Instincto Magazine, janvier-février 1990, n° 25-26 ; Editorial par G.-C. Burger

Liberté, Egalité, Fiscalité...

La Guerre du cru se précise. .Notre ennemi public numéro un n'est autre que l'Etat, représenté par son arme la plus lourde: le fisc. Notre ennemi numéro deux sera encore l'Etat, en la personne de dame Justice. Il y a même un ennemi numéro trois représenté par un syndic de liquidation. L'offensive finale se prépare, et si les plans de l'adversaire sont bons, il ne devrait bientôt rester grand chose des hérétiques. Car derrière les attaques légales dont nous sommes la cible, se cachent manifestement des motivations qui rappellent plus les guerres de religion que la saine administration d'un pays. Depuis environ deux ans, c'est une véritable croisade qui a été lancée contre les médecines naturelles en France et dans les pays voisins. L'instinctothérapie étant la plus naturelle des médecines naturelles et l'une des plus connues, c'est en toute logique elle qui devait être visée la première.

D'ou la campagne particulièrement virulente dont nous avons été l'objet. D'abord par l'intervention des médias: on ne prépare pas une bonne guerre sans manipuler préalablement l'opinion publique. La tache était facile. II suffisait d'appuyer sur quelques boutons du genre gourou, secte, escroquerie, amaigrissement, cachexie, etc., pour emporter l'adhésion des foules. Malheureusement, une arête dans le moteur est venue compliquer les affaires: la fameuse émission "Ciel, mon mardi..." d'avril 89 m'a permis d'une part de m'exprimer librement (pour la première fois depuis vingt ans que la télévision s'intéresse a nous ! ) , et d'autre part de prouver a treize millions de téléspectateurs que j'étais victime de procédés judiciaires pour le moins discutables. Le simple fait d'avoir parlé d'instinctothérapie en public me valait l'émotion d'une arrestation en règle (neuf policiers pour ne pas rater le dangereux terroriste) et les joies d'un emprisonnement immédiat. Depuis lors, les choses n'ont guère évolué. Mon dossier, enfin arrivé, semble toujours aussi mince qu'aux premiers jours. Mais la Justice n'a pas a s'en faire, la mâchoire de l'Etat se referme d'un autre coté. Apres dix-huit mois de travail acharné (la grande perquisition fiscale comprenant plus de vingt agents et inspecteurs débarquant a la même heure a Montramé, a "l'entreprise de vente de produits naturels", a Nature-Burger et même aux Fontanilles, date du 8 juin 1988 !), l'administration fiscale a enfin tiré son premier boulet. Plutôt sa première volée de missiles a tête chercheuse, sous la forme d'une série de notifications de redressements massifs visant toutes les cibles possibles. En voici les grandes lignes, qui vous seront peut-être utiles si vous connaissez vous aussi un beau jour les affres d'un contrôle fiscal.

D'abord Montramé: l'administration décrète tout simplement que notre association constitue une société à but lucratif, vu que nous percevons des frais de séjour. Donc les auto-investissements effectués dans les travaux d'aménagement du centre sont autant de bénéfices commerciaux, imposables à 45%. Avec le redressement de la TVA, cela nous vaut pour 86, 87 et 88, une imposition de la bagatelle de 1.200.00 F.

Ensuite "l'entreprise de vente de produits naturels": après un an et demi de fouilles assidues, le fisc relève les irrégularités suivantes: une facture de 54 kg de melons achetés a un producteur n'est prétendument suivie d'aucune facture de vente de melons, c'est donc une preuve de ventes non déclarées. Une facture du 1er janvier 86 n'a pas été comptabilisée, une autre du 31 décembre de la même année ne se retrouve pas non plus, une autre encore ne figure pas avec le montant facturé.

S'appuyant sur ces arguments, l'administration rejette en bloc toute la comptabilité. Pour la refaire a sa façon: on prend la marge moyenne calculée en comparant les prix d'achat et les prix de vente de quelques produits choisis au hasard, on multiplie par ce rapport le total des achats effectues dans l'année, et on trouve évidemment un chiffre de ventes théorique plus gros que le chiffre déclaré (puisque ce calcul néglige les pertes ! ). La différence est alors considérée comme le résultat de ventes occultes, raisonnement qui conduit a supposer un bénéfice non déclaré de quelque 600.00F. Ce montant est alors imposé a 45%, soit pour la somme modique de 270.000F, à quoi devrait encore s'ajouter la pénalité de 50 à 100 % pour bénéfices distribués au noir, vu que ces sommes ne se retrouvent -et pour cause- nulle part...

Or un examen pourtant simple de nos archives démontre que l'achat des 54 kg de melons est suivi dans la semaine par une série de ventes totalisant 53 kg 800 des mêmes melons; que la facture du 1er janvier 86 datait en réalité de 85 (petite erreur d'écriture sans conséquence sur les comptes puisqu'on la retrouve dans l'exercice 85), que l'autre facture du 31 décembre avait été reportée a l'exercice de 87 (sans doute égarée au moment du bouclement), et que la discordance sur la quatrième facture incriminée provenait d'une déduction faite par l'acheteur afin de rectifier une erreur de tarification. Avec un peu d'humour, on pourrait dire que les procédés utilisés par le fisc ne valent pas cher...

Troisième cible: XXX-Editions. Les sociétés constituées jusqu'à fin 86 étaient exonérées d'impôts pendant trois ans. Les statuts d'XXX-Editions ont été signés le 29 décembre 86, le capital déposé réglementairement le 30, et la société enregistrée auprès de l'administration fiscale le même jour, seul un certain formulaire "M 1" devant être déposé jusqu'au 16 janvier a été remis avec du retard. L'administration n'est évidemment pas là pour faire des cadeaux, ce dernier point lui suffit pour contester l'exonération et nous voilà encore une fois soumis à une monumentale imposition-surprise. Or les textes de loi, en y regardant de plus près, n'exigent pas impérativement le dépôt du formulaire incriminé, mais demandent, à défaut, que la date de fondation de la société "soit prouvée par tous moyens": l'enregistrement que nous avons effectue dans les délais auprès du fisc lui-même n'est donc pas une preuve suffisante pour que le fisc se considère comme informé... Et ensuite, l'administration s'étonne que le contribuable cherche à la rouler par tous les moyens !

Quatrième cible: le gourou en personne. Pour calculer ses revenus, on prend le nombre brut des personnes inscrites sur le cahier des réservations de Montramé et on multiplie par la finance de cours, sans tenir compte ni des absents, ni des personnes qui sont en cure sans suivre le cours, ni des réductions, ni des exonérations (enfants, conjoints, "redoublards", etc.), d'où un revenu fictif plus que doublé et un impôt dépassant largement, avec les pénalités d'usage, le revenu réel...

Cinquième cible: Bernard Mercier, dont ces Messieurs ne pouvant certainement pas imaginer qu'il travaille véritablement sans salaire. Faute de mieux, on lui estime un salaire en nature constitué par la nourriture et l'usage de voiture à fins personnelles, alors qu'il utilise occasionnellement sa propre voiture mise a disposition de l'Association...

Mêmes procédés aux Fontanilles où le paquet-surprise, après conversion des auto-investissements en bénéfices, est d'environ 170.000 F.

Le total de ces redressements arbitraires atteint plus de deux millions, en francs nouveaux bien entendu! Dire que certains esprits retors accusent l'administration de manquer d'imagination...

Jusqu'ici, je croyais que les histoires que l'on raconte sur les procédés du fisc français tenaient plus de la légende que de la réalité. Force m'est de constater que les méthodes utilisées ne consistent pas a rétablir des chiffres corrects ou a corriger des erreurs, comme on pourrait l'attendre d'une instance officielle chargée en principe de faire appliquer la loi. Non: l'administration s'arroge le droit d'extorquer du malheureux citoyen qui passe a la moulinette, simplement le maximum qui sied a son bon plaisir, rien ne la retient dans ses appétits, à la victime de prouver que les exigences formulées ne sont pas justifiées.. Pour peu que le contribuable ait un peu de désordre dans ses affaires, qu'il ait égaré un papier dont il ne prévoyait pas la soudaine importance, qu'il ne trouve pas l'article de loi que l'administration s'empresse de ne pas lui signaler, qu'il laisse passer un délai rendant définitives les revendications fantaisistes d'une notification, que l'argent nécessaire lui manque pour payer un conseil combien nécessaire s'il ne veut pas se perdre dans la jungle de la législation, le voila dévoré sur place, les poursuites aux fesses, ruiné pour enrichir les faiseurs de bombes et rembourser les stupidités de la sécurité sociale...

L'homme préhistorique avait sans doute maille a partir avec toutes sortes de bêtes dangereuses. C'est aujourd'hui l'administration qui a pris la relève des grands prédateurs, avec cette différence que dans la nature il existait un équilibre entre les moyens dont disposait le fauve pour satisfaire ses appétits, et les moyens dont disposait la victime pour lui échapper. Le dinosaure était énorme mais suffisamment bête pour que ses instincts de dévastation heurtent à la malice et à la rapidité de ses proies. Le fisc n'est peut-être pas très loin du dinosaure en ce qui concerne le volume et l'intelligence, la différence tient plutôt au fait que l'écologie en vigueur dans la législation lui donne la victoire avant le combat.

Je m'explique: les attaques de l'administration peuvent être contestées par le contribuable. Nous sommes en pays démocratique. Le premier moyen que lui laisse la procédure est une réponse qui doit être adressée impérativement dans un délai de trente jours -tant pis pour celui qui est en retard, son cas serait alors sans appel, tout élément fourni après ce délai ne serait plus pris en considération. Trente jours pour réunir toutes les pièces et tous les arguments qu'il peut être nécessaire de produire afin de contrer les revendications du fisc qui, lui, peut se donner plus d'un an pour fignoler sa stratégie, c'est déjà bien dans la ligne de l'égalité et de la fraternité propre a nos institutions ! Ensuite, l'administration est appelée à donner sa réponse, mais elle peut le faire en toute quiétude: elle est souveraine pour juger la valeur de la réponse reçue, elle peut tout tranquillement renvoyer la même notification qu'au premier coup, sans tenir compte des arguments opposés par sa victime. C'est ce qui s'est passé aux Fontanilles. Le contribuable peut alors se pourvoir devant une commission, là encore on lui laisse l'illusion de pouvoir compter sur un peu plus de justice. Qu'il se détrompe, cette commission ne peut statuer que sur les chiffres, elle ne peut rien faire quant a l'interprétation des textes: si l'administration a considéré abusivement que le contribuable tombait sous tel ou tel article de loi, il reste victime de cette décision. Aussitôt, le couperet tombe, avec un dernier recours en grâce: le pourvoi devant un tribunal administratif, ce qui représente environ deux ans de procédures supplémentaires. Mais attention: dans l'intervalle, le citoyen est en principe redevable des montants exigés. Cela paraîtrait despotique, on lui laisse alors, toujours au nom de la démocratie, la possibilité de demander un sursis de paiement. Seulement, ce qu'on ne dit pas, c'est que ce sursis n'est accordé que sous réserve d'un cautionnement, par exemple un cautionnement personnel du responsable de la société qui est visée. Et si le malheureux responsable n'a pas les biens nécessaires a mettre dans la corbeille pour couvrir les montants fantaisistes exigés par l'administration, ce n'est pas grave, les huissiers seront là du jour au lendemain pour vider la caisse ou mettre la société en liquidation. Voila ce que m'explique le spécialiste en redressements fiscaux consulté pour l'occasion, dont les honoraires, soit dit en passant, ne seront pas remboursés par l'Etat, même si les attaques de l'administration sont finalement reconnues comme parfaitement injustifiées...

La Démocratie est sortie de la Révolution, on nous le rappelait abondamment l'an dernier. Hélas, il faut bien le constater, elle n'est pas encore sortie tout a fait de la Terreur... .

A ces attaques vient s'ajouter encore un autre tour de passe-passe: vous vous souvenez sans doute du "Relais XXX de Paris" qui accueillait en 85-86 les instinctos parisiens au boulevard Magenta. Le gérant, probablement découragé par les difficultés financières, avait fini par s'évader au Brésil avec le fonds de caisse, laissant tout en plan. Cette société n'avait aucune liaison avec "l'entreprise de vente de produits naturels", sauf le nom et quelques anciens actionnaires communs, eux-mêmes disparus dans la nature. Or voila que le syndic chargé de la liquidation (un trou de 800.000F) nous assigne maintenant dans le but d'étendre la liquidation à "l'entreprise de vente de produits naturels", arguant très sérieusement du fait que le dénommé G-C Burger est inculpé d'exercice illégal de la médecine et que toutes les sociétés relatives a l'instinctothérapie auraient cessé leur activité...

Je ne sais plus trop qui disait qu'en France l'imbroglio des textes de loi et de jurisprudence est tel que l'on trouve toujours l'article nécessaire lorsqu'on veut démolir quelqu'un. A voir comment les choses se présentent, on pourrait croire effectivement que l'actuelle intervention des pouvoirs publics n'a pas pour but de faire régner l'ordre et la sécurité, mais d'évincer ce qui dérange. Personnellement, je préférerais croire qu'il s'agit d'un enchaînement de réactions viscérales face a une démarche neuve et difficile à comprendre, d'un phénomène spontané plutôt que d'une action dirigée. Pourtant plusieurs éléments tendraient à me donner tort, certains fonctionnaires ayant laissé entendre qu'une pression était exercée d'en-haut et que des ordres particulièrement durs avaient été donnés. Si cela conduit a une épreuve de force honnête, je n'y vois pas d'inconvénient majeur. Un procès, c'est en principe l'occasion de rétablir la vérité. En revanche, si le but est de nous faire couler coûte que coûte, l'arme fiscale et sa procédure machiavélique sont le moyen rêvé pour nous porter un coup bas et définitif...

Les événements de ces prochains mois nous permettront d'y voir un peu plus clair.

Si vous désirez vous assurer par vos propres yeux de la véracité des points rapportés dans cet éditorial, vous pouvez demander les photocopies de tout ou partie de ces dossiers à Montramé (pour 1 F la page, port compris).


NB: "l'entreprise de vente de produits naturels" ou XXX remplacent un mot supprimé le 9-10-2002


 

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