La période qui nous intéresse commence avec la fin du Premier concile du Vatican en 1870
Dans le renouveau spirituel de la fin du XIXe et du XXe siècles il y a deux phares: Thérèse de l'Enfant-Jésus et Charles de Foucauld. Ces deux figures spirituelles ont un impact profond. Nous en reparlerons.
Le renouveau spirituel qui s'amorce est tributaire du réveil spirituel du milieu du XIXe siècle dont nous avons parlé au dernier cours. Le renouveau spirituel de cette époque qui se rend jusqu'à nous va apporter des réponses nouvelles aux besoins du peuple de Dieu. Petit à petit la spiritualité va se dégager de sa médiocrité et de sa torpeur et d'un certain étouffement dans les pratiques que nous avons appelées spiritualité besogneuse. Thérèse de Lisieux a vécu ce sentiment d'étouffement dans la spiritualité.
Ce dégagement se fait par un retour à l'Évangile vécu au ras de la vie, débarrassé de tout ce qui s'y était ajouté: pratiques, consignes, exercices... Voilà la caractéristique principale de ce renouveau spirituel du XXe siècle. Cet aspect évangélique se manifeste dans la petite voie de Thérèse et aussi dans l'insistance de Charles de Foucauld sur la vie de Jésus à Nazareth.
Regardons un peu le contexte de notre période qui va de 1870 à aujourd'hui
1. Les principaux changements sociaux
1.1 La population
1.1.1 Accroissement
1.1.2 Émigration
1.2 Les nations
1.2.1 Les états nationaux
1.2.2 Les empires coloniaux
1.3 L'industrialisation
1.3.1 Montée du capitalisme
1.3.2 Les classes sociales
2. Un difficile dialogue
2.1 Problématique: l'Eglise dans le monde moderne
Que devient l'Eglise devant ces changements sociaux qui s'accélèrent au lieu de s'arrêter? l'Eglise doit s'adapter à la société autour d'elle?
Cette question avait déjà été posée au XIXème siècle d'une façon brutale et prophétique par Félicitée de Lamennais (1782-1854) qui y apportait une réponse positive dans son ensemble. Ses opinions furent condamnées d'abord en 1832 pour leurs "excès" par Grégoire XVI dans Mirari vos , puis en 1834 celui-ci revint à la charge et condamna Les paroles d'un croyant dans Singulari vos comme nous l'avons déjà dit
Le Père Le Guillou o.p. fait le jugement suivant (que j'accepte et fait mien volontiers):
"Avec une conscience quasi prophétique de l'évolution historique et de la dynamique sociale qui emporte le monde, Lamennais avait senti merveilleusement la façon de penser du monde moderne et sa structure d'action. Il avait compris que les conditions de la présence de l'Eglise au monde nouveau qui s'élaborait étaient la liberté, l'indépendance et la pauvreté. On ne peut que constater que la déchristianisation' du monde ouvrier coïncide tragiquement avec la condamnation des idées mennaisiennes ( article Lamennais dans Dictionnaire de spiritualité col. 154)
Malgré les condamnations, la question de l'adaptation de l'Eglise dans le monde va continuer de se poser dans tous les domaines: pastoral, dogmatique, scripturaire, social. elle va susciter de durs affrontements, des scissions mêmes et beaucoup de résignation dans certains cas (Dites qu'ils ont souffert à propos des intellectuels soupçonnés de modernisme comme le Père Lagrange et Blondel). Elle trouvera sa réponse lorsque le virage sera pris complètement avec la Constitution sur l'Eglise dans le monde de ce temps de Vatican II.
Le P. Louis Le Guillou termine son article sur Lamennais en écrivant:
"Oui, il a fallu attendre - quelque soit le jugement qu'on porte sur le fait - trois quarts de siècle pour avoir, bon gré, mal gré, dans la tourmente et la douleur, la séparation de l'Eglise et de l'État. Il a fallu un siècle et demi pour qu'à travers les terribles crises renanienne et moderniste soit reconnu par le Concile Vatican II la liberté religieuse, et pour que Pacem in terris affirme l'importance du droit naturel". (Ibidem col. 155)
Voici sommairement les principaux terrains où s'est développé le difficile dialogue.
- Le première est plus pastoral et spirituel et nous le développerons plus longuement, c'est l'américanisme
- le second est plutôt doctrinal et concerne surtout la réflexion théologique et biblique, c'est le modernisme
- enfin le troisième est plus social et concerne l'apostolat des laïcs, c'est l'Action catholique
2.2 L'Américanisme
Le dialogue avec le monde moderne va trouver un terrain propice dans l'Amérique du XIXème siècle , aux États-Unis où les immigrants irlandais catholiques, et ceux d'autres nationalités venus d'Europe en masse, entrent de plein pied dans ce monde nouveau, et où, loin de bouder la technique et les valeurs de démocratie et de liberté d'expression, etc., on va s'attacher à prendre sa place dans comme citoyen à part entière dans la cité terrestre et travailler à la construire en solidarité les autres et dans le respect des opinions différentes.
2.2.1 Pour une pastorale adaptée au monde moderne: le P. Hecker (1819-1888)
Le principal porte-parole de ce dialogue ouvert avec le monde nouveau est le Père Isaac-Thomas Hecker (1819-1888), appuyé par l'évêque de Baltimore qui est un des premiers diocèses catholiques des États-Unis.
Le Père Hecker, d'abord rédemptoriste se consacre à la prédication dans sa communauté. Il se sent alors appelé à une implication plus prononcée dans les communications sociales. Avec quelques amis, il va fonder une nouvelle congrégation, les Paulistes ( les prêtres missionnaires de Saint Paul, , en 1858. Cette congrégation s'implique dans la presse et l'édition. Le père Hecker veut présenter le catholicisme au peuple américain dans sa forme positive, en montrant que le catholicisme est capable d'intégrer les valeurs qui font l'ossature de la société américaine. Il voulait manifester les aspects modernes du catholicisme, pourrait-on dire. Quand il meurt en 1888, après une longue maladie, le cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore, écrit:" Peu d'hommes ont fait davantage que le P. Hecker pour servir l'Eglise à leur pays dans une lumière plus favorable et plus exacte". (Dictionnaire de Spiritualité, article Hecker col.128)
- La doctrine spirituelle du Père Hecker va insister sur la sanctification dans le quotidien plutôt que sur la séparation du monde. Il veut faire comprendre aux catholiques américains que la sainteté personnelle est aussi importante que la doctrine, si l'on veut que le catholicisme soit respecté dans un pays où la Bible est au coeur de la vie des citoyens et où les groupes religieux fondamentalistes, puritains et sévères pullulent. Dans un sermon sur saint Joseph, qu'il voit comme un modèle d'intégration dans le monde, il dira:
"Bien qu'il y ait d'aujourd'hui des martyrs, des ermites et des communautés monastiques, il est peu probable qu'ils représentent les types dominants de perfection chrétienne pour notre temps. De nos jours, on vit dans les centre commerciaux, les ateliers, les sociétés de toutes sorte et les diverses relations entre hommes; c'est là qu'il s'agit d'introduire la sainteté" (Ibidem col 129)
- Influencé par l'école du Père Louis Lallemant, il va prôner l'importance de la docilité et de la fidélité à l'action de l'Esprit saint.
"Cette présence plus intense du Saint-Esprit est possible et à la portée de tous. Elle n'exige pas de miracles, pas événements extraordinaires, pas de mesures spéciales ni de moyens nouveaux, aucune perturbation dans les occupations de tous les jours; elle exige simplement que l'âme fasse de plus en plus attention à l'action du Saint-Esprit et qu'elle soit de plus en plus fidèle à ses inspirations. Ce qui ne peut manquer de se produire des que l'on comprend l'importance, le caractère véritable, les joies et les fruits de ce règne intérieur" (Ibidem, col. 129)
Le Père Hecker a eu beaucoup de succès. Beaucoup de prêtres et plusieurs évêques le suivaient dans cette voie. Sa perspective a continué d'inspirer les catholiques américains après sa mort. Il est toujours demeuré attaché à l'Eglise. Sa doctrine spirituelle est demeurée saine et son expérience personnelle est celle d'un mystique authentique. Mais, une controverse s'est développée en Europe après sa mort à l'occasion de la parution d'une biographie du Père Hecker qui a amené le pape Léon XIII à condamner une hérésie spirituelle qu'il a appelé l'américanisme, mais qui en pratique a peu à faire avec l'enseignement et la doctrine du P. Hecker.
2.2.2 La controverse en Europe
Après la mort du P. Hecker en 1888, une biographie est publiée en Europe par un de ses admirateurs, le P. Klein, en 1897. Le P. Hecker y est présenté comme un apôtre des temps modernes. Dans le contexte européen, on ne comprend pas cette attitude d'ouverture à la démocratie, à la liberté d'expression. Ainsi, se met en branle une campagne des catholiques conservateurs contre les valeurs américaines. Le P. Charles Maignen met le feu aux poudres par une série d'articles qu'il rassemble en mai 1898 dans un livre intitulé: Le Père Hecker est-il un saint? Pour eux l'américanisme est l'amour exagéré d'un catholique américain envers son pays qui risque d'entraîner sur une mauvaise pente par l'acceptation de valeurs étrangères au catholicisme. C'est alors que le Pape, pour calmer les esprits, condamnera dans une lettre adressée au cardinal Gibbons, Testem benevolentiae, le 22 janvier 1899 une série d'affirmations fausses sans pour autant dire en aucun endroit de sa lettre qu'elles avaient été soutenues par le P. Hecker.
Le pape condamnait
- une trop grand indulgence envers les autres en matière de doctrine et de discipline qui risquait de faire perdre de vue l'originalité du catholicisme parmi les autres confession religieuses
- une mésestime de la direction spirituelle au profit de l'illumination intérieur de l'Esprit Saint
- une exaltation exagérée des vertus dites actives comme l'audace et la force au détriment des vertus dites passives comme l'humilité, la patience ou encore des vertus naturelles comme la sociabilité au détriment des vertus surnaturelles comme la charité théologale.
- une dépréciation des voeux de religion au profit de promesses qui ne lient pas pour la vie et de solidarités avec ses frères et ses soeurs sans promesses.
La lettre de Léon XIII fut reçu comme un camouflet par le cardinal Gibbons qui dans sa réponse au pape rappela aucun catholique américain cultivé n'avait jamais soutenu les doctrines condamnées. Cette réponse fut acceptée par Rome, mais ne fut jamais publiée du vivant du cardinal.
2.2.3 Interprétation
Les évêques américains ne se sont pas sentis visés par cette condamnation et cela n'a pas influencé leur pastorale. Ce sont plutôt des querelles européennes causées par les anti-républicains, les royalistes et les conservateurs, etc. qui ont amené cette lettre de Léon XIII.
a) Le théologien MacAvoy dans Concilium no 27 (1976) reprend à son compte le jugement du P. Klein qui dans son autobiographie en 1949 traitait l'américanisme d'hérésie fantôme, car ces doctrines telle que décrites dans la lettre du pape n'avaient été prônées par personne en ce temps-là.
b) La lettre papale a servi à mettre fin à une controverse en Europe, mais n'a pas mis fin aux essais commencées dans la pastorale et la spiritualité.
c) En pratique, les disciples du
P. Hecker vont triompher avec le développement d'une spiritualité
moderne beaucoup plus centrée sur les laïcs dans leur
état de vie où le travail et les soucis de la famille
sont le lot quotidien et demandent une sanctification dans le
quotidien. C'est celle-ci qui se révélera la plus
adaptée à l'homme moderne... et qui recevra sa consécration
au Concile Vatican II dans la Constitution sur l'Eglise au chapitre
VI sur la vocation universelle à la sainteté ( nos
40 et ss).
2.3 Le modernisme
Un autre terrain d'affrontement, le mot n'est pas trop fort, fut celui de la doctrine elle-même, de la réflexion théologique et biblique notamment.
Le modernisme a été l'objet d'une condamnation du pape Pie X dans Pascendi en septembre 1907 et par la suite tout le personnel de l'Eglise qui était appelé à exercé un ministère quelconque d'enseignement sera tenu de prêter le serment anti-moderniste qui réfutait les erreurs du modernisme.
Ce mouvement du modernisme, malgré ces condamnations, n'est pas facile à circonscrire. C'est un mouvement polymorphe qui comprend plusieurs expressions et manifestations. On pourrait les ramener aux trois domaines suivants:
- tentative de rapprocher l'Eglise et la société
- tentative de rapprocher la foi de la culture moderne
- et enfin tentative d'adapter la théologie et l'exégèse aux méthodes scientifiques qui se développent.
On le voit les manifestations de ce mouvement touchent le domaine social, celui des recherches sur l'Écriture et la théologie comme telle. Le modernisme ne touchera que de façon indirecte la pastorale et la spiritualité.
La réaction anti-modernisme va rendre difficiles pendant plusieurs année le développement notamment des études scientifiques de la Bible chez les catholiques. Le P. Lagrange réussira à mettre sur pied l'École biblique de Jérusalem cependant, mais il faudra attendre l'encyclique Divino afflante spiritu de Pie XII pour que les méthodes scientifiques modernes soient acceptées définitivement en 1947. Du côté de la spiritualité, on développera une réserve à employer un terme comme expérience pour parler de la vie spirituelle par peur de sombrer dans le relativise reproché aux modernistes. C'est le théologien Jean Mouroux qui le première en 1948 osera réhabiliter la notion expérience dans la théologie spirituelle dans un ouvrage célèbre intitulé L'expérience chrétienne. Mais il faudra attendre encore vingt ans avant qu'un pape utilise ce mot, ce que fera pour la première fois depuis la condamnation du modernisme la pape Paul VI en 1967.
2.4 L'Action catholique (1925)
Dans la recherche de dialogue avec le monde moderne, un jeune vicaire belge, fils d'ouvrier, va être l'instigateur d'une forme d'apostolat tout à fait nouvelle qui par la suite va s'étendre à toutes les classes sociales.
Il s'agit de l'abbé Cardijn, fait cardinal à la fin de sa vie, qui fonde la Jeunesse ouvrière catholique en 1925. Il sera imité en France à Clichy, dans la banlieue de Paris par l'abbé Guérin en 1926. Cette nouvelle méthode sera importée de Belgique au Canada entre 1927 et 1930 par Mgr Gauthier, auxiliaire à Montréal et par le Père Henri Roy o.m.i.. L'abbé Cardijn viendra consolider les nouveaux groupements en 1931.
Mais quelle est cette nouvelle méthode?
En résumé, on pourrait dire que "la grande innovation de l'abbé Cardijn est de comprendre que le religion ne peut pas être apportée à la classe ouvrière par une autre classe, comme le croient les oeuvres traditionnelles, la classe ouvrière a conquis son indépendance spirituelle; sa renaissance religieuse sera donc impossible tant qu'on la tentera de l'extérieur" (Dansette dans Destin du catholicisme français.... p.50
Cette intuition de Cardijn prendra forme dans un slogan "L'évangélisation du semblable par le semblable". approuvé par le Pape Pie XI, les groupes d'Action catholique seront le milieu où va naître une spiritualité nouvelle adaptée aux laïcs. Leur méthode du voir, juger, agir amènera s'enrichira de révision de vie, de partages bibliques, et surtout d'une formation à l'apostolat direct dans le milieu..
3. Le renouveau de la spiritualité
3.1 Grille de lecture
Deux tendances vont se manifester, deux lignes dans lesquelles vont se placer les initiatives de ce renouveau spirituel. Elles viennent tenter de combler le fossé entre la spiritualité et la vie qui s'était comme je l'ai dit à partir du XVIIIème siècle. Les deux tendances partagent, en effet, un point commun qui est "la volonté d'embrasser la totalité de l'existence, afin que la foi imprègne 'tout l'homme et tous les hommes'.
Cette orientation [commune] se traduit par les interventions du magistère (pape, évêques) dans tous les domaines et l'appel à une christianisation de toute la société et de toutes les cultures" (Histoire des chrétiens par Claude Prud'homme, Centurion et Ed. Paulines, Paris, 1992, p. 158). Sous cet arrière-fond
a) Certains catholiques seront plus sensibles à la vie chrétienne dans ses implications sociales. Ils développeront une attention aux c sociaux inaugurée par l'encyclique de Léon XII Rerum novarum en 1891. Pour eux "le catholicisme ne conçoit pas une religion vécue par des individus isolés et indifférents à l'organisation de la société" (Prud'homme, ibidem)
b) D'autres seront plus sensibles à la vie chrétienne dans sa qualité d'expérience de relation personnelle à Dieu, expérience de conversion intérieure. Ces chrétiens sont plus centrés sur l'expérience personnelle de l'Évangile dans leur vie. Les implications sociales en termes d'adaptation, viennent en second. Ils veulent d'abord faire l'unité et l'harmonie de leur vie et de leur relation avec Dieu. Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld sont dans cette ligne. Aussi Jean Vanier, Thérèse de Calcutta...Nous suivrons dans les pages qui suivent cette deuxième cohorte d'hommes et de femmes qui ont illustrés l'histoire de la spiritualité contemporaine. La sainteté ne se limité pas à eux et à elles. Plusieurs autres saints ont marqués de leur empreinte notre siècle. Les nombreuses béatification et canonisations de Jean-Paul II l'illustrent de façon éclatante. Pour nous, il faut nous limiter aux figures spirituelles qui ont eu le plus d'influence et qui ont laissé des traces plus visibles dans l'Eglise. Au premier rang de ces témoins hors pair, je dirais, figurent Thérèse de l'Enfant-Jésus et Charles de Foucauld. Avant de les présenter de façon plus particulière, regardons quelles sont les tendances de la spiritualité au XXème siècle avant Vatican II.
3.2 Tendances de la spiritualité du XXème siècle avant Vatican II (Caractères de ce renouveau spirituel)
Dans le contexte ecclésial des années de la fin du XIXème siècle et jusqu'à Vatican II (1962-1965), il y a cinq tendances à noter.
3.2.1 Spiritualité apostolique
On commence à s'éloigner d'une spiritualité centrée sur l'intériorité seulement. La spiritualité doit nourrir la vie apostolique et elle doit aussi se manifester dans des oeuvres, des gestes de charité et d'entraide. Le vrai chrétien est celui qui s'engage, qui s'impliques dans des oeuvres concrètes
En effet, avec le vingtième siècle, l'Eglise a commencé à s'adapter à la société industrielle qui se développe. Le clergé commence à changer ses méthodes pastorales. Il s'occupe des oeuvres et non seulement des paroisses. Jusqu'en 1925, il y a une floraison d'oeuvres catholiques de toutes sortes:
Les patronages de Saint-Vincent de Paul.
Des oeuvres de presse, tracts, revues.
Des associations de bienfaisance, dames patronnesses, etc.
Des universités, instituts catholiques en France, des écoles catholiques, l'enseignement libre, l'enseignement privé, etc.
Le livre de Dom Chautard: L'âme de tout apostolat a été écrit à cette époque, signe de ce courant. Il servira de manuel pour les chrétiens engagés pendant de nombreuses décennies. Nous en dirons un mot plus loin.
Vers la fin des années vingt, cette façade de chrétienté à travers des oeuvres n'a pas empêché la déchristianisation. On est surpris que toute la classe ouvrière décroche de l'Eglise. Il y a une prise de conscience de la déchristianisation et de la sécularisation en Europe et en France.
L'Action catholique, née en 1925, fait des efforts pour trouver des solutions nouvelles. Les prêtres ouvriers après ;a Deuxième guerre mondiale, à la fin des années quarante et dans les années cinquante, tentent un renouveau de l'évangélisation. Cet effort avait été inspiré en grande partie par le livre des abbés Godin et Daniel intitulé France, pays de mission. Ce livre provoque un réveil de épiscopat et des chrétiens. On a aussi le livre de Gilbert Cesbron: "Les saints vont en enfer".
Au Canada et au Québec, ce besoin apparaît seulement dans les années 1970-1980. Les volumes de Jacques Grand'maison en font état. Ici, la sécularisation ne date que de la révolution tranquille. On a vécu une accélération de ce côté qui nous met au même niveau que les autres pays.
Avant, le Québec avait un style de chrétienté. l'Eglise était mêlée à la société, avait le contrôle de l'éducation et des oeuvres sociales.
Cette orientation fut approuvée par Vatican II dans Gaudium et Spes: l'Eglise dans le monde de ce temps.
Elle se prolonge aujourd'hui dans les communautés ecclésiales de base de l'Amérique latine: C.E.B ., qui furent approuvées à Medellin et confirmées à Puebla.
Aussi dans les luttes de libération de l'Amérique latine.
Et en Amérique du nord, dans les chrétiens de gauche, chrétiens pour une Église populaire.
Mais là, cette tendance sociale n'est pas exclusive. Mgr Helder Camara, évêque de Recife au Brésil, dans son livre: Renouveau et service de l'homme, écrit avec le cardinal Suenens.
Tout cela est nourri de bien d'autres
mouvements: mouvement liturgique qui est concomitant; mouvement
biblique.
3.2.2 Renaissance de l'intérêt pour la mystique
Petit à petit se manifeste un intérêt nouveau pour la mystique. Il commence dans les cercles des érudits et des intellectuels (Henri Bergson, Gabriel Marcel, le Père Maréchal, Henri Brémond, Jacques et Raïssa Maritain...). Plusieurs études naissent à cette époque. Elles apportent une lecture renouvelé du fait mystique. On s'intéresses surtout aux phénomènes mystiques et on essaie d'apporter le point de vue des sciences expérimentales.
Ces réflexions amènent à faire de plus en plus de place dans les études théologiques à la mystique.
Malgré tout une certaine réserve demeure dans les milieux ecclésiastiques et ce ne sera que dans les années soixante et soixante-et-dix que le déblocage complet se fera.
3.2.3 Évangélisme
Ce terme d'évangélisme ne réfère pas d'abord à une école de spiritualité en particulier.
Il indique d'abord un intérêt pour la personne de Jésus qui est en grande partie suscité par les études exégétiques. Les vies de Jésus (Renan, Loisy, P. Berthe, François Mauriac etc..) pullulent pendant toute la première moitié du siècle.
En second lieu, il exprime un désir de simplicité. En effet, revenir à l'Évangile, c'est laisser de côté un grand nombre de pratique qui se sont accumulées au cours des siècles et qui alourdissent pour ne pas dire qui asphyxie l'expérience spirituelle. Thérèse de l'Enfant-Jésus a vécu cet étouffement et c'est de là qu'est venu la découverte de la "petite voie", Quelque chose de semblable s'est produit pour Charles de Foucauld dans sa recherche de l'imitation du Jésus, en particulier de sa vie à Nazareth.
3.2.4 Retour aux sources bibliques
Il y a un retour à l'Écriture qui est caractéristique du vingtième siècle. Le mouvement biblique, surtout à partir de 1910 prend son envol à travers toutes sortes de difficultés comme nous l'avons souligné à propos du modernisme. L'Institut biblique est créé à Rome sous la responsabilité des Jésuites et l'École biblique à Jérusalem avec le Père Joseph Lagrange sous la responsabilité des Dominicains.
Le retour à l'Écriture
se manifeste dans Les éditions de textes et la diffusion
de la Bible qui se développent, par des cercles d'études
bibliques dans les groupes d'Action catholique notamment, dans
la prédication et la catéchèse. Le concile
Vatican II apportera comme une consécration à cette
tendance et l'amplifiera.
3.2.5 Inspiration liturgique
Cela commence au début du XIXe siècle avec Dom Guéranger. Le mouvement liturgique va se développer. Il y a les abbayes du Mont César et de Solesmes. En Allemagne, le mouvement liturgique est très fort.
Le but première du mouvement liturgique ainsi amorcé est de rapprocher la piété de sa source profonde: la liturgie. Pour y arriver on développera divers moyens.
a) On va favoriser la participation des fidèles. Pie X et la communion à sept ans. On va mettre des missels ou paroissiens entre les mains des fidèles.
b) On va promouvoir le développement du chant dans l'assemblée.
c) A Vatican II, on simplifie les rites et on permet l'usage de la langue vernaculaire au lieu du latin.
4. Écrivains et personnages spirituels
4.1 Thérèse de l'Enfant-Jésus (1873-1897)
4.1.1 La question thérésienne
Il y a eu en ce qui la concerne un rayonnement particulier et une difficulté de bien percevoir son visage. D'une part, elle se pose à cause de son rayonnement: morte le trente septembre 1897 elle fut béatifiée le vingt-neuf avril 1923. Elle aurait eu environ cinquante-cinq ans. Elle fut canonisée le dix-sept mai 1925.
a) Diffusion
Elle se manifeste dans les éditions de son autobiographie appelée à ce moment: Histoire d'une âme. Un an après sa mort, deux mille exemplaires sont diffusés. Quinze ans après sa mort, deux cent onze mille exemplaires. Pour sa vie abrégée: sept cent dix mille exemplaires.
Quinze ans après sa mort, le monastère de Lisieux recevait de huit cents à mille lettres par jour. Elle a apporté une libération au peuple chrétien.
b) Interprétation
Cette libération du peuple chrétien qui a trouvé en Thérèse un modèle et une voie: la sainteté à la portée de tout le monde. Cf. Jean-François Six page 17: pour une part, le génie organisateur de Pauline, sa soeur (Mère Agnès de Jésus) prieure du Carmel, y est pour quelque chose dans la diffusion. Elle prenait ses dernières paroles sur un calepin et a propagé sa biographie: Histoire d'une âme.
Mais l'aspect le plus important, la mission de Thérèse, c'est de découvrir au peuple que la voie de la sainteté est à tous.
4.1.2 Cinq périodes dans sa vie
Thérèse a vécu beaucoup de difficultés psychologiques. Dernière enfant de la famille, elle reçoit le nom d'un enfant mort. Elle est orpheline de sa mère à quatre ans, et son père finit sa vie dans une maison de santé mentale après avoir fait des fugues qui causèrent de vives inquiétudes.
a) Une première rupture psychologique s'opère à la mort de sa mère le vingt-huit août 1877. Elle choisit Pauline comme seconde mère. Cette période va de sa naissance en 1873 jusqu'à la mort de sa mère.
b) Cette période se termine avec la grâce de Noël 1886, grâce qu'elle appelle sa conversion. Avant, elle avait des difficultés psychologiques, avait été malade, etc. Thérèse a treize ans et sa stabilité psychologique prend forme à sa conversion.
c) Cette période commence à treize ans, au moment de sa stabilisation affective.
d) Cette période commence à quinze ans, après la permission d'entrer au Carmel en 1888.
e) Cette période commence le jeudi-saint ou dimanche de Pâque, deux avril 1896, date de sa première hémoptysie. C'est la nuit de la foi. Elle découvre le sens de sa mission. Cela durera jusqu'à sa mort le trente septembre 1897. Son itinéraire spirituel est lié à ces étapes. Cf. La passion de Thérèse de Lisieux, par le Père Gaucher.
4.1.3 Sa doctrine spirituelle
Il faut la placer dans son contexte historique. Sa doctrine est centrée autour de la petite voie. Elle en parle ainsi. Dans la prédication, on parle de la voie d'enfance spirituelle, mais cette expression n'est pas d'elle.
C'est moins l'aspect de l'enfance que certaines perceptions vis-à-vis de Dieu. On avait mis en veilleuse l'action de l'Esprit Saint. Le catholicisme officiel en France était très affaibli depuis Napoléon au XIXe siècle. On voyait Dieu comme justicier qui récompense, qui demande réparation des offenses. Cela dans la prédication et la catéchèse.
Plusieurs congrégations fondées à la fin du XIXe siècle sont vouées à la réparation. On a aussi le thème des âmes victimes. Le carmel de Lisieux avait mis sous le boisseau l'orientation de Thérèse d'Avila pour s'orienter de plus en plus du côté de cet aspect réparateur de la prière. Ascèse et mortifications extraordinaires comme la discipline, les chaînettes, les bracelets et autres instruments de pénitence. Ce courant réparateur est représenté par Mère Marie de Gonzague.
Thérèse arrive dans ce contexte et se sent mal à l'aise. Elle n'a pas de directeur spirituel et peu de conseil. Le Père Pichon est envoyé au Canada. Elle s'est débrouillée en écoutant la Parole de Dieu pour découvrir sa voie, surtout vers la fin de sa vie.
Elle va dire qu'elle cherche une voie d'arrivée à Dieu qui s'oppose à la voie de la crainte. Petit à petit, en lisant surtout 1Co 12,31, "Je vais vous enseigner une voie plus excellente, celle de l'amour".
Thérèse va prendre ce mot à la lettre pour elle. "Me grandir, c'est impossible; je dois me supporter avec toutes mes imperfections". Elle cherche un moyen d'aller au ciel par une petite voie bien courte.
4.1.4 Les éléments principaux de cette voie
a) Pour elle, le chemin spirituel qui va à Dieu est un chemin qui est celui de la foi pure.
b) C'est un chemin où l'âme perçoit sa petitesse, son néant devant Dieu. Acceptation de sa petitesse et de sa misère.
c) Cette voie est petite parce que c'est court et rapide: symbolisme de l'ascenseur.
d) L'âme qui prend ce chemin n'a pas à se grandir par son propre travail. Elle attend et reçoit tout de Dieu, de la miséricorde du Seigneur, non de ses efforts.
e) Par ce chemin, on va répondre au Seigneur dans la vie quotidienne faite de petites actions bien ordinaires, faites par amour. C'est une attention au niveau de la vie quotidienne, un souci de vivre l'amour et la charité. Cette voie est à la portée de tout le monde. La petite voie de Thérèse n'est pas centrée uniquement sur l'enfance spirituelle. Il ne s'agit pas de devenir des enfants, ce n'est pas de l'infantilisme spirituel, mais une sainteté pas compliquée.
4.1.5 Les conséquences de cette petite voie dans la spiritualité de Thérèse
a) Dans la spiritualité, ce ne sont pas les pratiques qui sont à privilégier, mais une disposition du coeur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse et confiants jusqu'à l'audace en la bonté du Père. Elle l'appelle papa.
Cette disposition sera concrétisée dans la charte de l'amour: faire de son mieux avec de pauvres petites actions, et pour le reste, avoir confiance que le Seigneur se contente de son impuissance et lui donne tout ce qu'elle ne peut acquérir par elle-même. C'est une spiritualité d'accueil au don de Dieu.
b) Cette petite voie est basée sur des textes de l'Ancien Testament: Proverbes et Isaïe, plutôt que sur des textes de l'Évangile (si vous ne redevenez de petits enfants...) C'est l'aspect de la bonté de Dieu vis-à-vis ceux qui sont petits, plutôt que l'aspect d'enfance spirituelle à acquérir. Thérèse ne veut pas devenir petite. Elle sait qu'elle est petite. Et elle prend conscience que Dieu aime ceux qui sont assez petits pour reconnaître qu'ils manquent de quelque chose.
Pour Thérèse, nous n'avons pas à devenir des enfants, mais nous sommes petits. Et c'est là que l'amour de Dieu nous rejoint et nous rencontre. Cf. Conrad Meester, Les mains vides (le plus beau livre).
Conclusion
Thérèse est une personnalité riche qui nous propose une spiritualité forte qui va au coeur de l'Évangile, mais qui a été desservie après 1925-1930 par une présentation mièvre et fleur bleue, qui a caché et occulté le vrai visage de Thérèse, ne serait-ce que dans les photos. Ce n'est pas une affaire de "petit enfant", etc. Mais c'est quelque chose de plus théologique et profond.
Elle n'en a pas moins marqué une libération dans le peuple des chrétiens qui s'est remis à croire, à son exemple, que la sainteté était possible pour tous et non seulement pour des âmes d'élite. C'est le message essentiel de Thérèse.
4.2 Charles de Foucauld (1858-1916)
Il est une autre figure comme manifestation de ce renouveau évangélique. Charles de Foucauld est très actuel. Il a été bien servi par le Père Voillaume qui est à l'origine des communautés qui se rattachent à Charles de Foucauld.
Il est né en 1858. Après avoir été militaire indiscipliné, il fut mis à la porte de l'armée et mis à la porte de St-Cyr. Il a été un explorateur. Il a écrit un volume technique qui a été couronné par l'Académie française: Reconnaissance au Maroc. C'est un converti qui dans les dernières années de sa vie a été un ermite au Sahara. Il s'appelle aussi Charles de Jésus. Il est mort le première décembre vers dix-neuf heures du soir, âgé de cinquante-huit ans.
4.2.1 L'actualité de Charles de Foucauld
a) Sa radicalité dans l'amour de Jésus
"Je ne puis concevoir l'amour de Jésus sans une ressemblance complète". C'est le leitmotiv de toute sa vie. Il va vivre en Terre sainte pour vivre où Jésus a vécu. Il est quelqu'un d'entier. Il a été très loin dans la voie mauvaise. Converti, il a été très loin dans la suite de Jésus. Il est sans compromission.
Il a vécu dans le jardin des Clarisses en Palestine, pour vivre comme Jésus. Il voulait imiter Jésus de façon radicale, même dans sa vie matérielle.
b) Une recherche d'authenticité
Cette recherche d'authenticité lui a fait vivre diverses étapes dans sa vie et nous est très proche. Être lui-même dans sa réponse au Seigneur. Palestine, Trappe, prêtre, désert: toujours répondre à la volonté de Dieu.
Il s'est fait suivre et guider par l'abbé Huvelin, vicaire de la paroisse La Madeleine à Paris. C'est lui qui l'avait confessé lors de sa conversion.
c) Il est plein de gratuité
Il veut être le première sillon où les autres vont semer. Il veut faire la pré-évangélisation, la pré-mission chez les Touaregs du désert. Il a conscience d'ouvrir le chemin à d'autres. Aussi il fait des dictionnaires, etc.
Sa vie illustre cela de façon symbolique et frappante et sa mort aussi. Il a été assassiné durant la guerre de 1914-1918 par des clans rivaux dans le désert. Il est mort sans raison apparente, comme le grain de blé jeté en terre. C'est confirmé dans les familles spirituelles nées après sa mort. Lui n'a pas réussi à fonder rien. Les Petits frères et les Petites soeurs de Jésus ont vus le jour après sa mort.
d) Il est très christocentrique
Le mystère de l'Incarnation
le fascine. Il est au coeur de sa spiritualité surtout
dans la vie cachée de Jésus à Nazareth. Cela
est proche de Thérèse de l'Enfant-Jésus.
4.2.2 Son itinéraire spirituel
a) Sa vie a d'abord un aspect d'instabilité qui lui vient de sa jeunesse. Orphelin de père et de mère, il est élevé par son grand-père. Il a une vie de jeunesse orageuse, des liaisons et il est mis à la porte de l'armée.
b) Une ténacité qui ne l'abandonne pas et va le conduire à être le première européen à entrer au Maroc, déguisé en Juif, et à faire des croquis géographiques. Cette ténacité va l'amener, dans la recherche de la volonté de Dieu, jusqu'au désert en passant par la Trappe.
Il n'accepte aucun compromis. "Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui".
4.2.3 Son message spirituel ou sa doctrine
a) Selon lui, la vie chrétienne consiste à rechercher l'imitation de notre Seigneur "qui a tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu la lui ravir".
Pour lui, cette pauvreté qu'il appelle abjection, n'est pas une rupture avec le monde comme les mystiques, mais une insertion dans la condition des pauvres gens d'aujourd'hui.
b) Pour lui, la contemplation doit être incluse au coeur de toute vie chrétienne, et cette contemplation doit se manifester dans une grande dévotion à l'Eucharistie, la présence réelle. Toutes les fraternités ont une chapelle et des moments d'adoration devant le Très Saint Sacrement comme lui faisait.
c) Il veut être le Frère universel et il propose de placer au coeur des relations entre les hommes une amitié attentive, concrète, simple, universelle. Il privilégie l'amitié et le voisinage. Il ne court pas après les gens au loin, mais les laisse venir chez lui. Il a un respect, un amour de la personne devant lui, comme personne. Il est ouvert à tous, sans discrimination. Cela le rend aussi très actuel pour nous.
4.2.4 Sa famille spirituelle
Charles de Foucauld est peut-être une des plus importantes influences spirituelles au vingtième siècle. Voici sa famille spirituelle et quelques uns de ceux qui se réclament de lui
Le Père Voillaume qui l'a fait connaître. Son volume: Au coeur des masses, est un des quatre ou cinq volumes spirituels les plus valables au vingtième siècle. C'est à mettre au même rang que l'Imitation de Jésus Christ, la Montée du carmel, etc.
Carlo Caretto, Petit frère de Jésus. Lui aussi l'a fait beaucoup connaître.
Des familles religieuses: les Petits frères de Jésus; les Petits frères de l'Évangile; et à Ste-Agnès dans Charlevoix, les Petits frères de la Croix, nouvelle communauté qui commence avec Frère Michel Verret (+1997).
Quatre communautés de religieuses: les Petites soeurs de Jésus; les Petites soeurs du Sacré-Coeur; les Petites soeurs de l'Évangile; l'Union des Nazaréennes de Charles de Foucauld. Ce sont des laïques qui s'occupent des handicapés.
Des associations de prêtres: Jésus Caritas ou union sacerdotale. Monsieur Pierre Gaudette de notre faculté de Théologie en est le directeur national à Montréal.
Des mouvements: Pas de chair, pas
d'os; une association de femmes consacrées: La fraternité
Jésus Caritas; le groupe Charles de Foucauld; la fraternité
séculière de Charles de Foucauld, etc.
CHARLES DE FOUCAULD (1858-1916): UN INCROYANT DÉCOUVRE JESUS
Plusieurs ont entendu parler aujourd'hui dès Petites Soeurs de Jésus et dès Petits Frères de Jésus qui vivent dans les quartiers populaires aux Philippines, en Amérique du Sud, en Europe et ici même au Québec. Ces disciples de Charles de Foucauld s'inspirent de celui qui voulut être pour tous le "frère universel", proche dès gens, vivant comme eux, à l'exemple de Jésus qui, à Nazareth, fut un humble artisan. Charles de Foucauld attire de nombreux jeunes aussi aujourd'hui . Mais qui est donc Charles de Foucauld (ou encore Frère Charles de Jésus comme il se désignait lui-même)?
Charles naît à Strasbourg en France le 15 septembre 1858. Très tôt orphelin de père et de mère, c'est son grand-père qui s'occupe de son éducation et de celle de sa soeur. Charles est une enfant plutôt fermé. A l'âge de 15 ans, il a déjà perdu la foi de son enfance. De 15 à 20 ans, il étudie à Paris, puis il entre à l'école militaire de St-Cyr. C'est une école prestigieuse. Entré 82ème sur 412, il en sort 333ème sur 386. Sa vie d'étudiant est loin d'être une réussite. "Égoïsme inouï, écrit-il plus tard, folles dépenses, gourmandise et paresse prenant de telles proportions qu'elles forment mon trait distinctif et semblent répugnantes même à mes amis, sensualité extrême, aucun désir du bien, aucun amour de la vérité, indifférence à tout sauf à ma jouissance..." Il est envoyé en Afrique avec son régiment et il continue cette vie toute centrée sur lui-même.
C'est dans ce contexte que Charles de Foucauld se donne alors un espèce de défi personnel: parcourir le Maroc, ce aucun européen n'a encore réussi à faire. Il se déguise en juif pèlerin et pendant onze mois, il explore le pays . Il fait de nombreux relevés topographiques et revenu en France, il prépare un livre intitulé Reconnaissance au Maroc qui le rendra célèbre comme explorateur. Pendant ce temps, il songe à se marier, mais il ne se sent pas prêt. Il se rapproche de sa famille, en particulier de sa cousine Marie de Moitessier qui aura sur lui une heureuse influence. Il sent confusément que sa vie ne le mène nulle part. Ses jugements se modifient peu à peu. Il ne pense plus seulement à jouir de la vie pour lui-même. Cette période de sa jeunesse de 20 à 28 ans se termine par une conversion en octobre 1886. Charles raconte lui-même événement à son cousin Henri de Castries plus tard: "Pendant douze ans j'ai vécu sans aucune foi. Rien ne me paraissait assez prouvé; la foi égale avec laquelle on suit dès religions si diverses me semblait la condamnation de toutes: moins qu'aucune celle de mon enfance me semblait admissible avec son 1=3 que je ne pouvais me résoudre à poser... Pendant que étais à Paris, faisant imprimer mon voyage au Maroc, je me suis trouvé avec dès personnes très intelligentes , très vertueuses et très chrétiennes et je me suis dit: 'que peut-être cette religion n'était pas absurde'...je me suis mis...à répéter cette étrange prière: Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse'..." Dans la suite du récit de sa conversion, Charles raconte les démarches qu'il fait pour s'instruire, puis sa rencontre avec un prêtre , l'abbé Huvelin, qui sera déterminante. "Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui."
La suite de l'expérience spirituelle de Charles de Foucauld de 28 à 58 ans sera une longue recherche de la meilleure façon pour lui d'être de plus en plus un disciple de Jésus. "Je ne puis concevoir l'amour sans un besoin , un besoin impérieux de conformité, de ressemblance et surtout de partage de toutes les peines, de toutes les difficultés, de toutes les duretés de la vie..." écrira-t-il en 1897. Ce besoin de conformité et de ressemblance avec Jésus l'amène à entrer d'abord chez les moines trappistes en 1890. Il sera un religieux fervent, mais son désir d'imiter le Christ le pousse à autre chose. Il est autorisé à quitter les Trappistes, et il s'en va vivre à Nazareth où Jésus lui-même a vécu. Il est jardinier chez les Clarisses, vit dans la pauvreté et la prière. Il accepte finalement de devenir prêtre pour aller s'établir cette fois dans le désert du Sahara à Béni-Abbès. Sa vie d'ermite en est une de travail manuel, d'hospitalité, de rencontres avec les nomades de cette partie du Sahara: les Touaregs. Il apprend leur langue. Il veut préparer par sa vie l'annonce de l'Évangile. Sa mission se précise. Il sera le sillon qu'on creuse et où d'autres viennent jeter la semence. Frère Charles ne cherche à convertir personne. Il lui suffit d'être comme Jésus au milieu dès plus pauvres. "Mon apostolat, dira-t-il, doit être l'apostolat de la bonté... Si l'on me demande pourquoi, je suis doux et bon, je dois dire: 'Parce que je suis le serviteur d'un bien plus bon que moi. Si vous saviez combien est bon mon Maître Jésus'."
Frère Charles est assassiné en 1916 à Tamanrasset dans le désert par dès gens qu'il avait aidé. Sa vie semble inutile aux yeux dès hommes, mais depuis, il a inspiré dès milliers d'hommes et de femmes à devenir eux aussi , elles aussi, dès disciples de Jésus. Le message de Frère Charles tourne au tour dès points suivants: 1) la recherche de l'imitation de Jésus "qui a tellement pris la dernière place que jamais personne n'a pu la lui ravir"; 2) une prière pétrie au coeur même de la vie qui se manifeste dans une grande dévotion à l'Eucharistie; 3) une amitié attentive, concrète, simple, universelle avec tous et toutes dans le respect et l'amour de la personne telle qu'elle est sans discrimination.
4.3 Quelques figures de maîtres spirituels d'aujourd'hui
Dom Marmion (1858-1923)
Un Irlandais. Prêtre séculier
d'abord, il se fit moine ensuite et fut abbé du mont César
et ensuite de l'abbaye de Maredsous en Belgique. Il a de très
bons livres.
Albert Peryguère (1883-1959)
Prêtre séculier qui
alla au désert sur les traces de Charles de Foucauld.
Il a une vie d'ermite. Son volume: "Laissez-vous saisir
par le Christ" est extraordinaire.
Pierre Teilhard de Chardin, (1881-1955)
Un paléontologue, Jésuite, mort à New York aux États-Unis. Il est allé en Chine, en Somalie, etc. Il a découvert le sinanthrope. Il a développé une synthèse théologique où le Christ est le centre. Il fut soupçonné dans sa vie et la lecture de ses écrits fut interdite dans les séminaires durant un temps.
Il a un optimisme dans le progrès
humain qui est plus réservé aujourd'hui. Sa popularité
est moins grande aujourd'hui que dans les années cinquante,
car on voit que le progrès humain a des inconvénients
et ne se fait pas toujours en progressant. On est aujourd'hui
plus sensible à l'écologie.
Élisabeth de la Trinité (1880-1906)
Une carmélite née
en 1880 et morte en 1905. Pianiste, elle a des écrits
spirituels merveilleux publiés par le Père Philippon.
Un de ses livres est: A la gloire de la Trinité.
Jules Monchanin (1895-1957)
C'est un prêtre qui, avec
le Père LeSaux a fait du ministère en France puis
a quitté son ministère pour aller vivre aux Indes.
Il est un des premiers de cette montée vers les Indes,
que suivront ensuite les Beatles. Ils vont aux Indes pour retrouver
une source, l'inspiration de la spiritualité hindoue.
Il fonde un hasram. Il y a un centre Monchanin à Montréal
qui est inspiré de son esprit. Rencontre de l'hindouisme
avec le christianisme.
Thomas Merton (1915-1968)
Artiste, écrivain américain, né en France et converti. Sa biographie se trouve dans la collection: Les convertis du XXe siècle.
Il est mort électrocuté
accidentellement à Bankok en 1958. Il s'est converti dans
la vingtaine. Un dimanche, il était entré dans
une église et la voyant pleine, cela lui fut une révélation
de ce qu'il cherchait. Il a demandé le baptême.
Quatre ou cinq ans plus tard, après un cheminement, il
s'est fait trappiste sous le nom de frère Louis. Son abbé
lui a demandé de continuer à écrire. Nous
avons une vingtaine de livres de lui. Il s'intéressait
à la rencontre du monachisme oriental et chrétien.
Romano Guardini (1885-1968)
Né en 1885 et mort dans les
années cinquante. C'est un théologien allemand
même si son nom est italien. Il fut professeur d'université
et maître spirituel. Il a beaucoup influencé avant
et pendant la guerre.
Dietrich Bonhoeffer (1906-1945)
Pasteur luthérien, il fut
exécuté par un commando SS en Bavière sous
le régime nazi. C'est un grand théologien qui a
écrit beaucoup d'ouvrages d'éthique. Martin Luther
King est dans sa lignée et le reprend beaucoup.
Taizé (1940- )
Roger Schutz et Max Thurian. En août 1940, ils décident de commencer une communauté oecuménique en Bourgogne, pas loin de Cluny. Les débuts furent modestes. Toutes les confessions chrétiennes font partie de la communauté.
En 1974, ils lancent le concile des jeunes qui a réuni trente mille jeunes et des représentants des Églises chrétiennes. De là partent les lettres au peuple de Dieu. Roger Schutz et surtout Max Thurian ont beaucoup écrit.
Leur règle est un exemple
de règle de vie très évangélique.
C'est le condensé de l'expérience spirituelle des
dix premières années. Elle s'inspire de saint Benoît.
Jacques Loew (1908- 1996)
Dominicain, il est un des représentants
des prêtres ouvriers dans les années quarante-cinquante.
Il a écrit: Journal d'une mission ouvrière. Il
a fondé une école de spiritualité: École
de la foi, en Suisse, à Fribourg. Il a vécu au
Brésil et y a fondé une communauté: Saint
Paul. Il a travaillé comme docker.
Jean Vanier (1928- )
Un Canadien fils du général
Georges Vanier, ancien gouverneur général du Canada.
Il est né en 1928. Militaire et officier de marine en
1942. Après la guerre, en 1950, il quitte la marine et
fait un doctorat en théologie à l'Institut catholique
de Paris. Quelques années plus tard, il adopte deux handicapés
et c'est le début de l'Arche.
Teresa de Calcutta (1910-1998)
Née en 1910 en Yougoslavie.
A dix-huit ans, elle entre chez les soeurs de Lorette. Elle
va aussitôt travailler aux Indes. Dans les années
quarante, elle décide de s'occuper des mourants. Elle
quitte sa communauté et en fonde une autre. Elle travaille
dans les bidonvilles de Calcutta. Il y a une branche de contemplatives
de Mère Teresa.
Carlo Caretto (1910-1988)
Un président d'action catholique
italien qui fut à la tête des mouvements étudiants
en Italie vers 1960-1970. Il s'est très impliqué
socialement. Puis il quitte la vie active et va vivre dans le
désert avec les Petits frères de Jésus.
Ses "Lettres du désert" sont à lire.
Adrienne Von Speyr (1902-1967)
On va en entendre parler de plus en plus car on commence à publier ses écrits. Femme mariée, médecin, mystique suisse, très proche du théologien Urs von Balthasar. Elle a une expérience spirituelle intense et des phénomènes mystiques extraordinaires dans sa vie. Elle était souvent malade et devint aveugle en 1964.
Elle se convertit. En 1942, elle
reçoit les stigmates du Christ et tous les vendredis et
la semaine sainte, elle les vit intensément. Son volume:
La servante du Seigneur, donne une bonne introduction à
sa spiritualité pour la connaître.
Maximilien Kolbe (1894-1941)
Frère mineur polonais, il fut canonisé à l'été 1982. Il est très populaire. Il s'occupait de presse, éditions. Il a donné sa vie pour un père de famille.
5. Le phénomène des groupes spirituels d'après le concile, surtout au Québec
Dans le développement qui suit nous verrons les causes de ce phénomène des nombreux groupes spirituels dans les années 1970-1980. La cause éloignée est le retour de la mystique qui nous vient du réveil spirituel du XIXe siècle tandis que les causes prochaines sont reliées au concile Vatican II, à la sécularisation, la perte de la transcendance de Dieu, d'où réaction, à une certaine faillite de la réforme liturgique ou du moins de son application et au besoin d'une expression populaire de sa foi et de sa piété. On faisait des expériences très esthétiques, intellectuelles, correctes, où le monde ordinaire ne se reconnaissait pas.
Ces mouvements se sont répandus depuis vingt ans. Ils apportent beaucoup dans la ligne de l'éducation de la foi. Cheminement d'éducation de la foi; renouveau de la prière; apport dans la ligne de l'évangélisation. Cela a donné naissance à beaucoup d'autres mouvements.
Développement
Le renouveau spirituel s'est manifesté de façon percutante par la percée des nouveaux mouvements spirituels qui se répandaient à vive allure. En 1964, le Père Henri Roy o.m.i. fonde La Rencontre. La fin de semaine des "biscums", comme on dit alors, obtient un grand succès dans l'est du Québec et en Nouvelle-Angleterre (Manchester) où le Père Roy avait travaillé longtemps, Les Cursillos de cristiandad apparaissent eux aussi en 1964 dans les milieux anglophones à Montréal, Oshawa et Windsor. Le première cursillo en langue française a lieu à Sherbrooke en 1966. Puis, à Montréal un première groupe charismatique voit le jour en 1969 et, après le retour du Père Jean-Paul Regimbal de Phoenix (Arizona) où il avait reçu le Baptême dans l'Esprit, le Renouveau charismatique se fait connaître par son ministère à Granby à partir de 1970. En 1974 a lieu à l'université Laval à Québec le première Congrès francophone du Renouveau charismatique qui regroupe environ 12,000 personnes. Au même moment les prédications de Jean Vanier font connaître son oeuvre et des disciples s'emploient à répandre l'Arche (fondée en 1964 à Trosly-Breuil, en France), puis, les groupes de Foi et Partage se mettent en marche progressivement à la suite de la retraite que Jean Vanier animait en août 1968 à Marylake, près de Toronto et, enfin, Foi et Lumière, issu des pèlerinages à Lourdes en compagnie de personnes handicapées que Jean Vanier avait commencés en 1965, voit le jour. Dans les années soixante-et-dix, Renouement conjugal (Marriage Encounter) obtient un succès immédiat auprès des couples après que des franco-américains l'eurent introduit au Québec en 1975 (ici même à Québec par un week-end donné au Château Bonne Entente). Depuis 1976, le Chemin néocatéchuménal s'est solidement implanté dans environ 60 communautés au Canada. Le phénomène des nouveaux mouvements spirituels peut englober aussi le renouvellement de mouvements déjà existants comme par exemple l'Ordre séculier franciscain (Fraternité du Tau à Québec) et la naissance de nouvelles communautés de vie comme celles du Désert et de Myriam Beth'léem.
Un phénomène complexe
Pour notre propos "mouvements spirituels" désigne des ensembles qui regroupent des adhérents motivés par une vision commune de leur existence de croyant, qui sont aussi fortement marqués et influencés par des personnalités hors du commun (charismatiques), qui font expressément appel aux forces émotionnelles et qui affichent ouvertement leur adhésion au mouvement . "Nouveau" nous réfère à des mouvements qui, bien que nés quelques années auparavant, ont pris leur expansion dans les années soixante comme c'est le cas du Chemin néocatéchuménal qui apparaît dans les baraques de Palomeras Altas à Madrid en Espagne entre 1962 et 1964, mais qui connaîtra son essor après son implantation dans la paroisse des Saints Martyrs canadiens à Rome en 1968 ou encore à des mouvements qui sont apparus depuis le Concile Vatican II comme le Renouveau charismatique (né aux États-Unis en 1967).
Le Renouveau charismatique est répandu dans 130 pays et compte environ 7.5 millions de "charismatiques actifs" (personnes qui participent à des activités du Renouveau hebdomadairement ou mensuellement) et 60.3 millions de "postcharismatiques" (personnes qui ont fait les Séminaires de la vie dans l'Esprit et qui ont été actifs dans le Renouveau pendant une certain laps de temps), tandis qu'environ 4 millions de personnes ont fait les Cursillos de Cristiandad. Le Chemin néocatéchuménal compte plus de plus 10,000 communautés dans 600 diocèses. Dans le diocèse de Québec, en 1993, on compte 48 groupes de cursillistes qui se réunissent régulièrement (environ 1000 personnes) et plus de 5,000 personnes qui ont fait le Cursillo. Le Renouveau charismatique, quant à lui compte 129 groupes de prières qui se rencontrent hebdomadairement (2,850 personnes) et plus de 10,000 personnes qui ont été rejointes par le mouvement dont plusieurs fréquentent les groupes de façon sporadique. Le Chemin néocatéchuménal est présent à travers 16 communautés qui regroupent 250 personnes. La Rencontre se retrouve avec 25 groupes d'Après-Rencontre (environ 200 personnes), tandis que Chemins d'espérance, une variante de la Rencontre issue de la Maison de retraite Jésus-Ouvrier offre 4 ou 5 fins de semaine par année avec un suivi chaque jeudi qui réunit environ 125 personnes. Le Renouement conjugal (Marriage Encounter), après une explosion incroyable (44,336 couples et 695 prêtres avaient fait le week-end en 1979, actuellement au Canada on compte 57,404 couples, 993 prêtres et 573 religieux et religieuses qui ont fait le Renouement conjugal), se maintient par ses sessions de fin de semaine dans le diocèse (3 par année), suivi d'un processus-pont (4 équipes) qui conduit à des communautés de soutien qui sont actuellement au nombre de 17 (environ 200 personnes). Rencontre-fiancés qui s'est développé dans l'esprit de Marriage Encounter depuis novembre 1977 au Canada et qui en applique les techniques a donné en 1991-1992 14 fins de semaine dans le diocèse de Québec (700 personnes), suivies de quatre soirées de ressourcement appelés R-Plus qui ont rassemblé 50 couples. Environ cent couples bénévoles contribuent à ces fins de semaine et à ces soirées R-Plus.
Texte développé dans le Recueil de textes et documents pp. 163-169
Animés par la conviction que les signes de l'Esprit continuent de se manifester, même si une certaine morosité s'installe dans notre Église, des milliers de chrétiens et chrétiennes des nouveaux mouvements spirituels se retrouvent assidus à la prière, à la fraction du pain, à l'écoute de la Parole et à la communion fraternelle. Le temps où l'Église et la société au Québec vivaient en symbiose est bien révolu. Le pouvoir d'intégration sociale de la religion est beaucoup diminué ou complètement disparu dans certains secteurs. C'est la présence de petits groupes de chrétiens heureux et enthousiastes dans leur foi qui dans un tel contexte fera surgir au fil du quotidien dans les divers milieux des signes de la présence de l'Esprit. Et alors, souhaitons-le, les gens tout autour se demanderont comme l'écrivait Paul VI dans son Exhortation apostolique sur l'évangélisation au numéro 21: "Pourquoi sont-ils ainsi? Pourquoi vivent-ils de la sorte? Qu'est-ce - ou qui est-ce - qui les inspire? Pourquoi sont-ils au milieu de nous ?" Ce témoignage d'une vie renouvelée par le Christ est une "geste initial d'évangélisation ", car, continue Paul VI, "les questions que voilà seront peut-être les premières que se poseront beaucoup de non-chrétiens, qu'ils soient des gens à qui le Christ n'avait jamais été annoncé, des baptisés non pratiquants, des gens qui vivent en chrétienté, mais selon des principes nullement chrétiens, ou des gens qui cherchent, non sans souffrance, quelque chose ou Quelqu'un qu'ils devinent sans pouvoir le nommer".
6. Les caractéristiques de la spiritualité d'après Vatican II
Comme il s'agit de la période contemporaine, on ne peut pas en juger de façon historique. Mais voici cinq caractéristiques qui sont assez importantes et assez bien.
a) La spiritualité qui répudie l'individualisme et tend à se développer en cellules de vie fraternelle. Il y a un aspect communautaire dans l'expérience chrétienne. La spiritualité est traversée par une aspiration profonde à la vie en communion. vivre ensemble l'expérience chrétienne. Ce n'est plus "myself and my God".
Il y a un désir de partage, d'accueil, de rencontre avec d'autres, d'où une floraison de multiples groupes et communautés de toutes sortes. Le concile des jeunes à Taizé; l'arche de Lanza del Vasto, (autre que celui de Jean Vanier) qui est un genre de retour à la vie écologique, fraternelle, etc.
Du côté catholique, Jean Vanier. Ici, vers les années 1960, la tour de David. A Nicolet, la communauté du Désert où les différences enrichissent et où les contacts sont plus personnalisés. Même dans les communautés religieuses, elles se sont regroupées en petites unités.
b) La spiritualité est marquée aussi par l'insistance sur le mystère de l'Incarnation. En 1940, il y a l'encyclique de Pie XII Mystici Corporis. On insiste sur la présence de Jésus Christ dans son corps mystique. Au centre de leurs préoccupations, ils mettent l'accent sur l'Incarnation.
Teilhard de Chardin est un représentant de cette spiritualité toute centrée sur le Christ, point Omega. Mouvement cosmique vers le Christ Seigneur qui réconcilie tout en lui. Le matériel est assumé par le Christ, par son Incarnation. Pendant les années cinquante, il invite à l'engagement dans les réalités terrestres et la transformation du monde. C'est une théologie des réalités terrestres.
c) Une spiritualité qui veut atteindre à une véritable expérience personnalisée de la rencontre avec Dieu. La spiritualité est désireuse de se fonder sur l'expérience. On va rejeter facilement, parfois trop facilement les cadres étroits, et ce qui apparaît théorique, pour préférer le vécu, l'authenticité. Ce fut très fort dans les années soixante. On a la révision de vie développée par l'action catholique. La méthode de l'action catholique était: voir, juger, agir.
L'expérience retrouve sa place dans la spiritualité et c'est très bien, important et heureux, malgré tous les risques qui l'accompagnent et les déviations possible, comme par exemple, l'émotionalisme et le sentimentalisme (émotion agréable de célébrer en petits groupes, etc.) C'est important parce qu'on l'avait trop soupçonnée et cette expérience était devenue une spiritualité besogneuse.
d) Une spiritualité qui se place sous le souffle de l'Esprit surtout de puis le concile et la prière de Jean XXIII dans laquelle il disait: "Renouvelez en notre époque, vos merveilles comme pour une nouvelle Pentecôte". Souci de répondre aux appels de l'Esprit. De là ont surgi de nombreux groupes:
Une des formes est le renouveau charismatique. Aussi dans les communautés religieuses qui ont renoncé à beaucoup de formes dépassées de leur vie religieuse et se sont adaptées dans un sens évangélique.
Aussi dans la popularité des retraites de toutes sortes, ermitages, lieux de solitude, expérience de désert, mouvements spirituels tels les Focolari fondés en Italie à Trente par Chiara Lubich et les cursillo en Espagne, etc. Le Père Voillaume disait que c'est une des caractéristiques les plus marquantes de notre époque.
c) Une spiritualité qui redécouvre la prière. Il y a un élan réel vers la prière et la contemplation. Cela fait penser à l'Espagne du XVIIe siècle. Prière plus contemplative, de louange, dégagée de certaines formes traditionnelles comme les neuvaines, le chapelet, etc. Prière créatrice.
La solitude et le désert reprennent leur attrait. Les monastères continuent d'être des hauts-lieux. La tradition monastique qui avait disparu dans le protestantisme reparaît avec la fondation de Taizé dans le luthéranisme. L'intériorité de l'Orient chrétien attire de plus en plus. La popularité des icônes qui ont renouvelé l'imagerie religieuse. Celle de la Trinité de Roublev fut l'objet d'attention spéciale il y a quelques années. Des communautés ou associations nouvelles en Europe qui sont inspirées de l'Orient.
Conclusion
Ces caractéristiques s'appliquent
de façon différente selon les pays. Certaines, comme
l'Esprit Saint, se sont manifestées plus récemment.
Il faut retenir que la spiritualité est plurielle, diversifiée
dans ses formes d'expression. Quand nous dégageons ces
caractéristiques, nous faisons un peu de trahison, de caricature,
car on laisse forcément de côté certains aspects.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Nous avons parcouru une longue étape dans la tradition spirituelle du Peuple de Dieu. Plus nous avons avancé, plus nous avons reconnu des visages qui nous ressemblent.
Les semences jetées en terre par nos devanciers et devancières, chercheurs de Dieu, ont produit leurs en temps voulu. Parfois, les semeurs eux-mêmes ont été à même de commencer à récolter des fruits, parfois, telle le grain de blé qui meurt avant de produire, leur vie a paru au monde comme inutile. Mais des disciples se sont levés par la suite et on trouvé dans leur exemple un stimulant et un soutien dans leur recherche de Dieu.
Le cours d'Histoire de la spiritualité ne cherche pas uniquement comme on le disait au début à retracer des faits et des situations historiques, il veut encore servir à nourrir et soutenir notre marche sur le chemin de la sainteté qui demeure, comme le dit si bien le Concile Vatican II, toujours une appel universel, un appel qui est fait à tous et à toutes.
Droits réservés Hermann Giguère (Université Laval) 26 novembre 1998
Pour usage privé seulement