Complainte des six lances



Avertissement
L'homme est cinq parce que son pouce assoit mais neuf en apparence.
Six s'il attend, s'il se fige. Mais trois de cœur à demeure, car jamais il ne décroît sans germe.

Première Lance

J'en ai vu des culs, des culs de basse fosse
j'ai même entendu les ricanements et les faux semblants
Au gré des faucilles de la Lune

Compère, ma foi, j'ai six bouteilles
Six à revendre
Et partage de bon cœur avec toi le fruit de ma treille
Car c'est ici que je veux finir !
Entre leur cul et celui des filles !

Quand la pluie noire inondera la terre
C'est en nombre impair que s'étaleront les os
Quand la plus noire des ombres épousera la colombe
En tristes noces
La Roue aura encore une fois tournée

Ce ne sera plus le Veneur qui ira aux novices
Mais les frères qui iront au Veneur
Le Veneur ne sera plus un, mais plusieurs,
Et cependant unique en sa coiffe et ses mains.

D'autres auront percé le secret des chimères
Mais pas celui des six vers
Absorbant sans tâche, ce breuvage amer

Finies les foires de Champagne
Une bure décatie, un buste très beau
La foi en la rage
L'orage de la loi
Le pur ombrage

Il nous avait déjà dit
Que venir est son combat
Parler est sa force
Se taire est sa douleur
( oublier est parfois sa candeur )

Deuxième Lance

Du plus profond des âges
L'homme en noir jeta son bâton de marche
Son sceptre des derniers jours
Et mis la noirceur sur son regard

D'un pas pâle il s'avance
Et bois nos projets, nos rêves
Comme une stance

" Je n'ai que faire de votre immortelle errance "
Scanda-t-il dans les déboires de sa sinistre préséance

Les frères écoutaient mais jamais ne se taisaient
Entendaient-ils l'heure de leur châtiment ?
Hors, il advint qu'ils se séparèrent
Et la caravane démantelèrent

Il est donc en juste ton, et de bon aloi de le prédire
Car si bien ne fait pas de bruit
Bruit ne fait pas de bien

Troisième Lance

Aujourd'hui je sais qu'une nuit étoilée
Dans une vaste clairière
En une riante vallée
L'armée est allée
Mourir

Le corbeau s'exalta, les sangliers s'ébrouèrent
La dame chasseresse défait de ses liens aux quatre vents
Sait-elle que
" Levrier sous un buisson ardent, s'arrête sous le gibet,
tandis qu'en ville le chat gris
né dans la gouttière

On n'a qu'à croire ! et se défier, car l'arme, à moi, ment.
Les chiens aboient, le jour décroît, la nuit augmente, souviens-toi
Les enfants d'Enderos à jamais soufflent et régalent l'été qui s'enfuit
L'espoir vacille, l'espérance l'oublie

Je crois en ces histoires qui parfois se terminent
Et pleure ce fou sans roi qui érige et qui fulmine

" Qui entre dans la Tour entre dans l'arène
qui entre dans l'amour entre dans la haine "

Il m'oublie, il mot dit :
Celui qui un jour fit crouler le Chariot
rendit grâce au Très Haut "

François (décembre 1997), Gardien du boisseau, Chevalier de la Lune.
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