Paris - Robert Jasmin est arrivé hier en catastrophe de Montréal avec sa grande bannière et des dizaines de tracts biens cordés dans sa valise. Dès ce matin, le président de l'organisation ATTAC Québec se joindra aux centaines de milliers de manifestants venus du monde entier qui prendront la direction d'Évian, où se réunit le sommet du G8 à compter de dimanche.
Des dizaines de milliers de manifestants sont attendus dans la région d’Évian-les-Bains.
La semaine dernière, Robert Jasmin ne savait pas encore qu'il traverserait l'Atlantique pour participer aux centaines d'événements qui réuniront à Genève, à Lausanne et à Annemasse (côté français) les opposants à la mondialisation. C'est un don de la Fédération des infirmières du Québec qui lui a finalement permis de partir.
Avec trois autres camarades québécois et des militants de 51 pays regroupés dans les collectifs de l'organisation ATTAC, il lançait hier à Paris la série de colloques, de manifestations et d'événements culturels qui précéderont la réunion des dirigeants des grands pays industrialisés, qui se retrouveront dimanche sur les bords du lac Léman.
Comme ses camarades brésiliens, japonais, allemands ou de la Colombie-Britannique (rencontrés pour la première fois à Paris !), Robert Jasmin juge illégitime cette grande messe annuelle qui réunit les chefs d'État et de gouvernement des sept pays les plus riches du monde (plus la Russie). «Le G8 est un gouvernement mondial autoproclamé, dit-il. Aucun des membres du G8 n'a jamais reçu le moindre mandat de discuter des questions qui seront abordées à Évian. Ce regroupement n'a rien de démocratique.» Il n'existe d'ailleurs, dit Robert Jasmin, que pour avaliser les volontés de l'«empire», qui seraient elles-mêmes celles des États-Unis et de George Bush.
Tel est en résumé le contenu de la déclaration G-Monde que rendaient publique les militants de 51 pays réunis hier à Paris. La plupart participeront ce matin à un pique-nique international au bois de Vincennes. De là, les manifestants, qui profitent du congé de l'Ascension, prendront la route d'Évian en train, en bus ou en voiture.
À Genève, ils seront rejoints par un millier de manifestants allemands, montés hier à Berlin à bord du «train de la protestation». Le convoi affrété par ATTAC Allemagne doit relier les principales villes du pays avant d'arriver aujourd'hui après-midi à Genève, qui ressemble déjà à une ville assiégée.
Des dizaines d'autobus ont été nolisés au départ des grandes villes d'Allemagne. Malgré les sommets élevés, de courageux militants rallieront la Suisse à vélo en huit étapes journalières. On les attend à Genève samedi (on ne sait pas dans quel état), juste à temps pour la grande manifestation qui se déroulera dimanche, 1er juin, pendant l'arrivée des chefs d'État et de gouvernement.
S'inspirant de ce qui s'est fait l'an dernier à Kananaskis, en Alberta, les 20 000 policiers, douaniers et militaires mobilisés en France et en Suisse n'ont rien négligé pour transformer la région en no man's land. Au beau milieu de la mobilisation contre la guerre en Irak, certains avaient envisagé une manifestation transfrontalière de 500 000 personnes. Les plus optimistes parlent aujourd'hui de 300 000 participants. Les responsables suisses laissent même filtrer le chiffre de 80 000 à 100 000 manifestants. On se souvient que l'autre sommet du G8 à s'être tenu dans la région a eu lieu à Gênes. Il avait attiré 200 000 manifestants et fait un mort dans une violence sans précédent.
Robert Jasmin reconnaît que la mobilisation ne s'annonce pas aussi massive que prévu. Cela serait dû, dit-il, aux nombreuses grèves qui secouent la France depuis deux semaines contre la réforme des régimes de retraite et la décentralisation dans l'éducation. «Il n'est jamais facile de remobiliser des gens qui ont déjà participé à pas mal de manifestations dernièrement.» Il reconnaît aussi que l'euphorie des grandes mobilisations contre la guerre en Irak est déjà loin.
Le lieu du sommet, au coeur des Alpes suisses et françaises, n'aide pas non plus à attirer les foules. À Genève, une «zone autogérée» a pris ses quartiers vendredi dernier sur le terrain vague de Vessy. Un village alternatif «officiel» sera ouvert dès aujourd'hui. Il comporte les infrastructures nécessaires pour accueillir 40 000 personnes. À Lausanne, les opposants au G8 ont refusé le terrain que l'administration municipale leur offrait. Sans consulter qui que ce soit, ils ont décidé de s'installer sur le site de l'Université de Dorigny. En France, un «village alternatif, anticapitaliste et antiguerre» et un autre dit «intergalactique» s'étaleront sur une trentaine d'hectares près de l'aérodrome d'Annemasse.
Des côtés suisse et français, on ne compte plus les colloques sur la mondialisation, la santé, la militarisation, l'accès à l'eau, etc. Histoire d'attirer les syndicalistes français, l'un d'eux parlera aussi des retraites.
L'organisation ATTAC mettra même en scène un «tribunal international du libéralisme», avec juges, avocats, jurés et accusés, afin de mesurer l'ampleur des «crimes» du G8, de la Banque mondiale, du FMI, de l'OMC et de la Commission européenne. Heureusement, de nombreux concerts, pièces de théâtre et projections de films permettront aux manifestants de se détendre.
Les opposants au G8 ne veulent d'ailleurs plus qu'on les qualifie d'antimondialisation et préfèrent l'étrange néologisme d'«altermondialiste». La nuance serait de taille puisque ces derniers ne seraient plus opposés à la mondialisation mais souhaiteraient plutôt une autre mondialisation.
«C'est un changement majeur, dit Robert Jasmin. Les rencontres et les débats prennent aujourd'hui le pas sur les manifestations.»
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