Les romantiques
(Léo Ferré)


Ils prenaient la rosée pour du rosé d'Anjou 
Et la lune en quartiers pour Cartier des bijoux 
Les romantiques
Ils mettaient des tapis sous les pattes du vent 
Ils accrochaient du crêpe aux voiles du printemps 
Les romantiques

Ils vendaient le Brésil en prenant leur café 
Et mouraient de plaisir pour ouvrir un baiser 
Et regarder dedans briller le verbe "aimer"
Et le mettre au présent bien qu'il fût au passé 

Ils ont le mal du siècle et l'ont jusqu'à cent ans 
Autrefois de ce mal, ils mouraient à trente ans 
Les romantiques
Ils ont le cheveu court et vont chez Dorian Guy 
S'habiller de British ou d'Italiâneries 
Les romantiques

Ils mettent leurs chevaux dans le camp des Jaguar
En fauchant leur avoine aux prairies des trottoirs 
Avec des bruits de fers qui n'ont plus de sabots 
Et des hennissements traduits en "stéréo" 

Ils mettaient la Nature au pied de leurs chansons 
Ils mettent leur voiture au pied de leurs maisons 
Les romantiques
Ils regardaient la nuit dans un chagrin d'enfant 
Ils regardent l'ennui sur un petit écran 
Les romantiques

Ils recevaient chez eux dans les soirs de misère 
Des gens "vêtus de noir" qu'ils prenaient pour leurs frères 
Aujourd'hui c'est pareil mais, fraternellement 
Ils branchent leur destin aux "abonnés absents"


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