Le CNLT alerte l’opinion publique sur la gravité des atteintes aux droits de la défense qui se sont multipliées ces derniers temps ainsi que sur les nombreux disfonctionnements de l’institution judiciaire qui tend à devenir un outil de répression au service du pouvoir exécutif, édictant des sentences privatives de liberté en infraction ouverte aux lois et procédures en vigueur garantissant à l’accusé la possibilité de réunir les moyens de sa défense.
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Le juge d’instruction revient sur ses accords avec les structures élues des avocats
Me Abbou, membre du bureau directeur de l’ATJA, assisté du bâtonnier Me Essid et de nombreux avocats a été convoqué à comparaître le 4 juillet 2002 devant le juge d’instruction de la 10e chambre du tribunal de première instance de Tunis, le juge Ben Chouikha. Les avocats ont été surpris de constater le refus du juge d’instruction de procéder à l’interrogatoire de Me Abbou, au prétexte que la convocation était prévue une heure plutôt à 9 heures ! Les avocats ont répliqué que la convocation ne comportait pas d’horaire précis, mais ce dernier a maintenu sa décision de clôture du dossier sans entendre l’intéressé et cela malgré un accord préalable avec le Conseil de l’ordre des avocats fixant l’audition à 10 heures. Ce comportement révèle le peu de cas qui est fait des droits de la défense et des structures élues des avocats.
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La cour d’appel de Tunis prononce un jugement sans avoir entendu la défense ni les prévenus
La cour d’appel de Tunis, présidée par le juge Ridha Derrouiche a examiné le 8 juillet 2002 l’affaire 2044/12 où comparaissait le groupe « El Ansar » pour répondre de l’accusation « d’association de malfaiteurs » dont le premier jugement en appel a été infirmé par la cour de cassation le 15 mars 2002. L’un des prévenus, Abdellatif Bouhjila, qui venait de subir une intervention chirurgicale, avait déclaré à la cour qu’il n’était pas en état de répondre à l’interrogatoire. Ses avocats, qui avaient déjà demandé un report d’audience lors de sa première comparution du groupe le vendredi 5 juillet afin de permettre à Bouhjila de se présenter dans un meilleur état de santé, n’ont eu droit qu’à un report de 2 jours !
Le lundi 8 juillet, les avocats ont demandé un report d’audience plus conforme à l’exigence de rétablissement du prévenu. Mais ils se sont heurtés à une obstination de la cour qui n’a rien voulu entendre, avançant de surcroît, un certificat médical fourni par le médecin de la prison civile de Tunis affirmant que Bouhjila était en parfait état de santé. Les avocats ont contesté la validité juridique de ce certificat, fourni à la demande du ministère public et non de la cour comme l’exige la loi. Les avocats se sont retirés face à l’obstination de la cour à poursuivre l’audience. Le verdict est tombé en fin de matinée : 8 à 11 ans de prison ferme !
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La chambre correctionnelle prononce son verdict sans avoir entendu la défense
Zouhayer Yahyaoui, le webmaster du site contestataire Tunezine a comparu le 10 juillet en appel devant la chambre correctionnelle présidée par Tahar Sliti pour répondre de l’accusation « d’avoir divulgué une information qu'il savait être fausse, dans le but de faire croire à un attentat contre les personnes ou contre les biens » et d’« usage frauduleux de ligne de télécommunications ».
Près d’une cinquantaine d’avocats constitués ont demandé le report de l’audience pour prendre connaissance du dossier ; la défense avait également relevé l’incompétence territoriale de la cour. Après délibération, la cour a poursuivi l’audience et prononcé son verdict sans avoir entendu la défense, condamnant Zouhayr Yahyaoui à 2 ans de prison ferme !
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Mrad Romdhane condamné 4 fois pour les mêmes faits
Mrad Romdhane a comparu le 10 juillet 2002 devant la chambre criminelle de Tunis présidée par Tahar Yeferni pour faire opposition au jugement par défaut le condamnant à 2 ans de prison pour appartenance à association non reconnue, le parti « Ennahdha ». En dépit des arguments de la défense affirmant que le prévenu a déjà été jugé pour les mêmes faits à trois reprises, en mai 1994 (affaire 19102), en juin 1999 (affaire 28430) et en février 2002 (affaire 4371/1) et pour une peine totale de 9 ans et 4 mois; la cour a refusé d’appliquer le principe de l’autorité de la chose jugée et condamné Mrad Romdhane à 2 ans de prison ferme et 5 ans de surveillance administrative.
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Incarcéré avant d’avoir été entendu : cas de Béchir Lahouel
Le 25 juin 2002, M. Béchir Lahouel, arrivé du Canada, a comparu devant la troisième chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis présidée par le juge Adel Jeridi pour faire opposition à un jugement par contumace le condamnant à 11 ans et 3 mois de prison pour appartenance à association non reconnue, le parti « Ennahdha » en 1993. Sans même avoir pris la peine de l’interroger, la cour a émis un mandat d’arrêt contre lui et reporté l’affaire au 30 septembre 2002.
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Les forces de sécurité font obstruction à une plainte civile contre le Dr Gueddiche, médecin du Président.
L’huissier notaire Adel Krichène était chargé de faire parvenir une notification adressée au Dr Mohamed Gueddiche, médecin personnel du Président de la république, dans le cadre d’une affaire civile de rupture de contrat d’une société foncière. Mais les forces de sécurité ont confisqué l’original ainsi que les copies des plaintes et lui ont interdit d’exécuter les formalités de notification légale. L’avocat Abderraouf Ayadi, en charge de la plainte, a déposé au Conseil de l’ordre des avocats un mémorandum où il constate ces obstructions faites par la police et dénonce ces violations graves à l’exercice des fonctions de l’avocat et de l’huissier notaire, ainsi que le bafouement du droit du citoyen à ester en justice contre des personnalités connues.
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Le Ministère public refuse l’enrôlement d’une affaire
Il est devenu courant que le secrétariat du procureur de la république du tribunal de première instance de Tunis refuse l’enrôlement des affaires et soumet ces actes à autorisation discrétionnaire du substitut.
Suite à l’agression dont a été l’objet la fille du juge Yahyaoui devant son lycée le 14 juin 2002, ce dernier avait constitué maître Raouf Ayadi pour déposer une plainte en justice. Mais le procureur de la république a opposé un refus à l’enrôlement de l’affaire malgré les multiples interventions du bâtonnier et du président de la section de Tunis du Conseil de l’ordre.
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Détérioration des conditions des détenus d’opinion
Le CNLT a été saisi du cas du prisonnier Mahmoud Balti, condamné à 18 ans de prison en 1992 pour appartenance à association non reconnue, le parti « Ennahdha ». Le détenu est atteint de plusieurs maux mal soignés ayant entraîné une baisse sensible de la vision et de l’ouie. Il souffre également de lombalgies et d’ashme non soignés. Le CNLT demande que des soins appropriés lui soient prodigués et qu’il soit libéré.
Pour le Conseil,
La porte-parole
Sihem Bensedrine
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