Simple désespoir mais pourquoi ?
Peut-on réellement déposer toute la haine, tout le désespoir, toute la souffrance d’une existence sur quelques feuilles de papier ? Je l’ignore, mais c’est pourtant ce que j’entreprend de faire ici, peut-être dans l’idée de pouvoir enfin me confier à quelqu’un, ou tout au moins à quelque chose. Jamais être vivante ne m’apporta plus grand réconfort que le fait d’écrire. Faute de trouver mieux je me suis vite inventée un monde meilleur avec simplement trois coups de stylo. Je n’ai plus jamais prononcé une seule parole inutile pour me consacrer corps et âme à l’écriture. Pour moi, une unique ambition : devenir écrivain, leur prouver que malgré tout le mal qu’ils m’ont fait, ils n’ont pas détruit jusqu’à mes rêves. C’est pour cela que chaque matin j’ai trouvé la force de me lever, de retenir mes larmes, et d’encaisser les coups , c’est dans l’espoir de devenir un jour écrivain. Raconter au monde entier pourquoi j’ai si souvent aspiré à la mort, pourquoi du christianisme j’ai rejoins le satanisme, et leur parler de ce petit bout de chou qui grandit secrètement en moi alors que je n’ai que quinze ans. Je ne sais pas si dans cela mes lecteurs trouveront leur propre intérêt, mais je l’espère car c’est pour eux que je me suis battue, pour leur faire passer mon message, je n’ai, au fond probablement vécu que pour ça.
Certaine que je pourrais porter toute la souffrance du monde en échange du bonheur des gens, j’ai souffert, oh oui j’ai souffert mais les autres aussi.
Nous étions des millions à pleurer sur le rebord d’une fenêtre, des millions à nous sentir seuls et à avoir des regrets. Mais pourquoi n’avons-nous même pas songé à ressembler ces personnes pour changer leur faiblesse en force ? Pourquoi ne nous sommes nous pas consolés mutuellement ?
Eh bien parce qu’un Homme qui a mal est avant tout un homme égoïste. Il songe d’abord à sa propre souffrance et hait ceux qui sont heureux. Cet homme ne sait pas que le bonheur ça se mérite…
Moi, j’ai choisi de souffrir à la place de ces millions de personnes, j’ai demandé à être la seule à pleurer sur le rebord d’une fenêtre, et j’ai été assez naïve pour y croire. Que des milliards de larmes peuplent mes paupières ne me dérangeait nullement.
Mais un jour, un homme est arrivé, il s’est accoudé contre le rebord de ma fenêtre, le regard perdu vers l’horizon il a dit :
« Même Jésus n’a pas réussi à expier les péchés commis par l’espèce humaine, et toi, toi qui n’est rien, que crois-tu que tu seras capable de faire ? »
Il m’a fallu laisser s’écouler d’interminables minutes avant de murmurer :
« Mais moi, mon propre bonheur je le puise dans celui des autres, il suffit que je vois un sourire s’esquisser sur un visage pour qu’aucune souffrance ne puisse m’atteindre ! ».
Le jeune homme avait déjà disparu mais j’entendis au loin :
« Alors si ce n’est pas toi qui souffre, dis moi à qui appartiennent ces larmes ? »
C’est ainsi qu’autour de moi tout s’est écroulé… L’horizon ensoleillé est devenu crépusculaire, le pastel de mes rêves s’est changé en noir , et :
« Samaël, tendre guide de mes tristes journées
Profanateur d’un monde sans foi
Laisse moi emprunter ta noble identité
Afin de t’attirer vers la gloire avec moi »
furent mes paroles.
Je venais de tourner une page de ma vie, j’ignorais si la nouvelle serait plus prometteuse que la précédente, mais pour être franche, en ce temps-là cela m’importait peu pour ne pas dire pas du tout. Aujourd’hui une question particulière se pose à moi :
« Pourquoi me suis-je soudainement identifiée à Samaël ? »
Il est vrai que Samaël est haut placé dans le gouvernement infernal, très haut placé en effet, il n’en fut pas moins détrôné par Belzébuth… Mais Samaël reste un doux prénom lorsqu’on ignore à qui il a appartenu, il rappelle celui d’un ange et donc ce qu’il y a de plus pur sur cet univers, ange certes, ange déchu quand même. Ce fut lui qui changea le destin des hommes en corrompant Adam et Eve, sous l’apparence d’un serpent enchanteur.
Quelle intelligence supérieure à la sienne ?
Quel combat plus somptueux que le sien ?
L’évolution humaine est à jamais limitée à cause des idées préconçues, comme mettre le Diable d’un côté et Dieu de l’autre, se servir des croyances pour satisfaire leur propre désir, et pire diviser l’homme en plusieurs espèces.
Je n’ai jamais fait parti de ces gens-là, en tous cas je me battais contre leurs opinions qui me semblaient bien dérisoires, j’avais néanmoins besoin de m’identifier à une entité réelle ou non.
Après tout, le monde croit en ce qu’il veut bien croire.
Me baptiser moi même Samaël, c’était faire une croix sur mon passé de fille modèle, me tourner vers quelque chose de différent qui m’apporterait davantage, peut-être avais-je des ambitions encore plus audacieuses, surtout je voulais oublier qui j’avais vraiment été jusque là.
Cela peut à présent paraître très naïf mais ça ne l’était pas à mes yeux.
A partir de ce jour, on ne me vit plus m’agenouiller sur les premiers rangs de l’église. On ne me vit plus assise sur les marches d’un escalier attendant le salut, attendant que la maison de Dieu se déserte pour y entrer à mon tour plonger ma main droite dans l’eau bénite, faire un signe de croix
[…]
* Notes de l’auteur : J’ai rédigé cette nouvelle courant 2000 je pense ( j’ai toujours du mal à me souvenir des dates exactes ), s’il n’y a pas la fin ici c’est que je l’ai laissée dans le sud lors de mon déménagement alors il faudra attendre encore un peu, pour ceux que cela intéressent – s’il y en a bien sûr !- ‘^^
Ce texte a été écrit lorsque je traversais une mauvaise période de ma vie…
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