De Kananaskis à Evian: Un partenariat déséquilibré avec l'Afrique
    Aziz S. Fall, politologue
    1 juin, 2003

    Voilà déjà un an qu’a eu lieu la rencontre des grands de ce monde. Ils se sont donnés rendez vous cette fois sur les sites enchanteurs d’Evian. Ils daignent consacrer un peu plus d’attention à l’Afrique durant un diner de travail d’une heure et demi avec ses dirigeants maintenant que la feuille de route palestinienne semble agrée et que la reconstruction du pouvoir en Iraq est entamée. Cette attention sera probablement distraite par l’importance d’assurer la cohésion du G8 après le froid tactique au sujet de l’Iraq et par l’invitation de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Malaisie et du Mexique à se joindre aux six pays africains qui prendront place à la table des grands.

    Il y a deux ans une poignée de dirigeants africains fraîchement élus, sans consulter leurs populations, se sont empressés de faire la synthèse de récents projets de développement MAP, OMEGA (au demeurant moins pertinents pour le continent que plusieurs autres plans boudés par l’Occident, à l’instar du plan d’action d’Abuja). Leurs consultations se sont faites avec les dirigeants du G8 à Tokyo en juillet 2000, à Gènes en juillet 2001et avec l’union européenne en 2000-2001. L’aval de la Banque mondial et du FMI a été obtenu en novembre 2000 et février 2001, et celui des transnationales à l’issue du sommet de Davos en Janvier 2001 et de New York en février 2002. C’est ainsi que naquit le NEPAD, un nouveau contrat de partenariat avec le monde industrialisé. Ce NEPAD avalisé par les pays avancés et par la suite adopté par l’essentiel des chefs d’Etat africains est souvent affublé du titre de projet de développement continental. En réalité, c’est un plan d’ajustement et d’intégration à la mondialisation, dans des termes agréés par les tenant de l’ordre mondial et par le «consensus de Washington». Il s’agit donc d’une tentative de rendre le continent plus compétitif, de revigorer sa croissance, de le rendre plus attractif à l’investissement et ainsi lutter contre la pauvreté. Ce modèle Rostow à l’africaine que nous avons analysé ( critique annotée des 200 points du NEPAD, www.grila.com), reste une exhortation et plaidoyer pour une renaissance. Il demeure un postulat macro-économique agrémenté d’onéreuses dépenses d’infrastructures. Il est conforté par les promesses de démocratisation de bonne gouvernance et de promotion de la paix auxquelles se sont engagés les dirigeants africains. Ceux-ci s’attellent à construire en parallèle l’Union africaine, à défaut de bâtir l’unité telle que se proposait de le faire la quadragénaire OUA.

    Le problème est que le NEPAD pour être concrétisé suppose des investissements massifs de l’ordre de 64 milliards. Les dépenses d’infrastructures, ports, interconnexion des réseaux, transsahariens, transcôtier, gazoducs etc avoisinent à eux seuls une cinquantaine de milliards de $. Ils sont imaginés sous des mécanismes construction gestion et transfert à longue échéance par de grands investisseurs. L'Afrique ne dispose que de 6% de l'investissement mondial qui est d'ailleurs mal réparti puisque 3 pays africains en accaparent 80%. Les pays du G8 n’ont aucune intention de prêter la somme requise et sont d’ailleurs très loin de pouvoir en avancer une portion consistante. Ces Etats du G8 sont eux même dépassés par l’ampleur de l’oligopolisation de l’économie mondiale, mais profitent encore de l’ancienne division internationale du travail, puisque leurs économies respectives, sous la houlette de leurs transnationales et entreprises, s’accomodent très bien de la ponction des ressources dont regorge ce continent, à la faveur de ses conflits et des affres du sous développement. A Evian comme à Kananaskis, la sollicitude renouvelée des ténors du monde apparaîtra insuffisante au regard des besoins du continent . Elle ne fera que révéler davantage l’hypocrisie de l’ordre du système mondial, dont le mode d’insertion qu’il réserve à l’Afrique rend hypothétiques les voies de sortie de crise du genre NEPAD.

    La France, dont les nombreux cercles françafrique se sont compromis dans la cooptation d’élites locales et la gestion prébendière du continent, voudra cependant s’amender et de surcroit, comme le Canada l’a fait l’an dernier, prendre le leadership de la lutte contre le sous-développement. Devant l’unilatéralisme américain, cette inclinaison tiers-mondiste sera plus qu’une escarmouche diplomatique, dévoilant une compétition pour l’accès à de vastes ressources dussent elles rester en réserves. Cette croisade se fait avec une emphase sur l’eau dont les multinationales françaises escomptent bien s’assurer, entre autres en Afrique, le monopole.

    Malgré l’espoir placé en cette rencontre, les populations africaines et les sociétés civiles en éveil sont de plus en plus divisées sur la nature du NEPAD et sur la relation ambiguë avec les pays avancés. Mais les termes du sous-développement sont tels qu’elles devront se contenter de ce qui sera possible. En effet, ni le continent ni les pays en rangs dispersés ne sont en position de renégocier les termes défavorables de l’insertion. C’est ce qui explique les titres de Knee pad-genouillères ou de «partenariat entre le cavalier et sa monture» qui affublent parfois le NEPAD.

    Voyons brièvement quelques-uns des enjeux et des perspectives pour l’Afrique et le G8 au sommet d’Evian :

    Le NEPAD et l’Afrique

    À l’heure de la mise en oeuvre de ce plan, les perspectives d’exacerbation des cercles vicieux endogènes et exogènes qui bloquent le développement de l’Afrique ont toutes les chances de se perpétuer, tant et aussi longtemps que ce plan et l’ordre mondial demeureront dans leur forme actuelle. Certes, le NEPAD esquisse dans le cadre des habituelles conditionnalités des bailleurs de fonds, un appel pour un capitalisme à visage humain et pour un nouveau partenariat avec les tenants du centre. A ce titre, il n’est pas un plan d’intégration continental, mais un projet de partenariat sélectif. Cette sélectivité risque d’aboutir à une hiérarchisation des partenaires africains, à la faveur des nouvelles conditionnalités liées à l’aide et au rôle du secteur privé. Une sélection stratégique qui ne peut aboutir qu’à une plus grande fragmentation et marginalisation pour certains, et à des pertes de souveraineté pour d’autres. Une telle hiérarchisation sera aussi dommageable pour la fragile Union africaine et occasionnerait une plus grande cooptation des Etats.

    La démocratisation et la bonne gouvernance ont connu des ratés notamment avec l’élection au Zimbabwé, et au Nigéria, l’implosion en Côte d’Ivoire, et le coup d’Etat en Centrafrique. Ces lacunes ajoutées à la corruption ambiante peuvent dissuader les investissements escomptés, quoiqu’on puisse démontrer que même en climat de guerre, ou un désordre instrumentalisé permettent la poursuite de juteuses affaires. Les pays africains doivent absolument assurer les conditions de la démocratie et de la loi, mais aussi la paix et la sécurité. Nous réitérons notre appel lancé en 1995 pour Africa pax une souveraine force africaine d’interposition et de maintien de la paix comme fondement de l’Union africaine (www.grila.com) .

    Les résistances à permettre un processus d’évaluation par les pairs, qui conduisirent à ce sujet à un froid entre les dirigeants canadiens et sud-africains, doivent être levées et doivent se faire en toute franchise et transparence au niveau de l’Union africaine. Les programmes de développement nationaux et régionaux, la concentration et la dispersion des pouvoirs doivent s’articuler sur la satisfaction des besoins essentiels telle que stiplulée dans la déclaration du millénaire. Ils doivent favoriser des programmes mixtes engageant les secteurs publics et privés et la société civile. À ce titre, dans sa forme actuelle le NEPAD n’est pas en faveur des plus pauvres et défavorise les femmes. Son manque d’approche sexo-spécifiée et la négligence des causes structurelles de la pauvreté des femmes comme du petit entrepreneuriat autant formel et informel où elles prédominent en sont le signe. Il lui faudra se restructurer en privilégiant le renforcement des capacités des femmes et de la jeunesse dans l’économie et le pouvoir.

    Les parlements africains et l’avènement d’un parlement continental et d’une cour africaine de justice, ainsi que la société civile de chaque pays et du continent doivent se constituer en preneurs de décision et en surveillants du plan d’action du g8 et du NEPAD.

    Le Plan d’Action du G8

    A Kananaskis, les huit « grandes démocraties industrialisées » se félicitant de l’avènement du NEPAD se sont engagées par un plan d’action à le soutenir. Le plan d’action du G8 consiste à promouvoir la paix et la sécurité ; à renforcer les institutions et la gouvernance ; à favoriser le commerce, l’investissement, la croissance économique et le développement durable ; à alléger la dette; à accroître les connaissances, améliorer et promouvoir l’éducation et répandre l’utilisation du numérique; à améliorer la santé et lutter contre le VIH/Sida; à augmenter la productivité agricole; à améliorer la gestion de l’eau. Un an plus tard, seul un milliard a été dévolu à l’allègement de la dette. Dans chaque pays du G8 des projets ont été de façons éparses entamés, sans grande concertation et harmonisation avec les autres, et surtout le volume de l’aide à l’Afrique bien qu’accrut demeure faible. Pire, les pays les plus puissants continuent de grassement subventionner leur agriculture ce qui a pour résultat d’achever l’agriculture africaine qui avec ses autres matières premières ne parvient toujours pas à s’engouffrer dans des marchés occidentaux qui leurs sont fermés. Une juste rémunération des matières premières est de surcroît toujours attendue, alors que se profile de nouveau le spèctre de la famine exacerbée par la nature des spécialisations et des mal-développements de l'agriculture africaine. Au niveau industriel, le tableau est encore plus sombre. Les biens manufacturés asiatiques et les dérégulations abusives des ajustements structurels ont eu raison du tissu manufacturier africain. La création de zones économiques intégrées et préférentielles et la protection de ses pans les plus stratégiques et fragiles est espérée depuis des générations. A Cancun les pays africains devront s'attendre aux mêmes incertitudes et chapelets de promesses des tenants de l'ordre commercial dominants.

    La préservation des valeurs culturelles africaines sous le rouleau compresseur de l’homogénéisation dominante et la restitution d’une portion de leurs patrimoines historiques sont aussi espérées en vain.

    A ce constat, les parrains du G8 ont brandi plusieurs prétextes (le terrorisme, la guerre contre l’Iraq) tout en imputant l’essentiel des responsabilités aux africains pour justifier la faiblesse de leur engagement, la lenteur de la mise en oeuvre et la faiblesse des investissements disponibles. Plusieurs de ces engagements recoupent d’ailleurs des promesses prises pour la réalisation plus ambitieuse du consensus de Monterrey et de la déclaration du millénaire des Nations unies . Ceux-ci établissent des priorités du développement dans une mondialisation plus positive. Faut-il rappeler que le premier objectif y est de réduire de moitié la proportion de gens vivant avec moins d’un dollar par jour d’ici 2015 ? Sans de massives ressources supposant une augmentation réelle de l’aide publique au développement ( au moins doubler le 50 milliards actuel si l’on se fie à l’étude du président Zedillo pour Monterrey, alors que le volume de l’aide actuel est de 40% moindre que son niveau des années 90); sans le déliement de cette aide; sans l’harmonisation des programmes et la suppression inconditionnelle de la dette et l’affectation des fonds libérés au profit du développement social; et sans de sérieuses réformes des institutions et politiques internationales qui bloquent le développement ( l’initiative PPTE, HIPC et les PRSP sont autant de perpétuation dépolitisées et localement appropriées du consensus de Washington), ni le NEPAD ni les objectifs de la déclaration du millénaire ne seront atteints.

    S’il est vrai qu’en une décennie, la part de l’Afrique dans le commerce mondial est passée de de 4 à 2%, l’ Afrique paye toujours de loin plus qu’elle ne reçoit en aide et investissements. La dette extérieure a plus que triplé depuis 1980 et atteint plus de 200 milliards $, soit 66% du PIB continental, les prêts extérieurs totalisant pour l’année 2000 quelques 3,2 milliards pour 9,8 milliards de remboursements).

    On peut escompter après les attentats du Kenya et récemment du Maroc que la question sécuritaire domine les consultations et que s’y greffera à celle du maintien de la paix. Mais toutes ces importantes questions ne pourront de toutes façons qu'être superficiellement traitées. LE fond du problème est ailleurs. Les pays du G8, en plus des responsabilités historiques coloniales et néo-coloniales de la majorité d’entre eux, doivent cesser les ingérences négatives dans les affaires africaines. Ces problèmes hantent le maintien de la paix qui est aujourd’hui préconisé au Congo par certains pays du G8. Là, perdure la stratégie américaine commençée sous Clinton de contenir le fondamentalisme islamiste, entre autres soudanais, en soutenant un corridor d’Etats de la région. Certains parmi eux, à la faveur des avatars de l’affaire rwandaise et de la deliquescence du Zaïre ont renversé le leader pro-occidental de ce pays devenu entretemps encombrant, pour faire advenir la république démocratique du Congo. Très vite, il s’est avéré que les raisons stratégiques et économiques allaient permettre le premier grand conflit intra-africain et son plus grand génocide. Ces alliés qui créeront le nouveau Congo et qui l’ont défait iront jusqu’à en découdre entre eux. Derrière les multiples factions rebelles et Etats impliqués, la guerre dans ce pays participe de l’exploitation des ressources par le marché légal comme par la contrebande. C’est de ce même Congo que provint l’uranium qui servit au désastre de Hiroshima ou coûta la vie à un secrétaire général de l’ONU et à sanctionner l’échec de sa première grande mission de maintien de la paix .C’est de ce même Congo que le marché du téléphone cellulaire de l’industrie spatiale et des métaux précieux tire aujourd’hui des produits. Le récent rapport des experts du conseil de sécurité, dont le mandat vient d’être prorogé, a démontré comment, en toute impunité, se déroule le pillage du Congo mettant en oeuvre une constellation affairiste africaines et internationales et des firmes multinationales juniors dont plusieurs canadiennes. Le déploiement de 1400 hommes sous l’égide de l’ONU et sous commandement français apparaît nettement insuffisant au regard de l’ampleur de la tâche au niveau national.

    Les responsabilités des pays du G8 vont aussi à l’arrêt des filières d’exportation d’armes; le rapatriement en Afrique à des fins de développement social des fortunes de anciens dirigeants ainsi que les fruits des corruptions et d’enrichissement illicites lotis dans les banques et propriétés occidentales (un peleton d’Etats africains dont la dette extérieure depuis moins de trente ans est de de 178 milliards de $ enregistre parrallèllement une fuite de captaux totalisant quelques 280 milliards $(Boyce J. , Ndikumana L, et Bond).

    Les pays du G8 doivent enfin accepter que les Africains participent aussi à la mise en oeuvre et à l’évaluation du plan d’action

    Le Canada

    Le Canada a joué un rôle précurseur dans le sommet du G8 de l’an dernier et continuera de le faire. Proportionnellement à ses moyens, et en raison du fait qu’il n’a pas de rôle historique colonial en Afrique, cet engagement est tout à son honneur. Il n’en reste pas moins que l’on peut interroger plusieurs des orientations des tendances récentes de son aide dominée par la croyance que les forces du marché conduiront au développement durable. Sur les 500 millions dévolus moins de 100 millions ont été alloués à différents projets dont on peut questionner l’articulation avec les nouvelles approches programmes Une liste très restreinte d’Etats Africains sont récipiendaires. 100 millions sont prévus comme capital à risque pour l’investissement du secteur privé canadien. Quoi qu’on puisse validement questionner si l’argent de l’aide au développement peut aller au secteur privé, ce qui apparaît nébuleux à cette étape-ci, est de savoir quels seront les critères de développement, de responsabilités sociales et environnementales des entreprises qui vont présider à l’allocation de ces sommes. Qu’en est-il de la reddition de compte des entreprises ? Les mécanismes de transparence sont inconnus et nous ne disposons pas de moyens sérieux de surveiller ou d’infléchir les politiques décidées. Quels sont les alliés de l’Afrique dans les pays du G8 pour tout cela? Ici le forum Afrique Canada, un regroupement d’organismes de la société civile canadienne voué à la justice sociale et au développement durable en Afrique , ne dispose toujours pas d’un statut consultatif officiel qui lui permettrait efficacement de concrétiser son mandat.Il ne parvient toujours pas, en dépit de ses efforts, à un plaidoyer et une surveillance efficaces des décideurs du gouvernement. A l’instar du milieu de la coopération internationale de plusieurs pays du G8, plusieurs de ses organisations sont otages des subsides gouvernementaux, ce qui réduit leur marge de manoeuvre au point qu’on puisse s’interroger sur leur statut d’organisations dites non gouvernementales. Plus le NEPAD sera concrétisé plus le milieu des ONG devra bien admettre que son opposition ou ses critiques initiales au projet se sont effrités et qu'il va falloir se positionner plus clairement maintenant que certaines agences participent ouvertement à sa mise en oeuvre.

    On peut aussi questionner la complaisance du gouvernement devant l’affaire des multinationales canadiennes ayant violé le code de l’OCDE au Congo, ou au sujet de ceux qui raflent, à la faveur de ce conflit, de vastes territoires pétrolifères ou de matières précieuses. Cette situation n’est pas unique au Canada. Elle est propre aux pays du G8, qui ont décidé de mettre à l’ordre du jour de leur sommet la responsabilité sociale des entreprises. S'il faut saluer l'initiative on saurait être dûpe sur sa portée réelle. Certaines de ces entreprises recourent de plus en plus, par souci de marketing, à ce profil écologique et socialement responsable d'une part . Dans les faits d'autre part, il sera difficile au pays du G8, fusse dans une démarche pro-active et volontariste, de mettre au pas des firmes transnationales désormais plus puissantes qu’eux et dont l’éthique ambivalente et le comportement prédateur en Afrique ont été maintes fois dénoncés.

    Conclusion

    Un an plus tard on en est encore à l’étape de promesses et de timides initiatives. L’Afrique peut elle attendre et croire aux discours de lutte contre la pauvreté qu’entonnent les tenants de l’ordre mondial. Réguler le secteur privé et les investissements de façon à favoriser, avant le profit, le bien être des populations- surtout les plus pauvres- et le respect de l’environnement semble dans ces conditions bien hypothétique. S’entêter à y croire tend à faire apparaître le NEPAD comme un projet idéologique de classe. On ne pourrait donc que lui opposer une alternative proche des aspirations populaires.

    À Evian de grandes décisions sur la famine, l’eau, le sida et le maintien de la paix seront prises claironnent maints articles. Le bilan sera plus que mitigé voire décevants comme ne manqueront de le sanctionner maints organisations de la société civile africaine. A l’instar des droits internationaux toujours pas assortis de devoirs, le nouvel ordre mondial devra traduire urgement dans les faits ses engagements. Dans les faits, les pays du G8 prétendent se constituer en ce qu’il ne sont pas, les dirigeants du monde. Mais ce dernier leur a echappé et il est travaillé par des tendances dont le G8 n’est désormais qu’un des maillons majeurs. C’est ce que j’appelle le supraimpérialisme. Je préfère qualifier la mondialisation en vigueur de néo-libérale. J’ai forgé le terme de supraimpérialisme pour caractériser la phase nouvelle que tente d’imposer le capitalisme. Ce supraimpéralisme (supra, du latin au dessus, plus haut ) désigne les extensions multiformes de l’espace du capital dans lequel différents vecteurs oligopolistiques tentent d’infléchir l’économie mondiale. A titre d'illustration, le fait qu’une dizaine d’entreprises contrôlent quasiment la moitié du marché mondial, ou que 350 les plus riches du monde accaparent un revenu égale à celui de 2,6 milliards de personnes. Cette mondialisation est une inflexion dans le sens de la construction d’un système monde particulier. Un système Monde, qualifié de nouvel ordre mondial qui bénéficie en priorité aux grandes entreprises et banques, des puissances étatiques. Ce sont là les acteurs qui jouissent en premier lieu du marché des biens, services et capitaux, au détriment de la réalisation des droits économiques sociaux et culturels collectifs. Les 200 plus grandes entreprises, qui fournissent de l’emploi qu’à 0, 75 de la force active dans le monde, accaparent le quart du PNB mondial. Les transnationales monopolisent les transactions internationales du commerce. La moitié de ce commerce se déroule strictement entre elles. Il est vrai que le caractère évolué du niveau de technologie, d’information et de communication font revêtir à cette mondialisation néo-libérale un caractère sans précédent. Mais le processus est en cours, n’est pas achevé n’est pas pour autant unilatéral. D'aucune façon, la mondialisation ne pourra s'arroger le titre de changement social. Ce dernier l'a précédé et lui survivra probablement.

    La mondialisation est la traduction imparfaite de Globalization. Cela est sensé signifier agglomération et intégration des productions des marchés financiers et des biens et services. La dominance dans la mondialisation est donc la financiarisation de l’économie. Cette mondialisation, souvent présentée comme immuable et irréversible, n’est pas issue d’une main invisible du marché ou de ses lois, de la concurrence voire autres inepties. Issue de l’oligopolisation du processus transnational, alimentant les rythmes des percées technologiques et scientifiques tout en y étant assujetti, la mondialisation est cependant un sursaut qualitatif de l’économie monde. Nulle part, elle ne procède à l’égalisation des chances et des économies. Au contraire, partout elle creuse et polarise les écarts. Il s’agit dès lors d’un processus polarisant par essence, parceque asymétrique et biaisé. Il est sciement biaisé et procède d’ une démarche d’économie- politique volontariste et le G8 ne peut contre-carrer cette inclinaison. D’ailleurs les pouvoirs dans les centres sont animés en général par cette nécessité de perpétuer l'ordre impérialiste. Cela aux fins de l'exploitation des richesses du globe à leur profit. Partout, les classes dirigeantes disent oui à cette transnationalisation, parce qu'elles en sont avant tous les premiers bénéficiaires en terme de richesse, de prestige et de pouvoir. Les peuples sont les premières victimes de cette transnationalisation débridée. L'uniformisation et à l'homogéneisation du monde reste une tendance, un épiphénomène. C'est que le système mondial ne peut concrétiser pour tous ce mode de vie et ce standing, ce qui serait d'ailleurs biologiquement insoutenable pour notre planète. Aussi, les frustrations populaires s'aiguisent devant cette modernité, caractérisée par l'abondance dans la rareté.

    Dans un tel contexte l’Afrique est sommé de se ressaisir et de commencer à compter surtout sur ses propres forces. L’union africaine en construction, au lieu de se borner à faire du NEPAD son cheval de troie, est sommée de s’atteler à la rédaction et à la mise en oeuvre d’un véritable plan de développement continental. Ce dernier reste à être rédigé, idéalement par de légitimes élus nationaux et locaux et par les forces vives du continent (syndicats, intellectuels, mouvements sociaux, partis politiques et leaders d’opinion qui ont tous été ignoré lors de la rédaction du NEPAD et l’ont à de maintes manifestations rejetés). Seule leur lutte sur le terrain concret du débat des idées et de l’action engagée de la transformation sociale pourrait permettre l’avènement d’un tel programme continental. D’ici là, l’Afrique entière retient de nouveau son souffle, refusant d’être encore l’otage de plans dits Africains mais dictées par le capital global international, ses institutions et ses technocrates. Comme des milliards de citoyens du monde, qui rêvent d’une »altermondialisation» elle espère qu’une autre mondialisation est possible.


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