"Le Tribunal vous déclare coupable d'exercice illégal de la médecine"
La sentence est tombée ce mercredi vingt-neuf
mai en presque moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
La bouche de Madame la Présidente s'articule encore:
"... et prononce à titre de peine principale l'interdiction
d'exercer toute activité relative à l'instinctothérapie
ou l'instincto-nutrition sous quelque forme que ce soit, a savoir
l'accueil de curistes dans des centres, enseignements, publications,
publicité et interventions médiatiques et, ce, pendant
une durée de trois ans par application des dispositions
de l'article 131.6 du code pénal. Le magistrat
termine ces quelques mots en précisant que cette mesure
fait l'objet d'une "exécution provisoire" ce
qui signifie qu'elle est immédiatement applicable.
Injustice ! a-t-on envie de crier. Que d'injustice est capable
de générer la Justice ! Que ton J majuscule peut
devenir petit parfois ! Eh oui, il faut se rendre à l'évidence,
quelques juges, trois juges ont écrit une nouvelle page
de l'instinctothérapie, une nouvelle page d'incompréhension.
Décidément, cette démarche est un lieu d'oppositions
forcenées,de barrages continuels.
Ont-ils jugé en conscience ? Ont-ils été
manipulés ? Ont-ils capté l'immense force "révolutionnaire",
dérangeante, contenue dans l'instinctothérapie ?
Ou encore l'insuffisante maturité de la société
pour la recevoir ? Les questions se multiplient. Il y a tant d'étonnement
après ces quelques phrases.
Bien sûr, la relaxe pure et simple de Guy-Claude Burger,
bien que demandée avec fermeté par la défense
lors du procès du vingt-cinq mars, était peu probable.
Après sept ans d'instruction et de contrôle judiciaire,
il fallait sans doute, du point de vue de la justice, une condamnation,
question d'honneur. On pouvait s'attendre à une mise sous
surveillance, par un comité d'experts scientifiques par
exemple, ou encore à une interdiction de s'adresser à
des gens atteints de maladie.
`"Interdiction d'exercer": la sémantique
est un piège dans le maniement duquel les juges excellent:
il est clair que l'instinctothérapie n'est jamais "exercée"
mais simplement "enseignée" par son fondateur.
"L'interdiction d'enseigner l'instinctothérapie"
en direction des bien-portants, voilà une atteinte
à la liberté individuelle. L'interdiction de parler
à des joumalistes, voilà une atteinte à la
liberté d'expression et d'opinion.
Chose étonnante: le verdict énoncé ne s'appuie
sur aucun considérant, aucun attendu, aucun fait précis;
cela n'est finalement pas surprenant, car il n'y en a pas ! Ceci
nous fonde à penser que les juges ont jugé, en fait,
à partir des projections personnelles qu'ils ont faites,
malgré eux, sur l'instinctothérapie et son fondateur.
Et de quoi peuvent être faites ces projections ? La rumeur
alimentée par la presse à la recherche de sujets
à scandales, de "scoop", puisque tel est le système
dans lequel elle évolue ? Les réactions du corps
médical "bien pensant" et souvent structurellement
incapable de la moindre ouverture d'esprit sur le plan scientifique
? Les résistances psychologiques internes, tant il est
vrai que le bouleversement des habitudes alimentaires que suggère
l'instinctothérapie touche les couches profondes de l'inconscient
collectif par le biais des courts-circuits nourriture-amour inhérents
à notre culture prométhéenne ?
Et pourtant, la rumeur n'était pas si défavorable
lorsque le public de l'émission "Ciel mon mardi !"
avait pu bénéficier, grâce à l'objectivité
de son animateur Christophe Dechavanne, d'informations suffisamment
complètes en 1989; le sondage Minitel effectué durant
l'émission donnait 55% de téléspectateurs
pensant que l'instinctothérapie était une démarche
sérieuse et scientifique, 35% seulement pensant
qu'elle était farfelue. Dans le flot des émissions
et des articles de presse, quelques- uns ont constitué
de bonnes références, trop vite oubliées,
malheureusement. Ils étaient toujours le fait de professionnels
qui avaient pris le temps de faire les investigations
nécessaires pour se faire une opinion personnelle,objective
et fondée.
Enfin, il y a lieu de souligner qu'après deux ans d'instruction,
1989 et 1990, Monsieur le juge Pomet avait tout à fait
changé d'attitude vis-à-vis de Guy-Claude Burger
et s'adressait à lui avec beaucoup de déférence,
ce qui tranchait nettement avec la rudesse du premier contact
lors de la perquisition générale de septembre 1988.
C'est ce juge qui lui avait rendu son passeport, levant ainsi
de facto l'interdiction de se rendre à l'étranger
qui pesait alors sur l'inculpé. De même, Madame le
juge d'instruction Subra, recueillant la charge de poursuivre
l'instruction de 1991 à 1995, avait elle-même prononcé
la main levée du contrôle judiciaire; ceci constituait
une marque sensible, un préjugé favorable du magistrat
à l'encontre de Burger. Il est vrai que ces juges, à
force d'"explorer" les tenants et les aboutissants de
l'affaire, ont fini par comprendre et accepter les fondements
de la démarche. Mais, élégante contradiction
du système judiciaire, ils ont été relégués
à la portion congrue, le premier par mutation géographique,
le second par rappel à l'ordre de sa hiérarchie
institutionnelle. Et maintenant par le fonctionnement même
de la justice: par un coup de baguette magique, le magistrat instructeur,
qui est celui qui connait le plus à fond le dossier par
le temps passé, les personnes rencontrées, eh bien
! ce magistrat ne participe pas au procés et n'émet
même pas d'avis: il instruit et il se tait. Puis ce sont
des juges arrivant de l'extérieur, dans un ensemble de
faits qu'ils ne peuvent connaître et qu'ils n'ont pas le
temps d'approfondir, qui manient l'épée de Salomon.
L'application immédiate du jugement va, en tout premier
lieu, provoquer l'interdiction pour Guy-Claude Burger d'exercer
toute activité sociale relative à l'instinctothérapie.
C'est pourquoi le Président de l'Association de Montramé
qu'il est, a d'ores et déjà donné sa démission.
Il nous faudra donc tenir une prochaine assemblée générale
dans le courant de l'été.
Pour les cours et séminaires inscrits à notre programme,
nous devons suspendre jusqu'à nouvel avis tous ceux qui
étaient prévus à Montramé pour l'été.
Les personnes déjà inscrites pourront contacter
le Centre afin d'obtenir tous les renseignements les concernant.
En ce qui concerne l'avenir immédiat de l'instinctothérapie,
les bases d'une nouvelle relance sont à définir.
Cela sera l'occasion de réaliser un voeu émis depuis
longtemps par Guy-Claude lui-même, tant il est vrai qu'à
terme, le relais doit être pris, la responsabilité
que nous portons tous sur les épaules, pour l'avenir, pour
les générations futures, doit être assurée.
Les assistants potentiels, déjà partiellement formés,
ne manquent pas. Et, pendant ce temps, Guy-Claude aura le temps
d'écrire les livres que nous attendons tous...
Sur le plan purement judiciaire, Me Vergès estime que cette
sanction justifie une procédure en appel. La chose va se
décider dans les jours qui viennent. D'ici là, le
mouvement instincto a besoin de la plus grande unité qui
soit. C'est l'appel, qu'au nom de tous, je vous lance en ce soir
du vingt-neuf mai...
Bernard Mercier