La chanson de Craonne
(???)
(paroles anonymes recueillies par Paul Vaillant-Couturier)
Quand au bout d'huit jours, le repos terminé,
On va rejoindre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personne ne veut plus marcher.
Et le coeur bien gros comme dans un sanglot
On dit adieu aux civelots.
Même sans tambour, même sans trompette,
on s'en va là-haut en baissant la tête.
Adieu la vie, adieu l'amour, adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours de cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau, qu'on doit laisser sa peau :
Car nous sommes tous condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance :
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
C'est malheureux de voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font la foire.
Si pour eux la vie est rose
Pour nous, c'est pas la même chose.
Au lieu de s'cacher tous ces embusqués
F'raient mieux d'monter aux tranchées
¨Pour défendre leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autres pauvres purotins.
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs-là.
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra vot' tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau :
Car si vous coulez la guerre
Payer-la de votre peau.
Merci à Marie-Françoise Teillet pour ce texte.
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