce simple et doux geste, obligeant mon regard à se replonger dans le sien.
-Tu dois y croire, répéta-t-il en prenant soin d’appuyer sur chaque mots.
Je secouai légèrement la tête en signe d’approbation et sourit… Il déposa un baiser furtif dur ma joue et se recula. Je me rendis soudain compte que l’on avait arrêté de danser, la musique avait repris sa course rapide, me bousculant violemment par moment… Mais je ne pouvais me résigner à le quitter des yeux. Il fit un nouveau pas en arrière et me dit :
-Demain, tu viendras n’est-ce pas ?
Je chuchotai un « oui » timide et perdu.
Il semblait s’effacer entre les corps qui nous entouraient.
-La vie te semblera beaucoup plus belle sii tu viens Lucas… A demain.
Je le perdis de vue. Immobile. Sur la piste de danse.
Seul.
N’ayant pour seule pensée que cette rencontre ensorcelante.
Aujourd’hui.
-Ca va ?
Un jeune homme brun venait d’en faire sursauter un autre, qui se penchait dangereusement au-dessus de la rambarde vieillotte d’un petit pont, tentant d’apercevoir il ne savait quel étrangeté en-dessous. Il était arrivé avec un tel silence que lorsqu’il l’interpella le jeune homme aux cheveux de jais ce dernier faillit passer par dessus et se retrouver « la tête écrasée » sur la magnifique étendue verte qui se présentait sous leurs yeux. Heureusement, le brun l’avait de justesse retenu par la taille et maintenant ils se retrouvaient par on ne savait quel hasard à genoux, les bras du brun fermement repliés sur la taille de son compagnon.
Compagnon ?!!! Mais, ils ne se connaissaient même pas…
Et pourtant, ils ne cessaient de se regarder depuis quelques minutes… Sans un geste… Si près… tellement près… Trop près ?
-Ca va aller ? Répéta le brun.
C’était un simple murmure mais qui réussit à faire sourire le jeune homme aux yeux émeraude qu’il serrait contre lui… Serrait contre lui ?!!
Le brun relâcha doucement son étreinte pour éviter de le brusquer mais garda ses mains à quelques centimètres.
-Oui, finit-il par répondre.
Les yeux verts se baissèrent timidement puis revinrent de poser sur lui… Il en rougissait sûrement car une chaleur incommensurable s’empara de ses joues face au visage si beau et si jeune qui le regardait.
-Merci, lui dit soudainement cette voix sii douce aussi…
Le brun esquissa un sourire timide. Lui ? Timide ? C’était pratiquement impossible.
-Hum… Je… C’est moi… Je… suis désolé de voous avoir fait… fait peur, lui dit-il difficilement en essayant tant bien que mal d’articuler correctement.
Il entendit le jeune homme rire doucement et ne put d’empêcher de relever la tête.
Oui, admit tit-il intérieurement, jamais il ne s’était senti aussi intimidé… et pourtant, il en avait vu des beaux mecs dans sa courte vie… mais jamais, au grand jamais ils ne lui avaient inspiré autant de… de sentiments à le fois !
Cheveux noirs, mi-longs, éparpillés dans tous les sens comme si un pétard lui avait explosé sur la tête… des lunettes, rectangulaires et des yeux… Mince ! Ces yeux si verts, si beaux…
-On ne va pas rester comme ça éternellemennt non ?
Le brun reprit un peu ses esprits. IL lui souriait gentiment… C’est vrai qu’ils étaient par terre au fait !
Il se releva donc et tendit la main vers le jeune homme aux yeux verts, incapable de détacher son regard de ce visage angélique.
Maintenant debout tous les deux il pu remarquer que…
…ce jeune homme brun était quand même plus grand que lui, au moins d’une tête… Mais ça ne retirait en rien à son charme.
Il ne pouvait s’empêcher de le dévorer du regard, ces cheveux courts aux reflets aussi noisette que ces grands yeux… Une silhouette élancée et sportive, des mains longues et puissantes… C’était bel et bien cet étranger qui lui avait tout d’abord foutu la trouille de sa vie et puis l’avait sauvé d’un vol plané certain et sans parachute !!!
Oui, il lui avait sauvé la vie et puis il l’avait vu enfin. Ces bras puissants enserrant sa taille, ne semblant plus vouloir le lâcher… Pour la première fois de sa vie, il avait accepté sans broncher que quelqu’un le touche. Même sil n’avait pas eu le choix, ils étaient quand même resté dans les bras l’un de l’autre plusieurs minutes durant et ce n’était pas rien… Lui, le grand solitaire, le petit littéraire prodige qui évitait tout le monde depuis toujours de peur de… et bien de peur qu’un jour tout le monde se mette à l’éviter aussi. De peur de souffrir.
Et maintenant, il se retrouvait en face de ce jeune homme… beau… et il ne savait plus comment interpréter ce flots de sentiments qui l’assaillaient soudainement.
-Je m’appelle Lucas, avoua enfin le brun.
Lucas… Que ça sonne bien sur son visage… Il se mit à rougir furieusement et de honte, baissa la tête.
Mais une main vint tout d’un coup à la rencontre de son menton et lui fit relever le visage. Lucas semblait légèrement étonné.
-Et… et vous ? se contenta-t-il de demandeer alors qu’il était facile de lire dans ses yeux les questions qu’il se posait réellement.
-Raphaël.
Lucas avait vu Raphaël rougir subitement et baisser les yeux… S’il ne s’était pas retenu il l’aurait embrassé tout de suite après lui avoir touché le visage. Cette peau si douce…
-Bien…
Il fallait qu’il parle, qu’il dise quelque chose d’intelligent, n’importe quoi !!!
-Pourquoi vous… te penchais-tu comme cela ?
Raphaël réfléchit.
-J’ai cru voir une ombre passer en dessouss… Il y avait quelqu’un je crois… Je suis très curieux en fait.
-C’est à ce moment là qu’on peut dire que la curiosité est un vilain défaut, plaisanta Lucas.
-Et arriver derrière les gens sans préveniir n’en est pas un peut-être ?
Les yeux émeraude pétillaient de malice. Lucas s’en voulut presque de se sentir aussi intimidé.
-Mais ce n’est pas grave, continua-t-il, oon ne se serait jamais rencontrés sinon !
-Oui, chuchota Lucas.
Raphaël aperçu soudain son sac à quelques pas d’eux, complètement sali par la terre et poisseux à souhait ! Lucas suivit son regard et eu la même réaction que le jeune homme, ils se baissèrent en même temps pour attraper le malheureux sac et leur tête se heurtèrent violemment.
Sa tête heurta douloureusement celle de Lucas et il se retrouva une nouvelle fois à terre devant lui.
Ne cherchant pas plus que cela à compter les étoiles qui lui tournaient devant les yeux, Raphaël se frotta la tête et leva les yeux vers un Lucas qui semblait calquer ses mouvements à la perfection.
Là, il ne sut plus ce que le mot « tact » ou la phrase « apprenons à se connaître avant toutes choses » pouvaient bien vouloir dire et se rapprocha dangereusement de Lucas. Ce dernier, occupé à mesurer la hauteur de sa bosse naissante sursauta légèrement an voyant le jeune homme à une distance peu raisonnable…
Intérieurement il se dit que ces beaux yeux émeraudes ne cherchaient qu’à vérifier que tout aller bien qu’il valait mieux ne pas se faire trop d’idées mais voilà… Comment pouvait-il rester de marbre devant des lèvres aussi tentantes et surtout… aussi proches…
Raphaël perçu très vite le désir qui émanait de Lucas et lentement… très lentement… posa ses lèvres sur les siennes.
Et plus tard, main dans la main, ils diront avec un grand sourire que la Providence les aura fait se rencontrer sur ce pont alors que leurs âmes en peine étaient tout juste à la recherche de leur étoile.
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