Le CNLT alerte l’opinion publique sur la dégradation croissante de l’état des libertés en Tunisie.
- La cible privilégiée des autorités étant ces derniers mois les ONG autonomes. Après la persécution de l’ATFD et du CNLT, c’est au tour de la LTDH de faire face aux harcèlements des services spéciaux de la police.
Le 25 janvier 2001, le siège de la Ligue Tunisienne de défense des droits de l’homme a été quadrillé depuis la matinée par la police politique qui a interdit l’accès du local à toute personne. L’après midi, la LTDH avait appelé à une réunion publique de solidarité avec Hamma Hammami qui doit comparaître devant le tribunal le 2 février prochain. A l’arrivée des participants à cette réunion à 17 heures, le dispositif policier a été renforcé et des brutalités ont été exercées à l’encontre de ceux qui ont insisté pour pénétrer au local de la Ligue. Ceux, parmi les participants, qui ont cherché à rejoindre le domicile de Salah Hamzaoui, président du comité de soutien à Hamma Hammami, ont eu la surprise de voir la police politique les précéder et interdire l’entrée du domicile.
Le 19 janvier, une réunion publique sur le thème de « l’amnistie générale » a été interdite au local de la section de Bizerte (nord du pays) de la LTDH par des forces de police en civil qui ont quadrillé le quartier et sont allés jusqu’à dire aux participants venant de la capitale que l’entrée de Bizerte est interdite aux non Bizertains ! Là aussi les représentants de la société civile ont été brutalisés.
Le 20 janvier, une autre réunion publique de solidarité avec Hamma Hammami, prévue au local de la section de Sfax (centre) de la LTDH a été interdite par un déploiement policier inaccoutumé.
Le CNLT considère que ces pratiques répétées à l’encontre d’une association légalement constituée et qui est la plus ancienne ONG de droits humains autonome, est particulièrement grave. La LTDH est désormais traitée comme une association « légale non reconnue » et c’est la police politique qui décide à quel moment une ONG peut disposer de ses droits. Il condamne avec la plus grande fermeté cette dégradation de l’état de droit.
- Suite à une détérioration préoccupante de son état de santé qui a nécessité son hospitalisation, le Dr Mohamed Moada, président du MDS, a mis fin le 23 janvier à la grève de la faim qu’il a entamée le 14 janvier pour protester contre son incarcération abusive depuis sept mois à la prison civile de Tunis. Un comité de soutien réunissant les ONG de droits humains et les partis d’opposition, dirigé par Om Zied, militante du CNLT, a lancé un appel en faveur de sa libération immédiate et inconditionnelle. Le CNLT réitère à cette occasion son appel à ce qu’il soit mis un terme à cette forme de lettre de cachet et que le calvaire de la famille Moada cesse.
- Le 22 janvier courant, le domicile de Hichem Moussa, professeur de droit et opposant connu pour ses appels à une Assemblée Constituante qui fonde un véritable état de droit républicain, a été perquisitionné par la police sans mandat. Il semble que cette perquisition soit liée à la prochaine manipulation de la Constitution en vue d’y inscrire un nouveau mandat pour le président de la république en exercice.
- Dans un communiqué publié le 7 janvier, le président du parti social libéral (reconnu) dénonce un incendie criminel du cabinet de maître Mounir El Béji, président du PSL, ainsi que des menaces de mort qui lui sont parvenues, suite à l’annonce de sa candidature pour les présidentielles de 2004. Le CNLT condamne ces procédés de délinquants dont n’échappent même plus désormais les représentants de l’opposition légale, qui n’ont pourtant pas ménagé leur soutien au pouvoir.
- Depuis le jour où les avocats de Hamma Hammami, porte-parole du PCOT ont fait opposition (14 janvier) au jugement qui le condamne par contumace à 9 ans de prison ferme, et depuis que le dirigeant du PCOT a annoncé dans les médias étrangers qu’il mettait fin à la clandestinité où il vit depuis quatre ans et qu’il compte se présenter devant le tribunal à son procès fixé au 2 février 2002, la police politique quadrille de façon permanente le palais de justice de la capitale. Ce qui a provoqué un malaise dans le milieu des magistrats qui craignent que Hamma Hammami ne puisse parvenir à l’enceinte du tribunal le 2 février pour y être jugé et qu’il soit kidnappé par la police politique qui n’admet pas son échec d’avoir perdu sa trace depuis quatre ans. Toujours à la recherche de Hamma Hammami, le domicile de Abdelmoumen Belanes, militant du PCOT, a été perquisitionné de nuit sans mandat, le 18 janvier ; le 20 janvier et le 23 janvier à Monastir, ce fut au tour de deux militants proches du PCOT, Mondher Khalfaoui et Hamadi Zoghbi de voir leurs domiciles perquisitionnés à Monastir.
- A l’occasion de la tenue d’un sommet de défenseurs des défenseurs des droits humains par Front Line à Dublin les 18-20 janvier, la chaîne TV ANN a invité des femmes arabes (Egypte, Palestine, Tunisie) à participer à un plateau sur la situation des droits humains dans le monde arabe. Sur intervention pressante des autorités tunisiennes exigeant que Sihem Bensedrine soit écartée du plateau, et devant le refus du journaliste, Zouheyr Latif, d’obtempérer, la direction de la chaîne a annulé l’émission et licencié le journaliste de la chaîne ANN. Le CNLT condamne cette persécution de la liberté d’expression qui se prolonge en dehors des frontières tunisiennes et apporte son soutien total au journaliste.
- Maître Abderrazak Kilani, secrétaire général du Centre pour l’indépendance de la justice et des avocats, a été convoqué par le procureur de la République le 24 janvier, suite à la distribution auprès des magistrats d’un dossier de presse sur la révocation du juge Yahyaoui. Me Kilani a refusé de répondre à cette convocation, qui n’a pas respecté la procédure en usage pour les avocats (par le biais du barreau et non par voie de police). Le Conseil de l’ordre a protesté contre ces procédés visant à humilier les avocats.
Pour le Conseil,
La porte-parole
Sihem Bensedrine
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