Extrait de Instincto Magazine n° 34, octobre 1990, Editorial, par G.-C. Burger
Mauvaise nouvelle pour les cancérologues: les statistiques officielles ne sont de loin pas aussi réjouissantes qu'on voulait le croire ces dernières années. Un article paru dans Le Monde sous le titre "La mauvaise courbe du cancer" faisait récemment état d'un rapport publié le 23 août par The Lancet, revue médicale digne de foi: "la plupart des cancers sont en forte augmentation dans les principaux pays industrialisés". Voilà qui change avec les affirmations rassurantes, si ce n'est triomphalistes, de la médecine officielle ! Un certain professeur D. Lee Davis, du M. S. Medical Center de NewYork, l'affirmait en plein congrès: "Les changements sont si grands et si rapides que des recherches intensives s'imposent de toute urgence afin d'en déterminer les causes; c'est à ce prix, et à lui seul, que pourront être mises en oeuvre des politiques de prévention vraiment efficaces".
Il y a bien quelque part régression: la mortalité par cancer de l'estomac et cancer du poumon a diminué, pour le premier de 20 et 50% au Japon et aux EtatsUnis respectivement, pour le second de 10% aux USA et au RoyaumeUni. Ces améliorations sont attribuées à la réduction de la consommation du tabac et, tenezvous bien, à l'augmentation de la consommation des fruits et légumes ! On ne mentiorme même pas les progrès de la médecine... En France, en Italie et au Japon, la fréquence du cancer du poumon est en légère augmentation. Toutes les autres formes de cancer sont en forte hausse, jusqu'à 500%, voire 700%, pour les cancers du système nerveux dans certaines tranches d'âge. En France, un habitant sur quatre est actuellement promis à une forme ou une autre de cette funeste maladie. Dès l'an 2000, nous en serons à un habitant sur trois. Ce brillant palmarès semble être réservé aux pays industrialisés. En effet, la moitié des cas surviennent dans le cinquièmede la population mondiale, c'estàdire que les avantages de la civilisation nous donnent droit à une probabilité de cancers quatre fois plus forte que dans le reste du monde. Les choses s'arrangeront certainement lorsque les pays sousdéveloppés nous auront rattrapés sur les chemins de la civilisation... Triste bilan d'inefficacitée pour les traitements prônés par la médecine conventionnelle: les irradiations sophistiquées, les chimiothérapies raffinées et autres victoires des technologies modernes ne parviennent pas à enrayer une évolution dont personne ne semble en mesure de pénétrer la cause réelle. Le fait que la mortalité par cancer du sein, par exemple, continue elle aussi à augmenter (de 30 à 50% !), alors que tant d'efforts ont été faits non seulement sur le plan thérapeutique, mais sur celui de la prévention et du dépistage, nous montre que quelque chose de beaucoup plus important que tous ces moyens reste impénétrable au dispositif médical actuel. Les auteurs du rapport s'interrogent sur les causes mystérieuses du phénomène. Ils insistent même sur "l'existence probable de facteurs environnementaux non encore connus"... Suit alors un paragraphe mettant en cause l'effet des pesticides ou autres substances "que l'on ne savait pas encore cancérigènes", sur les personnes plus âgées qui ont pu y être exposées à une époque où n'existaient pas encore "les normes en vigueur aujourd'hui". Délicieuse naiveté du commentateur qui sousentend qu'aujourd'hui toutes les substances nocives ont été interdites... et reconnaissance en même temps de la folie que représentait la mise sur le marché de produits dont personne -surtout pas les fabricants- ne voulait jadis envisager la nocivité...
Manifestement, le même aveuglement continue... Par besoin de se sécuriser, de se conforter dans l'idée que l'on ne risque rien, on rejette la faute sur le passé, pas un instant on ne laisse les soupçons se faire jour quant aux innombrables substances commercialisées chaque année avec un recul tout aussi insuffisant pour juger de leur toxicité à long terme et, surtout, on occulte toujours aussi soigneusement le problème alimentaire. Mis à part quelques sauf-conduits comme les fibres alimentaires et les cures de vitamines, on ne se pose toujours pas la seule question qui permettrait, tout en restant dans la logique de notre biologie moderne, de se donner une chance d'avancer: sommesnous adaptés génétiquement à toutes les substances que nous introduisons dans nos organismes, et quelles sont les conséquences d'une éventuelle inadaptation ? Comme j'ai pu le constater, poser cette question mène au bagne. C'est peutêtre pour cette raison que les chercheurs préfèrent suivre d'autres voies. Même si les statistiques ont ouvert certaines brêches dans le rempart, l'art culinaire reste une forteresse imprenable. La consommation des fruits et légumes freine le cancer de l'estomac, mais il est hors de question de penser qu'une alimentation naturelle puisse agir sur l'évolution des autres cancers. Surtout pas sur la guérison ou la probabilité de rechute. Une maladie se soigne avec des médicaments, donc l'alimentation ne peut jouer qu'un rôle secondaire, on s'en occupera quand on aura trouvé le remède miracle ! Malheureusement, il est possible que le désordre alimentaire soit le principal inducteur du désordre fonctionnel qui amène au cancer et en empêche la guérison. On ne lutte pas contre un désordre en ajoutant un autre désordre: les désordres s'ajoutent et ne se soustraient point, jusqu'à nouvel avis. Or une irradiation ou une chimiothérapie sont précisément des désordres que l'on introduit dans le corps pour détruire les cellules désordonnées. Etonnonsnous de constater une aggravation du désordre... Et si la prévention échoue, c'est peutêtre parce que là aussi le problème est mal posé. On raisonne en terme de dépistage, donc de lutte contre le symptôme, et non de lutte contre la cause. On parle parfois d'agents pathogènes ou de facteurs génétiques, mais le moins possible d'hygiène alimentaire. Si l'on aborde le terrain de la nutrition, c'est pour dénoncer des manques de vitamines ou de fibres, dans la ligne diététique traditionnelle, alors que ce n'est pas forcément l'absence de certaines substances utiles, mais la présence de substances perturbatrices qui peut être à l'origine de la catastrophe. Je pense bien entendu aux antigènes alimentaires que peuvent nous apporter des aliments non originels comme le lait animal, le blé, ou d'autres sources encore de molécules nouvelles dans l'histoire de notre nutrition, auxquelles nos mécanismes d'assimilation et de défense ne savent pas forcément faire face. Il est pourtant reconnu que dans l'Antiquité, alors que l'art culinaire était inexistant ou rudimentaire et que l'agriculture et l'élevage n'avaient pas encore modifié trop profondément nos aliments de base, le taux d'incidence du cancer ne dépassait apparemment pas le chiffre de un pour mille... Voilà qui devrait faire réfléchir nos chercheurs. Mais c'est là le domaine des archéologues. La nutrition est l'affaire des nutritionnistes, et l'éttiopathogénie appartient à la recherche médicale. Donc le mystère reste entier. Seuls la santé des contribuables et le budget de l'État risquent de se faire entamer chaque année davantage. Le rapport mentionné conclut évidemment par un pressant appel aux subsides :"La seule réponse que peuvent apporter les pouvoirs publics est une intensification de la recherche". Personne ne songerait à dire: "une nouvelle orientation de la recherche". Une voie qui fait depuis des décennies la preuve de son inefficacité, encore soulignée par l'aggravation récente des statistiques, et qui a déjà coûté si cher, mérite-t-elle vraiment d'être intensifiée ? C'est hélas une voie qui rapporte aux gens en place.