Les autorités auraient-elles décidé de laisser mourir le prisonnier Bouhjila ?

Tunis le 7 Mai 2002

Le Conseil National des libertés en Tunisie vient d’être saisi par la famille de Abdellatif Bouhjila, prisonnier d’opinion purgeant une peine de 17 ans de prison à la prison civile de Tunis, d’une détérioration très grave de son état de santé : Une exploration au scanner, effectuée le 23 avril dernier à l’hôpital Charles Nicolle, aurait confirmé le développement d’une tumeur maligne au rein, suspectée depuis plus de six mois par un médecin de l‘hôpital des forces de sécurité intérieures de La Marsa, lors d’une hospitalisation précédente.

Malgré cette évolution inquiétante de l’état de santé de Abdellatif Bouhjila, l’administration pénitentiaire se refuse à lui accorder les soins requis, prétextant que son état ne présenterait aucune espèce de gravité.

Afin de réclamer son droit aux soins appropriés garantis par la loi tunisienne sur les prisons, Bouhjila est entré en grève de la faim illimitée depuis le 2 mai.

Rappelons que procès de Abdellatif Bouhjila, condamné en appel à 17 ans de prison pour appartenance au groupe “ El Ansar ”, (jugement cassé par la cour de cassation en novembre 2001) n’est toujours pas fixé.

Le directeur de la prison civile de Tunis, Slah Braham, s’est rendu coupable à plusieurs reprises de violences sur la personne du prisonnier politique et l’a maintenu en isolement au cachot. Une plainte a été déposée contre le directeur de la prison et ses agents par ses avocats, mais elle est demeurée sans suites. Bouhjila avait entamé plusieurs grèves de la faim en signe de protestation. En représailles, sa famille avait été privée de son droit de visite hebdomadaire.

Le CNLT rappelle à ce propos que l’article 31 des « Règles minima pour le traitement des détenus » de l’ONU de 1959 stipule : « les peines corporelles, la mise au cachot obscur ainsi que toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante doivent être totalement défendues comme sanctions disciplinaires ». L’Article 1er de la loi sur les prisons précise: “ Tout prisonnier a droit à une protection médicale et psychique ”. L’article 22 alinéa 2 des « Règles minima pour le traitement des détenus » de l’ONU de 1959 énonce : « Pour les malades qui ont besoin de soins spéciaux, il faut prévoir le transfert vers des hôpitaux civils …».

Le CNLT ne peut oublier les nombreux prisonniers morts en détention pour négligences coupables, les premières victimes avaient été Sohnoun El Jouhri et Mabrouk Zran et les derniers Boussaa et Sdiri.

Le CNLT, qui craint pour la vie de Bouhjila, rappelle aux autorités tunisiennes leurs engagements nationaux et internationaux en matière de protection des prisonniers.Il tient le Ministère de la Justice pour responsable de toute aggravation de l’état de santé de Abdellatif et accuse les autorités pénitentiaires de non-assistance à personne en danger et de chercher délibérément à laisser mourir Bouhjila.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine