Joseph Lavoie



Derrière ses petites lunettes cerclées Alphonse-Joseph Lavoie cache une très grande force de caractère et une volonté inflexible.
Un Génie Inventif

Joseph Lavoie est né à Longueuil en 1876. Membre de la Society of Automotive Engineers, et pourvu d'un génie inventif particulier, il signe plusieurs brevets d'invention. Il fit entre autre deux études d'ensemble d'un réseau de transport à Montréal: Le premier, une version nouvelle du système de tramways alors existant, visait une meilleure efficacité de la circulation. Le second de plus grand envergure était intitulé «Montréal et ses problèmes de transport en commun». Terminé en 1925, cette étude proposait entre autres choses, le tracé d'un boulevard le long du port et la construction d'un nouveau pont sur la rive-sud (Joseph Lavoie resta d'ailleurs toujours persuadé qu'on avait utilisé ses plans, sans son consentement, pour la construction du pont Jacques-Cartier).
Avant que la Première Guerre Mondiale n'éclate, Joseph crée un des tout premiers moteurs V-6 qu'il adapte dans un châssis de Stanley Steamer, histoire de voir les résultats sur route. Plus tard, durant cette Grande Guerre, il développe des moteurs d'avion en Angleterre poussant l'audace jusqu'à les essayer lui-même en pilotant l'avion qui en est équipé! De retour à Montréal, il développe un mandrin fonctionnant à l'air comprimé pour maintenir en place les douilles d'obus.
Il perfectionne ensuite un moteur 2 cylindres à configuration en V incorporant, chose rare à l'époque, une culasse d'une seule pièce recouvrant les deux blocs cylindres. Ce moteur idéal pour l'après-guerre fonctionne à la perfection. Cependant, un différent entre Joseph et ses employeurs conduit finalement à l'abandon du projet.

Une vue très rare de la Lavoie. Ce dessin a été réalisé pour un dépliant publicitaire (qui ne vit pas le jour) pour la promotion de la voiture.
La Lavoie Sedan 1923

En 1918, Lavoie veut créer sa propre voiture. Il la voit puissante, solide, et facile d'entretien. Bref, la voiture idéale pour vaincre le rude climat du Québec. Il ramasse alors tous ses plans et croquis, rassemble ses économies et loue un petit local sur de Lorimier, près d'Ontario, à Montréal. Transformé en atelier mécanique c'est dans ce petit endroit que Joseph Lavoie verra naître son rêve.
Lavoie, aussi homme d'affaires, a déjà fait imprimer des certificats d'actions que son talent de vendeur lui permet d'écouler et il recrute ainsi assez d'investiseurs pour continuer son travail durant 5 ans. Ainsi, quelques centaines de Québécois deviennent actionnaires de la firme automobile Lavoie.
Lorsqu'il n'est pas occupé à vendre des actions, Lavoie retrousse des manches et travaille ardamment à son projet avec son frère Ernest et quelques amis, lorsqu'il peut les payer.

L'entreprise progresse lentement et avec certaines difficultés. En effet, le coulage et l'usinage de certains composants ne pouvant être exécuté à l'intérieur des locaux trop petits, Joseph doit se tourner vers une sous-traitance souvent réticente. Aussi, les essais sont quelques fois infructueux, et le travail doit être parfois recommencé.
Lavoie n'abandonne jamais; c'est un véritable bourreau de travail. Il poursuit son labeur souvent jusqu'aux petites heures du matin, et ce, en oubliant même les repas.
Tous les composantes de la voiture, à l'exception du châssis qui provient d'une vieille Mercer, sont l'oeuvre de Lavoie et de son équipe.


La photo la plus connue de la Lavoie Sedan 1923 originaire de Montréal. Les chaînes aux quatre roues témoignent du désir de robustesse de Lavoie.
Fiche technique de la Sedan Lavoie 1923
Moteur: 4 cylindres, comportant chacun 2 soupapes d'échappement et une d'admission
Cylindrée: 179.8 pc
Alésage: 3 3/8 po
Course: 5 po
Pistons: en aluminium à surface inclinée à 15 degrés par rapport à la bougie
Compression: environ 4 à 1
Freins: à action interne; mécaniques aux 4 roues et comportant chacun 4 sabots à centrage automatique (fonctionnent même si le revêtement est complètement usé)
Vitesse max: 35 mph
Pneus: Cord 32 X 4
Garantie: complète pour 2 ans
...et beaucoup d'autres innovations

En 1922, la voiture est terminé. Pour pouvoir la conduire, Lavoie pare celle-ci d'une vieille carosserie Touring (sans la capote) et se lance à l'assaut des routes.
La voiture est quelque peu lente (vitesse maximale de 35mph), mais elle fonctionne très bien. Lavoie l'utilise souvent et n'hésite jamais à la prêter aux actionnaires qui en manifestent le désir. La voiture sera finalement entreposée dans le petit garage situé derrière sa maison, qui est aussi l'adresse de la Lavoie Automotive Devices Ltd.

Lavoie n'a plus de liquidité pour lancer la production en série, et ne possède aucun réseau de vente. Son seul espoir lui semble être le Salon de l'automobille de Montréal qui se tiendra en 1923.
Pour ce faire, cependant, la voiture doit avoir une carosserie bien à elle, une carosserie fermée. Lavoie et quelques-uns de ses ouvriers entreprennent donc de fabriquer une carosserie en se servant de feuilles de tôle qu'ils forment à la main. Des feuilles d"aluminium sont ensuite martelées pour former les ailes. Le radiateur et le capot seront eux, prélevés sur une vieille voiture.

La voiture à malheureusement l'apparence d'une boite carrée. Apparence beaucoup plus marquée que ses congénères de l'époque! Elle attire les railleries des Montréalais, et les visiteurs du Salon de l'automobile de 1923 transforment les espoirs de Lavoie en cauchemar.
C'est à toute fin pratique la fin de La Lavoie. Les derniers actionnaires commandent chacun une voiture, mais Lavoie réalise que le défi est impossible à relever.
La firme s'écroule et Lavoie perd tout sauf sa maison et l'unique exemplaire de la voiture qui l'a précipité dans ce gouffre.

Une très rare photo de l'autobus Lavoie, justement sous lequel Lavoie attrapa son «coup de mort» au début de 1941.
Un Dernier Défi

Lavoie ne peut résister et recommence une dernière aventure de son cru. En 1934, en pleine crise économique, il fonde la Compagnie Lavoie et débute les plans d'un autobus routier grand confort.
Après quelques années de travail, un prototype était prêt en 1940. Mais un jour de l'hiver 1941, alors qu'il travaillait sous son autobus, Lavoie prit froid (il avait alors 65 ans). Ce qui aurait pu n'être qu'un refroidissement se transforma en pleurésie, et Joseph Lavoie mourut (le 24 avril) comme il avait toujours vécu, les poches vides mais la tête pleine d'idées. Sa vie aura été marquée par d'authentiques succès mais, bien qu'éphémère, la création de la Lavoie aura été son chef-d'oeuvre.


Source: Perspective (Le Nouvelliste), 1974
«Je remercie M. Pierre de la Voye, Mme Lucie Lavoie, et M. Luc Mauviel Lavoie pour la documentation et les photographies qui ont été la base de ce texte.»

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