Usage de la torture sur des jeunes internautes par la police

Tunis le 6 mars 2003

Sept jeunes internautes parmi les vingt arrêtés à Zarzis le 8 février dernier ont comparu devant le juge d’instruction du 11e bureau du tribunal de première instance de Tunis les 3 et 5 mars. Il s’agit de Abderrazek Bourguiba élève (17 ans), Abdelghaffar Ben Guiza (20 ans), Amor Rached, élève, Ridha Hadj Brahim, enseignant, Amor Chalendi, étudiant, Hamza Mahroug, et Ayoub Sfaxi (en état de fuite). Ils sont accusés en vertu des articles 131, 132 et 133 du Code pénal, « d'association de malfaiteurs, participation à des réunions non autorisées, le vol et acquisition de produits pour la fabrication d’explosifs… »

Les avocats de la défense n’ont pas eu accès au dossier. Les pièces à conviction sont constitués d’un CD-ROM et d’un tube de colle d’écolier! Les prévenus interrogés ont déclaré avoir été arrêtés depuis le 8 février à Zarzis (près de 500 km de la capitale) alors que les PV de l’instruction préliminaire font état d’une arrestation effectuée le 26 février à Tunis. Le 19 février dernier, leurs avocats avaient saisi le procureur de la république d’une plainte pour violation, par la police des délais de garde à vue et leur détention au secret.
Plusieurs atteintes aux droits de la défense ont été constatés par les avocats et notamment : l’incompétence territoriale du juge qui instruit l’affaire, falsification des PV en ce qui concerne les dates et lieux d’arrestation, refus de délivrer aux familles les permis de visite ainsi que le refus d’écrouer le mineur Abderrazak Bourguiba dans un établissement pénitentiaire pour jeunes. Le juge a refusé de consigner les observations des avocats.
Plus grave, tous ont déclaré devant le juge avoir été sauvagement torturés dans les locaux de la sûreté de l’état durant plusieurs jours jusqu’à ce qu’ils signent des PV dont ils ignorent la teneur. C’est sur ces PV entachés légalement de nullité que s’est basé le juge d’instruction pour délivrer des mandats de dépôt contre eux à la prison du 9 avril. Les interrogatoires seront poursuivis le 8 mars.

D’autres arrestations de jeunes (12), ont été effectuées à l’Ariana banlieue de Tunis. Les familles sont sans nouvelles des prévenus.

A Menzel Bourguiba 8 jeunes (lycéens et étudiants) ont été arrêtés du 15 au 25 février pour avoir diffusé des photocopies d’articles parus sur des listes dissidentes sur Internet. Ces jeunes ont déclaré à leurs avocats avoir été torturés par la police (coups à l’aide de fils électriques sur la tête, le ventre et les genoux, dorment à même le sol sans nourriture durent 48 h.). Ils ont été contraints de signer des aveux sur des PV dont ils ignorent la teneur. Leurs domiciles ont été perquisitionnés sans mandat.

Le CNLT s’élève avec la plus grande vigueur contre l’usage de la torture sur des prévenus par la police politique. Il rappelle à l’Etat tunisien ses engagements de combattre la torture par sa ratification sans réserves de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le respect de la législation tunisienne qui criminalise les actes de torture et organise la garde à vue en limitant sa durée à 6 jours. Il exige la sanction des exécutants et des commanditaires de ces actes criminels.
Il considère que ces poursuites sont entachés de nullité puisqu’ils ne reposent sur aucun fait tangible autre que des aveux extorqués sous la torture et exige la libération immédiate et inconditionnelle des prévenus. Il estime qu’une justice sereine et respectueuse de la légalité est le meilleur garant de la stabilité.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine