Instincto Magazine, décembre 1989, n° 24 ; Chronique par G.-C. Burger

DES PECHES QUI NE DONNENT PAS LA PECHE

Nous avons beaucoup parlé, ces derniers temps, des problèmes de médias, de justice et de budget qui nous assaillent. Il est vrai que ce sont là des préoccupations de première urgence et que notre devoir nous oblige a résoudre ces problèmes en priorité. Pendant ce temps, la vie de tous les jours continue avec ses mille questions, et il ne faudrait pas que les gros trains qui font mine de nous écraser nous cachent le petit train-train quotidien dont dépend notre joie de vivre et notre santé : ce journal est fait d'abord pour accompagner les jeunes instinctos dans leurs premiers pas au pays du cru intégral...

Il est un problème qui guette chaque débutant, et même les plus vaillants, comme si le retour aux sagesses naturelles devait par fatalité s'assortir de toute une panoplie d'ambiguïtés, bien calculées pour donner au néophyte l'impression qu'il s'égare et lui faire reprendre le chemin plus confortable de l'erreur.

Lorsqu'on donne au corps des conditions de fonctionnement plus normales, celui-ci profite de l'occasion, si je puis dire, pour entreprendre toutes sortes de réactions restées jusque là en suspens. Rien d'étonnant a cela, l'organisme est assez intelligent pour aller au plus pressé et reporter à plus tard les travaux de fond quand les circonstances présentes ne sont pas favorables. Ainsi, le travail de désintoxication est renvoyé a des jours plus tranquilles lorsque la nourriture quotidienne s'assortit d'une intoxication trop pesante : le corps entre en tolérance et n'agit plus pour lutter contre des éléments qui reviennent trop systématiquement à l'assaut, au point qu'il semble oublier du même coup les éléments nocifs qui se sont déjà introduits précédemment dans la forteresse. C'est ainsi que les choses se passent aussi longtemps que durent les joies de la cuisine. Or voilà que les attaques extérieures cessent tout a coup, suite a quelque décision prise par le maître de céans, en l'occurrence le cerveau qui s'est convaincu de la nécessite d'un retour inconditionnel a l'alimentation de nos ancêtres présumés crudivores, voire instinctivores : cette fois l'organisme va enfin pouvoir entreprendre la campagne de nettoyage qui attendait depuis des années et qui lui permettra de se refaire une jeunesse...

Le schéma est logique, et combien vérifié par l'expérience. II subsiste malheureusement une difficulté : la désintoxication s'accompagne de symptômes qui sont on ne peut plus semblables a ceux de l'intoxication. En d'autres termes, on ne peut pas savoir, lorsque se présente un symptôme, si celui-ci recouvre un processus utile ou un processus nuisible.

Suis-je en train de me débarrasser des toxines du passé ou au contraire de succomber aux toxines du présent, il n'y a là-dedans que l'avenir qui permettra de trancher. S'il s'agit d'une désintoxication, mon état de santé s'en trouvera amélioré, s'il s'agit d'une intoxication, je me trouverai plus mal a long terme. Mais dans l'immédiat, il est le plus souvent impossible de savoir laquelle de ces deux interprétations est la bonne. Et comme les croyances médicales en vigueur nous prédisposent a accuser un facteur extérieur immédiat plutôt qu'une accumulation de facteurs anciens, plus difficiles a discerner et plus angoissants puisqu'ils nous prennent par l'intérieur, nous sommes automatiquement portés a accuser un agresseur extérieur quelconque.

-Une erreur classique-

Toute la médecine fonctionne sur ce modèle. C'est ce qui a valu leur notoriété aux théories de Pasteur. Les microbes qui venaient d'être découverts, cachés dans l'infiniment petit, traquant la santé des humains, sont restés depuis là les boucs émissaires tout trouvés a nos angoisses de mort, angoisses d'ailleurs justifiées par le cours dangereux que prennent les processus infectieux dans le contexte culinaire. Il faut longtemps, dans les débuts de l'instincto, pour apprendre à discerner les causes réelles des maladies microbiennes et pour oser attribuer aux molécules parasitant l'organisme les dérèglements que la pensée dominante attribue aux virus et bactéries. Au bout d'un certain temps, la chose paraît aller de soi mais que de malentendus dès que l'on a affaire à un représentant de l'ordre médical : microbe = antibiotique, telle est l'équation raccourcie qui fait barrage à tout dialogue et n'a généralement pas d'autre effet que de renvoyer la réaction en cours a un avenir plus ou moins éloigné.

La même équivoque se présente par exemple face a un aliment nouveau. Comment savoir si le fruit qui vous déclenche une réaction désagréable vous a mal convenu, ou s'il vous a, au contraire, trop bien convenu, au point que votre organisme a profité de l'aubaine pour entreprendre une de ces petites séances de nettoyage dont il a le secret... Dans ce genre de situations, le fonctionnement de notre esprit veut que nous accusions d'abord l'aliment nouveau, agresseur extérieur et cible de nos soupçons comme tout ce qui est inhabituel. Ainsi s'installent trop souvent des dégoûts définitifs pour les aliments qui nous sont les plus salutaires, par exemple les fruits exotiques auxquels nous sommes particulièrement adaptés et qui sont donc particulièrement efficaces. Même problème avec le poisson ou la viande chez ceux qui n'en ont pas consommé depuis longtemps et qui déclencheront de ce fait des réactions d'autant plus énergiques. Voire avec les innocents fruits du pays lorsque, au retour des saisons, ils retrouvent, par l'effet de surprise, un regain de nouveauté et d'efficacité.

C'est certainement ce qui est arrivé à un nos lecteurs qui nous écrivait cet été pour nous signaler des malaises survenus dans sa famille après la consommation de pêches jaunes : maux de tête, baisse de moral, boulimie, et à plus long terme, mal aux yeux ou aux dents, sensations de jambes coupées, rhumes, cauchemars. Le bébé allaité présentait deux jours après sa mère des symptômes analogues, rhume, fièvre, fatigue importante. « Ce qui nous déçoit par-dessus tout, écrivait-il, c'est que nous avons remarqué que ces pêches étaient citées en qualité- prestige dans la feuille de prix ! (...) Nous aimerions beaucoup savoir si d'autres personnes ont manifesté également un doute sur ces mêmes pêches.  Il est évident que peu de gens font le rapport entre un produit précis et certains symptômes, qui peuvent être attribués à d'autres causes (stress de la vie courante, du métier, etc....) ou être faussés par la prise de médicaments par exemple. Mais nous ne pouvons imaginer être les seuls à réagir aussi vigoureusement à un produit qui, pour nous, serait à classer parmi les poisons du système nerveux. Même si on ne met pas en doute l'honnêteté de certains producteurs bios, ceux-ci ne peuvent-ils pas eux-mêmes être victimes de publicité mensongère, par exemple sur un produit considéré comme inoffensif ? »

Comme je comprends cette réaction ! Au début de l'expérience instincto, nous avions nous aussi le réflexe d'attribuer le moindre malaise à des pesticides ou autres toxiques cachés dans le fruit, le miel, la viande que nous avions consommés. Ainsi les choses étaient très simples, à cela près que nous nous sentions entourés d'une armée de démons chimiques s'introduisant jusque dans les produits les plus parfaits que nous pouvions nous procurer. C'est au bout d'un ou deux ans que l'impossibilité d'expliquer nos troubles par l'action des aliments de plus en plus sûrs dont nous disposions nous amena à prendre conscience de l'importance de l'intoxication que nos organismes devaient à la bonne cuisine consommée précédemment et, partant, de l'importance des processus de détoxination qui allaient être nécessaires pour éliminer les matières accumulées.

Autrefois, nous pensions que quelques semaines de jeûne ou de nourriture saine suffiraient a débarrasser le corps du gros de ses toxines. C'est là ce qu'enseignent tous les marchands de médecine naturelle: tout vient de l'intestin, il suffit de nettoyer cet organe et tout doit s'arranger...

II nous a fallu apprendre à raisonner sur une tout autre échelle de temps : ce sont des années qu'il faut pour que le corps soit tant soit peu « purifié », les chiffres donnés dans une précédente chronique montrent qu'il n'y a rien d'étonnant à cela. Une élimination massive de molécules dangereuses pourrait entraîner des dommages aussi graves qu'une intoxication massive, si bien que la désintoxication ne peut raisonnablement guère se produire plus vite que l'intoxication. C'est-à-dire qu'à des années de cuisine succéderont autant d'années d'éliminations... C'est bien ce que montre l'expérience, même si la santé se transforme rapidement, on retrouve des odeurs, des sorties de matières, et toutes sortes de symptômes pendant des durées qui dépassent de loin ce qu'imagine le profane. D'où toutes sortes de conclusions fausses qui conduisent à agir a rebours du bon sens.

-Attention aux conclusions hâtives-

Aussi longtemps que le corps contient encore des molécules étrangères susceptibles d'être éliminées, il faut, chaque fois qu'un aliment déclenche une réaction indésirable, se demander si le malaise observé est dû soit à l'apport immédiat d'une substance toxique, soit à l'exportation d'une substance toxique introduite antérieurement, ou encore aux deux choses à la fois. Différents critères peuvent alors aider à trouver la bonne réponse.

Exemples :

1°) Le trouble observé peut-il raisonnablement résulter de la présence d'un engrais chimique ou d'un résidu de pesticides dans l'aliment ? Les produits chimiques utilisés dans l'alimentation sont essentiellement nocifs par accumulation. Un effet immédiat apparaîtrait seulement au-dessus d'une dose bien supérieure à ce qu'on peut trouver dans un fruit du commerce. A plus forte raison dans un fruit réputé biologique : le service des fraudes est toujours là qui veille, de sorte qu'aucun producteur bio n'oserait actuellement prendre le risque de vendre des produits dont il connaîtrait la non-conformité. II reste la possibilité d'un accident, comme l'apport d'un produit de traitement par le vent, mais là encore, on aurait à faire à des doses insuffisantes pour déclencher des troubles sensibles.

2°) Des troubles classiques comme rhume, fièvre, douleurs dentaires sont généralement en rapport avec l'intoxication ou la désintoxication culinaire (en plus de l'action possible d'un microbe). Pour savoir si un aliment donné est à incriminer, on notera les différences de réaction entre des instinctos de longue date et des débutants. Les organismes les plus désintoxiqués réagiront plus fort a une intoxication directe mais ne présenteront que peu de troubles imputables a une détoxination déclenchée par la prise de l'aliment. Les plus intoxiqués réagiront généralement a l'inverse, c'est-à-dire moins fort au toxique ingéré directement, tout en ayant des chances de présenter des symptômes de détoxination plus violents chaque fois qu'une telle réaction se sera déclenchée. Pour tirer des conclusions, il est indispensable d'observer l'effet d'un aliment douteux sur un nombre suffisant de personnes, dont la plupart pratiquent l'instincto depuis un temps assez long, sinon on n'aura aucun moyen de distinguer l'intoxication de la détoxination.

3°) La répartition "épidémiologique" des troubles est particulièrement significative: la plupart des réactions de détoxination semblent être contrôlées par des agents transmissibles, peut-être des virus, identifiés ou non suivant les cas par la médecine. Ainsi, si des symptômes analogues apparaissent entre les membres d'une même famille, sans qu'ils aient consommé le même aliment, on pourra conclure a une détoxination. En revanche, si des troubles semblables apparaissent chez des personnes qui ne sont pas en contact mais qui ont absorbé le même aliment, on aura vraisemblablement à faire à une action nocive de cet aliment. Là aussi, si l'on ne veut pas se perdre en conjectures, il faut disposer d'un nombre conséquent d'observations afin de pouvoir effectuer les recoupements nécessaires.

4°) La nature des troubles observés peut donner des indications utiles. Avec un peu d'habitude, on reconnaîtra certains symptômes de détoxination au fait qu'ils sont associés a une sortie de matières anormales (diarrhée, rhume, éruptions, etc.). Le problème se complique malheureusement par le fait que des causes peuvent se superposer : un fruit poussé aux engrais peut entraîner une surcharge qui entraînera à son tour une détoxination mal contrôlée portant sur des substances anciennement accumulées.

5°) Une réaction de détoxination est plus fréquente avec un fruit nouveau, ou dont la consommation remonte a la saison précédente. C'est souvent ce que l'on observe au retour d'une saison, par exemple aux premières fraises, cerises ou pêches du printemps, surtout si elles sont biologiques, car elles ont alors, non seulement l'avantage d'un impact neuf, mais encore celui d'une valeur vitale maximum. Des maux de tête et des malaises violents comme ceux que décrit notre correspondent sont vraisemblablement les signes d'une détoxination carabinée, déclenchée par un fruit particulièrement draineur, consommé peut-être en quantité quelque peu excessive: nous avons depuis longtemps reconnu la pêche jaune comme un fruit très éloigné de la pêche sauvage et donc peu sûr à l'arrêt instinctif.

Avec un approvisionnement 100 % correct et pour autant qu'on applique correctement les règles de l'instinct (attention aux sensations de dégoût et de réplétion ! ), on peut être quasiment sûr que les troubles consécutifs à la prise d'un aliment sont l'effet d'un processus de détoxination.

C'est d'ailleurs un des bienfaits essentiels d'un approvisionnement sans faille, sans quoi on se trouve continuellement tiraillé entre la peur de se détraquer lÕorganisme à coups de produits chimiques ou de molécules dénaturées et l'espoir qu'il s'agisse d'une désintoxication salutaire.

Or ce genre de tiraillements est très nocif pour la santé...


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