La loi organique relative à la protection des données personnelles
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Tunis le 9 août 2004 |
Le CNLT exprime sa vive préoccupation face à la loi organique relative à la protection des données personnelles qui vient d’être adoptée par la chambre des députés le 20 juillet 2004, et qui renforce le corpus législatif liberticide visant à donner un caractère légal à l’abus de pouvoir et à spolier le citoyen de ses droits fondamentaux. En effet, malgré le ton trompeur qui mime le style de la déclaration universelle avec lequel s’ouvre cette loi organique «toute personne a droit à la protection de ses données personnelles liées à sa vie privée…» (art 1), les dispositions de cette loi ne protègent en aucune façon le citoyen face à l’administration, qui est explicitement non concernée (art 54) par la série d’interdits qui s’étalent sur 105 articles. «Les autorités publiques, collectivités locales et entreprises publiques...» ont toute latitude de disposer selon leur gré de la vie privée du citoyen. La nouvelle loi tunisienne emprunte à cette directive les intitulés de ses titres, tout en la vidant de son contenu protecteur de la vie privée et en retirant à la société civile tout droit sur un usage d’utilité publique de ses données. De même le traitement à usage journalistique est sévèrement réprimé. Elle punit sévèrement tout transfert ou diffusion de données personnelles (art 47) par les particuliers qui en usent sans autorisation. En clair il s’agit des journalistes, des écrivains et des ONG qui publient des rapports. La peine la plus sévère concerne le transfert des données à l’étranger (art 86) : «est puni de 2 à 5 ans de prison ferme et d’une amende de 5000 à 50000 DT toute personne qui contrevient à l’article 50» qui stipule «le transfert des données personnelles à un pays étranger est strictement interdit lorsque cela porte atteinte à l’ordre public ou aux intérêts vitaux du pays.» S’il s’agit de punir l’espionnage, les lois en vigueur étaient largement suffisantes, mais c’est l’activité journalistique et celle des défenseurs des droits humains qui est visée ici ; alors que la directive européenne excepte l’usage journalistique de la liste des interdictions : «Les Etats membres prévoient pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire, des exemptions et dérogations au présent chapitre, au chapitre IV et au chapitre VI dans la seule mesure où elles s'avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d'expression.» Art9 de la Directive 95/46/CE. Le CNLT rappelle que le fichage des citoyens par la police auquel renvoie un code inscrit sur les cartes d’identités nationales et où sont portées toutes les informations sur l’appartenance politique ou associative, les choix religieux et idéologiques, les données familiales des citoyens tunisiens, est contraire aux dispositions des conventions internationales protégeant la vie privée. Plus grave, les autorités publiques viennent de mettre ces fichiers à la disposition des polices des frontières étrangères en les rendant accessibles à travers un code figurant dans les nouveaux passeports. Le citoyen, lui n’a pas accès à ces fichiers le concernant et ne connaît nullement leur contenu. La loi tunisienne instaure une autorité suprême, «la commission nationale de protection des données personnelles» (art 75) dont les membres sont désignés et ne réfèrent qu’au Président de la république auquel elle soumet un rapport annuel (art 85). Alors qu’en Europe ses rapports sont publics et consultables par tout citoyen. Le CNLT
Pour le Conseil, La porte-parole Sihem Bensedrine |