"Voici comment faire taire les armes"
- N'est-il pas trop tôt -ou trop tard- pour
proposer un plan de paix?
-Parler d'un plan précis pour mettre fin aux combats relèverait en
effet de l'utopie ou de la préemption. Les enjeux de cette guerre sont énormes
et le "climat" de l'affrontement est exacerbé par les fantasmes des
"spécialistes" et l'hystérie des foules. De plus, les mécanismes de
l'aveuglement sont déjà déployés, en première ligne, à l'exemple de ces
divisions blindées qui, dans un camp comme dans l'autre, semblent trop engagées
pour pouvoir rebrousser le chemin. Comment de surcroît, ne pas en prendre compte
ces nombreux autres acteurs, qui poussent à l'escalade avec le sang des autres,
dans l'espoir d'engranger les résultats du carnage? La meilleure approche de la
paix n'est-elle pas de convaincre les belligérants des conséquences désastreuses
de cette guerre? Car les risques, on les connaît: conflit de civilisations,
entraînant un affrontement entre riches et pauvres, embrasement généralisé au
Proche et au Moyen-Orient, suivi d'une formidable récession économique mondiale.
Et finalement, des ruptures en chaînes irréversibles. Dès lors qu'aujourd'hui
l'euphorie d'un war game fait place au réalisme et à la perception des mille et
une conséquences de ce conflit, il est permis d'entrevoir une véritable
initiative de paix. Qui serait prise par un groupe de pays représentatifs dans
la communauté internationale.
- Soyez plus précis...
- On peut, par exemple, imaginer que la France, l'Allemagne,
l'Algérie, la Tunisie, l'URSS, la Chine, l'Inde, le Mexique et le Brésil
prendraient l'initiative:
1.de décider une trêve de quelques semaines jusqu'à la fin de ramadan, par
respect du monde musulman,
2.de faire des pressions sur l'Irak pour qu'il se retire du Koweit;
3.d'exercer une vigilance à l'ONU pour l'application totale du droit,
notamment à propos de la fixation d'une date pour la Conférence internationale
sur le Moyen-Orient et notamment sur la Palestine,
4.Et à cet effet, d'appeler à une session spéciale de l'assemblée
générale des Nations unis en vue d'ouvrir de larges débats et de parvenir à une
résolution de règlement global, à l'instar de la résolution dite "Union pour la
paix", adoptée par l'assemblée générale à l'occasion du conflit coréen. Cette
résolution sera l'émanation de l'ensemble de la communauté internationale. Une
manière d'employer le levier de la légalité internationale pour rappeler aux
Etats-Unis que le mandat dont se prévalent pour jouer aux gendarmes dans le
Golfe est non seulement vicié par la précipitation et par leurs pressions sur
les membres du conseil de sécurité, mais que ce directoire, s'il dispose d'une
certaine légitimité historique n'a pas de légitimité démocratique.
- L'ONU peut-elle encore jouer un rôle?
- Pour mettre fin à l'intransigeance américaine, il faudrait que se
constitue un comité d'état-major des forces de l'ONU. La Charte des Nations
unies leur fait obligation de superviser les opérations menées en son nom par un
comité d'état-major. La création de cette institution aurait certainement
empêché les Etats-Unis de donner aux opérations militaires d'autres buts de
guerre. L'intervention dans le Golfe était conçue pour libérer le Koweit et non
détruire les forces économiques et militaires de l'Irak. "Vous parlez de droit,
alors appliquez-le vous même d'abord". Tel est le langage à tenir aux
responsables américains. Quant aux responsables irakiens, pour les amener à
évoquer le Koweit il convient de leur enlever l'"argument Palestine". "Vous
voulez la justice? Voilà ce que nous avons décidé pour la Palestine! Alors
appliquez la même chose de votre côté. Rendez justice à la souverainete
koweitienne".
Propos recueillis par François Soudan
Jeune Afrique