Le risque
L’amour pour le danger est vaste, flou, il n’a aucun sens pour les gens normaux. Je ne suis moi même pas admiratrice de ces sauts dans les air, de ces corps en apesanteur, et de ces altitudes dévastatrices. Jamais je n’ai pris l’avion, et encore moins fait un saut en parachute. Pourtant si on me le demandait, si quelqu’un venait un jour me voir pour me dire :
« Aurore, j’ai crée une machine volante, je ne suis pas certain de ses aptitudes, mais voulez-vous bien l’essayer ? », je n’hésiterai pas une seconde, même si la vie humaine ne tient qu’à un fil. Beaucoup donneraient tout ce qu’ils possèdent pour prendre ce risque, pour s’envoler au dessus des toits, loin des soucis urbains, et rejoindre le vol des oiseaux migrateurs. Mais est-ce cela prendre un risque ?
Moi, je suis une fille banale qui ne rêve pas de sentir son cœur s’emballer, d’avoir une montée d’adrénaline. Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais pris beaucoup de risques volontaires, j’ai passé mon existence à calculer tout ce que je pouvais, laissant une petite, une minuscule place au hasard … et si je me rappelais ?
Je suis tombée enfant du haut d’un placard, mais je n’ai pas poussé celui-ci, je suçais sagement mon pouce lorsque cela est arrivé, et quel étrange souvenir m’en reste-t-il ? quelques chose de vague et d’effrayant qui ne me donne aucune envie de retenter l’expérience.
Plus récemment, je suis montée au sommet de l’église Saint Pierre, pour voir le Vatican dans toute sa splendeur. Nous étions très haut, et j’ai eu la soudaine envie de me plonger dans ce monde vert et magnifique, de me jeter derrière la barrière. Regardant autour de moi, j’ai seulement pensé que personne ne m’empêcherait un tel acte. Le plus grand risque que je connaisse, et celui qui détermine la vie de chaque homme, de chaque âme : décider de continuer sur le chemin, ou de stopper ici. Il arrive un jour où on se pose certaines questions, quant à savoir si nous sommes indispensables au bon déroulement de la Terre, s’il ne vaut mieux pas en finir avec soi-même. Mais, maintenant j’arrive à penser que personne n’a d’importance pour cette petite planète, que si vous ou moi nous n’y étions pas, rien ne serait différent, il y aurait simplement quelqu’un d’autre à notre place. Et si j’existe ce n’est donc pas pour changer quelque chose, pour servir une cause, parce que cela me semble déjà inutile. Je suis ici, peut-être parce que je n’ai jamais eu le courage de prendre un véritable risque, mais aussi parce que je le souhaite encore.
La période de raisonnement sur l’existence est à présent loin derrière moi, bien sûr je n’y ai pas répondue, mais j’ai préféré la laisser en suspens, car rien ne vaut une douleur inutile.
J’existe donc dans l’ignorance, dans l’ombre d’un plus grand, qui lui même vit dans l’ombre d’un autre, il y a peut-être quelqu’un au dessus de tous, quelqu’un avec de bonnes raisons de vivre, mais peut-être pas. L’infini me paraît moins majestueux qu’autrefois.
Et si je vis, c’est uniquement pour la poignée de gens à qui je suis encore indispensable, mais aussi et surtout pour moi même, parce que je le sais au fond de moi, j’ai encore de grandes choses à accomplir, même si vous ne le saurez jamais.
L’important ce n’est pas de prendre des risques, mais de savoir les éviter.
* Notes de l’auteur : Cette courte nouvelle (si encore on peut appeler cela ainsi) a été écrite en 2002 à l’occasion d’un concours ayant pour thème, vous l’aurez compris je pense : « le risque », mais finalement je ne l’ai jamais envoyée de peur de ne pas être à la hauteur avec ce sujet.
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