CHAPITRE 1:
De la neige sur les carreaux



« Pour tout entier k compris entre 0 et n, la probabilité d’obtenir k succès au cours de n épreuves de Bernouilli est donné par la formule… »
Sandrine, la tête sur sa feuille, prenait mollement des notes. Ce cours de mathématiques était absolument soporifique. La loi binomiale était le cadet de ses soucis et le professeur de maths un clown en costume cravate. Elle ralentit le mouvement de sa main, s’arrêta et porta son stylo à la bouche. Elle passa rapidement les doigts dans sa frange. Celle-ci, un peu longue, commençait sérieusement à la gêner.
« Il faudra que j’aille faire un tour chez le coiffeur » pensa-t-elle.

Autour d’elle, les élèves, studieux, grattaient frénétiquement feuille de papier sur feuille de papier. La fin de l’année approchait et les examens avec. Un certain stress commençait à se faire sentir dans la classe. Mais Sandrine ne s’en souciait guère. Elle laissa son regard vagabonder à travers la classe. A sa droite se trouvait Nadine, plus concentrée que jamais. Très bonne élève, elle majorait dans beaucoup de disciplines. Mais les maths étaient vraiment son domaine de prédilection. Aucun élève n’avait pu la battre ne serait-ce qu’une fois dans l’année. Contrairement à Sandrine, s’était son truc. Elle n’avait pas beaucoup changé physiquement. Elle portait toujours ses grosses lunettes qu’elle ne quittait jamais. Ses cheveux étaient peut-être un peu plus longs que lorsqu’elles étaient plus jeunes.
A sa droite, Sonia n’avait, elle aussi, pas beaucoup changé. La seule chose qui changeait vraiment, c’était sa taille. Elle était sans aucun doute la fille la plus grande de la classe. Mais sa taille ne choquait pas vraiment tant elle était gracile et féminine. Toujours aussi calme et posée, Sandrine se demandait si elle avait le moindre défaut. Mais pourquoi chercher ? Elle n’en voyait aucun.
Sandrine tourna la tête et aperçu Sakura et Tiffany qui s’échangeait un billet. Sandrine avait toujours beaucoup aimé Sakura. Sa joie communicative, son petit air mystérieux, tout en elle respirait le bonheur. Et puis Sakura était superbe ; une véritable beauté même. Les garçons de la classe étaient tous fous d’elle. Mais c’était sans compter sur Lionel, son petit ami, qui était revenu de Hong-Kong après une absence de près de quatre ans. Grand, athlétique, beau gosse aussi, il était d’un tempérament plutôt jaloux. En fait, Sandrine avait toujours eu un peu de mal à le cerner. Mais ce qui comptait le plus, c’était qu’il aimait Sakura et qu’il la rendait heureuse. Tiffany, toujours aussi proche de Sakura, ne semblait pas redouter cette concurrence. Elle avait sa place dans le cœur de son amie et c’était tout ce qui l’importait. Toujours aussi jolie, ses longues boucles encadrant son visage, elle avait ce regard calme, confiant, comme si rien de mal ne pouvait jamais arriver.
Et puis il y avait Yvan. Ah, Yvan ! Son cœur se serra un instant à sa pensée. Qu’il était beau son Yvan ! Très grand, un peu maigre aussi, il avait une classe folle. Sa taille gênait parfois un peu Sandrine, car elle était restée plutôt petite. Mais qu’importe, ils formaient le plus beau couple du lycée à n’en pas douter. Bien qu’ayant garder une incroyable tchatche, il soit un peu moins mythomane. Mais quand il partait dans ses histoires, il était toujours impossible de l’arrêter. Et une chose en amenant une autre, ils finissaient immanquablement par se taquiner sous le regard amusé de leurs amis. C’était lui. C’était elle. Et comme elle l’aimait! Plus le temps passait, plus son amour grandissait. C’était fou. Elle ne rêvait que d’une chose : pouvoir passer sa vie à ses côtés ! Des fois, elle se disait qu’elle était trop fleur bleue. Mais elle n’y pouvait rien. Elle était comme ça.

Et elle, Sandrine, avait-elle changé ? Sûrement. Mais elle avait du mal à savoir en quoi. Physiquement, oui, forcément. Elle avait un peu grandi, mais pas suffisamment à son goût. Ses traits aussi avaient changé naturellement, mais elle ne s’en apercevait pas. Contrairement à ses amies et à ses autres camarades de classe qui avaient opté pour des coiffures sages et classiques, Sandrine avait conservé ses nattes. A 18 ans, elle se trouvait encore trop jeune pour rentrer dans les rangs et se conformer à l’image de la jeune fille traditionnelle. Parfois, elle aurait aimé être encore une enfant ; parfois seulement. Elle trouvait l’uniforme du lycée super tristounet et de temps en temps avec Tiffany, elle s’amusait à dessiner des modèles beaucoup plus gais et colorés. En fait, c’était ça son principal problème. Sa vie était remplie de couleurs alors que la plupart des gens autour d’elle était triste et gris. Comment leur faire partager sa vision du monde et leur apporter un peu de cette joie qui était en elle ? Un jour, elle y arriverait. Elle en était sûre.

Elle regarda par la fenêtre. On était en février et la neige tombait dehors à gros flocons. Parfois, ils s’écrasaient sur la vitre, laissant une petite tache blanche qui rétrécissait petit à petit jusqu’à disparaître. Elle souhaita un instant pousser la fenêtre et comme un oiseau, prendre son envol dans l’air frais du matin.


La suite dans le CHAPITRE 2.
 
 

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