Sécurité: Décorateurs et architectes sont pris d'assaut. On ne trouve plus une planche de bois en ville. Consigne: il ne faut surtout pas exhiber de signes extérieurs de richesse
Le temple du luxe genevois, la rue du Rhône, va se barricader pendant le sommet du G8. Dior, Vuitton, Hermès, Chanel, Céline et tous les autres vont ériger des panneaux de protection devant leurs vitrines pour parer à toute éventualité. «On envisage le pire sans le souhaiter. Nous devons être clairvoyants et prévoyants.» Chez Piaget, Thibault de Gaulejac, directeur du marché suisse, doit faire face à la situation comme tous les commerçants de cette prestigieuse artère. Depuis une semaine, ils tentent de coordonner leurs actions. Dans l'ordre, il faut protéger le personnel, la clientèle, le magasin et son contenu. On redoute saccage et pillage. Selon nos sources, un groupe de casseurs est déjà à Genève. Il ne reste donc qu'une seule solution: se protéger efficacement et fermer du mercredi 28 mai au lundi 2 juin.
«On rouvrira mardi, si tout s'est bien passé, assure une commerçante qui tient à garder l'anonymat. En attendant, on adopte un profil bas. Nous allons prendre la température dans les jours qui viennent.» Samedi prochain, la manif prévue à Genève servira de premier test.
Partout on redoute que le luxe ne soit perçu comme une provocation. Jusqu'aux bureaux alentour, où circule la même consigne: habillez-vous discrètement, surtout pas de signes extérieurs de richesse.
Pour faire disparaître leurs vitrines, les commerces haut de gamme vont dresser des palissades de bois très résistant, en plus des systèmes d'alarme existants, des vitrages blindés ou encore des rideaux métalliques. Les travaux commenceront la veille de l'Ascension. Architectes et décorateurs ont été réquisitionnés. Depuis une semaine, on compare les devis. Coût minimum de l'opération: entre 10 000 et 15 000 francs par magasin.
A coups de hache
Spécialiste en créations et réalisations publicitaires, Guy Gremion s'occupe notamment de la maison Dior. Généralement, il confectionne les décors des défilés de mode. Jamais il n'avait eu à «imaginer» ceux des manifs.
Dans son atelier du Lignon, il teste la solidité du bois sélectionné par son fournisseur. «Bang!» La hache mord la planche d'une épaisseur de 18 millimètres. Puis, il s'empare d'un morceau d'aggloméré. Sous la lame, la pièce vole en éclats. «Vous voyez, mon bois est costaud. Je ne garantis pas qu'il résiste à tout. Si les casseurs foncent avec une voiture bélier...»
Le pire ennemi du bois, c'est le feu. Un cocktail Molotov et tout peut s'embraser. Les commerçants ont exigé qu'il n'y ait pas d'espace entre le sommet des panneaux et la marquise de leur magasin. «Nous allons traiter la façade avec un produit antifeu», précise Guy Gremion. La rumeur qui circule à Genève se confirme: il n'y a presque plus de bois disponible. Boutiques de luxe ou pas, les assurances couvriront celles qui se protègent efficacement. «Les manifestations violentes sont l'un des deux cas qui nous obligent à prendre des mesures exceptionnelles. L'autre, c'est la guerre», souligne-t-on rue du Rhône.
Toutes les enseignes vont être masquées, les horloges extérieures démontées. «C'est une cible trop visible», relève-t-on chez Piaget. L'association des commerçants a même envisagé de fermer le passage Malbuisson. Mission impossible. Le tunnel marchand, qui abrite entre autres McDonald's et Gant, deux marques américaines, devra trouver la parade.
Genève, ville morte
La plupart des commerçants interrogés prennent la chose avec résignation. Mais tous sont hantés par l'image d'une ville morte. «Nous serons filmés par les télévisions du monde entier. Genève, ville internationale, accueillante, ville de paix et de tolérance, va se retrouver recroquevillée sur elle-même. Quel dommage!» se désespère Thibault de Gaulejac.
Dans un premier temps, Guy Gremion a bien proposé d'orner les façades de bois. Au bijoutier-joailler de Gorski, il a soumis deux colombes très «peace and love». Au coin de ce prestigieux magasin, des tags rouges et noirs («G8 G mal», «OMC») ont fleuri. «Les magasins m'ont demandé d'enlever tout signe distinctif, renchérit Guy Gremion. Pas de marque, rien qui puisse attirer l'il, insiste-t-il.» Il avait prévu de belles photos de mannequins. Dior les a refusées. «Ce sera du noir et rien d'autre.» Genève va faire grise mine.
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