Communiqué

Tunis le 16 Juin 2002

Le CNLT est très préoccupé par une accélération de la répression en Tunisie. En effet, les violations aux droits humains se sont particulièrement multipliés après la parodie de referendum du 26 mai. L'offensive contre la société civile se poursuit et pratiquement toutes les lignes de téléphone des défenseurs de droits humains sont injoignables à partir de l'étranger.

Persécution du juge Yahyaoui:
Le 14 juin, la fille du juge, Amira Yahyaoui, âgée de 17 ans a été agressée devant son lycée à la Kasbah, par un inconnu qui s'est réfugié au local du RCD (parti au pouvoir) en face du Lycée. Cet inconnu, s'était jeté sur elle sans aucune raison et l'a violemment frappée avec une matraque (semblable à celles utilisée par les forces de police) sur ses jambes, la radio effectuée à l'hôpital a révélé une fêlure du tibia. Après l'interdiction de voyager, l'interdiction de se déplacer dans les villes intérieures du pays, la filature policière collante, la coupure régulière de ses lignes de téléphone mobile et fixe, l'arrestation de son neveu, c'est maintenant aux enfants du juge Yahyaoui qu'on s'en prend.
Le CNLT considère que ce qui est arrivé à Amira est d'une extrême gravité et révèle la lâcheté d'un pouvoir qui, ne sachant plus comment faire face à la résistance d'un juge dissident dont l'exemple commence à faire tâche d'huile, s'en prend aux enfants pour punir les parents. Le CNLT qui assure le juge Yahyaoui de son entière solidarité, dénonce avec la plus grande vigueur ces procédés de "Tonton Macoute" et exige une sanction exemplaire des coupables.

Interdiction de circuler
Encore une fois (après Jendouba) les défenseurs de droits humains font l'expérience de l'interdiction de circuler à l'intérieur du Pays. Le dimanche 16 juin, plusieurs personnes appartenant au mouvement des droits de l'homme (LTDH, CNLT, ATJA, CIJ…) ont été empêchés d'entrer dans la ville de Ksibet El Madiouni où devait se tenir une réunion de solidarité avec la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme, dont le local a été investi par la milice du parti au pouvoir sous la protection de la police il y a quinze jours. Le président de la LTDH, maître Trifi, ainsi que maîtres Hachemi Jegham (section d'Amnesty International) et Mohamed Jemour (Conseil de l'ordre) qui étaient parvenus à entrer dans la ville ont été brutalisés par des agents en civil devant l'entrée du local de la section de Monastir de la LTDH, toujours occupé par un milicien du parti au pouvoir.
Le CNLT dénonce encore une fois ces procédés de délinquants et cette dérive qui fait de plus en plus de la Tunisie, un état de non droit.

Une mission de la CIJ refoulée
La Commission Internationale des Juristes (CIJ) avait décidé d'envoyer une mission d'observation en Tunisie pour enquêter sur la situation de la justice. Cette mission dirigée par la secrétaire générale du CIJ, madame Louise Doswald-Beck et composée de Alice Des Jardins, Michael Ellman et Alain Werner n'a pas pu arriver à Tunis. La juge, Alice Des Jardins (haut magistrat à la Cour fédérale du Canada) a été refoulée à son arrivée à l'aéroport de Tunis Carthage le matin du 16 juin 2002, sous prétexte que les autorités "n'étaient pas suffisamment informées sur les objectifs de la mission", alors que la direction du CIJ a rencontré la semaine dernière l'ambassadeur de Tunisie à Genève durant deux heures pour l'informer de cette mission.
Le CNLT considère que ce comportement désinvolte avec des experts internationaux révèle l'intolérance des autorités tunisiennes à l'égard de toute mission crédible qui risque de dévoiler le vrai visage de cette fausse démocratie qu'elles cherchent à vendre à l'occident.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine