Instruments et genres musicaux des Kel-Tamasheq: Tuareg et Bella |
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Les Tuareg et les Bella vivent en majorité dans les régions de
Tombouctou, Gao et Kidal. Les principaux instruments musicaux des
Tuareg sont: le tehardent, une harpe à trois cordes (propre aux
Tuareg et aux Bella), la flûte à 4 trous, takaanipt, (propre
également aux Tuareg et aux Bella) et le violon monocorde,
emzad. Il existe également le it-tabel, tambour de guerre, mais
il est en voie de disparition. Il ressort de cette énumération
une pauvreté en instruments de musique, qui est équilibrée par
une grande variété de genres musicaux. Comme chez les Peul, le
répertoire vocal que favorise le nomadisme occupe une place
importante dans la musique des Tuareg. Chez ces derniers, la
création et l'évocation poétique constituent la toile de fond
de toutes les formes musicales classiques. La poésie y est très
présente en tant que genre musical à part entière. La vie
monotone du désert est rompue par des chants et des poèmes
clamés à l'occasion de la 'danse des sabres' et de la 'danse
des fusils' accompagnées ou non d'instruments. Les thèmes
fréquemment abordés sont ceux qui ont trait à l'amour, aux
louanges des chevaux, aux sacrifices héroïques, aux récits de
vengeance entre tribus.
Le violon monocorde, emzad, peut être joué seul pour
produire une musique mélodieuse. Accompagné d'autres
instruments tel que le tambour d'eau, aghalaba, sa musique prend
un caractère plus dansant. Les femmes sont seules à jouer de
cet instrument. Savoir en jouer est une qualité très
recherchée par elles, car cela représente une marque
d'élégance et de distinction. Le violon sert à produire d'une
part une musique thérapeutique et d'autre part une musique
guerrière. Son son émerveille joueuse et public, et fait entrer
en transe. Il a par conséquent une forte influence sur les
génies. L'emploi thérapeutique de cet instrument est fréquent,
car, dit-on, sa musique a une influence efficace sur les maladies
mentales. Des pièces musicales telles que tagi-iguisane et
igalaban, dansantes et évocatrices de génies, sont fréquemment
jouées pour leur vertu thérapeutique ; tandis que celles qui
sont destinées à l'évocation des chevaux, des braves
guerriers, des batailles entre tribus, soulignent la noblesse et
le caractère guerrier de la société tuareg.
La harpe à trois cordes, tehardent, est généralement jouée
seule. Elle peut être accompagnée de calebasses à percussion
pour produire le takanba à l'occasion des baptêmes, des
mariages et des réceptions. Utilisé seul en musique
instrumentale et quelquefois accompagné d'une voix, c'est
l'instrument évocateur par excellence de la guerre et de
l'amour, deux thèmes fréquemment développés par les musiciens
Tuareg. Les pièces musicales du tehardent les plus connues sont
: yali (nom d'un lieu où Peul et Tuareg se sont battus), njeru
(dédiée aux Peul nobles vivant en entente avec les Tuareg),
mulay, (nom de Chérif), tangaani, (pièce de nostalgie et
d'amour où il est dit que ôle choeur ne pense qu'à ce qu'il
aime), et jaba (nom d'une île riche en burgu que les troupeaux
broutent à leur retour de transhumance du haussa).
Comme chez les Peul, les bergers (tuareg et bella) utilisent la
flûte, takaanipt, à quatre trous. Cet instrument mélodieux est
surtout un instrument d'accompagnement pendant les longs mois de
solitude. Pour animer les ' rassemblements : baptême, mariage,
accueil de personnalité, le flûtiste peut être accompagné
d'un chanteur et d'autres instrumentistes. Fabriquée autrefois
en écorce de racine d'arbre, la flûte existe aujourd'hui en
aluminium (tuyau de pompe) et en plastic (tube pvc). Mais la
flûte en écorce de racine d'arbre est réputée donner la
meilleure sonorité.
L'histoire des Bella se confond, dans une large mesure, à la
fois avec celle des Tuareg et celle des Sonraï. Cette situation
ne permet pas d'établir une distinction nette entre leurs
différentes productions musicales.
L'instrument principal qu'on trouve chez les Bella est le tende ;
'mortier' en bois qu'on recouvre de peau en cas de besoin. A cela
s'ajoute le bigini, une lamellophone à 7 lamelles de type sanza,
qui semble être d'introduction récente.
La peau du tende est tendue à l'aide de deux pilons parallèles
sur lesquels s'assoient deux femmes dont le poids assure la
tension constante de la peau, humidifiée de temps à autre par
de l'eau. Cet instrument est utilisé seul lors des
manifestations, iswat, organisées pour guérir un malade
possédé par un génie, pour célébrer les bonnes récoltes, le
retour des animaux de transhumance, les fêtes de mariage,
baptême. tabaski, ramadan et maouloud. Le tende peut être
accompagné d'instruments mélodieux (tehardent, emzad) ou du
tambour d'eau pour produire beaucoup d'autres genres musicaux
tant chez les Tuareg que chez les Bella.
Le bigini peut être joué en instrumental ou accompagné du
chant d'un homme. Son répertoire traite de thèmes divers : la
folie, la relation de l'homme aux génies ou aux démons,
l'esclavage passé et le statut d'homme libre d'aujourd'hui, etc.
Le chant guttural, produit en chur et rythmé par les
battements de mains en l'absence de tout instrument, est une des
caractéristiques de la musique des Bella. Le tazingirist,
'permission pour tout faire' fait partie de cette catégorie
musicale exclusivement vocale, très populaire en milieu bella.
Il est produit par les hommes dans le cadre d'une manifestation
visant à dénoncer les cas d'injustice et à assainir
l'atmosphère morale du village ou du groupe de campements. Cette
manifestation est marquée d'échanges de cadeaux: tabac, thé,
sucre, tissu, chameaux, etc.
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