Saloua CHARFI
Tunis
Reportage
Publié par la revue Réalités
N°758 du 29/6 au 5/7/2000

Liban : Libération du Sud

« I have a dream »

Nakoura, Dhaïra, Yarim, Aita-châab, Bint Jb’eil, Khiam, kafr Kala, Marjayoun… autant de hameaux ou « daïa », grands comme un tout petit quartier, parsemés ça et là de constructions qui tiennent à peine debout sur une terre presque déserte et en jachère.

Une terre brûlée ! Voilà donc le cadeau empoisonné offert par Israël aux Libanais le 24 mai 2000 après 22 années d’occupation.

La randonnée cahotante de 12 heures que nous avons effectuée dans les villages libérés du Sud Liban nous a laissé un arrière-goût amer

Aujourd’hui 17 juin à 7heures, au moment où le dernier soldat israélien quitte le Sud-Liban, nous foulons enfin, le souffle retenu, cette terre si précieuse. Nous n’avons plus les pieds sur terre, emportés par la foule qui nous traîne et nous entraîne, et assaillis par des souvenirs impitoyables.

Il y’a 22 ans, j’étais ici, guidée par un palestinien qui s’appelait Gharib (étranger) un nom de guerre évidemment. J’étais fascinée par les combattans dissimulés dans la citadelle de Saladin ( kaalât Arnoun) perchée au sommet de la montagne. Le cœur battant la chamade, je scrutais fiévreusement avec des jumelles les patrouilles de Saâd haddad, premier chef collabo d’Israël. Je m’agrippais aux jumelles malgré les avertissements des combattants. Je risquais d’être tirée comme un lapin à tout moment. Je cherchais à comprendre pourquoi un libanais accepte de collaborer avec l’ennemi.

Depuis beaucoup de sang a coulé sur cette terre prédestinée à cette tragédie par la force de l’histoire et de la géographie.

En 1982, j’assistais comme dans un cauchemar à l’entrée triomphale de Bégin dans cette même citadelle. Les Palestiniens étaient parqués au stade de Beyrouth, en guenilles, attendant sous le soleil impitoyable du mois d’août les bateaux qui devaient les emmener vers Tunis.

Encore un départ !

A BAOUABET FATMA ON LAPIDE LE DIABLE!


Aujourd’hui, ce sont les Israéliens qui s’en vont, qui plutôt s’enfuient sans demander leurs restes et les Libanais, éternels réfugiés sur leur propre terre, affluent par milliers vers ce sud, que certains n’ont jamais connu. Ils se pincent encore les uns les autres pour être sûrs qu’il ne s’agit pas d’un rêve. Entendu devant le portail de Fatma, un homme qui demande à son compagnon : « pince-moi mon frère, je crois rêver » Mais aussi la voix voilée de tristesse de quelqu’un qui a perdu des êtres chers : « Tout çà pour ce petit bout de terre… ! »

Maintenant les jeunes entament leur jeu préféré : les jets de pierres en direction des soldats israéliens par-dessus les barbelés. Les Israéliens courbent l’échine pour éviter d’être touchés.

Excités par l’ambiance, nous répondons au milicien du Hezbollah qui nous demandant en plaisantant pourquoi nous sommes venus de si loin : « nous sommes en pèlerinage et nous venons lapider le diable, que diable ! » Et nous joignons le geste à la parole. Ridicule évidemment avec le recul, mais sur le moment c’était grisant de pouvoir enfin rendre un peu la politesse aux israéliens, faute du pire, c’est le moindre mal !

Des groupes de jeunes grimpent sur le toit d’une mansarde et agitent le drapeau du Hezbollah. Tiens, nous n’avons pas encore vu de drapeaux libanais ! Le geste de triomphe est adressé aux habitants d’une proprette colonie israélienne dont on distingue nettement les maisonnettes blanches aux toits en tuiles rouges, aux rues impeccablement tracées, mais dont les fenêtres restent obstinément closes, à la déception des lapidateurs qui se mettent à hurler de dépit : « Espèces de lâches si vous êtes des hommes montrez-vous »

Chaleur, poussière, hurlements, bousculades… l’ambiance bon enfant s’électrifie soudain, les injures frôlent la grossièreté, le mouvement de jets s’intensifie, les pierres sont plus grosses, quelqu’un tire en l’air on ne sait de quel côté, les miliciens du Hezbollah accourent et somment la foule de se disperser. Tiens, nous n’avons pas encore rencontré de soldats libanais réguliers non plus !

Un bulldozer surgit, des ouvriers attachent des fils de fer aux poutres d’une cabane surélevée, le bulldozer recule et la cabane s’effondre dans un bruit assourdissant. Des you-you éclatent, la foule hurle d’une seule voix « Allaho Akbar »(Dieu est grand) le dernier vestige de l’occupation israélienne vient de disparaître. Cela fait un peu Berlin Est-Berlin Ouest ! L’émotion est à son comble et tout le monde veut participer à la destruction des barbelés. Le territoire libanais vient de récupérer quelques mètres carrés ! Une jeune maman, les larmes aux yeux, s’adresse à son enfant : « Regarde, mon chéri, ça c’est un israélien, hier il était là où nous sommes. Que dieu l’éloigne chaque jour un peu plus » l’enfant lève vers sa mère un regard vide…un bébé de quelques mois !

A AUSCHWITZ : LE BAGNE DE KHIAM

La route étroite, cahoteuse et rocailleuse serpente interminablement au milieu des champs envahis par une végétation sauvage, nous avons l’impression de tourner en rond : « Mais non, nous rassure le chauffeur, c’est que tous les hameaux se ressemblent » Il ajoute d’une voix basse et triste : « Tout cela pour ce petit bout de terre… » Du déjà entendu !

Nous roulons, sous un soleil de plomb, en direction du fameux et sinistre camp de détention de Khiam. Un portail noir surplombant la colline la plus haute apparaît soudain, suivi d’un flot de musique militaire diffusée à grand débit par les miliciens de Hezbollah qui montent la garde de ce désormais musée de l’horreur de l’occupation. Les paroles chantent les louanges de Hasan Nasrallah, le chef du hezb et de houcine fils de l’Imam Ali, figure emblématique chiite. Amalgame fort réussi. « Ô! Houcine maître des martyrs, Ô! Hasan maître des résistants »

L’air est lourd, la poussière s’abat d’on ne sait où, les yeux picotent, on transpire à sceaux, larmes et sueur se mélangent. Emus et par pudeur, nous évitons de nous regarder ou de commenter.

Dans la cour de la prison, la télévision interview les visiteurs. Une jeune fille bouleversée crie sa haine et sa douleur : « la moindre des punitions que l’on puisse infliger aux collabos, c’est de les emprisonner ici même. Qu’ils endurent ce qu’ils ont fait endurer à nos frères… » la voix de la jeune fille se voile, elle éclate en sanglots et se précipite vers la sortie.

Le spectacle qui s’offre à nos yeux est pénible. Il ne s’agit pas d’une prison ordinaire. Ici c’est Auschwitz ! C’est indescriptible, cela rappelle le bagne de la goulette, difficile de trouver les mots vraiment difficile! Une odeur fétide nous prend à la gorge dés que nous nous approchons des cellules. Pourtant cela fait au moins 20 jours que portes et fenêtres sont ouvertes, plutôt défoncées. Dans leur précipitation, israéliens et collabos avaient oublié de libérer les détenus. 24 heures plus tard, la population a envahi la prison, défoncé les portes et tout saccagé, surtout les appareils de torture. Dommage pour l’histoire ! Les prisonniers ont évidemment quitté la prison sans faire le ménage. Du coup, la scène s’est figée sur ce dramatique flash de ce jeudi 25 mai 2000 à 10 heures du matin. Couvertures en boules ou jetées à terre, savates dépareillées, éparpillées, linge étendu, bouteilles d’eau suspendues aux fenêtres… Même l’odeur refuse de quitter ces lieux maudits. On nous demande de ne pas rester plus de 5 minutes dans les cellules et de ne toucher à rien, le risque d’infection étant important.

Haydar ancien détenu nous offre une visite guidée. Il récite sa leçon. Les anciens prisonniers assurent depuis la libération une permanence pour accueillir les visiteurs et les guider. Ce que raconte Haydar est archi-connu, cent fois lu ou entendu. N’empêche cela fait très mal et l’on a envie de lui demander d’arrêter. Il était en train de décrire une scène de torture pas particulièrement méchante, lorsqu’un des auditeurs s’évanouit. Haydar nepeut plus poursuivre son récit, il tremble de la tête aux pieds et transpire. Deux miliciens accourent, le prennent avec précaution par les bras et l’éloignent de la foule. Il avance en titubant comme un aveugle.

ETAT ES-TU LA ?

Nous nous enfuyons lâchement et nous nous engouffrons de nouveau dans les interminables sentiers des interminables hameaux, bariolés à saturation par les drapeaux du Hezbollah et ceux du mouvement Amal, par les portraits de Nasrallah, Nébih Berri, Moussa Sadr, Assad et son fils, par les maquettes géantes en carton pâte de Khoumeiny, par les étoiles de David percée au centre par flèches et canons par des restes de drapeaux israéliens et américains calcinés par des banderoles et graffitis de circonstance qui ne dureront que ce que dure toute euphorie. Jugez-en : « Le sang a vaincu l’épée » « La cohabitation chiîte-chrétienne est un trésor à sauvegarder » « Nous sommes orphelins de Assad » « assad tu es parti à un moment crucial »… tout y est sauf l’Etat libanais ! Une fois, une seule, nous avons réussi à déchiffrer sur une pancarte : « la municipalité de Nokoura vous souhaite la bienvenue » et quelqu’un a ajouté au crayon : « République libanaise ». Notre « périple » a pourtant couvert 90% du territoire libéré.

Les restes du décor planté par les Libanais pour fêter la libération du Sud, qui leur est tombé dessus sans crier gare, témoignent de la fièvre qui s’est emparée de la population à l’annonce du miracle, mais tout comme au lendemain des dîners bien arrosés on se réveille avec la gueule de bois, les Libanais découvrent maintenant stupéfaits et indignés, la misère poignante de leur sud. Pourtant le sud, comme la plupart des suds dans le monde, a toujours été misérable, mais il était habité et ses terres étaient cultivées. « Maintenant nous ne pouvons plus nous voiler la face. Nous devons affronter cette misère sinon l’ennemi reviendra au galop, car si certains ont collaboré avec l’ennemi c’est justement pour fuir la misère » Nous affirme un jeune milicien en récitant son discours d’un trait avec ce langage propre aux vieux politiciens de chez nous mais spécifique aux orientaux quel que soit leur âge.

Ici on veillit prématurément, sinon on grossit. Entendu dans restaurant beyrouthien, un obèse, fort sympathique comme de coutume, affirmant à ses compagnons de table : "Dans ma famille on grossit quand on a des problèmes. Alors moi après 20 ans de guerre et un mariage j’ai pris 60 kilos »

Les gens du sud ne peuvent par contre pas se permettre le luxe de prendre du poids quel que soit le nombre de mariages et d’enterrements qu’ils peuvent collectionner. Vivant essentiellement de la récolte du tabac, d’amour de la patrie pour certains et d’eau fraîche vendue à 2 dollars le m3 par Israël pour d’autres, ils triment du matin au soir pour récolter et faire sécher les feuilles de tabac en contre partie d’un plat de pois-chiche, d’une tomate et d’un oignon !

A UNE ENJAMBEE DE LA PALESTINE

A Dhaira, à un kilomètre de zarait, colonie israélienne en Palestine occupée, et sous l’œil placide de soldats israéliens joufflus, à la peau rose et à l’uniforme astiqué, patrouillant de l’autre côté des barbelés, une famille libano-palestinienne sunnite, tente tant bien que mal d’assurer sa subsistance de la journée.

Assis à même le sol, devant leur maison délabrée, trois jeunes garçons en guenilles et noirs de poussière, deux jeunes filles belles comme le jour et se grattant sans cesse les cheveux et la peau, la maman qui fait beaucoup plus que son âge, édentée et en haillons, le père encore plus mal loti, tous maigrichons, nous accueillent comme l’exige la légendaire générosité arabe. Sortis d’on ne sait où, des verres remplis d’eau gazeuse fraîche atterrissent devant nous. Ils déballent leur « biographie » sans même qu’on le leur demande : «Nous avons résisté pendant 22 ans face à ceux-là (ils montrent les Israéliens du doigt en faisant une moue de mépris) Nous étions souvent pris entre deux feux : la katioucha des résistants quand ils visaient mal et la riposte de ceux-là quand ils faisaient semblant de viser mal. Nous avons tenu le coup juste pour pouvoir aller de temps à autre serrer la main à nos cousins de l’autre côté des barbelés ou leur présenter nos félicitations ou nos condoléances par haut-parleur interposé quand il y’avait un mariage ou un décès" Raconte la maman en souriant.

Il faut préciser que « là-bas » c’est juste de l’autre côté de la chaussée, une chaussée en outre très étroite ! Une enjambée disent les Libanais. Un confrère venu de Beyrouth réplique : « Vous êtes vraiment forts, à votre place je serais mort de dépit de voir mon pays si prés sans pouvoir y entrer » La maman rétorque avec un flegme à faire pâlir un anglais de jalousie : « Tu es encore bien vivant après 24 ans d’occupation syrienne. On ne meurt pas de ça, on meurt d’une balle perdue, de faim ou de soif. C’est ce qui risque de nous arriver bientôt si l’Etat continue à faire de la politique sur notre dos »

Voilà, le mot est lâché ! Partout où nous allons, on nous parle de faim, de soif, de chômage et d’insécurité. Qu’ils soient sunnites, chiites ou chrétiens, les gens du sud sont logés à la même enseigne. Du moment qu’ils sont encore là cela signifie qu’ils ne sont pas des collabos, ceux-ci sont soit en Israël soit en prison ? Ceux qui sont restés ont donc généralement subis pendant 22 ans les pires humiliations et privations de la part des collabos et des israéliens.

APATRIDES DANS UN NO MAN'S LAND

Vivant dans une sorte de no man’s land, ils étaient des apatrides, sans terre pour les Palestiniens, sans Etat pour les Libanais. Les premiers ne pouvant franchir la frontière pour rentrer chez eux, les seconds obtenaient difficilement un laissez-passer pour aller à Tyr ou à Beyrouth rendre visite aux parents. Ils étaient suspectés de part et d’autre : collabos pour les Libanais, œil de Hezbollah pour les Israéliens.
Au sud les voitures ne sont pas immatriculées. Un spectacle bizarre ces voitures fantômes, borgnes qui circulent tranquillement comme si de rien n’était. C’est comme une personne sans nom. Il y’a des moments dans la vie où l’on remercie Dieu d’être fiché. Cela veut dire que l’on existe, que l’on a une loi, une nationalité et un Etat qui, malgré tout, nous protège les uns des autres. C’est qu’ici les gens ont peur les uns des autres. Les chiites ont peur des sunnites qui leur en veulent de s’être enrichis et « anoblis » grâce à la manne iranienne en oubliant leurs « frères » sunnites. Les sunnites ont peur des chrétiens qui risquent à tout moment de prendre les armes pour venger leurs enfants accusés de collaboration et jetés en prison. Ils ne feront pas la différence entre chiites maîtres des lieux et sunnites « Dans le malheur nous sommes tous des musulmans aux yeux de l’ennemi » explique un sunnite. Quant aux chrétiens, ils ont peur de tout le monde : des libanais en général, de la résistance, des syriens et même d’Israël. Ils vivent dans la terreur. Chaque jour des miliciens viennent chercher des jeunes dans les villages chrétiens. Motif : collaboration avec l’ennemi. « Ils savent pourtant bien, nous dit une chrétienne les larmes aux yeux, que nos enfants ont souvent été obligés à collaborer. Eux aussi ont vécu cela. Ceux qui refusent on dynamite leur maison, et c’est le moindre mal, sinon on les assassine. Aujourd’hui il faut pardonner et tourner la page. Rendez-nous nos enfants ! »
Quels enfants ? Ces enfants du no man’s land ont-ils jamais été enfants ! Ils sont nés déjà vieux ! La plupart de ceux qui sont nés sous l’occupation n’ont jamais été à l’école. « Quelle école ?! » nous lance un jeune avec dépit. Evidemment nos questions sont parfois stupides. C’est que nos références sont parfois étrangères aux leurs. A partir du moment où l’Etat n’existe pas, qui construira les écoles ? Qui formulera les programmes ?
Le conseil du Sud, instance étatique, a réussi à faire passer assez d’argent pour construire une école, une seule. Certains enfants doivent faire plusieurs kilomètres pour y arriver et donc certaines familles renoncent à y envoyer leurs filles. De plus, cette école est souvent fermée à cause des bombardements.

Agents-doubles, faim et soif

Faim, soif, analphabétisme, chômage, terre en jachère, villages déserts, enfants « collabos » en prison, tel est l’héritage de 22 ans d’occupation.

Nous avons mis le mot collabo entre guillemets parce que beaucoup de jeunes ont été enrôlés de force par l’Armée du Liban Sud de Lahad, selon le témoignage même des agents doubles. Ceux-là sont des agents de la sécurité libanaise infiltrés dans l’ALS : « c’est ce qui explique, nous affirme l’un d’entre eux sous couvert d’anonymat, que les collabos n’ont pas été lynchés par la population. On ne sait pas qui est qui ! La résistance les a donc remis aux mains de la police libanaise. C’est à la justice de se prononcer. Notre témoignage sera sans doute capital »

Les gros bonnets et collabos volontaires ont bien entendu pris la poudre d’escampette. Ils se sont réfugiés en Israël. Ils vivaient très bien ici sous l’occupation. Les quelques villas luxueuses qui dénotent dramatiquement avec les chaumières leur appartenaient. Maintenant elles sont sous scellés.

Bien sûr dans ce genre de situation beaucoup d’histoires circulent, les mythes et les légendes sont classiques, mais d’autres sont de toute autre nature. Un agent double nous a raconté en long et en large le fructueux trafic de drogue auquel se livraient des officiers israéliens. Mais c’est une autre paire de manche.

Le plus important est cet appel de détresse lancé par les Libanais du Sud, surtout les chrétiens : « Dites à notre Etat de marquer sa présence le plus vite possible. Nous voulons voir l’armée libanaise patrouiller ici. Dites au Monde que nous avons faim et soif, nous n’avons ni eau ni électricité ni hôpitaux ni écoles ni travail. C’est une honte pour l’humanité ! »

19 heures, nous sommes à Tyr, ville pas très recommandable il y’a seulement 24 jours puisqu’elle était le dernier coin libre du Liban, le front donc ! Maintenant Tyr est loin de l’ennemi par rapport aux villages que nous venons de visiter et qui sont à une « enjambée » des israéliens.

Il fait très beau à Tyr, on lézarde encore sur la plage surpeuplée ou bien on fait son jogging sur l’immense corniche construite par Bahia Hariri, députée pour la ville de Saida (Sidon) et sœur de l’ancien Premier ministre, le richissime Rafik Hariri. Pour construire cette corniche il a fallu grignoter une partie de la plage déjà assez étroite. J’en fais la remarque, mon collègue se contente de hausser les épaules et le chauffeur se met à rire en me faisant remarquer que : « La corniche est si belle… » Les entorses faites à l’environnement au Liban sont nombreuses mais la question ne semble pas prioritaire pour les Libanais qui vivent des problèmes autrement plus graves.

Les voitures rutilantes des touristes des pays du Golf roulent à tombeau ouvert sur la nouvelle autoroute toute pimpante construite par Rafik Hariri, elles se dirigent vers Beyrouth après le pèlerinage du sud. Sur la voie opposée un embouteillage d’enfer et des klaxons assourdissants typiquement libanais. L’armée, oui enfin elle est là, fait la sourde oreille. L’embouteillage est une spécificité libanaise à toute heure du jour et de la nuit. Les routes sont trop étroites, le transport en commun est quasi-inexistant et les Libanais sortent beaucoup !

De luxueuses villas d’immigrés surplombent la route encombrée de toutes sortes d’échoppes et de restaurants. Et la vie continue ainsi, clean et voluptueuse jusqu’au point culminant du luxe-tape-à-l’œil et insultant du fameux quartier de Ramlet El Baidha à Beyrouth où l’appartement se vend à un demi-milliard de nos millimes ( un demi-million de dollars). Et enfin au cœur de Beyrouth tout se calme.

Un silence à la fois apaisant et effrayant vous tombe dessus sans prévenir. C’est que tout le monde fait le pèlerinage du week-end au sud. On n’a cesse d’y revenir comme pour s’assurer que ce n’était pas un rêve.

« I have a dream », il y’a 22 ans, tout comme Martin Luther King.