Tunis le 10 février 2006

 

Journée de solidarité avec les « internautes de Zarzis » et toutes les victimes de la loi antiterroriste

 

 

       La journée de solidarité avec les « internautes de Zarzis » et toutes les victimes de la loi antiterroriste, qui devait se tenir au siège du FDTL aujourd’hui 10 février, a été arbitrairement interdite par un important dispositif de policiers en civil qui ont fermé tous les accès menant au local et empêché tous les représentants de la société civile ainsi que les familles des victimes venues participer à cette manifestation et témoigner du calvaire de leurs proches, de pénétrer.

 

A cette occasion le CNLT tient à souligner ce qui suit :

 

  1- la question de l’amnistie générale pour les prisonniers politiques reste entière et aucune initiative visant à assainir le climat politique n’a été prise malgré le consensus national établi sur cette question. Bien au contraire, des mesures de rétorsion ont été prises à leur encontre - et particulièrement contre ceux qui avaient entamé des grèves de la faim de protestation – après le passage des enquêteurs du CICR.

   2- le premier groupe accusé de terrorisme et dont l’affaire a servi de cas d’école pour concocter la nouvelle loi antiterroriste du 10 décembre 2003, connu sous le nom des « Internautes de Zarzis » continue de purger une peine inique de 13 ans. Leurs conditions de détention ont empiré et certains d’entre eux souffrent de maladies graves. Le cas le plus  flagrant est celui de Abdelghaffar Ben Guiza, atteint de tuberculose et que l’administration carcérale refuse d’hospitaliser au CHU de Phtisiologie, malgré une prescription urgente effectuée par les médecins de l’hôpital Charles Nicolle où il avait été admis en urgence. On refuse également les soins à d’autres prisonniers, comme Omar Chelendi, contaminés par l’épidémie de gale qui sévit dans les prisons à cause de la surpopulation carcérale et la mauvaise hygiène qui y prévaut.

  3- Pas moins de douze affaires « terroristes » sont actuellement examinées au niveau de l’instruction et où sont impliqués plus de 120 jeunes. Le nombre des interpellés encore interrogés dans les locaux de la sûreté de l’Etat dépasserait les 200 personnes. Il n’y a pas une seule région épargnée par ces rafles qui ciblent des jeunes de 18 à 25 ans, du Nord au Sud de la Tunisie (Tunis et ses banlieues, Bizerte, Menzel Bourguiba, Mateur, Nabeul, Kélibia, Sousse, Sfax, Sidi Bouzid, Kebili, Ben Guerdane…etc.) L’usage de la torture est redevenu systématique et se pratique en toute impunité avec l’adjonction de nouvelles méthodes. Une série de procès vont être examinés au mois d’avril prochain par l’unique tribunal compétent selon la nouvelle loi anti terroriste, le Tribunal de première instance de Tunis.

 

     Le CNLT a de sérieuses raisons de craindre que ces affaires ne soient pas traitées par une justice sereine. En effet presque tous les procès verbaux d’instruction dont les avocats ont pris connaissance sont des copies conformes des PV de police où figurent des aveux extorqués sous la torture. Et ces PV de police  ressemblent davantage à des formulaires identiques où seuls les noms et les qualités des prévenus changent.

         Le CNLT qui prépare un rapport exhaustif sur ce sujet, considère que la question du terrorisme est politiquement instrumentalisée en vue de légitimer une politique sécuritaire qui cible en priorité les jeunes et fournir une matière au rapport périodique sur la lutte anti-terroriste présenté par le gouvernement tunisien aux instances concernées des Nations unies.

Ces affaires sont en train de donner lieu à une forme de «procès préventifs» où les autorités publiques donnent l’opportunité à la police politique d’agir en dehors du cadre de la loi et de ficeler des affaires prêts-à-porter où la vie de nombreux innocents est brisée, faisant croire à l’existence de crimes terroristes qui n’ont jamais existé, prenant en otage des citoyens innocents, attentant gravement à leur intégrité physique, leur dignité et leur liberté.

       Pour toutes les raisons invoquées, le CNLT exige la libération immédiate et inconditionnelle des condamnés, notamment les jeunes de Zarzis qui entament leur 3e année de prison. Il exige également l’ouverture d’une enquête sur les crime de torture commis.

Il appelle les autorités publiques à mettre fin à ce genre de «procès préventifs» qui se sont multipliés ces derniers temps et les met en garde contre la contre-productivité de tels agissements et le danger de banalisation du terrorisme qui en découle.