Pour un bandung des Droits de l'Homme ( 23 Janvier 1980 )
Négociation avec l'Erythrée ? (16 Juin 1980 )
La maîtrise du droit de développement ( 04 Septembre 1980 )
Le Zimbabwe et les droits de l'homme ( 1980 )
Communication dans le monde ( 2 Octobre 1980 )
Au Nigeria, un foyer démocratique ( 28 Octobre 1980 )
L'Amerique latine à Madrid ? ( 05 Décembre 1980 )
Pour un Bandung des Droits de l'Homme ( 23 Janvier 1980 )
Il
y aura un quart de siècle, en avril 1955, qu'une conférence groupant 29 Etats
indépendants, 23 asiatiques et 6 africains se réunissait à Bandung en
Indonésie, à l'invitation de cinq chefs d'Etats dont Sukarno, Nerhu, et UNu
respectivement président de l'Indonésie, de l'Inde et de la Birmanie. Ces
derniers sont décédés depuis.
Il
en est de même de Nasser et de Zhou Enlai. Le premier faisait à Bandung son
premier grand périple, sa première grande expérience diplomatique, Zhou Enlai
allait permettre à la chine à cette occasion de sortir de l'isolement et de
jouer un rôle important sur la scène internationale. Rappelons que l'URSS
n'avait pu faire valoir sa qualité de puissance asiatique pour participer à la
Conférence de Bandung.
On
a dit de cette conférence qu'elle fût un sommet de l'Histoire, la première
réunion des états généraux du monde, le congrès de pays prolétaires. Nul doute
que les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine étaient condamnés par
l'impérialisme colonial et postcolonial à l'oubli historique. Bandung ne fût
pas qu’un commencement de l'Histoire, ce fût l'acte de naissance du avant la
lettre porté par les idéaux libérateurs des droits de l'homme et la volonté de
démocratiser les structures et les institutions nationales et internationales
dans tous les domaines économiques, politiques et culturels.
Voici
trois des dix principes proclamés par la conférence:
* Respect des droits de l'homme
fondamentaux en conformité avec les buts et les principes de la Charte des
Nations Unies;
* Reconnaissance de l'égalité de toutes
les races et l'égalité de toutes les nations, petits et grandes;
* a) Refus de recourir à des arrangements
de la défense collectives destinés à servir les intérêts particuliers des
grandes puissances quelles qu'elles soient;
b) Refus par une puissance quelle
qu'elle soit d'exercer une pression sur une autre.
Il
n'est pas inutile de rappeler ce paragraphe de la déclaration de Bandung
intitulé: "Droit de l'homme et l'autodétermination: La conférence
afro-asiatique déclare appuyer totalement les principes fondamentaux des droits
de l'homme tels qu'ils sont définis dans la Charte des Nations Unies et prendre
en considération la Déclaration universelle des droits de l'homme comme un but
commun vers laquelle doivent tendre tous les peuples et toutes les nations. La
conférence déclare appuyer totalement le principe du droit des peuples et des
nations à disposer d'eux-mêmes tel qu'il est défini dans la Charte des Nations
Unies et prendre en considération les résolutions des Nations Unies sur les
droits des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes, qui est la conditions
préalable à la jouissance totale de tous les droits fondamentaux de
l'homme".
Comme
tous les peuples du tiers monde, le peuple algérien engagé depuis six mois
auparavant dans sa lutte de libération nationale, a revu en profondeur les
vibrations démocratiques de ce message qui fondant son droit à
l'autodétermination sur le respect des droits de l'homme non seulement venait
de balayer les fictions coloniales qui l'ont dépossédé de sa souveraineté, mais
aussi le consacrait comme le véritable destinataire et titulaire du droit à
l'autodétermination.
Pour
l'humanité en voie de décolonisation, l'accession à l'indépendance et à la
souveraineté extérieure fondée sur le droit é l'autodétermination ne devait pas
éteindre ce droit, mais au contraire le prolonger et l'approfondir dans le
combat pour l'indépendance économique
et l'instauration d'un nouvel ordre mondial de plus en plus juste, d'où les
guerres, la faim, l'ignorance, le racisme et la peur seraient extirpés.
La
Déclaration de Bandung proclamait implicitement le non-alignement du tiers
monde en proclamant le principe que les peuples doivent redevenir et rester
maîtres de leurs destins, de leurs richesses matérielles et culturelles et
d'abord et avant tout de la paix dans le monde. Le non-alignement tel qu'il
répondait aux aspirations des Africains, des Asiatiques et des
Latino-Américains est une quête d'un projet total de civilisation d'où les
dictatures et les guerres sont évacuées
parce que excluant dans les coeurs comme dans les consciences l'idée que
les gouvernements laissent oser disposer des peuples, de leurs richesses, de
leur sécurité.
Vingt-cinq
ans après Bandung, la plupart des pays colonisés ont accédé à l'indépendance et
ont rejoint les conférences des non-alignés, dont la dernière, qui s'est tenue
l'automne dernier à La Havane a réuni
près d'une centaine de chefs d'Etats et de gouvernements africains, asiatiques,
latino-américain. un pays européen, la Yougoslavie, dont le leader avait prôné‚
inlassablement le neutralisme positif et combattu la politique des blocs
hégémoniques comme responsable des malheurs de l'humanité joue un rôle important au sein des
non-alignés.
Bilan
négatif
Peut-on
dire qu'ainsi élargi géographiquement, le tiers monde non-aligné continue à
répondre aux espérances nées de la première conférence afro-asiatique? Le bilan
se lit dans la violence et le terrorisme étatiques, sur les cadavres des
enfants du Brésil, de Bangui, sur le visage des orphelins du Cambodge, dans les
guerres civiles et les conflits étatiques qui sèment à travers les trois
continents sous-développés, la mort, la destruction et le désespoir.
On
a fini par admettre toutes ces guerres marginales tout en exaltant les mérites
de la détente et de l'équilibre de la terreur. On a toléré qu'elles soient
récupérées et manipulées par les grandes puissances comme soupapes de surete,
champs d'expérimentation ainsi que comme moyen d'étendre leurs zones
d'influences. La responsabilité des grandes hégémonies est écrasante dans ces
phénomènes de décivilisation, illustrés par la ventes massives d'équipements de
guerre au tiers monde.
Mais
la responsabilité première pèse sur les régimes de dictatures de droite ou de
gauche qui déferlent sur le tiers monde, désengagé par rapport aux idéaux de
démocratisation, usurpateurs de l'histoire, ils risquent d'enterrer l'avenir
car il n'hésitent pas dans des subterfuges idéologiques à engager leur pays
déjà empêtrés dans les structures de dépendances économiques et politiques
postcoloniales, dans l'engrenage des dépendances militaires qui appellent la
domination étrangère avec son cortège de déstabilisations et de malheurs.
Le
non-alignement surgi des droits de l'homme et du droit des peuples à disposer
de leur destin, de leur richesses et de leurs projets de civilisation, n'a pas
d'autre choix que le retour aux sources si l'on veut que nos enfants qui
atteindront dans le tiers monde, en l'an 2000 60% de la population mondiale,
soient de véritables héritiers de l'avenir et les artisans d'un monde libéré du
besoin et de la peur.
Peut-on
espérer alors la convocation d'un Bandung des droits de l'homme.
Hocine Ait-Ahmed
24h, le 23/01/1980
"Allah
est grand ! Le Pétrole est plus grand! ". Ecrit par un musulman croyant,
ce livre, paru après la Première Guerre mondiale a marqué la réflexion de
nombreux militants de la décolonisation. Titre provocateur ! mais c'est une
leçon de choses sur la logique coloniale et les rivalités impériales
russo-britanniques notamment illustrées par la ruée vers l'or noir, elle
s'attachait surtout à souligner "la faillite morale de l'Occident "
(1) qui avait introduit le règne de la force brutale dans les relations
internationales et qui fondait sa prospérité sur la domination et les
tentatives d'asphyxie des civilisations islamiques.
Plus
que les défaites à Poitier, à Vienne, les croisades succédant où précédant les
guerres saintes, ce sont les premières décades du XXe siècle qui marqueront le
regard de l'Islam sur l'Occident et qui scelleront l'âge d'une décadence qui se
poursuit depuis six siècles.
Guillaume
II se proclamant protecteur des musulmans de Chine en 1908, Mussoline jouant
entre les deux guerres au tuteur de l'Islam en Afrique, Staline allant à sa
manière spiritualiser l'annexion des nations musulmanes transcaucasiennes par
les tsars de Russie en postulant que cette annexion a objectivement élargi la
patrie du socialisme.
Ces
épisodes ont marqué profondément l'opinion islamique, il n'est pas étonnant que
le rejet de toute forme d'inféodation et de tutelle étrangères y ait prédominé
tout au long de la décolonisation dont la religion musulmane fut ferment
mobilisateur.
Le
souffle de Bandung a exprimé cette volonté des peuples de sauvegarder leur
indépendance politique coûte que coûte contre les rêves hégémoniques des
grandes puissances.
Sept
cent millions de musulmans
Qu'en
est-il de cette aspiration profonde des peuples ? Quels rôle occupe l'islam
dans l'échiquier international ?
Il
y a en effet sept cent millions de musulmans dans le monde, un homme sur six
dans un vaste ensemble qui, du Maroc à l'Indonésie, dessine un arc d'une
importance géostratégique capital, et qui, de plus, recèle plus de la moitié
des réserves d'or noir. Les cinq plus grands exportateurs de pétrole sont en
effet musulman, l'OPEP est en majorité islamique, à l'exception du Gabon, du
Venezuela, de l'Equateur et du Nigéria ( cette dernière à prédominance islamique
).
Paradoxalement,
ce ne sont pas ces formidables atouts qui font croire à une force cohérente et
déterminante du monde musulman, c'est l'actualité quotidienne.
Les
événements du Sahara occidental, de Gasfa en Tunisie, du Moyen-Orient, de
l'occupation de la Grande Mosquée, à la Mecque, d'Iran, d'Afhganistan, etc.
Crises intérieures, s'entremêlant à des conflits interétatiques manipulés par
les grandes puissances. La conférence d'Islamabab, qui a réuni quarante-deux
états musulmans a certainement fait illusion. Chacun sait que la condamnation
de l'intervention soviétique en Afhganistan ne s'inscrit pas dans le cadre
d'une stratégie de non-alignement. Les gouvernements s'y sont mis d'accord pour
ne pas être d'accord en réalité, car après les embrassades officielles, chacun
vaguera plus ou moins subtilement au soin de mettre son pays sous orbite.
Car,
que reste-t-il des idéaux de libération animés par l'Islam ? Aucun pays
musulman ne vit en démocratie, aucun musulman n'est à l'abri du terrorisme ou
de l'arbitraire policier ! Les fléaux de la faim, de la maladie et du
déracinement culturel continuent de faire des ravages dans l'humanité
islamique, qui avaient pu être juguler grâce aux richesses pétrolières avec un
degré minimal de conscience de solidarité et de capacité de gestion.
L'absolutisation
du pouvoir politique a transformé les potentialités en catastrophe. Le pétrole
a détruit l'agriculture au profit du béton et construit des machines de guerre
contre les peuples.
Le
parti est plus grand
"
Dieu est grand, le parti est plus grand ", serait-on tenté d'écrire
aujourd'hui quand on sait que les partis uniques de droite ou de gauche ont
bloqué la dialectique populaire de l'Islam dans l'intégrisme de droite et de
gauche. Deux concepts fictifs dont le résultat pratique évident est
l'installation du colonialisme intérieur au bénéfice de catégories féodales
soutenues par des puissances hégémoniques.
L'Iran
peut-il échapper à cette dialectique ? Oui ! si les masses populaire dans leurs
différences culturelles s'engagent sur la voie de l'intégrisme des droits de
l'homme.
C'est
la seule voie ( il n'y en a pas de troisième ) qui sont conforme au
"totalisme" libérateur de
l'islam, hostile à la dissolution des droits civils politiques, économiques et
culturel, la seule voie susceptible de contribuer à la construction d'une
alternative mondiale, aux totalitarismes à la guerre civile généralisée et à
l'anéantissement nucléaire.
Hocine Ait-Ahmed
24H, le 22/02/1980
(1)
Autre livre de la même époque écrit par un autre intellectuel musulman.
Négociation avec l'Erythrée ? (16 Juin 1980 )
Y
a-t-il une chance pour que les bruits de négociations entre le gouvernement
éthiopien et les Fronts de libération de l'Erythrée puissent déboucher sur la
fin d'une guerre qui depuis dix-huit ans sème la mort et la désolation et qui
depuis dix-huit ans est entourée d'un silence et de l'inattention
internationale en raison de la conjonction paradoxale des rivalités entre les
deux superpuissances et entre les états de la région ?
En
mars dernier, le chef d'état éthiopien, Mengisu Hail Mariam déclara devant les
cadets de l'école militaire de Genet:
"Une solution militaire n'est pas l'unique option ouverte au
gouvernement pour mettre fin à la guerre en Erythrée... "
C'est
la première fois que le conseil
administratif militaire provisoire envisage une solution négociée.
En
réalité, l'affaire érythréenne suscite une grande fébrilité diplomatique. A
l'Est, des contacts officieux entre belligérants sont organisés sous le
patronage de l'Union Soviétique notamment au Yémen du Sud et en Allemagne de l'Est.
A l'Ouest, il s'agit de tentatives officielles de médiation de la part du
gouvernement soudanais.
Un
atout stratégique
Pour
apprécier les chances d'un retour à la paix, il ne faut pas perdre de vue un
facteur politique primordial qui conditionne toute la situation de la corne de
l'Afrique et structure le sort de l'Erythrée; pour les USA d'abord, et plus tard, pour l'URSS, une grande Ethiopie
constitue sur un fol échiquier, un atout stratégique trop important pour
l'amputer de l'Erythrée son unique et grande ouverture sur la mer rouge et le
continent asiatique.
Il
faut rappeler que ce soit les USA qui au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale empêchèrent l'Erythrée d'accéder à l'indépendance comme les autres
colonies italiennes et qui sous couvert d'un statut autonome arrachèrent à
l'ONU la décision du rattachement à l'Ethiopie en 1952.
L'Union
Soviètique soutenait alors le droit de l'Erythrèe à l'indépendance et des
centaines de patriotes firent leur entrainement militaire à La Havane. Cela
n'empêcha pas le maréchal Gretchko de proposer un marché à l'empereur lors de
sa visite à Addis-Abeda en 1963-64
"débarrassez les Américains de Kagnew et nous donnerons plus d'armes que
nous n'en livrons à la Somalie" .
Depuis
l'arrivée au pouvoir du DERG, c'est l'URSS qui soutient l'effort de guerre
massif entrepris contre les maquisards et les populations civiles de
l'Erythrée.
A
l'origine d'un drame qui prend les proportions d'un génocide, l'affrontement
des deux grands reste la donnée la fondamentale qui permet de comprendre
aujourd'hui les rumeurs de paix.
Il
semble que l'URSS ne veuille pas s'enliser dans ce conflit interminable où sa
position idéologique est encore plus indéfendable qu'en Afghanistan. Mais
souhaiterait-elle vraiment la paix et renoncerait-elle vraiment à un atout au
moment où forte de ses expériences décevantes en Somalie et en Egypte, elle
décèle des signes d'indépendance chez de nombreux dirigeants militaires qui
appréhendent la création inspirée du parti unique ?
Un
nouveau statut d'autonomie ? Avec quelle garantie contre un nouvel Anschluss ?
L'affaire érythréenne née des Nations Unies devrait y revenir pour échapper à
l'engrenage de la guerre froide et du double langage qui permet l'escamotage
des droits de l'homme et du droit des peuples à disposer d'eux mêmes. C'est la
seule façon de réveiller l'opinion mondiale.
Hocine Ait-Ahmed
24H, le 16/06/1980.
La maîtrise du droit de développement (04 Septembre 1980 )
L'Assemblée
générale des Nations Unies, réunie en session extraordinaire, doit lancer la
troisième décennie du développement 1980/1990. Ces débats porteront sur
l'élaboration d'une stratégie de développement, sur la reprise du dialogue
Nord-Sud et la mise au point de "Négociations globales" à l'effet de
définir le nouvel ordre économique international. Que peut-on attendre de cette
session ? Autrefois, les symptômes de catastrophe n'étaient perceptibles et
inquiétants qu'à la veille ou le jour de celle-ci. Aujourd'hui, l'illusion n'a
pas d'excuse: outre les angoisses millénaristes, prévisionnistes, futuristes,
clubs, conférences gouvernementales et non gouvernementales ne cessent
d'avertir contre les apocalypses, dont les crises économiques, démographiques
et militaires sont porteuses.
Et
puis, il y a l'expérience des déboires enregistrés par les innombrables
conférences, dont les plus récentes, la CCEI (Conférence de coopération
économique internationale ) de juin 1977 à Paris, de la CNUCED à Manille, en
mai 1979, la Conférence de l'ONUDI, janvier 1980 à New Delhi. Plus éclairant
est l'échec des deux décennies de développement précédentes: 1960-1970,
1970-1980. Qu'est-il résulté de la dernière décennie qui a pourtant lié l'aide
au développement, aux dividendes susceptibles d'être dégagés par le
désarmement?
Au
niveau des relations Est-Ouest: une générosité titanesque qui a poussé les
dépenses militaires à plus d'un milliard de dollars par jour aggravant ainsi
l'oppression politique, économique ou culturelle des travailleurs dans les pays
développés. Tant dis que la paupérisation et la courses aux armements conjuguent
leurs effets désastreux sur les peuples du tiers monde.
En
plus des famines, les guerres deviennent l'apanage des pays sous-développés,
conséquences de l'équilibre de la terreur et charriant sous nos yeux
quotidiennement à coups d'invasions, de massacres, en Amérique latine, en
Afrique, en Asie, les déséquilibres de la terreur dans le tiers monde, les
mécanismes de militarisation planétaire ne font que renforcer les structures
d'exploitation économique et de discrimination culturelle.
Quelle
stratégie ?
Dès
lors, quelle stratégie de développement peut faire fi de cette pyramide de
domination qui est devenue le nouvel ordre mondial issu de la deuxième guerre ?
Quel
étrange aveuglement paralyse les gouvernements du tiers monde dès qu'il ne
s'agit plus de prendre ou de garder le pouvoir et que l'enjeu est la survie ou
le bonheur de leur peuple ! Comment ne pas voir que le nouvel ordre économique
mondial qu'il préconise, si légitime dans ses revendications est voué à l'échec
par les régimes de dictature qui dépossèdent leurs citoyens de leurs droits à
l'autodétermination et qui ne fait que conforter ce nouvel ordre mondial
fabriqué par les superpuissances.
La
seule espérance réside dans la mise en perspective du développement, dans la
vision réunificatrice des droits de l'homme, de tous les droits de l'homme,
civils, politiques, économiques et culturels. Où qu'ils soient, les femmes et
les hommes doivent se battre pacifiquement pour redevenir propriétaires de leur
droit au développement. Tant il est évident que la lutte pour la
démocratisation de l'ordre international et de l'ordre interne doit aller
indiscutablement de pair. On disait autrefois que la guerre était la belote des
rois, faut-il que l'apocalypse sorte d'un poker de présidents pour que les
hommes et les femmes se mobilisent pour imposer leur participation aux
institutions nationales et internationales.
Pour
soutenir cette alternative démocratique à un nouvel ordre devenu caduc par la
perversion de la décolonisation, la création d'un organisme non gouvernemental
permanent s'impose: un conseil des droits de l'homme qui doit proclamer la
décennie 1980-1990, décennie des droits de l'homme.
C'est
dans cette dynamique qu'une véritable stratégie de développement peut
s'élaborer et d'abord par l'application et le respect des innombrables
conventions et résolutions votées par les Nations Unies.
Hocine
Ait-Ahmed
24H,le 04/09/1980
Le Zimbabwe et les droits de l'homme ( 1980 )
La
Rhodésie, l'état blanc d'Afrique, entrée en rébellion contre la communauté
internationale depuis sa sécession du 19 novembre 1965, n'a pas survécu au
verdict des urnes. Débaptisée au nom du businessman et conquistador Cecil
Rhodes, elle est devenue le Zimbabwe, ce qui veut dire en langue de shona
"grand édifice de pierre", une référence aux ruines colossales,
vestiges de l'une des plus brillantes civilisation africaines.
Significatif
aussi cette double recherche d'identité et de solidarité, le fait que
l'indépendance officielle du Zimbabwe sera proclamé‚ le 18 avril prochain, date
anniversaire - 25e - de l'ouverture de la conférence de Bandung.
L'émergence
de ce cinquantième état africain revêt une portée considérable pour l'humanité
africaine en lutte pour ces droits civils politiques, économiques et culturels.
Le
raz-de-marée patriotique du 27, 28 et 29 février dernier est d'abord une
victoire des opprimés auxquels jusque là les oppresseurs n'avaient pas laissé
d'autre choix pour défendre leur dignité et promouvoir leur avenir que de
prendre les armes.
Il
s'agit d'abord du triomphe du principe de l'autodétermination au sens de
l'accession d'un nouvelle état à la souveraineté intérieure et internationale.
Ainsi s'est effondrée la logique ultra du bunker, qui avait enfermé les Blancs
dans un univers clos manichéiste et répressif.
"Tant
que je serai vivant, disait Ian Smith, il n'y aura pas de gouvernement de la
majorité,...ni même tant que mon fils serait vivant. Les droits de l'homme ne
sont pas faits pour les Noirs qui sont ou trop contents d'être gouvernés par
les blancs, ou trop bêtes pour se gouverner eux-même".
En
dépit d'un climat de provocation policières et de détentions arbitraires
dénoncées par Amnesty International, les deux mouvements de libération, le ZANU
de R.Mugabe et le ZAPU de J.N'komo ont accepté l'épreuve du suffrage universel
et gagné le pari de confiance de leurs peuples. Ils totalisent 86% des votes
des Africains, soit sur 80 sièges réservés à ces derniers 57 sont remportés par
Mugab‚ et 20 par N'komo. Le débâcle de l'évêque A.Muzorewa, le dernier premier
ministre par la grâce de Prétoria, qui doit se contenter de 3 sièges, 8% des
suffrages ( y compris les voix des 25.000 forces auxiliaires) en dépit des
sommes fabuleuses dépensées pour sa campagne à l'américaine constitue une leçon
à l'échelle de l'Afrique austral: les ventriloques de la "majorité
silencieuse" en ont eu pour leur frais, ils placent en mauvaise posture
leur homologues actuels ou potentiels de Namibie et d'Afrique du Sud.
La
"Valise ou le cercueil"
La
"valise ou le cercueil" cette alternative obsessionnelle, les blancs
du Zimbabwe n'auront pas à s'y enfermer. Plus que les mesures et engagements
pris par Mugabe, le premier ministre, c'est l'attitude et le comportement des
citoyens noirs qui garantiront la paix, l'unité‚ et la concorde nationale. Il
n'y a pas eu un seul acte de vengeance.
La
grande peur des blancs ne peut plus justifier par la peur des Noirs, les droits
de l'homme sont pour tous les hommes. Ce message qui répercute l'appel de
Bandung ne manquera pas de catalyser les espérances dans les ghettos noirs
d'Afrique du Sud et le maquis de Namibie. Si les "Be-hards", les
ultras, estiment avoir perdu avec la Rhodésie la dernière frontière sure, par
contre les courants libéraux en travail en Afrique australe pourraient grâce à
l'exemple zimbabwéen envisager une notion plus humaine, plus durable donc plus
intelligente de la sécurité.
En
définitive, le droit des peuples de Namibie et d'Afrique sous-apartheid à
disposer d'eux-mêmes dépendra de la lutte de ces peuples eux-mêmes, comme l'ont
démontré les Zimbabwéens, ainsi que d'un soutien international de plus en plus
direct.
Après
plus de sept ans d'une guerre meurtrière et ruineuse, les peuples du Zimbabwe
ont besoin de paix pour maîtriser leur droits à l'autodétermination en tant que
processus de démocratisation politique, économique et culturelle. Ils ont
choisie leurs dirigeants en toute souveraineté et c'est en toute souveraineté,
c'est-à-dire par l'exercice des libertés publiques syndicales, linguistiques,
associatives qu'ils doivent élaborer les orientations et les institutions du
nouvel état.
Certes,
celui-ci doit parer au plus pressé: nourrir, abriter et soigner une population
broyée par l'exode rural, le chômage et la sous-alimentation, tout en gardant
d'en faire des "assistés livrés à l'assistance publique nationale et
internationale".
La
misère
Mais
pour pragmatique que puissent être les tâches de développements économiques,
elles ne peuvent éluder les problèmes posés par la misère de la majorité‚ des
paysans: sans prendre l'allure de règlements de comptes racistes ou
démagogiques, la transformation de l'ordre rural s'inscrit dans les
perspectives de démocratisations économiques.
La
révolution se prouve en marchant et le Zimbabwe dispose d'atout considérable
pour faire tourner son économie au lieu de recourir par démagogie au
nivellement par le bas ; une agriculture et de l’énergie hydroélectrique
notamment presque autosuffisantes, des richesses minières, diamants, étain,
chrome, or, etc, des industries de transformation capables de satisfaire la
demande intérieure en bien de consommation, des petits et moyens cadres ruraux
forgés par les luttes et aptes aux tâches de développement local et enfin
l'expérience des échecs économiques des pays frères "mal partis". Le
défi qui confronte un leadership porté au pouvoir par l'adhésion véritable des
citoyens, à la faveur de choix démocratiques réels est de promouvoir les droits
de l'homme économiques et sociaux, tout en consolidant les fondements de la
démocratie politique.
C'est
peut-être une chance pour le Zimbabwe et l'Afrique que Mugabe soit élue à 67%
et non à 99% des suffrages et qu'il appartient à l'ethnie shona, politiquement
la plus consciente et numériquement la plus nombreuse, ce qui va lui permettre
de résoudre sans hargne et son complexe le problème de l'intégration national
que les gouvernements africains préfèrent en général nier dans une nouvelle
dialectique de bunker du colonialisme intérieur et dans un engrenage répressif
qui conduit au génocide et à l'ethnocide.
Hocine Ait-Ahmed
1980
Communication dans le monde ( 2 Octobre 1980 )
Le
tiers monde n'est pas le seul concerné.
La
21ème session de la Conférence générale de l'UNESCO qui se déroule du 29
septembre au 28 octobre à Belgrade sera principalement consacrée aux problèmes
de communication dans le monde. Tout comme à l'occasion des multiples
rencontres portant sur le nouvel ordre économique international, les pays du
tiers monde vont dénoncer les structures et les techniques d'inégalité dans
l'échanges en matière de communication dont ils sont victimes et dont
bénéficient les pays industrialisés de l'Est et de l'Ouest. Des revendications
destinées à corriger les déséquilibres qui permettraient de jeter les bases du
nouvel ordre international de l'information.
Il
ne serait pas étonnant que l'option désabusée par une stratégie de l'échec
perpétuel réagisse avec scepticisme. Encore une Conférence? que-sais-je de ce
qui se trame en réalité, et de toute façon que puis-je? Cette réponse
s'expliquerait si le nouvel ordre international de l'information se réduisait
aux revendications des gouvernements du tiers monde. Car, premièrement, le
message serait particulier et partial. Ce serait oublier les aspirations des
hommes et des peuples du monde <<socialiste>> pour lesquels le
socialisme signifie liberté d'information et non propagande.
Les
événements de Pologne soulignent l'écart des réalités vécus quotidiennement par
les travailleurs et les réalités claironnées par le secret des huit-clos et la
censure. Ce serait également ignorer qu'en Occident le pluralisme libéral ne
met pas l'information à l'abri de la raison d'état et les grands monopoles
financiers. Témoins, les matraquages publicitaires, les campagnes orchestrées
par les fournisseurs d'armements. Réduit au rôle de consommateur, le citoyen
n'a même pas le temps de s'apercevoir que sa passivité, c'est-à-dire le refus
de participation et d'une solidarité actives à la vie nationale et
internationale le condamne à une existence de solitude et désespoir.
Au
demeurant, entre Est et l'Ouest l'instauration d'un nouvel ordre de
l'information en Europe fait toujours problème. Il n'est pas évident que la
prochaine conférence de Madrid fasse avancer l'application des accords
d'Helsinki.
Deuxièmement,
le message serait erroné puisqu'on laisse entendre que le nouvel ordre
international de l'information restaurant la liberté d'information dans le
tiers monde et se fera au service des citoyens et non pas des pouvoirs en
place. Cette vérité implicite pourrait se fonder sur la valeur et les
intentions de quelques personnalités du tiers monde dont le directeur actuel de
l'Unesco. Et pourquoi pas aussi d'éventuelles conversions en chaîne à la
démocratie des dirigeants du tiers monde ?
Ce
qui inquiète
Mais
la généralisation des structures oppressives et des pratiques répressives en
Afrique, en Asie et en Amérique latine renforcent plutôt la vérité contraire.
Il en serait alors du nouvel ordre international de l'information comme du
nouvel ordre économique international. Du reste, à quoi sert de les quémander?
Quand donc les puissants ont fait cadeau de leur puissance? Surtout quand ils
reçoivent chaque jour en cadeau la désunion, l'affaiblissement, voire la
destruction des pays du tiers monde par eux-mêmes. Le Courrier de l'Unesco nous
apprend que les dépenses d'armements se chiffrent à un milliard de dollars à la
minute alors qu'un milliard et demi d'enfants sont la proie de la faim, de
l'insalubrité et l'ignorance.
Or,
faut-il rappeler que 75% du commerce d'armements concerne le tiers monde, qui
en se ruinant permet aux pays nantis d'équilibrer leur balance de paiements et
d'assurer leur croissances. Ils renforcent ainsi la logique inégalitaire qui a
présidé à l'intégration du système international autour des deux blocs
hégémoniques. La dynamique du non-alignement faisant place à la logique de
prolétariat propre aux hégémonies, les états du tiers monde pourraient bien
accéder aux satellites comme ils ont accédé aux blindés et arroser la planète
des portraits de leurs vedettes. Mais est-ce là le nouvel ordre international
de l'information dont il s'agit?
Ce
qui rassure
Ce
qui rassure, c'est qu'il y a une prise de conscience des enjeux décisifs liés à
la liberté de communication et au droit de l'information. Il ne fait plus de
doute que la stratégie de l'échec perpétuel est due à l'absence permanente et
conséquente de l'opinion mondiale, des majorités concernées dans la solution
des grandes crises internationales. De plus, l'effort prodigieux des progrès
technologiques confère à l'information une puissance effrayante. L'informatique
au service de la désinformation et de la militarisation du monde, tel est le
spectre qui commence à hanter et à responsabiliser les esprits.
Cette
prise de conscience fera-t-elle franchir un seuil historique à la conférence de
Belgrade? Il est de bon augure que celle-ci ait lieu dans le cadre de l'Unesco
qui vient d'appeler à une véritable solution des problèmes des valeurs,
refusant de scier le problème de la paix civile du nouvel ordre économique
mondial en problème de respect et de la promotion des droits de l'homme.
Encore
faut il que l'UNESCO se donne et donne à l'opinion mondiale les moyens écrits, audiovisuels d'exercer d'une façon
permanente et à l’échelle mondiale son rôle d'humanisation et de
démocratisation.
Hocine
Ait-Ahmed
24H,le 02/10/1980
Au Nigeria, un foyer démocratique ( 28 Octobre 1980 )
Interrogé
sur les problèmes urgents d'Afrique à l'occasion du premier anniversaire de son
accession au pouvoir en octobre 1979, le président Shagari déclare:
"L'Afrique est confrontée à d'innombrables problèmes aussi urgents les uns
que les autres: la misère et l'ignorance massive, le fléau du racisme, les
bases militaires étrangères, par exemple. Mais je déplore en particulier cette
inclination à la déshumanisation et à nous infliger à nous mêmes des violences
insensées. Je déplore les conflits internes et territoriaux. Nous n'y gagnons
rien. Nous ne faisons que devenir de simples pions dans les jeux des grandes
puissances. Le pouvoir a tendance à se concentrer entre les mains de
quelques-uns. C'est là un fait regrettable, (...)".
Expérience
inhabituelle
C'est
un langage inhabituelle dans le monde encombré de vociférations et de
slogans,mais si remarquable de bon sens et de sagesse qu'il soit, et parce que
précisément ne heurtant ni l'un ni l'autre, ce type de discours n'a guère les
faveurs de la propagande. Pourtant, il est clair que la grande expérience
démocratique se déroule en ce moment au Nigeria sur la pointe des pieds comme
pour ne pas signaler à la stupéfiante spirale de la double frénésie des
extrémistes qui s'est emparée de l'Afrique.
Pour
l'opinion internationale‚ mue par les images d'horreur et de détresse, la
succession de régime militaire au Nigeria évoque l'effroyable guerre civile (
Biafra ) attisée par les interventions étrangères.
Pour
les Nigérians, le régime des hommes forts qui prennent pour le plus court
chemin des désirs aux réalités, qui confondent simplification et maîtrise des
problèmes, centralisation et unité, développement sournois de l'arbitraire, de
la concussion et de la clochardisation des hommes.
En
1975, le général Murtala renverse le général Gowon qui, pourtant, a désigné
avec une vigilance méticuleuse ses fidèles amis pour assurer aux postes
stratégiques la "stabilité du pays". Averti sans doute par son succès
facile de la fragilité du pouvoir fondé sur la force des armes et sur la
propagande, le général Murtala reconnaît que l'adhésion populaire, les
élections libres des institutions démocratiques constituent la seule garantie
de stabilité.
Il
décide d'ouvrir la voie à un gouvernement civil, en dépit de son assassinat,
ses promesses ont pu être tenue et un long processus démocratique s'est ouvert,
marqué notamment par l'élection d'une Constituante, l'adoption d'une
constitution démocratique, l'élection d'une Chambre des représentants, d'un
Sénat et enfin du président exécutif de la République fédéral du Nigeria en
octobre 1979.
Pour
être légalisé, tout parti devait notamment faire preuve que son assise dépasse
le cadre restreint d'un état ou d'une seule région cinq mouvements politiques
concurrents avec leur programme, leur presse et leurs candidats respectifs ont
donc sollicité les suffrages populaires, dans le calme et la dignité. C'est
dire d'abord à propos de se foyer d'espérance que l'éveil de la conscience
démocratique n'a fait que reculer la peur du désordre et les fantasmes
classiques des mentalités fascistes.
Une
justice indépendante
Et
cela ne nous permet pas d'esquisser un bilan. Les problémes sont énormes et la
démocratie est dur et long apprentissage. Elle a besoin de temps de s'accomplir
dans les institutions politiques, dans les mœurs et dans les réalités
quotidiennes de la vie politique, sociale et culturelle. Le progrés se mesure à
l'élévation de la dignité humaine dans tous les domaines.
Mais
n'est-il pas significatif que d'ores et déjà la justice ait dans des cas
notoires prouvé son indépendance face au gouvernement voire au chef d'état
lui-même, ce qui importe, c'est que gouvernants et opposants développent les
dialogues au sein et en dehors des institutions pour une approche sereine et
non démagogique des problèmes. C'est ainsi que sous l'initiative du président
Shagari se multiplient des consultations pour amender la Constitution et créer
d'autres débats à la demande des citoyens.
Avec
sa population considérable, près de cent millions d'habitants, ses deux cent
cinquante groupes ethniques différents, la République fédérale du Nigeria est
plus qu'un microcosme de l'Afrique. Elle en résume les problèmes et les
aspirations.
Puise-t-elle
inspirer d'autres démarches démocratiques et d'autres foyers d'espoir.
Hocine Ait-Ahmed
24H, le 28/10/1980
A
moins de deux mois de l'entrée en fonction du nouveau président des Etats-Unis,
l'administration Carter a livré son dernier baroud d'honneur en faveur des
droits de l'homme au sein de l'OEA ( Organisation des Etats américains ).
L'Argentine vient en fait de réussir à éviter une condamnation express de la
part de cette organisation, soutenue par le Chili, l'Uruguay, Haïti, la Bolivie
et le Guatemala. Par la force d'inertie de la majorité des gouvernements
latino-américains, elle a ainsi retourné la situation créée par le rapport
spécial particulièrement accablant élaboré par la Commission interaméricaine
des droits de l'homme.
L'angoisse
est profonde en Amérique latine face au cynisme des dictateurs qui n'ont que de
la dynamite et le mot sécurité à la bouche pour justifier les cercles vicieux
de la torture, de la répression officielle, des assassinats officieux et des
putschs, pendant ce temps les cercles vicieux de la paupérisation s'élargissent
au rythme de la poussée démographique, de l'inflation et de la militarisation
au bénéfice des multinationales.
Le
sabordage en août dernier de la LAFTA ( Latin Américain Free Trade Association
) fondée en 1960 pour établir un Marché commun sur le modéle européen, en dit
suffisamment sur les ravages causés par la balkanisation et la militarisation
du continent. Au lieu d'intégrer leurs économies et de réduire leurs budgets
militaires, les onze pays qui s'étendent de l'Argentine au sud du Mexique au
nord rivalisent de folies nationalistes en armements. Même Pinochet et Videla
leaders de la sainte alliance sont à couteaux tirés à propos du droit de
Beagle.
Le
fantôme
L'unité
de l'Amérique latine est de ce fait enterrée et avec elle les idéaux de
libération nourris par plus d'un siècle et demi de luttes populaire. Bolivare
n'est plus qu'un fantôme qui hante les consciences. C'est Maurras l'inspirateur
des thèmes idéologiques qui orchestrent le bruit des bottes de l'intégrisme
occidental.
Les
peuples et les individus d'Amérique latine se trouvent dans les champs, à
l'usine, à l'école, dans une situation de non-pouvoir total sur ce qui fait
leur vie et leur destin. L'arrivée au pouvoir de Reagan va accélérer
l'isolement des quelques pays qui comme le Nicaragua et l'Equateur, veulent
poursuivre le combat pour le respect des droits de l'homme.
Le
nouveau maître de la maison blanche n'a t-il pas déclaré en effet qu'une
question aussi douteuse que les droits de l'homme ne saurait faire obstacle aux
relations des Etats-Unis avec les pays amis; il faut le préciser, d'ailleurs,
le moralisme de Carter s'est nettement rapproché dans l'exercice du pouvoir, de
la Real Politik pratiquée par le tandem Nixon-Kissinger. Son mérite est quand
même d'avoir sauvé des vies humaines,
son tort est de s'être inquiété des effets et non des structures de la
répression.
La
stratégie d'une hégémonie militaire, économique et politique est-elle
compatible avec le droit à l'autodétermination des peuples et des individus en
Amérique latine? Quoi qu'il en soit, il y a
une convergence brutale entre le concept musclé de sécurité économique,
idéologique et militaire des Etats-Unis qui fonde la doctrine de l'équipe
Reagan en matière internationale et le concept de sécurité intérieure et
extérieure prôné par les caudillos latino-américains, la définition du concept
de sécurité nationale dans la constitution uruguayenne soumise récemment au
référendum est un chef-d’œuvre du genre totalitaire: "La manière dont le
patrimoine national dans toutes ses formes et le processus de développement
ayant en vue les objectifs nationaux se trouvent protégés des interférences et
des agressions internes ou externes". Que deviendront dans cette tourmente
les droits des peuples et des individus latino-américains à la sécurité physique,
économique, politique et culturelle ?
C'est
la question fondamentale que devra se poser la Conférence de Madrid. Celle-ci
s'est bien préoccupée de l'invasion de l'Afghanistan au nom de la solidarité
humaine et de l'indivisibilité des droits de l'homme. L'Union Soviétique
manquera-t-elle l'occasion (p our de blé argentin, comme elle l'a fait devant
la commission des droits de l'homme) de dénoncer la spoliation et la
dépossession des peuples latino-américains de leur droit à l'autodétermination?
Aujourd'hui,
les Nations Unies ne peuvent plus éluder le problème d'une stratégie
mondialiste effective pour la protection et la promotion des droits de l'homme.
Hocine Ait-Ahmed
24H,le 05/12/1980