Le CNLT vient d’être saisi du cas dramatique d’un ancien prisonnier d’opinion dont les persécutions systématiques et irréfrenées subies durant une douzaine d’années ont fini par entamer son intégrité mentale.
Les membres du CNLT qui se sont déplacés au village de Mahassen - au Nord-Ouest, près de la frontière algérienne- où réside M.Lamine Ben Cherif El Gani, âgé de 35 ans, ont fait le constatation de la détérioration très grave de son état.
Tenant des propos incohérents, très amaigri, barbe et cheveux hirsutes et refusant tout soin ou toilette, il ère dans le village du matin au soir, constamment poursuivi et raillé par des gamins. Les membres du CNLT ont aussi relevé un important déploiement des membres de la milice du parti, menaçants, autour de la demeure de M.Gani.Sa famille nous a déclaré que cet état dure depuis le mois de novembre 2001, date à laquelle il a été ramené par une voiture de police qui l’a déposé en soirée devant le domicile familial ; il avait un gros hématome au front, son visage était très enflé et il avait du mal à entendre. Des semaines durant, un traumatisme au niveau du bassin lui rendait les selles extrêmement pénibles ainsi que les déplacements. Ses proches ajoutent qu’il leur avait déclaré avoir été détenu durant deux jours à Tunis et une nuit au Kef. Pendant plusieurs semaines, il resta cloîtré dans sa chambre faisant ses besoins debout.
Il s’était auparavant rendu à Tunis à la recherche d’un travail, à l’expiration des cinq années de surveillance administrative qu’il avait effectuées à sa sortie de prison ; il avait purgé une peine de cinq ans, après sa condamnation en août 1992 par le Tribunal militaire de Tunis dans le procès du mouvement « Ennahdha ».
La police politique avait transformé cette peine complémentaire en véritable calvaire quotidien. Elle obligea M.Gani à se déplacer le matin au poste de police de Neber, à 10 km au nord de Mahassen, puis l’après-midi au poste de la garde nationale de Bahra, 15 km au sud, pour émarger sur les registres. M.Gani se déplaçait à pied car les moyens de payer le bus lui faisaient défaut et la police veillait à sanctionner sévèrement tout conducteur compatissant qui voulait le prendre à son bord.
Il est à rappeler que le texte instituant la peine complémentaire à la surveillance administrative, se borne à attribuer aux autorités le pouvoir de fixer et éventuellement de changer le lieu de résidence des anciens détenus.
Le Conseil National pour les Libertés en Tunisie considère que le traitement infligé à M. Gani est un crime dont sont responsables les agents du ministère de l’intérieur et que ce cas, illustre, encore une fois et dans les formes les plus dramatiques, le détournement du dispositif de contrôle administratif par les services de sécurité pour détruire socialement et humainement les opposants et les empêcher de se reconstruire. Il exige la cessation de toute forme de persécution à l’encontre de M. Gani et de ses proches. Il demande sa prise en charge médicale par l’état et demande l’ouverture d’une enquête judiciaire en vue d’établir les responsabilités et sanctionner les coupables. Le CNLT réitère a cette occasion l’urgence de la promulgation d’une loi d’amnistie générale, à même de réparer ces injustices.
Pour le Conseil,
La porte-parole
Sihem Bensedrine
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